PHILHARMONIE BERLIN 2013-2014: CONCERT À LA MÉMOIRE DE CLAUDIO ABBADO par les BERLINER PHILHARMONIKER (Dir.mus: Sir SIMON RATTLE, Soliste FRANK PETER ZIMMERMANN, violon)

En répétition à Stockholm (Vasa-Museum) © Cordula Groth  (détail)
En répétition à Stockholm (Vasa-Museum) © Cordula Groth (détail)

 

Schubert: Bühnenmusik zum Schauspiel Rosamunde, Fürstin von Zypern D797
Mozart: Violinkonzert Nr.3 G-Dur KV 216
Bruckner: Symphonie Nr.7 E-Dur

Il manquait aux différents hommages musicaux rendus à Claudio Abbado celui des Berliner Philharmoniker qui ont choisi d’honorer la mémoire de celui qui fut leur directeur musical du 8 octobre 1989 (date de son élection) au 13 mai 2002 (date du dernier concert en tant que chef des Berliner, à Vienne) aux dates où il aurait dû diriger comme chaque année les Berliner par un concert Schubert, Mozart, Strauss. En fait un règne de 12 ans commencé de fait par le premier concert en tant de « Chefdirigent »en décembre 1989, et pour l’histoire le 4 septembre 1990, date de la prise officielle de fonctions.

C’est Sir Simon Rattle, l’actuel « Chefdirigent », qui légitimement a dirigé le concert, en changeant le programme : au lieu des poèmes symphoniques de Strauss prévus, il a choisi de diriger la 7ème de Bruckner. Le reste du programme n’a pas été modifié, mais les Berliner ont joué sans chef, podium vide.
Par ailleurs, les Berliner ont édité une brochure d’une petite cinquantaine de pages « Erinnerungen an Claudio Abbado » (Souvenirs de Claudio Abbado),  dédié une jolie exposition dans le foyer de la Philharmonie et programmé la projection ce dimanche à 11h du Film de Bettina Ehrhardt (2001) « Eine Kielspur im Meer – Abbado – Nono – Pollini ».

Philharmonie, 16 mai 2014
Philharmonie, 16 mai 2014

Le 16 mai, tout le monde abbadien ou presque était là : amis italiens, son fils Sebastian, son entourage proche, et le public de Berlin, qui l’aimait tant est venu très nombreux puisque depuis plusieurs semaines les trois concerts prévus étaient complets. Une fois de plus, ambiance étrange que de voir les mêmes arriver à un an de distance, avec les mêmes habitudes, mais sans forcément le même sourire, pour voir le podium vide.
Dire que ce fut une émotion comparable à celle de Bologne, Milan ou Lucerne le 6 avril dernier serait mentir. Mais on ne venait pas chercher une fois de plus des larmes, mais simplement se retrouver tous rituellement et vivre ensemble un concert qui par bien des aspects fut d’une grande retenue et d’une grande tristesse.

Après Schubert...le 16 mai 2014
Après Schubert…le 16 mai 2014

Le Schubert initial (les musiques de scène pour Rosamunde, Princesse de Chypre D797) et notamment la pièce n°5 (entracte après le troisième acte –andantino), joué sans chef donc, avait déjà été joué en mai 2009, et donc répété avec Claudio. 7 minutes 30 de finesse, d’un son d’un pureté diaphane, avec des moments vraiment ineffables : ce fut musicalement et émotionnellement le sommet du concert. Cette pièce, très souvent insérée dans les programmes d’Abbado ces dernières années, avec tel ou tel orchestre, allie un certain lyrisme, une douceur indicible, et permet à l’orchestre de moduler, de jouer sur le volume, sur les différents niveaux sonores et met en avant une profonde sensibilité. Ce fut un grand moment.
Le public ne s’y est guère trompé : après un bref silence, des applaudissements chaleureux de tout le monde debout qui, comme à Lucerne, a fini par applaudir celui qui n’était pas là, longuement, avec ce caractère particulier des applaudissements-hommage, volume égal, pas d’excès, mais interminable.
Abbado aimait le public de Berlin, qui le lui rendait bien (voir l’indescriptible triomphe de la Fantastique de Berlioz l’an dernier) et qui répondait systématiquement à ce qu’il demandait. Désormais, c’est un lieu commun des concerts que le silence final avant les applaudissements. Abbado dès la fin des années 90 fut le premier à l’obtenir du public, on se rappelle notamment le silence extatique qui a conclu Parsifal dans cette salle en 2001.

Frank-Peter Zimmermann (de dos) à la fin du Mozart
Frank-Peter Zimmermann (de dos) à la fin du Mozart

Le concerto pour violon de Mozart n°3 KV 216 en sol majeur est une pièce bien connue pourtant longtemps laissée dans l’ombre, malgré une richesse rythmique, une fraicheur incomparable, tant du côté du soliste que de l’orchestre. L’adagio en particulier et le rondeau final inspiré d’une chanson populaire sont des moments d’une incroyable jeunesse. Frank-Peter Zimmermann n’a pas dirigé l’orchestre, même s’il a en imprimé le rythme et quelques attaques : sans effets virtuoses, avec une simplicité marquée et une certaine retenue, son interprétation est très convaincante. Il arrive à tirer un son extraordinairement clair, suave, et cette modestie globale sert le dialogue avec l’orchestre, qui du même coup s’en trouve valorisé.
Il reste, mais c’était à prévoir, que l’orchestre n’a peut-être pas eu le rythme ou le dynamisme qui correspondait à l’esprit de cette pièce. Le premier violon Daishin Kashimoto est un magnifique technicien, il n’y a bien évidemment aucune scorie, mais l’ensemble reste un peu retenu, et pour tout dire d’une grande tristesse. On dirait que tout est fait pour nous faire sentir l’absence.
Evidemment, chaque fois qu’on revient à la Philharmonie, chaque fois qu’on y réentend dans sa salle, et quelle salle, les Berliner Philharmoniker, on est toujours pris et fasciné par le son, par l’acoustique (c’est très banal de le dire, mais mieux vaut le répéter) incroyable de proximité, par le son parfaitement égal, pas la chaleur générale qui en émane : la Philharmonie est vraiment une salle du bonheur, d’une certaine simplicité : il n’y a rien-là que l’essentiel : on s’y sent bien. Et bien sûr, au-delà des classements médiatiquement payants des orchestres : lequel est le plus grand ? Berlin ? Amsterdam ? Vienne ? Munich ? Tout cela est un peu vain, notamment quand on constate la qualité du son produit, les pupitres solistes et notamment des cuivres et des bois : Stephan Dohr, Emmanuel Pahud, Albrecht Mayer, Dominik Wollenweber, Daniele Damiano. Saluons aussi l’arrivée comme premier violoncelle solo aux côtés de Ludwig Quandt du français Bruno Delepelaire.
On regrette d’autant leur absence du Lucerne Festival Orchestra à partir de 2005 (une règle qui leur a été imposée). Mais la chaleur du son, la perfection technique, la rondeur de l’ensemble laisse toujours pantois.
C’est bien ce qui caractérise le Bruckner qui fait la seconde partie du concert : la perfection orchestrale, un premier mouvement totalement bouleversant, notamment le tout début, parfaits équilibres, le tout mené avec une exactitude et une précision incroyable par Sir Simon Rattle qui n’avait pas la partie facile, et qui est apparu très retenu, moins extraverti qu’à l’habitude. La dernière fois qu’Abbado devait diriger la 7ème de Bruckner avec les Berliner, c’était à Lucerne en 2001. Mais il était malade et c’est Bernard Haitink qui l’avait remplacé.
En dépit de cette perfection technique et d’une exécution incontestable par sa qualité et par son total accomplissement formel, force est de constater qu’il ne passe pas grand-chose d’une émotion vraie. Que l’orchestre se laisse écouter passionnément, mais ne nous (me) parle pas. J’ai parlé d’exécution sur papier glacé, parfaite et luxueuse comme une revue chic, mais sans palpitation aucune (sauf, comme je l’ai dit, au début). Je suis resté sur ma faim, notamment lors du mouvement final et son élévation qui m’a laissé au sol. Une symphonie parfaitement mise au point, parfaitement mise en son, parfaitement en place, mais sans intériorité, ni véritable discours.

Sir Simon Rattle le 16 mai 2014
Sir Simon Rattle le 16 mai 2014

Je n’étais pas au second concert, mais on m’a dit que le Bruckner était plus parlant. Et les musiciens, pendant la première partie sans chef, avaient pris l’initiative d’un bouquet sur le podium.
Claudio n’est plus parmi nous, mais il est toujours dans notre oreille et dans le cœur, mais je ne suis pas sûr qu’il eût apprécié ces hommages répétés très vivement sentis par le public, lui qui disait que le chef n’est rien, mais le compositeur tout. La meilleure manière de le porter en nous, c’est d’aller au concert, de découvrir de nouvelles baguettes, d’écouter et d’aimer la musique, encore, toujours, et partout. [wpsr_facebook]

A Vienne le 13 mai 2002  © Cordula Groth
A Vienne le 13 mai 2002 © Cordula Groth

LUCERNE FESTIVAL PÂQUES 2014 EN MÉMOIRE DE CLAUDIO ABBADO: le 6 AVRIL 2014, LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA (SCHUBERT) dirigé par Andris NELSONS (BERG-MAHLER) avec Isabelle FAUST et Bruno GANZ

La salle, debout, applaudit l''orchestre
La salle, debout, applaudit l”orchestre

Franz Schubert (1797-1828)
«Allegro moderato» de la Symphonie n° 7 en si mineur D 759Inachevée
Friedrich Hölderlin (1770-1843)
Elegie Brot und Wein (Pain et Vin)
Alban Berg (1885-1935)
Concerto pour violon et orchestre A la mémoire d’un ange
Gustav Mahler (1860-1911)
Finale de la Symphonie n° 3 en ré mineur

Dans les saluts que nous échangions, entre amis et connaissances, il y avait de tristes sourires de ceux qui se retrouvent pour témoigner du bonheur que Claudio nous a donné dans cette salle. Nous venions tous pour lui, mais sans lui.
L’initiative du Lucerne Festival Orchestra, qui n’a jamais joué à Pâques a  longtemps été tenue secrète, la présence d’Andris Nelsons, qui la semaine prochaine va diriger le troisième acte de Parsifal (programmé avec lui en 2016 à Bayreuth), la présence d’Isabelle Faust qui reste pour toujours l’interprète magique du concerto de Berg (une exécution à Berlin au minimum mémorable en 2012), tout nous prépare évidemment à un moment d’une intense émotion, d’autant que la nature du programme est en elle-même une épreuve pour l’auditeur fidèle des concerts de Claudio.
D’abord, l’ «Allegro moderato» de la Symphonie n° 7 en si mineur D 759 Inachevée, qui fait partie du dernier programme dirigé par Claudio à Lucerne pour ses trois derniers concerts, exécutée sans chef, c’est à dire sans doute avec les partitions annotées par les musiciens lors des répétitions de Claudio ; quand on se souvient de ce moment d’une intense tristesse en août dernier, de ce Schubert déjà vécu comme un adieu, on a déjà le cœur serré.
Ensuite, le concerto pour violon de Berg, à la mémoire d’un ange, par Isabelle Faust, comme à Berlin avec les Berliner Philharmoniker: quand on se souvient de ce moment suspendu, d’une poésie ineffable : « Isabelle Faust est incomparable de légèreté, de discrétion, de maîtrise du volume sonore, son approche lyrique est à elle seule un discours, l’approche du chef épouse avec une telle osmose celle de  la soliste, qu’on a l’impression qu’elle est le prolongement de l’orchestre: il n’y a pas de dialogue soliste/orchestre, il y a unité “ténébreuse et profonde”, les sons ne se répondent pas, ils se prolongent les uns les autres, ils composent comme un chœur inouï. Oui, ce Berg est phénoménal et le deuxième mouvement, dont les dernières mesures sont à pleurer d’émotion, est un chef d’œuvre à lui seul. Quel moment! » (Concert du 11 mai 2012)

« Le concerto pour violon fut, comme vendredi, phénoménal par moments, avec un second mouvement d’une tendresse à vous serrer le cœur. C’est bien d’ailleurs ce qui m’a pris, tout au long du concert, avec des moments où mon cœur battait très fort, même en attendant les moments d’émotion éprouvés le vendredi, tout a recommencé…et Abbado, à la sortie, disponible pour la trentaine de personnes qui l’attendaient à sa voiture, a signé de nombreux autographes, en souriant, disponible, détendu comme on ne l’avait pas vu depuis longtemps. » (Concert du 13 mai 2012).
J’ai tenu à citer les comptes rendus écrits à l’époque dans le blog auxquels les lecteurs peuvent se reporter, pour faire remonter le souvenir quasi inénarrable de ces moments. La présence dans le programme de ce concerto montre à la fois l’importance qu’il put avoir pour Isabelle Faust (qui l’a enregistré avec l’Orchestra Mozart sous la direction de Claudio),et illustre aussi le drame de l’absence, de cette absence partagée qui fait que nous sommes là aujourd’hui:  on ne peut évidemment pas échapper à l’expression « à la mémoire d’un ange » qui à cette occasion pointe Claudio…

Dans le programme aussi, un texte d’Hölderlin, un poète que Claudio adorait, à qui il a dédié un projet à Berlin, et qui sera dit par Bruno Ganz, le complice des projets berlinois, qu’on vit aussi à Lucerne : l’immense acteur était très lié à l’immense chef, et Claudio cita ce texte lors d’un échange avec Ganz dans ses dernières semaines,
Enfin, le dernier mouvement de la Symphonie n°3 de Mahler, « ce que me conte l’amour », comme Mahler avait écrit au départ à son propos, immense monument d’apaisement, comme si l’âme trouvait l’amour dans une sorte de mouvement inscrit déjà dans l’éternité, mais qui laisse aussi percer comme toujours chez Mahler, la mélancolie et une indicible nostalgie. Cette symphonie exécutée à Lucerne l’été 2007 fut un des sommets du cycle Mahler avec le LFO. Mais Claudio dut renoncer à cause de sa santé à la tournée newyorkaise et en octobre 2007, ce fut Pierre Boulez qui monta sur le podium du LFO pour une soirée inoubliable qui restera aussi dans les mémoires de Carnegie Hall.
Tous ces souvenirs mêlés étreignent déjà et ce concert en mémoire de Claudio souligne la béance de ce manque, qu’enfin nous réalisons : ne dirigeant jamais l’hiver, Claudio reprenait ses activités en mars ou avril. Cette année, il ne sera pas là…et, il y a un an, à Lucerne, il était parmi nous, en forme, dans un concert mémorable où avec Martha Argerich il avait enivré la salle.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de faire un compte rendu, il s’agit peut-être une dernière fois, de communier pleinement dans ce souvenir, tous ensemble, tout ce public venu essentiellement parce que dans cette salle il  a vécu d’indescriptibles moments sous la magie de Claudio et qu’il veut avec le LFO revivre quelque chose de cette magie là.
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Voilà les quelques lignes que j’avais déjà écrites quelques heures avant le concert.
Il est 22h40, en ce 6 avril 2014, il y a déjà 4h que ce moment incroyable s’est terminé, et je ne peux le rappeler sans que les larmes ne me viennent encore, comme pendant ces quasi deux heures où, comme dans un de ces miracles que seuls l’art et la musique peuvent susciter, Claudio Abbado était parmi nous, n’a pas cessé d’être au milieu de nous, invisible, absent et pourtant tellement là : il fallait voir les musiciens, qui presque tous étaient là, de Wolfram Christ à Diemut Poppen, de Lucas Macias Navarro à Jacques Zoon, d’Alois Posch à Raphael Christ,  jouer pour lui, présent dans les cœurs, pour être avec lui encore une fois, pour son sourire. Comme le dit dans le programme Reinhold Friedrich le trompettiste jovial (qui le matin même avait donné un beau concert avec l’organiste Martin Lücker), « le plus beau cadeau, c’était pouvoir rencontrer son regard joyeux ». Ce regard joyeux, comme il a dû l’avoir en cette fin d’après midi, tant orchestre et salle étaient en communion totale, tous là projetés par l’esprit et par la musique dans ce regard là, auquel nous ne cessions de penser, tant ce que nous entendions était lui. Le Lucerne Festival avait fait les choses justes, sans ostentation, ni photos géantes, ni projection d’un portrait dans la salle: seulement l’ordinaire (si l’on peut dire…), seulement la musique, comme  Claudio sans doute l’aurait voulu.
Dès l’Inachevée, et ce premier mouvement, allegro moderato exécuté sans chef, avec le podium vide nous avons été replongés en août dernier.
Il était là, indiscutablement : il suffisait d’entendre la douceur ineffable des premières mesures, un son à peine audible surgi du néant que seul Claudio pouvait obtenir d’un orchestre. Il fallait voir Sebastian Breuninger, le premier violon (il appartient au Gewandhaus de Leipzig), jouer et regarder l’orchestre, d’un petit geste du corps souligner quelque attaque, pour comprendre de quelle concentration tous ont fait preuve pour lui offrir une telle exécution, qui nous disait quelque chose, qui avait une ligne ferme, des nuances, des modulations, des couleurs dictées par un esprit absent auquel tous nous pensions. Et déjà en fixant ce podium désespérément vide, marquant l’irrémédiable absence, et en écoutant dans la musique sa présence, son incroyable présence, les larmes coulaient, d’émotion, de tristesse mais aussi de cette joie profonde que seule la musique me donne lorsqu’elle me semble venir d’ailleurs…
Par bonheur, aucun applaudissement n’est venu interrompre cette magie aussitôt suivie par la voix éraillée de Bruno Ganz surgi du fond de l’orchestre lisant Elegie Brot und Wein de Hölderlin

Rings um ruhet die Stadt; still wird die erleuchtete Gasse,
Und, mit Fackeln geschmückt, rauschen die Wagen hinweg…

Ce fut un moment de pure parole, dans la musique du vers de Hölderlin célébrant les noces du paganisme et du christianisme,  des mystères de Dionysos et de Demeter et de l’Eucharistie, se résolvant dans la paix de la nuit qui ouvre et qui ferme le poème.
Il y a quelque chose de profondément païen dans la certitude que dans cette salle ce soir, vibre partout un esprit qui circule, anime et bouleverse en même temps musiciens et auditeurs. Car les musiciens jouent à l’évidence pour lui, comme s’il était là, parce qu’il est là, parce que nous sommes tous autour de lui.
Nous étions tous pris dans un enthousiasme commun, enthousiasme au sens premier de possession par Apollon ou Dionysos, et cette possession, on ne peut la prendre pour de l’excès, elle était authentique, générale, partagée, bouleversante.
Apollonienne aussi l’exécution qui suivit du concerto de Berg « à la mémoire d’un ange » dans une interprétation ineffable, indicible, d’Isabelle Faust, qui a créé d’incroyables sons, tour à tour à peine perceptibles (le début !), jamais brutaux, jamais autre chose que pure délicatesse ou pure poésie, dialoguant avec un orchestre en état de grâce mené avec une attention millimétrée par Andris Nelsons. Des sons nés au violon se prolongeant dans tel ou tel pupitre, des sons nés de l’orchestre se prolongeant au violon : le début à lui seul est un enchantement. Il y a là une retenue, un sens des équilibres, une installation totale de la poésie à l’orchestre et chez la soliste, avec par moments une légèreté presque aérienne, qui nous fait voler et par moment une tension qui serre le cœur, celle née de l’irrémédiable. Isabelle Faust est vraiment pour moi la seule aujourd’hui qui réussisse à proposer une vision de cette œuvre dans ses contrastes, à la fois éthérée, aérienne et pleine du malheur terrestre, avec ses moments de refus, d’amertume, presque sarcastiques. On se souviendra longtemps de ce son infini du violon qui clôt le concerto, jamais peut-être aussi légèrement et fermement exécuté, au point qu’un long silence a ponctué cette fin.
Pour couronner ce moment, un finale de la 3ème de Mahler totalement bouleversant. Dès les premières mesures, les larmes viennent, dès les premières mesures, le cœur bat, et dès les premières mesures aussi, on sent dans l’orchestre un incroyable engagement, et une volonté du chef de laisser l’orchestre respirer, parler, raconter. Andris Nelsons dans les deux moments extraordinaires qu’il a dirigés (Berg et Mahler) n’a jamais imité ou chercher à faire comme Abbado, c’est un son qui par sa plénitude, par son intensité, par sa grandeur, et par sa singularité, lui appartient totalement, mais en même temps, c’est une approche en phase avec ce que nous attendons, sans emphase, sans pathos, avec un souci d’accompagner l’orchestre comme si c’était l’orchestre qui avait à nous dire des choses et que Nelsons n’en était que l’exégète.
Il en résulte une vision, d’une inimaginable puissance émotive, des dizaines de personnes ont en main leur mouchoir, d’autres ont la tête dans les mains, je ne voyais moi-même plus qu’à travers des larmes qui coulaient sans cesse. Non pas les larmes de l’absence, mais celles de l’émotion partagée, de cette communion profonde qui a saisi la salle dans ce silence des moments saisissants, celui où personne ne tousse plus, ne bouge plus, celui où chacun est à la fois en soi et livré à ce moment fabuleux qui étreint totalement.
Immense moment, conclu par un très long silence, interrompu par quelques applaudissements vite réprimés, silence imposé par le chef, et par l’immobilité suspendue de l’orchestre, silence où tous nous pensions à Claudio, suivi enfin par de très longs applaudissements, nourris, avec la salle spontanément debout qui applaudissait de manière soutenue, mais jamais tonitruante, de ces applaudissements d’où s’est modestement effacé Andris Nelsons, 36 ans, qui a démontré ce soir non seulement qu’il était un grand chef- nous le savions- mais qu’il était aussi un être d’une rare élégance. Aucun souci de protagonisme, c’est l’orchestre qu’il a mis sans cesse en avant, et derrière lequel il s’est noyé pour saluer.
Mais voilà, lorsque Sebastian Breuninger, le premier violon, entendant ce long applaudissement continu, intense, profond, et comprenant qu’il s’adressait aux musiciens mais aussi à l’absent, a éclaté en sanglots, comme bien d’autres membres de l’orchestre, en larmes eux aussi, (il a accompagné certains pendant toute leur carrière) alors, doucement, Andris Nelsons l’a pris, et a décidé de faire sortir l’orchestre. L’applaudissement a accompagné cette sortie et a continué longuement à scène vide : nous applaudissions tous Claudio, nous applaudissions à sa présence d’une si grande intensité ce soir, et nous applaudissions à ce moment sublime de communion vécu, nous applaudissions les artistes, nous applaudissions nos souvenirs et nous applaudissions cette musique qui ce soir n’était que don presque mystique. C’était le dernier concert de Claudio Abbado…
Je n’ai jamais vécu cela, jamais. Et donc encore une fois, grazie Claudio !
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PS: Le concert a été retransmis dès ce soir par la TV suisse, il le sera aussi par ARTE un peu plus tard et le 10 avril, par la radio suisse.

Claudio-Abbado

UN MOIS APRÈS…CESARE MAZZONIS ÉVOQUE CLAUDIO ABBADO

abbado2Un mois déjà que Claudio Abbado nous a quittés.
La vie a repris, certes. Mais j’ai mis du temps à réaliser que la musique n’aurait plus le même goût; qu’il n’y aurait plus cette excitation à aller vérifier comment ce diable d’homme allait encore une fois nous surprendre, nous prendre à revers, nous emmener là où on ne pensait pas aller. J’ai croisé pendant ce mois amis et musiciens qui le connaissaient, et nous étions tous un peu dans une sorte d’errance voire dans une attente un peu brumeuse, un peu perdue, et une énorme tristesse. Par chance, il n’avait dirigé aucun des opéras vus ce dernier mois et donc point de souvenir ni de comparaison.
Aujourd’hui est paru dans une revue italienne de culture très sérieuse  Il Mulino, une interview à Cesare Mazzonis sur Claudio Abbado.
J’ai un très grand respect pour Cesare Mazzonis, l’un des grands managers de l’opéra  de la musique en Italie, un authentique homme de culture, d’une rare finesse. Je l’ai cité dans mon compte rendu de Coeur de Chien (voir le blog) puisqu’il est l’auteur du livret. Je renvoie les italophones au texte original, et je me suis décidé à le traduire, car c’est un bel hommage, très juste, et très simple. Juste ce qu’il fallait pour Claudio.

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Traces
Cesare Mazzonis évoque un génie italien atypique, à un mois de sa disparition.
La Renaissance musicale de Claudio Abbado

La mort de Claudio Abbado a marqué un vide dont il ne semble pas facile de définir les proportions. Ainsi, encore, une aura d’ impénétrabilité continue de protéger le musicien milanais, avec cette même réserve qui lui fut familière dans la vie, un maestro en undestatement entendu comme accomplissement exclusif de la musique, presque comme si elle suffisait à parler pour lui. Maintenant que la musique se tait, la rencontre avec qui l’a  connu si longtemps et de près représente donc l’occasion de raconter Abbado dans une dimension proche du réel, en intégrant dans la même figure le génie incomparable et un homme d’une simplicité cohérente au quotidien, effleuré par la spontanéité candide d’un jeune homme malgré l’avance de l’âge et de la maladie.
Cesare Mazzonis a rencontré Claudio Abbado il y a plus de trente-cinq ans. Les deux ont commencé à collaborer à la Scala au début des années 80, quand l’un en était le directeur artistique et l’autre le directeur musical. Né en 1936 à Turin, Cesare Mazzonis est maintenant directeur artistique de l’Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI  de Turin et de l’Accademia Filarmonica Romana. Parmi les nombreuses fonctions prestigieuses qu’il a eues tout au long de son parcours sur les chemins de la musique, limitons-nous à mentionner les débuts à la direction de la Musique de la RAI en 1967, puis la direction artistique de l’Orchestre de la RAI de Rome dix ans plus tard, les douze ans à la direction artistique du Teatro alla Scala, suivis des dix ans à la tête du Mai Musical Florentin. Depuis les années de Milan son dialogue avec Claudio Abbado ne s’est jamais interrompu, si bien qu’en 2006 Abbado l’a sollicité pour être consultant artistique de l’Orchestra Mozart, fondé à Bologne deux ans avant. Avec Mazzonis on pourrait parler d’Abbado pendant des journées entières si bien que la première question surgit au hasard du kaléidoscope de cette vaste mémoire.

Quelle est la première photographie qui renvoie à tant d’années d’amitié?
C’est une image complexe. Qui ne voit pas seulement l’artiste éthéré des dernières années, éprouvé par la maladie et engagé dans une recherche extrême de son et de pureté formelle essentiellement appliquée au répertoire symphonique allemand. Dans cette image surgit aussi le grand interprète de l’opéra italien, qui se divertissait avec la musique. Je me souviens par exemple quand, en tournée au Japon avec Il barbiere di Siviglia, il s’amusait avec Enzo Dara à lancer et relancer son chapeau du podium, pendant des dernières représentations. Ce n’était pas un bavard par nature, et avec la maladie, il était encore devenu plus fuyant. mais avant ces dernières années qui l’avaient affaibli physiquement, Claudio nageait, jouait même au foot; et ce qu’il ne perdit jamais de toute manière, ce fut le plaisir de faire des expériences -et même de blaguer!- avec les jeunes; avec eux il se sentait vraiment à son aise. Il se laissait aller avec l’espièglerie d’un enfant heureux.

Un artiste sévère et un homme gai alors?

Sa gaieté particulière m’a particulièrement ému quand il est revenu diriger à Florence en 2002, après avoir été frappé par le cancer et avoir affronté une opération qui l’a douloureusement marqué . Il était maigre comme un clou, et avec une  volonté incroyable à la même période, il était sur ​​le point d’affronter Parsifal au Festival de Pâques de Salzbourg. Il mangeait très peu, dans sa loge il avait avec lui un peu de banane et un morceau de chocolat. Après le concert, nous nous sommes retrouvés avec Zubin Mehta dans les coulisses à attendre qu’il réapparaisse … et voilà que sous les applaudissements réapparut cet être menu, presque transparent, qui rayonnait comme un enfant. Je me tournai vers Zubin qui n’est pas vraiment du genre sentimental … il avait les larmes aux yeux.

Probablement s’est il pris de passion pour le projet des orchestres vénézuéliens de José Antonio Abreu aussi par cette capacité qu’a la musique à sauver la vie …

Certainement l’exemple du Venezuela savait toucher la corde de l’humanité qui pour Claudio était indispensable à l’expérience musicale. Abbado a toujours affirmé le rôle social de la musique. Et de la culture en général. Malgré tout, malgré le moment présent qui n’est pas facile pour l’Italie, il regardait toujours le futur avec confiance, quelquefois même avec un regard utopique. Il nourrissait toujours l’espérance que ses projets se réaliseraient. Projets comme la construction d’un nouvel auditorium à Bologne, ou comme les 90000 arbres à planter à Milan . Lui voyait tout ça déjà réalisé, grâce à un sens visionnaire extraordinaire, qui représentait un stimulus d’une force  exceptionnelle pour sa créativité. Pendant notre collaboration à la Scala, il a conçu des cycles musicaux pour le moins pionniers à cette époque là: une rétrospective entièrement dédiée à Moussorgsky, une autre à Debussy, comprenant des oeuvres comme La Chute de la Maison Usher ou Rodrigue et Chimène. Et puis, à Berlin ou à Vienne, il  a créé des Festivals dédiés à la figure de Prométhée ou Faust, pour lier musique, arts visuels, littérature. Tous ensemble. Voilà, lui s’enthousiasmait pour cette capacité à mettre en lien et pour ce pouvoir fortement attractif de la culture.

Son processus créatif était-il méthodique ou impromptu?

Abbado avait ces deux qualités. Il se réveillait chaque matin avec une idée nouvelle, en proie à une activité imaginative fébrile, soutenue cependant par un très grand sens du concret. Claudio était animé par la vision et la volonté. À la Scala, il travaillait comme seule une personne très sérieuse pouvait le faire, et avec la même ténacité avec laquelle il a donnait suite à ses idéaux humanistes et sociaux, il étudiait l’ensemble de la connaissance musicale. Mais quelquefois, il avait besoin de s’isoler. Alors il allait à Alghero en Sardaigne où sa maison était un endroit précieux pour penser. Plus récemment,  l’hiver, il se réfugiait aux Caraïbes.

Quels  sujets le passionnaient, outre la musique?

Il avait des intérêts multiples. Il aimait la photographie, la littérature, recevait un nombre impressionnant de livres, il souffrait d’insomnies, et disait qu’il en profitait pour s’adonner à la lecture. Il avait une grande admiration pour Elias Canetti.

Abbado était vraiment le taiseux qu’il semblait être? 

Il n’était jamais trop direct. Il parlait par litotes, mais il réussissait à avoir une autorité impeccable sans jamais être autoritaire. L’éducation, la forme, c’était des enseignements qu’il avait bien hérités de son père. Ainsi élevait-il rarement la voix; il résultait extrêmement exigeant, mais avec élégance. Surtout avec les musiciens.

Selon vous, quels sont les traits musicaux qui rendaient immédiatement reconnaissable le son d’Abbado?

L’extrême clarté avec laquelle il dévoilait la partition à travers l’acte de la concertazione. Je pense par exemple au changement des couleurs des Berliner Philharmoniker au moment du passage de témoin avec Karajan.  Si ce dernier imprima une sonorité extrêmement sensuelle et hédoniste à l’orchestre, Abbado savait révéler un cadre parfaitement lisible, exprimé avec une lucidité cristalline. Son geste inspirait un parcours de clarté vers l’essence de la musique, débarrassé de tout artifice accessoire ou excessif.

Il a été souvent assimilé aux plus grands musiciens de la tradition européenne. En revanche, où se révélait son caractère italien?

Abbado était certainement un italien très atypique, mais il l’était profondément, comme Italo Calvino. Par la légèreté du geste, par la limpidité de la pensée. Il aimait l’Italie, rêvait de changements radicaux. Je me souviens quand il réfléchissait à comment on pouvait faire arriver l’eau au Sud…Il espérait toujours que notre pays puisse devenir un peu plus sérieux.

Quels amis lui furent particulièrement chers?

Il eut beaucoup d’amis spéciaux et pas seulement dans la musique. Avec Roberto Benigni et sa femme Nicoletta, c’était une amitié très vive, ils partagèrent aussi beaucoup de beaux moments à Alghero et Roberto qui connaissait bien les goûts de Claudio, lui fit cadeau de plantes magnifiques. Parmi les amis plus spéciaux connus les dernières années, il y avait aussi Roberto Saviano(1). Je me souviens que l’écrivain,  protégé par son escorte, vint plusieurs fois suivre les répétitions à Rome, à l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, et au San Carlo de Naples.

Qu’est ce qu’il nous a laissé de plus important?

Deux aspects principalement: le sérieux avec lequel affronter le travail , l’approfondissement continu de chaque partition, jusqu’au détail en apparence le plus minime et le désir de porter la musique aux jeunes, avec la fondation de nouveaux orchestres sur le modèle de l’Orchestre Mozart à Bologne.

Comment naquit le projet de l’Orchestre Mozart?

De l’idée de pouvoir réaliser la musique comme il la pensait. Avec les jeunes il aimait travailler sans règles fixes, les temps de répétitions étaient décidés ensemble, selon les exigences demandées par la préparation de chaque programme singulier. Et à Bologne il se sentait bien. Il aimait cette ville à dimension humaine, qu’il pouvait observer de sa maison qui donnait sur une vue splendide du centre historique, à Piazza Santo Stefano. Près de la basilique où a été dressée la chapelle ardente et où se sont déroulées les funérailles, dans la stricte intimité familiale. Le moment de l’adieu aussi s’est distingué par l’absolue sobriété abbadienne: Claudio s’en est allé dans une intimité austère, accompagné de la musique jouée par ses amis, entouré de quatre très beaux bouquets de tournesols. Rien d’autre. Aucun geste de Diva, aucune attitude hors de proportion. Dans le respect de quelqu’un qui parlait peu, ne faisait pas de discours et donnait rarement des interviewes. Un homme qui ne nous a laissé qu’un message de musique.

(1)Roberto Saviano, auteur de Gomorra sur la Camorra napolitaine, et depuis protégé par une escorte
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Cesare Mazzonis
Cesare Mazzonis

L’HOMMAGE DE LA SCALA ET DE MILAN À CLAUDIO ABBADO. QUELQUES RÉFLEXIONS.

Milan, 27 janvier 2014
Milan, 27 janvier 2014

Le 27 janvier, j’étais à Milan.
N’ayant pu me rendre à Bologne, j’ai pu me libérer pour assister à cette cérémonie (voir la vidéo) dans la grande tradition scaligère, qui associe la ville (la “Cittadinanza”) et son théâtre, lors de l’hommage à un de ses directeurs musicaux disparus: Arturo Toscanini, Victor De Sabata, Gianandrea Gavazzeni eurent droit à cet hommage, c’est au tour de Claudio Abbado. L’Orchestre du théâtre joue dans une salle vide et ouverte sur la place . Cette fois-ci, sur la scène, le directeur musical , Daniel Barenboim, qui comme on le sait était un ami de longue date de Claudio,  dirigeait non pas l’orchestre de la Scala mais la Filarmonica, fondée par Claudio Abbado sur le modèle du Philharmonique de Vienne en 1982.
Daniel Barenboim et les musiciens ont donné une interprétation impeccable et très sentie de l’adagio de la Symphonie n°3, Eroica, de Beethoven, “à la Furtwängler”,  cher au coeur de Barenboim, pleine de solennité, pleine de grandeur, même au moment du fugato central, qui gardait cette monumentalité qui a bouleversé beaucoup d’auditeurs, des auditeurs silencieux, très divers: on y reconnaissait évidemment des amis, des connaissances, des spectateurs vus à la Scala (si l’on excepte les touristes et les mélomanes étrangers, 75% du public est milanais, et qui fréquente régulièrement cette salle prend vite ses repères), mais aussi des familles, des étudiants, des “anonymes” comme on dit. On entendait autour de soi “rinascità di Milano”, la renaissance de Milan, comme si, serrés autour de la mémoire de Claudio Abbado, les habitants se retrouvaient pour célébrer la ville, et pour célébrer celui qui, pendant dix-huit ans entre 1968 et 1986, en a été l’une des gloires, adulé par beaucoup, mais aussi très contesté par d’autres: la lecture de la presse de l’époque rendrait compte de l’extraordinaire violence des attaques dont il fut l’objet.
En tous cas il fut une figure à un moment où Milan, avec Paolo Grassi, Giorgio Strehler, Claudio Abbado, dictait à l’Italie sa couleur culturelle, notamment dans le spectacle vivant et où les institutions milanaises s’exportaient: on se souvient des tournées à l’Odéon du Piccolo Teatro, mais aussi de l’accord signé entre Paolo Grassi et Rolf Liebermann pour un échange régulier de productions. On a vu à l’époque à Paris et pour des raisons bonnes ou mauvaises Simon Boccanegra (Strehler, Scala), Wozzeck (Ronconi, Scala), Madama Butterfly (Lavelli, Scala), L’enfant et les sortilèges (Lavelli, Scala) tandis que Paris a envoyé Lulu (Chéreau, Boulez) au cours d’un Festival Berg qui fut l’unique événement notable de véritable échange entre les deux théâtres. Il est vrai que la réaction négative de Claudio pendant le Simon Boccanegra (il avait publiquement dit le mal qu’il pensait de l’orchestre) et la perte d’influence de Rolf Liebermann, qui n’était plus en cour auprès de la présidence de la République furent pour beaucoup dans le relatif échec de cette politique. Il reste qu’à Milan, et jusqu’à la fin des années 80 et le début de mani pulite, l’argent coulait à flot et les initiatives culturelles étaient assez nombreuses et spectaculaires, l’époque Abbado en a évidemment profité. C’est un peu ce souvenir qui flottait, un souvenir évidemment magnifié par l’émotion et la présence de nombreux nostalgiques de ce mythique Âge d’Or.
Ce fut une grande époque, mais aussi une époque féroce de luttes idéologiques, dont il reste des traces aujourd’hui: Claudio Abbado, homme de gauche, compagnon de route du PCI (Parti Communiste Italien) alors et toujours proche du PD (le Partito Democratico) n’avait plus depuis longtemps joué en usine, non plus que Maurizio Pollini, mais reste un chiffon rouge pour certains crétins: voir le titre du Il Giornale (le quotidien de Berlusconi) de ce jour qui traite Abbado de bacchetta rossa (baguette rouge)

claudio-abbado-il-giornale-prima-paginaou l’article infecte du journal Libero par un critique qui se cache sous un pseudo, qui l’attaque sur Cuba. Épiphénomènes, d’autant que les opinions bien connues d’Abbado et qu’il a toujours affirmées n’ont jamais interféré sur sa manière de faire de la musique qui elle n’est ni de gauche ni de droite. Quant à ceux qui soutiennent que c’est parce qu’il est de gauche qu’on l’honore de cette manière, laissons les nager dans leur bêtise ou leur crasse.
En tous cas, je pense que les journaux de la droite italienne ont vu non sans agacement 8000 à 10000 personnes se réunir sur la Piazza della Scala autour du chef disparu. Un tel rassemblement montre aussi quelle relation Claudio Abbado avait noué avec le public, et quelle image il avait dans la population qui ne fréquente pas forcément les salles de concert, mais qui était là ce lundi soir.
Car c’est bien là la particularité de ce chef: à la fois discret, voire fuyant, et en même temps capable de déchainer des enthousiasmes infinis et une admiration presque détachée de son activité.
On a croisé hier bien des amis, mais aussi des spectateurs connus comme “mutiani” car l’Italie sait avec génie structurer sa population en différents courants, ou clans: Abbado était lui même un tifoso du Milan AC (bien que Berlusconi en soit le propriétaire), quand d’autres soutiennent l’Inter. Cela semble en France un peu baroque, mais en Italie l’union autour du club de foot qu’on soutient a du sens. Sur ce modèle, le public de la Scala s’est au long de son histoire divisé en callassiani et tebaldiani,  en abbadiani et mutiani, demain sans doute (cela commence déjà depuis la nomination de Chailly comme directeur musical) en chaillyani et gattiani. C’est la vie pittoresque de ce théâtre, qu’ailleurs on arrive difficile à se représenter et comprendre. C’est cette réalité qui a permis aux abbadiani itineranti, lundi très nombreux, d’ailleurs objet d’un regard plutôt condescendant de notre presse musicale bien pensante, de se développer à l’ombre de Claudio. Quelqu’un l’a sussuré à la radio lors de la table ronde organisée par France Musique l’autre vendredi en disant “gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge”. Mais Claudio lui-même avait donné son placet à la création de ce club, et a continué jusqu’aux derniers jours à entretenir les contacts de manière suivie, tout simplement parce que les rapports avec lui étaient simples et amicaux et touchaient tous les sujets, il ne se gardait pas tant que ça de ses dangereux amis…
J’ai écouté d’ailleurs avec attention cette intéressante table ronde, podcastable. Je ne suis pas familier des rares choses que disent ou écrivent les journalistes français sur Claudio Abbado et j’ai parcouru d’assez loin ce qui s’est écrit en France . Je lis plutôt les grandes références de la presse de langue allemande qui l’ont toujours suivi : Frederik Hanssen (Tagesspiegel), Manuel Brug (Die Welt) et surtout Wolfgang Schreiber (Süddeutsche Zeitung) et Peter Hagmann (NZZ).
J’étais donc très curieux d’entendre une table ronde que j’ai trouvé passionnante surtout par ce qu’elle disait en creux. En creux, elle disait l’étrange rapport de Claudio Abbado avec la France: rien d’inexact, des remarques justes, et en même temps des références plutôt anciennes, qui me faisaient penser à ce qui se disait de lui dans les années 80, notamment pour ses concerts ou ses disques symphoniques, notamment pour sa froideur; quelqu’un a même parlé de “feu glacé”, oxymore que nos 10000 personnes présents lundi à la Scala apprécieront: se déplace-t-on à 10000 pour vingt minutes d’hommage à un “feu glacé”?
Ainsi, en ce qui concerne l’opéra, à part les années Scala et Verdi, peu ou pas de références: j’ai écrit quelque part dans ce blog qu’Abbado a longtemps été pour les français le chef verdien par excellence et j’ai entendu  plusieurs fois par les journalistes présents rappeler l’équation chef italien= répertoire italien: entre Verdi, Rossini, Donizetti, Bellini, Abbado a dirigé tout de même des phares du répertoire, même si les participants ont noté qu’il n’avait pas dirigé Puccini. Certes, mais je peux assurer qu’il en avait caressé l’intention.
Mais c’est à la suite d’un concert Brahms particulièrement heureux que les Berliner Philharmoniker l’ont élu et c’est plus sur Mahler qu’il a construit sa légende, notamment à la fin de sa carrière…
On a parlé à la radio de Verdi et Rossini mais les Wagner et les Mozart, Berg et Debussy n’ont pas été même évoqués, l’exhumation de Fierrabras de Schubert à Vienne passée sous silence, comme si cela ne correspondait pas à l’image qu’on voulait transmettre de lui. Et même à la Scala, Abbado a dirigé, outre Verdi, Bellini, Berg, Gabrieli, Debussy, Donizetti, Manzoni, Moussorgski, Mozart, Nono, Prokofiev, Rossini, Schönberg, Stravinski, Wagner. Réduire à Verdi/Rossini reste un peu limitatif, sinon vraiment erroné.
Autres approximations: on a évoqué en lui le “grand bourgeois” qui savait manœuvrer. Là aussi, on tombe dans le cliché, sans comprendre vraiment sa manière d’aborder les choses. Claudio Abbado est issue d’une famille de la bourgeoisie moyenne cultivée: c’est l’évolution de sa carrière, mais aussi le mariage de sa sœur Luciana avec Luigi Pestalozza, musicologue, historien de la musique, mais aussi partisan pendant la guerre et très lié au Parti Communiste qui font que la famille Abbado va pendant un temps être une référence dans la vie musicale milanaise, avec le frère Marcello au conservatoire G.Verdi, la sœur Luciana aux éditions Ricordi, et Claudio à la Scala: c’est plus une famille de bonne bourgeoisie de gauche (“radical chic” dirait-on en Italie) que véritablement de la grande bourgeoisie, mais en revanche elle pouvait assurément apparaître aux yeux des adversaires comme un clan qui verrouillait les activités musicales milanaises: il reste que Luciana Pestalozza a fait beaucoup pour la musique contemporaine à Milan et qu’au moins , comme les participants l’ont justement rappelé,  Claudio a de nombreuses fois laissé le pupitre très symbolique de la Prima du 7 décembre à des collègues: Votto (1969-70), Gavazzeni (1970-71, 1972-73), Böhm (1974-75), Kleiber (1976-77) – ils étaient très amis, Claudio portait sa montre-, Maazel (1980-81, 1983-84, 1985-86) et Muti (1982-83),  ont ouvert des saisons à la Scala .
Autre raccourci: l’habileté supposée de Claudio Abbado à gérer les arcanes de la vie milanaise. Les liens qu’il avait avec le parti communiste, mais aussi avec le parti socialiste (Paolo Grassi, sovrintendente de la Scala et son successeur Carlo Maria Badini) suffisaient dans une Italie dominée par des clans et des appuis partisans: il n’avait pas à se mouvoir. Il suffisait de vouloir pour obtenir.
De toute manière Claudio a toujours fait ce qu’il a voulu, et les faits sont têtus (comme lui): quand ils lui ont résisté, il est parti. Il est parti de la Scala quand il a senti des résistances dans l’orchestre travaillé par d’autres voix, il est parti de l’Opéra de Vienne quand la mort de Klaus Helmut Drese le Generalintendant de Vienne, avec qui il avait construit son projet,  a amené à la tête de la Staatsoper Eberhard Wächter et Ioan Holänder qui n’avaient pas du tout en tête le même projet,  il a annoncé son départ de Berlin peu après que le Spiegel eut fait état d’une fronde chez les berlinois, dont certains lui ont toujours été hostiles, (mais Guy Braunstein, ex-premier violon et Ludwig Quandt, violoncelle solo des Berliner portaient son cercueil) il a renoncé à diriger les viennois (mais Alois Posch, ex contrebasse solo des Wiener et contrebasse solo de Lucerne Festival Orchestra et de l’Orchestra Mozart portait son cercueil) lorsque les Wiener Philharmoniker ont refusé de changer leur organisation à Salzbourg pour qu’il puisse diriger tout le temps les mêmes musiciens (pour Tristan et Così fan tutte). S’ajoute à ce dernier point qu’à Salzbourg il se méfiait de Gérard Mortier et surtout n’était pas convaincu par le metteur en scène Hans Neuenfels dans Così fan tutte. Il est donc parti, en un communiqué de presse paru le 1er janvier 2000 !
Oui, il ne luttait pas, mais s’il sentait qu’il n’y avait plus consensus pour comme il le disait “faire de la musique ensemble”, ou simplement, faire les choses comme il l’entendait et comme il en avait envie, il partait ailleurs. D’ailleurs, son départ de Berlin marqua la fin de sa collaboration régulière avec des orchestres institutionnels qui ne correspondaient plus à ce qu’il attendait, après sa longue carrière.
Après Berlin, il ne dirigea que des orchestres qu’il connaissait, ou dont il avait plus ou moins choisi la composition, le Lucerne Festival Orchestra, le Mahler Chamber Orchestra (avec qui il a continué une collaboration au moins annuelle) et l’Orchestra Mozart, qu’il composait autant que de besoin, et une fois par an, les Berliner,  faisant du rendez-vous de mai un des grands moments de chaque saison .
Lorsqu’un chef de cette trempe meurt, il est évident qu’il faut revenir sur l’ensemble de la carrière, et l’on remarquera que son comportement fut singulier dès le début: pouvait-on alors ignorer qu’à 32 ans il imposa pour sa première apparition à Salzbourg (14 août 1965) la symphonie Résurrection de Mahler, au lieu d’un programme Cherubini que voulait Karajan? Et il imposa Wozzeck (en version originale) à la Scala dès 1971 dans un théâtre qui dix sept ans avant  en avait hué  la création à Milan (par Dimitri Mitropoulos et en version italienne).
En terme de parcours, les quatre participants ont beaucoup parlé de la Scala, mais peu de Vienne (sinon de Wien Modern, essentiel il est vrai), et presque pas de Berlin, sinon pour reconnaître que le choix des berlinois était judicieux après l’ère Karajan (même si cette nomination fut un coup de tonnerre). Curieusement, la période plus récente a été passée sous silence: j’ai bien entendu l’un d’eux reconnaître que ses Beethoven en DVD (2002-2003)  avaient plus de chaleur, mais c’était en même temps reconnaître qu’il ne les avait pas entendus en concert, ni à Rome, ni à Vienne (hiver 2001), ni même à Salzbourg (Printemps 2001) où il en a donné quelques uns. C’est bien là mon étonnement: comment parler de la musique d’Abbado sans rappeler d’autres concerts que grosso modo, ceux donnés à Paris, alors que c’est un chef qui ne prenait toute sa dimension qu’au concert.
Voilà pourquoi cette table ronde m’a laissé l’impression d’une considération plus convenue que vécue. Chacun a ses goûts et sans doute avait-on affaire à des critiques distanciés, ce qui est tout à fait admissible, mais à l’argumentation et aux exemples très partiels, et donc plutôt partiaux, ce qui l’est moins.
Personne n’est contraint d’aimer Abbado, mais tout de même, rester si éloigné de la réalité notamment des dernières années, où chaque apparition à Lucerne faisait événement, ou certains concerts à Berlin furent mémorables (en mai dernier, avec une Symphonie Fantastique encore dans les mémoires) m’étonne et me fait dire que Claudio, si aimé, voire adoré à Berlin, ou même à Vienne ait été mis à distance par une presse française qui ne s’est pas vraiment intéressée à sa carrière après 1990. Pourtant, les concerts de Pleyel ces dernières années avaient été accueillis par un public particulièrement chaleureux. Mais public et presse, ce n’est pas toujours la même chose.
Je ne pense pas être de parti pris (je vous vois sourire), certains programmes fractionnés ne m’enthousiasmaient pas, tous les concerts n’étaient pas des épiphanies, l’Orchestra Mozart ne sonnait pas toujours de manière convaincante (même si les dernières prestations furent vraiment exceptionnelles), mais il reste que Claudio nous surprenait toujours, notamment parce que retravaillant les partitions, il ne se répétait jamais: son Beethoven très symphonique de l’intégrale avec les Berliner parue en 2000 tranche avec l’approche dynamique et plus chaleureuse de la version suivante (les concerts de Rome de 2001) sortie en 2002-2003 en DVD et en 2008 en coffret CD, faite avec un orchestre plus réduit, plus proche d’un orchestre de Haydn que d’un grand orchestre romantique. Mais les derniers Beethoven de Lucerne marquent un retour à une approche plus symphonique.
Sa personnalité était peu ouverte à ceux qu’il ne connaissait pas, il n’aimait pas les interviews sauf de journalistes familiers ou amis (ce qui pouvait gêner ceux qui voulaient l’interviewer ou converser avec lui), il n’était ni un homme de discours, ni d’écriture, mais un homme de projets (il en fit à Milan, à Vienne, à Berlin…partout où il passa) et c’était au concert qu’il s’ouvrait et  parlait. Ses écrits (en collaboration avec Lidia Bramani par exemple) restent essentiellement d’intéressants récits d’expériences ou de souvenirs, des conversations, mais pas des moments d’une épaisseur conceptuelle inoubliable. Car s’il lisait beaucoup (j’avais vu traîner dans sa loge à Berlin un livre de Gustave Thibon au moment où il faisait Parsifal), ses lectures alimentaient la construction des projets, ses interprétations ou sa maturation des œuvres, mais pas vraiment de discours sur l’oeuvre, avec lui, on parlait de tout (notamment d’écologie ou de foot), et assez peu de musique. Il parlait d’ailleurs peu sur les oeuvres, et n’aimait pas qu’on souligne par exemple qu’il avait des compositeurs favoris. Je me souviens lorsque nous préparions une exposition autour de sa carrière, nous avions pensé insister sur Mahler en valorisant un espace spécifique: et il avait écarté cette suggestion en nous répondant : “E gli altri? poverini!” (Et les autres, les pauvres…). Cette modestie dans l’approche, il l’a toujours eue et revenait sans cesse sur le métier, en artisan plus qu’en maestro. Il revenait sur les œuvres quand il lui semblait qu’elles pouvaient encore dire quelque chose et il était aussi capable de juger sévèrement, voire de refuser de voir cités des enregistrements qu’il estimait ratés.
Son expression, sa plume, son outil, c’était l’orchestre et quand il n’a plus eu besoin de carrière, quand il a enfin pu faire ce qu’il voulait, et faire de la musique comme il voulait et avec qui il voulait, il en a saisi l’occasion. Ses dix dernières années furent donc une chance dont très peu de chefs ont pu bénéficier et qui furent un cadeau extraordinaire pour le public, notamment à Lucerne où la présence du Lucerne Festival Orchestra a changé vraiment l’ambiance des concerts, devenue familière, chaleureuse, une ambiance de confiance et de disponibilité, grâce à l’attention  de Michael Haefliger, un intendant à la fois passionné et sensible.
On peut comprendre que sa personnalité n’ait pu séduire ceux qui attendent des chefs un discours, une sorte d’enseignement sur les œuvres qu’ils abordent, les grenouilles de backstage. À Abbado il suffisait de les diriger pour faire comprendre et surtout pour faire sentir. J’ai écrit que c’était un chef synesthésique, il avait conquis le public par cette communication-là, subtile, impalpable, créatrice d’attente tendue: il y avait cette électricité dans l’air à Lucerne ou à Berlin lorsqu’il apparaissait, et de cela, nous sommes orphelins.[wpsr_facebook]

 

Appendice:
Claudio Abbado à l’opéra (Productions et non opéras en concert, systématiques à Berlin – avec une production de Falstaff à la Staatsoper Unter den Linden)

À la Scala
Manzoni: Atomtod
Donizetti: Lucia di Lammermoor
Bellini: I Capuleti e i Montecchi
Verdi: Don Carlo (2 productions), Simon Boccanegra, Macbeth, Aida, Un ballo in maschera
Rossini: Il Barbiere di Siviglia, La Cenerentola, L’Italiana in Algeri, Il Viaggio a Reims
Berg: Wozzeck (2 productions)
Nono: Al grand sole carico d’amore, Prometeo
Schönberg: Erwartung
Prokofiev: L’Amour des trois oranges
Stravinski: Oedipus Rex
Gabrieli: Edipo Re
Mozart: Le nozze di Figaro
Moussorgski: Boris Godounov
Wagner Lohengrin
Debussy: Pelléas et Mélisande
Bizet: Carmen

À Vienne (1986-1994)
Verdi: Don Carlo (répertoire), Simon Boccanegra,  Un ballo in maschera
Wagner: Lohengrin (répertoire)
Schubert: Fierrabras
Strauss: Elektra
Rossini:  Il Barbiere di Siviglia, L’Italiana in Algeri, Il Viaggio a Reims
Mozart: Les nozze di Figaro, Don Giovanni
Moussorgski: Boris Godounov, La Khovantschina
Debussy: Pelléas et Mélisande

Ailleurs (Edimbourg, Paris, Londres, Tokyo, Turin, Ferrare, Salzbourg, Berlin, Reggio Emilia, Bolzano, Tel Aviv etc…)
Bizet: Carmen
Verdi: Simon Boccanegra (3 productions), Otello, Falstaff (2 productions)
Rossini: Il Barbiere di Siviglia, Il viaggio a Reims
Debussy: Pelléas et Mélisande
Berg: Wozzeck
Strauss: Elektra
Wagner: Tristan und Isolde, Parsifal
Moussorsgki: Boris Godunov
Janaček: De la maison des morts
Mozart: Don Giovanni (2 productions), Così fan tutte, Le nozze di Figaro, Die Zauberflöte
Beethoven: Fidelio

 

 

L’ACTIVITÉ DE L’ORCHESTRA MOZART EST PROVISOIREMENT SUSPENDUE

Orchestra Mozart et Claudio Abbado ©Marco Caselli Nirmal
Orchestra Mozart et Claudio Abbado ©Marco Caselli Nirmal

Le communiqué laconique s’affiche sur le site de l’Orchestra Mozart:

SOSPENSIONE TEMPORANEA DELL’ATTIVITA’ DELL’ORCHESTRA MOZART

A partire dall’11 gennaio

La Direzione comunica che a partire dall’11 gennaio 2014 le attività dell’Orchestra Mozart e dello Staff sono temporaneamente sospese.

Grazie  di cuore a tutti dallo staff dell’Orchestra Mozart.
________________________________________________
Suspension provisoire de l’activité de l’Orchestra Mozart
À partir du 11 janvier
La direction communique qu’à partir du 11 janvier 2014, les activités de l’Orchestra Mozart  sont provisoirement suspendues.
Merci de tout cœur à tous les membres du staff de l’Orchestre Mozart.

Nous sommes trop proches de Claudio Abbado pour ne pas être tous frappés par cette triste nouvelle qui obscurcit le début de cette nouvelle année, pour laquelle il y a peu encore nous formulions des vœux. Ainsi donc le dernier orchestre fondé par Claudio Abbado cesse (provisoirement écrit-on) l’activité. Les annulations successives de ces derniers mois et l’incertitude qui pèse sur les mois futurs ont eu raison du fragile équilibre de la structure, si fortement liée à Claudio Abbado, dont la santé inspire une forte inquiétude et pour lequel nous formulons les voeux les plus sentis, les plus forts de rétablissement prochain.
Certes, on pouvait espérer que la direction de l’Orchestre réfléchisse aux moyens de le pérenniser en faisant appel à d’autres chefs, en premier lieu à Diego Matheuz, directeur musical du Gran Teatro La Fenice, qui a la confiance d’Abbado et qu’elle construise pour cet orchestre un vrai futur. Ça n’a pas été le cas, semble-t-il pour des raisons diverses, dont la situation critique des institutions italiennes n’est pas la moindre.
Cet orchestre, nous l’avons vu naître, grandir et prospérer ces derniers temps: les concerts qu’il donnait montraient qu’il avait atteint sa maturité. Et les succès remportés, avec Haitink ces derniers mois, ont témoigné de la valeur à laquelle depuis 2004 (il atteint l’âge de 10 ans cette année) l’a porté Claudio Abbado.
Mais sa relation privilégiée à son chef, et l’affection mutuelle très forte qu’ils se portent, sa composition variable selon les concerts, mais toujours faite de musiciens familiers du travail d’Abbado, font que cette formation apparaît comme l’outil musical le plus proche, l’orchestre presque personnel du grand musicien. Comme toujours, Claudio a su installer une ambiance propice à la maturation, à la création, à la musique qu’on fait ensemble et dont on tire du bonheur: effectivement, il pouvait apparaître un peu difficile que ce dernier né et donc ce préféré puisse passer sous une autre baguette.
Et pourtant, ce fut le destin de tous les orchestres créés par Abbado, qui vivent aujourd’hui une vie complètement indépendante de leur fondateur. Pour ma part je l’appelle encore de mes voeux pour La Mozart, comme on dit familièrement en Italie. J’espère au plus vif de moi même que son activité renaîtra vite,  signe qui serait merveilleux pour tous les amis de la musique, de Bologne et du Maestro (j’emploie le mot, même si je sais que Claudio ne l’aime pas). Au cœur de Bologne l’intellectuelle, creuset d’une des plus prestigieuses Universités d’Europe, mais aussi la vivace, la joyeuse, était né ce joyau il y a dix ans qui désormais faisait partie de l’horizon musical local, mais aussi européen.
Le site des Abbadiani Itineranti  en porte même l’avenir avec ce magnifique croquis de l’auditorium de Bologne dédié à Claudio Abbado, et signé de Renzo Piano qu’on peut voir sur la page d’accueil. Abbado a toujours été en phase avec son époque, est toujours intervenu dans les débats de son temps et notamment les débats culturels et s’est toujours investi pour le monde et projeté vers le futur. Il nous faut, suivant son exemple, au-delà de la triste nouvelle du jour et des nuages qu’elle porte, espérer dans ce futur-là: dove c’è speranza, c’è vita.

Post-scriptum:
Ci-dessous une lettre émouvante que Benedetta Scandola, du staff de l’Orchestra Mozart, a écrite à tous ceux avec qui elle a travaillé au long de cette petite dizaine d’années:

Chers tous
On nous a communiqué que l’activité de l’Orchestre Mozart et du staff est provisoirement suspendue à partir du 10 Janvier 2014.
Après 9 ans et demi de travail à l’Orchestre Mozart je suis très affectée par ce communiqué que je peine encore à réaliser et à comprendre. Avec ces quelques lignes je tiens à dire merci à chacun de vous pour le travail accompli ensemble : avec certains nous avons partagé beaucoup de choses, avec d’autres nous nous sommes seulement croisés, mais je conserve dans mon cœur et dans mon esprit des souvenirs beaux et précieux de chaque projet, de chaque rencontre et de bien des visages. Claudio nous enseigne que c’est la générosité qui nous enrichit, et il a fondé le travail avec nous dans cette optique, désirant que chacun de nous donne le meilleur de lui-même sur cette base : maintenant quand je me retourne sur ces années passées à La Mozart, je vois à l’évidence que j’ai beaucoup reçu et si j’ai acquis des compétences dans mon travail je le dois à vous tous. Je tiens à dire un merci tout particulier à Claudio pour tout ce qu’il m’enseigne et me donne, à chacun de mes collègues pour avoir partagé en profondeur et intelligemment le travail et la fatigue, aux musiciens de l’orchestre pour toute la musique qu’ils nous ont offerte et les aventures vécues ensemble.
J’espère que nous réussirons à nous rencontrer très vite, à ne pas nous perdre de vue.
Merci à tous, je vous embrasse

Benedetta Scandola

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LUCERNE FESTIVAL 2014: LE FESTIVAL D’ÉTÉ (15 AOÛT-14 SEPTEMBRE 2014) et le FESTIVAL PIANO (22-30 NOVEMBRE 2014)

La salle du KKL

Abbado et Brahms, Haitink et Schumann, Rattle et Bach, Chailly et Mahler, Midori, Hannigan, Bartoli… et tant d’autres !

 

Cette année, le programme du Lucerne Festival (Sommer), le festival d‘été paraît avec un mois d’avance sur les dates habituelles : il y a évidemment derrière une stratégie visant à devancer d’autres festivals concurrents, Salzbourg entre autres, qui programme souvent les mêmes concerts puisque les orchestres font leur tournée d’été obligée, passant par les deux plus grands festivals d’orchestres en Europe, et dans  les mêmes programmes quelquefois.
Lucerne est un lieu enchanteur, mais dans un contexte économique tendu, les prix pratiqués restent très sélectifs, notamment pour un public non helvétique. Il reste qu’il faut s’y prendre vite pour acheter des billets à des tarifs raisonnables  (à partir de 30 ou 40 CHF). Réservations en ligne à partir du 10 mars 12h et par écrit à partir du 17 mars.
Par rapport à la programmation exceptionnelle de 2013, due au 75ème anniversaire de la création du festival, l’édition 2014 est redimensionnée ; par ailleurs, la crise est passée, en Suisse aussi, pour un Festival très largement autofinancé ou aidé par des sponsors privés (Crédit Suisse, Nestlé, Zürich Versicherung et Roche) : Nestlé est par exemple le sponsor régulier du Lucerne Festival Orchestra.
Les deux éléments symboles du « règne » de Michael Haefliger à la tête du Festival sont d’une part le Lucerne Festival Orchestra lié à Claudio Abbado et la Lucerne Festival Academy liée à Pierre Boulez qui ne dirigera pas, mais qui est toujours présent comme pédagogue.

C’est un cycle Brahms qui ouvrira le Festival d’été avec Claudio Abbado dans  deux programmes intégralement dédiés à Brahms, dont on peut supposer qu’il se poursuivra en 2015, puisque deux symphonies sur les quatre sont programmées cette année (les symphonies n°2 & 3).
Le thème de l’année est « Psyché », en lien avec les effets psychiques de la musique, commençant par le mythe d’Orphée et la soirée d’ouverture aura lieu le vendredi 15 août 2014 avec le concert inaugural du Lucerne Festival Orchestra dirigé par Claudio Abbado . Au programme la Sérénade n°2 en la majeur op.16, la Rhapsodie pour alto, chœur d’hommes et orchestre op.53 (soliste : Sara Mingardo) et la Symphonie n°2 en ré majeur op.73. Ce programme sera répété le samedi 16 août.
Immédiatement après, le dimanche 17 août, un concert du West-Eastern Diwan Orchestra dirigé par Daniel Barenboim qui fera courir les foules : après la création européenne de deux œuvres de Ayal Adler (compositeur israélien) et Kareem Roustom (compositeur syrien) – Barenboim continue son travail salutaire de promotion parallèle d’artistes israéliens et arabes et de rencontres autour de la musique -, est programmé le deuxième acte de Tristan und Isolde de Wagner dans une étincelante distribution, Peter Seiffert, Waltraud Meier, Ekaterina Gubanova et René Pape. Le 18 août, un second concert avec un programme Webern, Mozart, Ravel et en soliste le pianiste israélo-palestinien Saleem Abboud Ashkar.
Pendant ce premier week-end, deux concerts à ne pas manquer dont le premier concert de l’artiste étoile de cette édition, la soprano Barbara Hannigan dans la série « Late night music » le 16 août à 22h, avec le Mahler Chamber Orchestra dans du Rossini et du Mozart, mais surtout deux œuvres de Ligeti, l’étourdissant Concert românesc et les Mysteries of the Macabre. Le dimanche 17 août à 11h, un concert de l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Matthias Pintscher avec Bruno Ganz en récitant, au programme deux œuvres des compositeurs en résidence Unsuk Chin et Johannes Maria Staud et Bereshit für Ensemble de Matthias Pintscher.
Le Mahler Chamber Orchestra, qui constitue l’ossature du Lucerne Festival Orchestra se produira le mardi 19 août sous la direction de Daniel Harding dans un programme Dvořák/Rihm : Die Waldtaube op.110 et Symphonie n°9 op.95 « du nouveau monde » d’un côté et une création de Wolfgang Rihm, le concerto pour cor – et en soliste le grand Stephan Dohr, cor soliste du Philharmonique de Berlin, ex-soliste du Lucerne Festival Orchestra.
Le Lucerne Festival Orchestra sous la direction de Claudio Abbado donnera son deuxième programme Brahms les vendredi 22, dimanche 24 et lundi 25 août, en affichant Maurizio Pollini dans le concerto pour piano n°1 en ré mineur op.15 et la symphonie n°3 en fa majeur op.90.
Parallèlement, le Lucerne Festival Academy Orchestra sera pour la première fois dirigé par Sir Simon Rattle le samedi 23 août dans un programme Berio (Coro per 40 voci et strumenti) et Chin (création de Le silence des Sirènes pour soprano et orchestre, avec pour soliste Barbara Hannigan) pendant que la seconde artiste étoile du festival, la violoniste Midori, donnera deux concerts Bach (intégrale des sonates et partitas pour violon seul) dans la Franziskanerkirche les 22 & 23 août.
Bernard Haitink et le Chamber Orchestra of Europe continuent leur cycle Schumann commencé à Pâques dans deux concerts aux programmes différents, le 26 août avec Isabelle Faust en soliste (Manfred Ouvertüre op.115, Concerto pour violon en ré mineur et la Symphonie n°3  en mi bémol majeur op.97 « Rhénane ») et le 28 août avec Murray Perahia (Ouvertüre, scherzo und finale en mi majeur op.52, Concerto pour piano en la mineur op.54 et symphonie n°2 en ut majeur op.61).

Hormis le concert dirigé par Sir Simon Rattle le 23 août, le Lucerne Festival Academy Orchestra formé de jeunes instrumentistes en formation donnera plusieurs concerts d’un grand intérêt :

–          Le 30 août, concert dirigé par Heinz Holliger avec la participation du chœur de la radio lettone dans un programme Heinz Holliger (Scardanelli Zyklus).

–          Le 1er Septembre, Concert du Lucerne Festival Academy Ensemble dirigé par Matthias Pintscher avec le baryton Leigh Melrose (Berio, Pintscher, Lachenmann)

–          Le 6 septembre, concert dirigé par Matthias Pintscher (pour la création de la version intégrale de Zimt, ein diptychon für Bruno Schulz) avec la Symphonie n°4 de Gustav Mahler (chef non encore connu). Soliste, Barbara Hannigan

Les solistes attendus cette année sont, outre Midori, artiste étoile,
– Lang Lang le 24 août (programme non déterminé)
– Anne-Sophie Mutter et Lambert Orkis (au piano) le 9 septembre (Previn, Mozart, Penderecki – une création pour violon seul, Beethoven)
Le 11 septembre,  Cecilia Bartoli viendra avec I Barocchisti dirigés par l’excellent Diego Fasolis pour un « service après vente » de son CD « Mission » car son programme est justement intitulé « Mission » autour d’œuvres d’Agostino Steffani dont elle assuré une large publicité des derniers mois.

Bien entendu, le festival se doit d’être à la hauteur de sa réputation dans l’invitation d‘orchestres prestigieux pour une série de concerts, ainsi entendra-t-on deux orchestres de fosse dans des programmes symphoniques :

–          Le vendredi 29 août, l’Orchestre de l’Opéra de Paris dirigé par Philippe Jordan avec pour soliste Anja Harteros (invitée à Lucerne avec l’orchestre de l’Opéra et jamais invitée à l’Opéra de Paris) dans un programme Fauré (Pelléas et Mélisande op.80), Strauss (scène finale de Capriccio), Mussorgski/Ravel, Tableaux d’une exposition.

–          Le dimanche 31 août, le Mariinsky Theatre Symphony Orchestra dirigé par Valery Gergiev dans un programme Wagner (Prélude de Lohengrin), Chopin (concerto pour piano n°1 en mi mineur op.11, soliste Daniil Trifonov, et la Symphonie n°6 en la mineur op.74 « Pathétique » de Tchaïkovski)

Entre les deux concerts, et pour remplir votre week-end, Andris Nelsons et le City of Birmingham Symphony Orchestra (CBSO) proposeront :

–          Le samedi 30 août un programme Beethoven (Concerto pour piano n°5 en mi bémol majeur “L’Empereur”, avec pour soliste Rudolf Buchbinder) et Elgar (Symphonie n°2 en mi bémol majeur op.63, une grande rareté)

–          Le dimanche 31 août à 11h un programme Wagner (Extraits de Parsifal et Lohengrin avec Klaus Florian Vogt).

Un week-end chargé avec des moments qui devraient intéresser les mélomanes et les lyricomanes.

Les autres  soirées symphoniques promettent de grands moments :

Berliner Philharmoniker dirigés par Sir Simon Rattle
– le mardi 2 septembre
dans un programme Rachmaninov (Danses symphoniques op.45) et Stravinsky (L’Oiseau de Feu)
le mercredi 3 septembre où sera reproposée la magnifique version scénique de Peter Sellars de la Passion selon Saint Mathieu de Bach, avec le Rundfunkchor de Berlin et une distribution de rêve, Camilla Tilling, Magdalena Kožená, Mark Padmore, Topi Lehtipuu, Christian Gerhaher, Eric Owens.
Si l’on peut aisément se passer du premier concert, Rattle n’étant pas vraiment un chef pour Stravinsky, il ne faut rater sous aucun prétexte ce dernier programme ;: demandez déjà à votre patron une journée de congé !

Royal Concertgebouw Orchestra Amsterdam dirigé par Mariss Jansons dans deux programmes très variés :
le 4 septembre, Brahms (Variations sur un thème de Haydn, op.56a), Chostakovitch (Symphonie n°1 en fa mineur op.10), Ravel (Concerto en sol avec Jean-Yves Thibaudet) et Daphnis et Chloé, Suite n°2.
le 5 septembre, Brahms (Concerto pour violon en ré majeur op.77, avec Leonidas Kavakos) et Strauss (Tod und Verklärung op.24 et Till Eulenspiegel lustige Streiche op.28

N’étant pas vraiment un grand fan de Kavakos, j’aurais tendance à choisir le premier programme, mais la perspective d’entendre cet orchestre enivrant dans Strauss est terriblement tentante quand même.

En revanche, le week-end suivant (dimanche et lundi), il faudrait sans doute faire le voyage tant le programme du Gewandhausorchester Leipzig dirigé par Riccardo Chailly est attirant :
Dimanche 7 septembre, Cehra (paraphrase sur le début de la 9ème Symphonie de Beethoven) et Beethoven ( 9ème symphonie en ré mineur op.125 avec le chœur du Gewandhaus et les solistes Christina Landshamer, Gerhild Romberger, Steve Davislim et Peter Mattei)
Lundi 8 septembre, Mahler (Symphonie n°3 en ré mineur) avec Gerhild Romberger et le chœur de l’opéra de Leipzig, ainsi que le chœur et le chœur d’enfants du Gewandhaus de Leipzig.
Vous aurez compris qu’il sera très difficile de résister à ces sirènes-là.

Le Cleveland Orchestra et Franz Welser-Möst sont traditionnellement présents à Lucerne, cette année le mercredi 10 septembre pour un programme Brahms (Akademische Festouvertüre op.80), Widmann (Flûte en suite) et Brahms (Symphonie n°1 en ut mineur op.68).

Et non moins traditionnellement le Festival se clôt sur la résidence annuelle des Wiener Philharmoniker, pour trois concerts et trois programmes dirigés par Gustavo Dudamel
le vendredi 12 septembre, Mozart (Symphonie concertante en mi bémol majeur Kv364 avec Reiner Küchl et Heinrich Koll, et Sibelius (Le cygne de Tuonela op.22 n°2 et la symphonie n°2 en ré majeur op.43)
le samedi 13 septembre, Strauss (Also sprach Zarathustra), le concert du vainqueur du prix jeune artiste Crédit Suisse, et Dvořák (Symphonie n°8 en sol majeur op.88)
le dimanche  14 septembre, un programme russe un peu racoleur de Rimsky-Korsakov (La Grande Pâque russe op.36 et Shéhérazade op.35) et Moussorgski (Une nuit sur le Mont Chauve).
Pour ma part je choisis le premier programme à cause de Sibelius.

Bien d’autres concerts, (le cycle débutant, le cycle musique ancienne, le cycle moderne) des concerts des phalanges de Lucerne, et du théâtre musical dans tout ce mois  rempli de propositions d’une grande richesse. Il y a quelques week-end à retenir. Et si vous venez en voiture, sachez que l’hébergement est quelquefois moins cher dans les environs, dans un rayon d’une dizaine de km autour de Lucerne.
Allez ! Lucerne vaut bien une messe et la salle de Nouvel une tirelire cassée.

LUCERNE FESTIVAL PIANO (22-30 novembre 2014)

Et si votre tirelire est grosse, une visite au Festival Piano, traditionnellement fin novembre, est assez stimulante, notamment en 2014 où l’on entendra Maurizio Pollini le 22 novembre en ouverture (programme non encore publié) , Pierre-Laurent Aimard le 23 Novembre dans une partie du Clavier bien tempéré de Bach (Livre I BWW 846-869), mais c’est Beethoven qui domine la programmation avec Leif Ove Andsnes et le Mahler Chamber Orchestra dans l’intégrale des concertos pour piano de Beethoven les 24 novembre (concertos n°2, 1 & 3) et 26 novembre (concertos 4 & 5), Paul Lewis le 28 novembre (Op.109, 110, 111 de Beethoven), Martin Helmchen le 29 novembre (Beethoven Variations Diabelli – 33 variations en ut majeur sur une valse de Anton Diabelli op.120) et Marc-André Hamelin le 30 novembre (programme non encore connu).  Quelques concerts “débuts” à 12h15 les 26 (vestard Shimkus) 27 (Sophie Pacini) 28 (Benjamin Grosvenor) et un récital Evguenyi Kissin (au programme non encore publié) le 27 novembre complètent une très riche semaine.
À vos tirelires, Lucerne à la folie…!!
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Le KKL de Jean Nouvel

LUCERNE FESTIVAL 2014: LE FESTIVAL DE PÂQUES (5-13 AVRIL 2014)

Claudio Abbado

Abbado, Haitink, Dudamel, Nelsons, ..et les autres…
Le programme de Pâques du festival de Lucerne donne une importance toute particulière cette année aux oeuvres chorales ou impliquant des choeurs.

Andris Nelsons ©Stu Rosner

Un des sommets en sera sans doute l’acte III de Parsifal de Richard Wagner, par l’orchestre de la Radio bavaroise (Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks), et le choeur de la Radio bavaroise (Chor des Bayerischen Rundfunks) sous la direction d’Andris Nelsons avec Stuart O’Neill (Parsifal), Georg Zeppenfeld (Gurnemanz) et Tomasz Konieczny (Amfortas) le samedi 12 avril 2014,

Gustavo Dudamel ©Tristram Kenton

mais l’orchestre, traditionnellement en résidence à Pâques, donnera aussi un concert dirigé par Gustavo Dudamel le vendredi 11 avril dans un programme Beethoven (Symphonie n°6 Pastorale) et Stravinsky (Le Sacre du printemps), c’est à dire un programme un peu plus païen au milieu d’oeuvres plus religieuses.
Le concert de clôture affichera le dimanche 13 à 11h la Petite Messe solennelle de Rossini avec le Chœur de la Radio bavaroise et des solistes plutôt jeunes (Max Hanft, Regula Mühlemann, Marianna Pizzolato, Mika Kares et Dominik Wortig), tandis qu’une autre messe solennelle, moins petite, dominera la semaine en écho, la Missa Solemnis de Beethoven dirigée par András Schiff, par la Capella Andrea Barca, le Balthazar Neumann Chor et les solistes Ruth Ziesak, Britta Schwarz, Robert Holl et Werner Güra le mercredi 9 avril.
En musique baroque, Michael Haefliger propose Balthazar de Haendel,  par la Junge Philharmonie ZentralSchweiz et l’Akademiechor de Lucerne, une production locale, et en musique ancienne, c’est l’excellent choeur anglais Stile antico, qui travaille sans chef et qui serait bien en train de révolutionner l’interprétation du répertoire polyphonique qui va proposer  un concert intitulé “Passion, mort et résurrection” avec un florilège d’auteurs comme William Byrd, John Taverner, Tomás Luis de Cristobal, Orlando Gibbons…une soirée sans doute passionnante à ne pas manquer le mardi 8 avril.
Enfin, Reinhold Friedrich, trompettiste vedette du Lucerne Festival Orchestra , et Martin  Lücker à l’orgue proposent un concert original trompette & orgue avec des oeuvres d’Albinoni, Bach, Liszt, Enescu, Hindemith le dimanche 6 avril à 11h.
Last but not least, deux concerts d’ouverture à ne pas manquer, d’une part, Claudio Abbado et son orchestra Mozart dans un programme encore partiel, comprenant la Symphonie n°3 en la mineur op.56 Ecossaise de Mendelssohn, le lundi 7 avril et pour fêter ses 85 ans, Bernard Haitink dirigera le Chamber Orchestra of Europe (fondé par Claudio Abbado) dans un programme Schumann avec deux symphonies, la n°1 op.38 (le Printemps) et la n° 4 op.120, ainsi que le concerto pour violoncelle en la mineur op.129  avec Gautier Capuçon en soliste le samedi 5 avril, en ouverture du Festival.
Un programme très divers, avec un travail de variations sur la musique  chorale qui promet beaucoup à ceux qui pourraient passer la semaine à Lucerne. Pour les autres, il faut bloquer les deux week end successifs celui du 5 en tirant jusqu’au lundi 7 et celui du 12-13 an anticipant au vendredi 11.  Joyeuses Pâques…!
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Bernard Haitink © DR

CLAUDIO ABBADO ANNULE SA TOURNÉE AU JAPON: Le COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Lucerne, 11. Septembre 2013. Sur le conseil de ses  médecins, Claudio Abbado doit annuler les quatre concerts du LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA prévus au Suntory Hall de Tokyo les 15,17,20 et 21 octobre prochains, ainsi que le concert au LUCERNE FESTIVAL ARK NOVA prévu le 12 octobre. Ci-dessous sa déclaration personnelle. Les quatre concerts du Suntory Hall n’auront pas lieu.
Le nouveau programme et la distribution du concert du 12 octobre au  LUCERNE FESTIVAL ARK NOVA seront annoncés ultérieurement.  Le LUCERNE FESTIVAL ARK NOVA à Matsushima ouvrira le 27 septembre.

Déclaration de Claudio Abbado:

My dear friends,
We have many unforgettable memories in our hearts from our last project in 2006, and the Lucerne Festival Orchestra and I were greatly looking forward to visiting Japan again. I myself was excited by the prospect of being able to share time with Japanese music lovers this coming October.

However, I deeply regret that we have no choice but to cancel all our concerts in Tokyo due to reasons of my health. I ask for your kind understanding.

 

Claudio Abbado

Mes chers amis,

Nous avons dans notre coeur beaucoup de souvenirs impérissables  de notre dernier projet en 2006, et le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA et moi nous réjouissions à l’avance de rendre de nouveau visite au Japon. Moi-même, j’étais enthousiaste de partager du temps avec les mélomanes japonais en octobre prochain.
Je regrette profondément que nous n’ayons d’autre choix que d’annuler l’ensemble des concerts prévus en octobre à Tokyo, à cause de mon état de santé.
Je vous remercie de votre compréhension ,

Claudio Abbado

CLAUDIO ABBADO NOMMÉ “SENATORE A VITA” de la RÉPUBLIQUE ITALIENNE

Le président de la République italienne, Giorgio Napolitano a nommé aujourd’hui quatre “Senatori a vita” (Sénateurs à vie) parmi lesquels l’architecte Renzo Piano et Claudio Abbado (il n’en avait nommé aucun dans son premier mandat).
En Italie, selon l’article 59 de la Constitution une petite partie des sénateurs n’est pas élue, mais nommée: ce sont les “Sénateurs à vie”, nommés par le président de la République (5 par mandat) pour la contribution qu’ils ont donné dans leur vie à leur pays, dans leur domaine spécifique, culture, politique, sciences. Ils deviennent sénateurs et siègent dans l’assemblée, avec les mêmes droits qu’un sénateur ordinaire. L’Etat italien considère que ces gloires doivent avoir le privilège de participer ès qualité à la vie publique et politique nationale et aux débats qui l’animent, et qu’ils ont le droit, par les mérites dont ils ont fait preuve, de voter les lois.
Parmi ceux qui ont déjà eu cet honneur, citons Giulio Andreotti, le politicien qui a marqué la vie politique italienne pendant des dizaines d’années (et qui est mort il y a quelques mois), nomination évidemment critiquée, étant donné les soupçons qui pesaient sur ses relations avec la Mafia, citons, moins contestée Rita Levi-Montalcini, neurologue, Prix Nobel de médecine en 1986, et dans le champ culturel Arturo Toscanini (qui renonça) ou Giorgio Strehler, le plus grand metteur en scène de théâtre italien des 50 dernières années.
C’est donc un très grand honneur qui est fait à Claudio Abbado, que par ailleurs le président Giorgio Napolitano admire beaucoup. Il vient en effet à de très nombreux  concerts.

Claudio Abbado avec Daniel Barenboim

Je ne vais pas revenir longuement sur les motivations qui ont présidé à cette nomination, par ailleurs attendue, mais outre les activités musicales de Claudio Abbado, et notamment ses nominations successives à Milan en 1968, à 35 ans, puis à Vienne de 1986 à 1991, puis à Berlin en 1989, c’est aussi l’engagement politique et social, marqué par les activités dans les usines, les abonnements pour les travailleurs, les répétitions systématiquement ouvertes aux jeunes, ainsi que l’engagement auprès des jeunes musiciens, notamment à travers la fondation du European Comunity Youth Orchestra, puis du Gustav Mahler Jugendorchester, pour rapprocher les pays de l’Est et de l’Ouest, notamment les anciens pays de l’Empire austro-hongrois, et plus récemment son travail avec El Sistema et l’Orchestre des jeunes Simon Bolivar du Venezuela sans parler du  comportement moral irréprochable tout au long de sa vie qui sont récompensés.
Claudio Abbado est aujourd’hui l’une des plus grandes gloires de l’Italie . J’écris suffisamment sur ses concerts pour souligner que Claudio Abbado  est toujours en recherche, y compris sur des oeuvres connues et souvent jouées, et qu’il retravaille systématiquement ses partitions: il développe encore aujourd’hui malgré la maladie qui l’a frappé et malgré des coups de fatigue une énergie peu commune. Il intervient par ailleurs fréquemment dans les débats de son pays et notamment sur la question écologique, il suit avec attention l’actualité.
Il a publié aujourd’hui un communiqué dont je me propose de donner ci-dessous quelques extraits traduits:
” Je me sens honoré et ému de la décision du Président de la République Giorgio Napolitano de m’insérer parmi les quatre Sénateurs à Vie nommés aujourd’hui.” Ainsi dans une note le Maestro a commenté la nomination. “Ma gratitude va au président Napolitano  pour avoir voulu insérer parmi ceux qui ont illustré la Patrie ‘pour leurs très grands mérites dans le domaine scientifique, artistique et social’ un représentant de la culture, et en particulier de la culture musicale -affirme Abbado – en marquant ainsi l’importance et la valeur aux côtés de la science, comme instrument de croissance et de développement pour le pays.

Abbado dit considérer cette nomination comme une grande opportunité pour pouvoir collaborer avec des personnalités de grand relief comme Elena Cattaneo (NdT: Professeur de pharmacie à l’université de Milan), Carlo Rubbia (NdT: Prix Nobel de Physique) , Renzo Piano (NdT: Architecte)” et il conclut: ” J’espère que mon état de santé me permettra d’accepter cette charge si prestigieuse, pour laquelle je considère de mon devoir de pouvoir garantir assiduité et engagement.”
Je suis sûr que tous les mélomanes qui suivent Claudio Abbado se réjouissent de cet honneur, justifié ô combien.
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LUCERNE FESTIVAL 2013: CLAUDIO ABBADO DIRIGE LE LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA le 23 AOÛT 2013 (SCHUBERT – BRUCKNER)

Image du concert Schubert/Bruckner ©Peter Fischli / Lucerne Festival

Voilà encore un programme singulier: deux symphonie inachevées, toutes deux créées de manière posthume, la symphonie n°7 en  si mineur D 759 (selon les numérotations les plus actuelles) très fameuse de Schubert, composée à partir de 1822 et créée à Vienne en décembre 1865, et la symphonie n°9 de Bruckner en ré mineur WAB 109 moins connue du grand public, créée à Vienne en février 1903, mais dont la composition s’étend de 1887 à 1896 ; du dernier mouvement on a suffisamment de traces pour avoir permis plusieurs reconstitutions, mais souvent peu convaincantes.
Mais ce qui a intéressé Claudio Abbado dans ce programme, c’est justement l’inachèvement, dont les causes sont peu claires pour Schubert, et qui constitue pour Bruckner un testament (l’oeuvre est dédiée à Dieu, dem lieben Gott).
Beaucoup d’auditeurs sont sortis sonnés de la soirée, et le triomphe, long, avec le public debout presque d’emblée, n’avait pas la couleur des triomphes d’Abbado habituels. Ce fut un long applaudissement, sans faiblesse, sans fin, continu, mais en même temps presque “retenu”, comme si le public se mettait en cohérence avec ce qu’il avait entendu.
On connaît bien le Schubert d’Abbado, il a enregistré une intégrale fameuse qui fait partie des références, et on lui doit aussi d’avoir exhumé, puis présenté à la Staatsoper de Vienne Fierrabras, dans une mise en scène de Ruth Berghaus. Le Schubert d’Abbado est à la fois élégant, comme toujours, mélancolique et élégiaque, mais avec en même temps quelque chose de vital, c’est clair dans les symphonies, ça l’est encore plus dans Fierrabras, dont l’énergie, dont les rythmes, dont la folie explosive ont frappé les spectateurs de l’époque (dont j’étais) et qui justifie que ce soit celle-ci qui d’emblée, ait été reprise dans les théâtres (l’an prochain à Salzbourg pour le Festival 2014, avec Harnoncourt, par exemple), plus que les autres oeuvres de Schubert. Et comme souvent, la surprise est totale lorsque l’on découvre cette lecture totalement nouvelle de l’Inachevée. On comprend d’ailleurs par ricochet les options qui ont guidé la lecture de l’Eroica la semaine précédente, et notamment ces tempi dilatés qui ont tant surpris (voire gêné) les auditeurs: car ce Schubert doit se lire à l’éclairage de la symphonie n°9  de Bruckner. C’est, si j’ose le néologisme, un Schubert brucknerisé qui nous été donné d’entendre, avec des tempi très étirés, très dilatés (début de deuxième mouvement proprement incroyable, presque un rythme de marche funèbre). Abbado n’est pas avare de moments proprement sublimes, où le public est totalement pris comme à revers. Le début en forme de murmure à peine perceptible, comme un frémissement très étiré surgi du néant, du silence, comme une chose inquiétante et mystérieuse. Nous sommes d’emblée plongés dans une profonde mélancolie, voire le drame dans les moments plus tendus. Pas un seul moment de répit, de relâchement, pas une seule lueur dans cette lecture sombre, presque définitive. Le début du second mouvement est très lentement scandé, comme par des coups frappés du destin. Certes l’écoute de son enregistrement avec la Chamber Orchestra of Europe montre bien qu’il a toujours eu cette approche plutôt lente, jamais cependant Claudio Abbado n’a installé un tel climat dans une symphonie de Schubert, d’une indicible tristesse, bien au-delà de la mélancolie. Il y a des moments sublimes, notamment tout les moments murmurés, mais beaucoup d’auditeurs sortent du concert interloqués: jamais on aurait attendu un tel Schubert sans lueur, sans espoir, renonçant à toute expression vitale.

Le concert du 23 août ©Peter Fischli/ Lucerne Festival

Évidemment, dans une symphonie de Bruckner qui est presque une sorte de testament artistique comme la Symphonie n°9, on comprend plus nettement le parti pris, en harmonie totale avec le choix de la couleur du Schubert, il y a ainsi une profonde cohérence entre les deux parties du concert, et une vraie parenté, je l’ai précisé plus haut, avec le choix qui a présidé la semaine précédente d’une Eroica si dilatée.  Les deux premiers mouvements sont empreints de cette beauté triste qui se résigne à la fin des choses. Le début de la symphonie, à peine effleuré, est de l’ordre du sublime. Les cuivres sont totalement transfigurés, les bois (et cette fois notamment la clarinette de Alessandro Carbonare) sont très sollicités et le tempo exceptionnellement lent appelle un jeu particulièrement tendu voire acrobatique (le souffle n’est pas aussi infini que le son ne pourrait l’être). Les pizzicati époustouflants du début du deuxième mouvement laissent pantois, pendant que l’ensemble du mouvement, qui est considéré comme particulièrement hardi pour l’époque (on évoque Stravinsky ou Prokofiev) est une danse encore plus inquiétante, presque macabre, où l’ironie présente notamment dans la deuxième partie cède la place à une sorte de désespérance (les bois sont encore une fois exceptionnels) presque sarcastique.
L’adagio final est sublime de bout en bout: alors que l’émotion sans être tout à fait absente des autres mouvements laisse la place à une sorte d’horizon bouché et presque étouffant, désincarné et presque détaché, – une sorte de fond de la désespérance – il y a des moments bouleversants dans cet adagio, le début, le tutti qui précède le calme final qui remue d’une manière profonde, toutes les interventions des cuivres totalement habités par cette énergie du désespoir qui étreint. Le tout début presque mahlérien qui ensuite va exploser aux tubas puis se concentrer jusqu’à la contemplation, a généré pendant l’audition une indicible angoisse, que je crois partagée par de nombreux spectateurs. Oui, là l’émotion a traversé les coeurs, a secoué les auditeurs. Il en a résulté le triomphe réel, mais en même temps retenu qui a ponctué la soirée.
Une soirée et une édition 2013 qui laissent un goût amer en bouche: comme d’habitude, des exécutions d’une qualité inouïe, avec un orchestre phénoménal, comme d’habitude des émotions et des moments très forts, mais cette année, quelque chose d’autre, où était absent cet élan vital, cette éternelle jeunesse qu’Abbado communique dans sa vision de la musique. Etait-ce parce qu’il était plus fatigué (c’était visible dans ses gestes, et il a dû pendant la série de concerts annuler son intervention pour la fête des 75 ans du Festival) est-ce un tournant interprétatif ? L’avenir nous le dira, mais en tout cas, bien des amis qui le suivent encore plus que moi étaient frappés par cette vision sans espoir qui transpirait de ces soirées et du fond de leur âme, ne voulaient pas l’envisager.
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Pendant la répétition générale ©Priska Ketterer / Lucerne Festival