DE NEDERLANDSE OPERA AMSTERDAM 2010-2011: EUGENE ONEGUINE, de P.I.TCHAIKOVSKY le 18 juin 2011 (Dir.mus: Mariss JANSONS,Ms en scène: Stefan HERHEIM)


Foto Forster

 

Lors de l’Eugène Onéguine du festival de Lucerne, ce printemps, j’avais crié mon enthousiasme devant l’impressionnante direction de Mariss Jansons, la très belle distribution réunie et la prestation tout à fait extraordinaire de l’Orchestre de la Radio Bavaroise. Je terminais mon compte rendu par ces mots: “Alors c’est dire quelle hâte j’ai de voir la production d’Amsterdam, avec le merveilleux Concertgebouw et dans la mise en scène de Stefan Herheim, c’est dire avec quelle chaleur je vous suggère de faire le voyage d’Amsterdam entre mi juin et le 10 juillet…”
Je ne peux que persévérer dans ma suggestion: Amsterdam est à 3h18 de Paris en Thalys et ce spectacle vaut vraiment le voyage.
Il faut d’abord saluer à nouveau la performance tout à fait extraordinaire de Mariss Jansons et d’un Orchestre du Concertgebouw en état de grâce. On ne sait que louer: la rondeur du son, la chaleur de l’interprétation, la précision des instruments solistes, les bois superlatifs, les notes émises sur un fil de son, la clarté de l’espace sonore. L’extraordinaire cohérence de cette approche, qui sait rendre palpable la poésie de certains moments (les monologues de Lenski par exemple, où l’orchestre  accompagnant le merveilleux chanteur qu’est Andrej Dunaev est absolument magnifique) mais aussi le tragique (scène finale) et tous les moments attendus, comme la Polonaise du 3ème acte, prise avec un tempo plus lent, mais avec un sens du rythme et des équilibres sonores époustouflants. Un travail mémorable, anthologique, qui  me fait placer définitivement Onéguine au-dessus des autres grands chefs d’oeuvres lyriques de Tchaïkovski:  à Pâques, et ce soir, j’ai découvert toute l’épaisseur, toute la profondeur de cette œuvre à laquelle pendant longtemps j’ai préféré La Dame de Pique.
A cette interprétation fulgurante, répond une mise en scène d’une intelligence exceptionnelle et d’une complexité tout à fait inattendue pour une œuvre au livret apparemment linéaire. Stefan Herheim a habituellement 100 idées à la minute. Il en a eu cette fois 200 au bas mot. Il y a eu des critiques allemands (Der Tagesspiegel, de Berlin) qui lui ont reproché ce trop plein, et une complexité qui finit par gêner les chanteurs. Je ne partage pas ce point de vue. Herheim qui “contextualise” à l’extrême les œuvres qu’il met en scène, et qui s’appuie souvent sur de grandes références historiques dans lesquelles les œuvres s’insèrent (comme Parsifal à Bayreuth, par exemple) a choisi ici de placer l’action dans le contexte de la Russie éternelle, et d’une Russie grande mais amère, tout en plaçant  l’échec de tous les protagonistes au centre du drame: Onéguine perd ami, amour et gloire, Lenski perd la vie, Tatiana refuse l’amour et vivra dans la médiocrité de luxe représentée par un Grémine jeune, oligarque probablement poutinien de son état.
Le spectacle commence par l’arrivée inopinée, à salle encore éclairée, du chef, qui attend. Le rideau s’ouvre, et dans le silence arrivent des invités dans un hôtel de très grand luxe de la Russie d’aujourd’hui, puis on entend au fond la musique du troisième acte. Les ascenseurs (photo de Tchaïkovski à l’intérieur) déversent des invités très chics de la haute société, puis arrive enfin Onéguine, un peu déphasé,  et le couple Grémine/Tatiana, échange de regards, intenses, et l’opéra commence…

Acte I, Foto Forster

Le dispositif scénique de Philipp Fürhofer comprend au centre une sorte de cage de verre, aux cloisons mobiles, qui abrite un espace qui sera souvent l’espace du passé, où les protagonistes vont projeter leurs souvenirs et leur fantasmes: car tout le propos est là, Onéguine désormais  amoureux de Tatiana et Tatiana encore amoureuse d’Onéguine vont revivre, ensemble ou non, les épisodes des actes précédents (ils revivent “les choses de leur vie”), et à la Tatiana  folle amoureuse d’hier répond l’Onéguine dévoré par la passion d’aujourd’hui. Ainsi se construit un jeu complexe où se mélangent hier et aujourd’hui, dans une Russie d’hier pleine de clichés, et celle d’aujourd’hui, où dominent violence des rapports et médiocrité. L’évocation commence par une séparation du chœur en deux, à droite, les russes d’aujourd’hui dans leur comédie sociale, à gauche, des paysans en costume folklorique, comme dans des opérettes, qui entament le chœur de la première scène, pendant que Madame Larina et Filipjevna font des confitures. La Tatiana mûre repense à sa jeunesse et se dédouble, se regarde faire, et va bientôt se confondre avec son double jeune. Lenski et Onéguine sont vêtus en costume vaguement cosaque, bottes, pantalons larges, tuniques: on est dans une Russie  tchékhovienne , un bon vieux temps mythique, et Herheim a eu de très belles idées, comme celle de faire chanter Lenski (dans son air fameux “Ia tebe Lioubliou”, “je t’aime”) face à Olga, en présence d’Onéguine et de Tatiana, qui par un jeu de regards et quelques gestes, semble répéter silencieusement à un Onéguine indifférent ce que Lenski chante à Olga. Moment très émouvant et d’une grande délicatesse.


Foto Forster

Le jeu du passé et du présent culmine au moment de la scène de la lettre. Tatiana est avec Grémine, qui dort dans un luxueux lit, elle revoit sa chambre de jeune fille, elle se revoit écrire cette lettre et se réinstalle sur un bureau, mais bientôt apparaît Onéguine, – on ne sait si c’est en parallèle ou dans le fantasme de Tatiana- qui se met à écrire une lettre à Tatiana, sans doute la lettre qu’elle lui écrivit jadis, puisqu’à un moment elle semble la lui dicter. A la fin de la scène, se lève du lit non plus Grémine, mais Onéguine lui-même, rejoignant ensuite Tatiana dans le petit lit de sa jeunesse, à l’intérieur de l’espace des fantasmes. Évidemment, on devine ce que cela nécessite comme mouvements, apparitions disparitions, dédoublements, changements rapides de costumes (de Gesine Völlm, très beaux). Il faut aussi bien dominer le livret pour pouvoir suivre les méandres de l’intrigue, revue par le regard de Herheim, mais les trouvailles m’apparaissent vraiment pleines de sens, comme ce petit livre rouge, symbole de tous ces personnages romantiques du XIXème, symbolisés notamment par le Childe Harold pilgrimage de Byron par exemple, dont le dramaturge de Herheim, Alexander Meier-Dörzenbach parle beaucoup dans le programme.

Autre moment étonnant: la colère de Lenski lors de l’anniversaire de Tatiana (invités goulus, buffet somptueux, Monsieur Triquet enflammant sa perruque lorsque monte au ciel une gigantesque étoile enflammée, voir photo ci-dessous) qui se meut en colère révolutionnaire dont Lenski se fait le porte parole dans sa colère contre Onéguine: c’est la fin de la Russie du folklore, l’apparition d’une Russie grise, et glacée. Et à cette guerre là, il est tué par Onéguine qui du même coup devient un paria.
Ainsi, on voit que toute l’intrigue “amoureuse”, toute l’histoire se déroulent sur fond d’histoire russe, de la Russie fin de siècle de Tchékhov à la révolution et à la Russie soviétique et post soviétique dans un schéma qui pourrait être :
– un premier acte qui est celui des souvenirs et des regrets , c’est un monde à la Tchékhov, complètement fantasmé, qui s’oppose au monde du présent (le luxe superficiel et facile), c’est l’acte de la découverte des amours, des premières déceptions, et des retours rêvés sur ces moments par les personnages qui désormais ont vieilli ou perdu leurs illusions.
– un deuxième acte qui s’inscrit comme la fin de ce monde, irruption de la révolution russe dans un monde aristocratique en fin de course. La colère de Lenski contre Onéguine est presque idéologique, et se retourne sur la société entière, dont Onéguine semble être le symbole honni.
-un troisième acte fortement partagé en deux parties bien distinctes, la Polonaise initiale est une vision totalement fantasmée de la Russie éternelle et des clichés qui y sont rattachés: moujiks, archevêques orthodoxes, paysans folkloriques, tsar, soldats révolutionnaires, cosmonautes, athlètes olympiques,  ballets russes (un danseur entre un cygne noir et un cygne blanc, autre œuvre de Tchaïkovski symbolique de l’âme russe) et un ours!


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Cette vision se clôt sur un Grémine tsarisé, en beau prince charmant tout chamarré et tout de blanc vêtu, et une Tatiana alle aussi tout en blanc, comme dans un conte de fées. C’est dans ce contexte que l’air de Grémine est magnifiquement chanté par Mikhail Petrenko: Grémine n’est plus un vieillard noble, mais un homme jeune et vigoureux, un Prince Charmant qui présente sa femme à un Onéguine transfiguré. On passe cependant aussitôt après au présent, au réel, qui,  après tous ces moments rêvés, fantasmés, regrettés, qui ont parcouru les deux autres actes, se relie aux premiers moments du lever de rideau, écrin de l’échange dramatique entre Tatiana et Onéguine, interrompu par un Grémine qui lance ses gardes du corps contre un Onéguine, paria, chassé, refusé, désespéré, à qui il tend un pistolet qu’il a déchargé (roulette russe?): quand Onéguine se pointe son pistolet contre sa tempe, il tire et il n’y pas de balle:  il rate même son suicide. Il a tout raté. Tatiana toujours amoureuse l’a rejeté, Lenski son meilleur ami est mort. Tout est vain, tout est inutile, reste en scène une Russie de parvenus, mondaine et superficielle dans un luxe vulgaire dont la reine est…Tatiana.
On a peine a rappeler toutes les idées de mise en scène qui illustrent le livret et qui bien sûr vont bien au-delà: la vision d’un Lenski révolutionnaire est sans doute extrême, mais en même temps, sanctionne une fin: la fin des jeux, la fin de l’aristocratie, la fin des Onéguine. Seulement, Herheim nous montre qu’en passant des Onéguine aux Oligarques, cette Russie là n’y gagne pas. Cette lecture est particulièrement cruelle car loin d’impliquer seulement le personnage d’Onéguine, elle implique toute une vision d’une destinée russe, une lecture d’un Tchaïkovski qui se rêverait Moussorgski.
Dans une telle complexité, dans un tel écheveau de niveaux de lectures, très stimulantes pour le spectateur, et se traduisant évidemment par des effets scéniques spectaculaires, surprenants, multiples,


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jeux de reflets qui se superposent, jeux d’ombres, jeux d’éclairages, le travail des chanteurs est évidemment rendu lui aussi complexe, puisqu’ils doivent sans cesse passer d’un monde réel à un monde rêvé, passer dans le monde de la mémoire, tout en étant “dans l’aujourd’hui”. Ils s’en sortent remarquablement, à commencer par Bo Skhovus, qui promène un personnage qui ressemble un peu au Don Giovanni de Tcherniakov à Aix, complètement défait dès le départ, et dont la voix un peu voilée fait merveille, notamment lorsqu’au troisième acte explose une violence désespérée tout à fait extraordinaire. Si au concert son premier acte semblait un peu en deçà de ce qu’on pouvait attendre , ici tout apparaît en cohérence. Un Onéguine à la fois vaincu et pathétique, une composition phénoménale.
La Tatiana de Krassimira Stoyanova n’a pas la fraîcheur, la spontanéité juvénile et bouleversante de la jeune Veronika Dzhioeva à Lucerne. Dans le contexte d’une Tatiana plus mûre revoyant sa jeunesse perdue, et chantant en femme mûre l’ensemble de l’oeuvre dans ce va et vient exigé par le metteur en scène, cela se comprend mieux: ou alors il eût fallu deux Tatiana (il y en a quelquefois  deux mais l’une mime et l’autre chante…). Mais si elle n’a pas la fraîcheur, elle a le dramatisme et la voix tragique, elle a la puissance et compose elle aussi un beau personnage. J’ai quand même préféré la jeune  Dzhioeva, vraiment touchante.
Le Grémine de Mikhail Petrenko est  totalement en cohérence avec le rôle voulu par Herheim. Habituellement distribué à des basses en fin de carrière (Ghiaurov fulgurant dans les années 90 avec une bouleversante Freni),  Grémine est ici dans la force de l’âge, avec une voix claire, jeune, d’une intensité rare: il confirme,  ce que nous avions compris depuis quelque temps, qu’il est l’une des grandes basses d’aujourd’hui, doué d’une intelligence du texte et du chant exceptionnelle.
Lenski est confié au ténor Andrej Dunaiev, qui chante avec intensité, intelligence, poésie: voix claire, émission modèle, diction parfaite, projection, technique, subtilité, mais aussi une véritable prise de risque dans son rôle de révolutionnaire: là aussi, c’est magnifique notamment dans l’air du second acte “Kuda, Kuda”, rarement chanté avec cette intensité..
Les autres rôles sont défendus de manière exemplaire, à commencer par la Olga d’Elena Maximova, toute  fraîcheur et jeunesse, mais surtout toute  justesse de ton, n’oublions ni Olga Savova (Madame Larina) ni surtout la très belle et très émouvante Filipjevna de Nina Romanova.
Notons enfin la composition  cocasse et si juste de


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Gilles de Mey en Monsieur Triquet, et le chœur magnifique dirigé par Martin Wright, qui se prête à toutes les fantaisies du metteur en scène, avec un engagement, une justesse et  une précision remarquables (mais depuis Moïse et Aaron dans la mise en scène de Peter Stein avec Boulez, on sait de quoi ce choeur est capable…).
Vous aurez compris que je suis totalement séduit par ce spectacle, qui peut désarçonner, mais dont on doit reconnaître l’intelligence: travail sur l’histoire et l’imaginaire, sur la psyché des individus et d’une société, il fait d’Eugène Onéguine une œuvre non plus mélancolique, mais authentiquement tragique, aidé en cela par un orchestre et un chef de rêve…Allez, encore une fois, c’est jusqu’au 10 juillet, à 3h18 de Paris par le Thalys. Qu’attendez-vous pour vous précipiter? A défaut, ou en guise de hors d’oeuvre, regardez la retransmission sur MEZZO le 23 juin à 20h ( sans doute préannonciatrice d’un futur DVD). Et regardez toujours en tous cas la programmation toujours stimulante d’Amsterdam.

PS: Dernière nouvelle, La Monnaie de Bruxelles  reprend la saison prochaine l’extraordinaire Rusalka de Dvorak, mise en scène du même Stefan Herheim et dirigée par Adam Fischer. A ne manquer sous aucun prétexte.

LUCERNE FESTIVAL 2011 (PÂQUES): EUGENE ONEGUINE, de P.I.TCHAIKOVSKI, dirigé par Mariss JANSONS (16 mars 2011)

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Le Festival de Lucerne n’est pas seulement un Festival d’été, mais aussi d’automne (Piano) et de Printemps (Pâques): il s’agit de varier les propositions, de faire fonctionner la salle, de construire une offre continue. Cette année à Pâques, outre Mariss Jansons et l’orchestre de la Radio Bavaroise, on pouvait assister à une master class de direction d’orchestre de Bernard Haitink, qui par ailleurs dirigeait le Chamber Orchestra of Europe dans deux soirées Brahms (dont le Deutsches Requiem), à des concerts d’Hélène Grimaud, de Kolja Blacher (le violoniste soliste premier violon du Lucerne Festival Orchestra), du Concentus Musicus de Vienne dirigé par Nikolaus Harnoncourt (Haendel, Resurrezione), du Concert des Nations et de la Capella Reial de Catalunya avec Jordi Savall dans le “Vespro della Beata Vergine” de Monteverdi. En une semaine, il y en a pour tous les goûts.

Etrangement il restait des places pour le concert que l’Orchestre de la Radio Bavaroise et le choeur de la Radio Bavaroise donnaient ce samedi 16 avril sous la direction de Mariss Jansons, une version concertante de Eugène Onéguine, que Mariss Jansons dirigera à l’opéra d’Amsterdam en juin et juillet prochains (avec le Concertgebouw) avec une distribution une peu différente et dans une mise en scène de Stefan Herheim. Il restait même des places à 60 CHF (50€ environ), ce qui est très étonnant: d’autant plus étonnant que nous avons assisté à une de ces soirées mémorables qui vous clouent sur place.
Le jeu de l’opéra en version de concert est quelquefois difficile: jouer? ne pas jouer?se mouvoir? Abbado préfère les versions semi-concertantes, avec une mise en espace. Ici, quelques mouvements, quelques regards, un jeu minimal, mais sans partition, ce qui permet tout de même une sorte d’accroche scénique et laisse dire aux mauvaises langues que cela fonctionne très bien sans mise en scène, ce qui montre que la mise en scène est inutile!
Eugène Onéguine n’est (n’était) pas a priori mon préféré des opéras pouchkiniens de Tchaïkovski, mais il me semble avoir redécouvert cette musique d’une incroyable finesse, cette alternance, ce mélange même de tension haletante et de respiration, là où je voyais quelquefois un peu de facilité. De fait on se souviendra longtemps de ce final diaboliquement tendu, qui s’achève par un noir total, surprenant, immédiatement suivi d’une explosion du public hurlant son enthousiasme.

On se souviendra de tout d’ailleurs, et tout d’abord d’un orchestre vibrant, techniquement impeccable, suivant tous les mouvements du chef (qui bouge beaucoup, qui exprime la musique par son corps d’une manière étonnante de vivacité), des cordes somptueuses (les violons allégés au maximum, les violoncelles et les contrebasses au son plein, le violoncelle solo magnifique), des bois et des cuivres à faire rêver, jusqu’aux timbales de Raymond Curfs, qui officie aussi au Lucerne Festival Orchestra. On se souviendra aussi du choeur de la Radio Bavaroise, tout à fait extraordinaire préparé par Martin Wright. Sa prestation au début de l’oeuvre, dont certains moments renvoient aux chants des liturgies orthodoxes et ne sont pas sans évoquer certains grands moments choraux de Moussorgski, impressionne et bouleverse.
Ce qui frappe c’est à la fois un son très plein, très charnu , favorisé par l’acoustique très réverbérante de l’auditorium de Lucerne, qui installe quelque chose de somptueux, mais qui est capable de s’alléger jusqu’à l’inaudible, et qui reste d’une absolue clarté. Pas un pupitre n’échappe à l’oreille, ce ne sont que contrastes savamment ménagés entre des morceaux de bravoure (valse du second acte, et surtout étourdissante et brillantissime Polonaise du 3ème acte qui fait éclater l’enthousiasme du public), et les moments de pur lyrisme (les airs de Lenski par exemple) ou pur tragédie, non exempts de recueillement (le duel) ou les dramatiques échanges du final, qui tendent l’ambiance à l’extrême. Voilà un travail spectaculaire en tous les sens du terme, spectaculaire parce qu’il donne à voir, regards, mouvements légers, engagement des musiciens et des chanteurs, subtiles variations des éclairages entre les scènes,  parce qu’il donne à s’émouvoir, parce qu’il étonne et qu’il surprend, et simplement parce que la musique donne à entendre tant de couleurs, tant d’ambiances, tant de rythmes, tant de finesse rassemblés qu’on a l’impression de redécouvrir l’oeuvre.
Au service de ce magnifique travail, une distribution engagée et parfaitement choisie. On retrouve avec plaisir Stefania Toczyska qui a encore ses impressionnants graves dans Madame Larina, Marina Prudenskaia en Olga confirme ce que j’écrivais l’an dernier à propos du Requiem de Verdi de Salzbourg à la même période “mezzo irréprochable”, avec en plus une personnalité affirmée qu’on sentait moins alors. Voix chaude, présente, puissante, qui fait d’Olga un personnage moins pâle que d’habitude. Notons aussi la jolie mezzo Nona Javakhidze, qui remplace Nina Romanova, souffrante en Filipewna.

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Se confirme enfin une vraie perle, la jeune soprano géorgienne Veronika Dzhioeva, remarquée il y a deux ans à Baden-Baden dans Aleko avec Gergiev, qui se révèle une Tatiana à la fois juvénile, mais aussi mature, décidée, à la voix très expressive et aux accents bouleversants: l’air de la lettre est un très grand moment, et la scène finale incroyable de tension dans le duo avec Bo Skovhus. Du côté des hommes, on est un peu déçu au premier acte par Bo Skovhus, qui a toujours ses grandes qualités d’interprète, qui dit le texte avec une clarté et une attention peu communes, mais dont la voix semble un peu voilée, notamment dans les graves, qu’il a beaucoup perdus. Mais son deuxième acte est bien meilleur et surtout son troisième acte, totalement bouleversant, où il transcende littéralement le personnage, ce qui donne une scène finale d’un dramatisme incroyable . Face à lui, le magnifique Lensky de Marius Brenciu, dont j’avais vu un bon Don Carlos à Bâle il ya quelques années: c’est une voix claire, bien posée, très contrôlée, qui rappelle avec un peu plus d’épaisseur Veriano Lucchetti, avec ses sons très ouverts, mais aussi des murmures et des mezze voci parfaits, et au total un Lensky qui distille une très grande émotion. Quant au Gremine de Mikhail Petrenko, un Gremine juvénile, à la voix de basse plus claire que d’ordinaire (comme son Hagen d’Aix), il est tout simplement étonnant. On a tout: la voix, au timbre assez clair (quel Don Giovanni il doit être!), mais à l’étendue impressionnante, dans les aigus comme les graves, la couleur, la technique et le contrôle et un sens exceptionnel du texte (on s’en rendait compte à Aix aussi) qu’il rend d’une incroyable clarté. Les autres chanteurs, et notamment le très bon Triquet de Gilles de Mey, qui en cinq minutes réussit avec son air du second acte à captiver le public, sont sans reproches (Carsten Wittmoser, Benedikt Göbel).
Artisan de ce triomphe, Mariss Jansons, l’élève de Karajan, mais aussi, comme Abbado, comme Mehta, de Hans Swarowsky, assistant de Evgueni Mravinsky, et donc dépositaire d’une double filiation, riche de la tradition germanique et de la grande tradition russe (il sort du conservatoire de Saint Petersbourg): un chef qui aujourd’hui est inévitable, dans ce répertoire bien sûr, mais aussi on l’a vu, dans Mahler ou même dans Verdi. On est toujours surpris de le voir diriger avec cette énergie, avec cette précision du geste, un geste à la fois net qui travaille l’aérchitecture de la partition, mais qui dessine aussi la musique, et qui accompagne l’orchestre et le choeur, mais aussi les chanteurs avec une attention et une précision rares: il est là tout près du chanteur et semble chanter avec lui: un tel engagement, une telle performance provoquent même à la fois un brin d’anxiété (il a des problèmes cardiaques depuis longtemps) et en tous cas l’enthousiasme du public debout scandant ses applaudissements, et celui de tous les participants: Veronika Dzhioeva était rayonnante au moment des saluts et on sentait une véritable osmose dans toute la compagnie, autour de ce chef miraculeux. Alors c’est dire quelle hâte j’ai de voir la production d’Amsterdam, avec le merveilleux Concertgebouw et dans la mise en scène de Stefan Herheim, c’est dire avec quelle chaleur je vous suggère de faire le voyage d’Amsterdam entre mi juin et le 10 juillet…

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Photo Michel Neumeister

LUCERNE FESTIVAL 2010: Mariss JANSONS dirige l’orchestre du CONCERTGEBOUW le 3 septembre 2010 (MAHLER: Symphonie n°3)

 

Beaucoup de Mahler à Lucerne cette année. Outre Claudio Abbado et le Lucerne Festival Orchestra, qui ont proposé la 9ème Symphonie, Sir Simon Rattle et le Berliner Philharmoniker ont joué la Symphonie n°1, Pierre Boulez fera la Symphonie n°6 avec les jeunes du Lucerne Festival Academy Orchestra, et Mariss Jansons a proposé ce soir 3 septembre la monumentale Symphonie n°3 avec le Concertgebouw d’Amsterdam.

On ne peut s’empêcher d’éprouver une légère déception. Soyons honnêtes, le concert a été magnifique, et s’est terminé sur un énorme succès avec « standing ovation ». Mais nous avons en tête à la fois Claudio Abbado (dans cette salle en août 2007, avec le Lucerne Festival Orchestra) et Pierre Boulez (à Carnegie Hall à New York, en octobre 2007, avec le Lucerne Festival Orchestra et en remplacement d’Abbado, malade). Pierre Boulez avait proposé une vision d’une grandeur inouïe, avec un tempo très lent (plus de dix minutes de plus qu’Abbado) et d’une intensité qui avait stupéfié critiques et public. Claudio Abbado a une vision de Mahler plus sombre : dans ses interprétations, c’est la souffrance ou l’amertume qui dominent, la nostalgie ou la mélancolie, y compris dans les symphonies dites « positives », comme la Troisième ou même, comme l’an dernier, la Première. Ce qui nous avait frappés, c’est que cette Première semblait proche de la Septième ou de la Neuvième…

Ainsi, dans cette même Troisième, tous les auditeurs se souviennent du corps de postillon, cet instrument de la nature montagnarde et rude, que Mahler affectionne, dissimulé en coulisse, lointain, éthéré, mélancolique à en pleurer, qui nous avait bouleversés. Le même cor chez Jansons est certes en coulisses, et interprété à la perfection, mais le son est proche, presque trop fort, en tous cas si présent, et si réel qu’il n’a rien d’éthéré, ni de bouleversant, mais qu’il offre bien plutôt un son presque joyeux.

Le premier mouvement est très violent, presque agressif, et les cordes enivrantes du Concertgebouw sont à la fête (les cuivres, tout au long du concert, l’ont été un peu moins, il y a eu çà et là de menues erreurs) : c’est presque stravinskien, oserais-je dire, il est vrai que la Symphonie n°3 est une sorte du préfiguration du Sacre du Printemps, qui observe la nature dans son cycle vital, naissance et mort (il y a comme une marche funèbre dans le premier mouvement), le son n’est pas aérien comme chez Abbado, il est au contraire compact, serré, urgent comme souvent chez Jansons. Ainsi, cette musique pour le cosmos, qui devait selon Mahler donner cette sorte de terreur sacrée du Monde et de Dieu semble t-elle au départ plus « chtonienne ». La présence de la nature, des fleurs, des pâturages, des montagnes est évidemment prégnante, on est dans le monde des « Correspondances » baudelairiennes .

Mahler compose la symphonie en deux étés en montagne (le cor, dont nous parlions, est un instrument de la montagne, paysage inséparable de Mahler). Pan et Dionysos, les dieux favoris de Nietzsche, sont partout présents en ce début, et les mouvements deux et trois (Tempo di minuetto(3), et Comodo.Scherzando(4) dans l’interprétation de Jansons, ne sont pas amers, ni grotesques comme souvent les danses chez Mahler (pensons à la sorte de danse macabre de la Neuvième), mais au contraire plutôt positifs et souriants. C’est aussi frappant dans le « O Mensch », ce Lied sublime sur le texte de Nietzsche chanté ici de manière stupéfiante par Anna Larsson. Le son ne rend pas vraiment le « Misterioso » demandé par le texte. C’est en effet moins mystérieux, beaucoup moins nocturne qu’à l’accoutumé. Ce Minuit chanté par Larsson est plutôt accompagné de la lumière de la pleine Lune, aussi est-on moins surpris de l’enchaînement (« Lustig im Tempo… ») avec les joyeuses voix d’enfants (Luzerner Knaben Kantorei) et de femmes (Dames du Schweizer Kammerchor), et le dialogue avec la voix de l’alto semble presque « naturel ».
Dans une interprétation plus immédiate, plus énergique, plus claire, plus ouverte, le dernier mouvement, l’adagio (Langsam. Ruhevoll. Empfunden) ouvre sur un autre espace. En le reliant par de lointains échos au mouvement lent de l’opus 135 de Beethoven et au Tristan de Wagner, Mahler affirme au final de sa symphonie la prééminence de l’amour. Chez Abbado, cet amour contient en lui-même les déceptions du futur. Rien ne permet de le dire ici : nous sommes bien dans un univers de l’amour heureux, qui respire de plus en plus largement. Il y a là pour Jansons un Mahler heureux, mais de ce bonheur ou de cette joie profonde et intense qui n’a rien à voir avec une explosion. L’audition du final, tout d’intensité, mais aussi tout de bonheur profond, surprend, puis prend l’auditeur. Il est clair que c’est ce moment qui est le plus marquant du concert, celui où nous sommes « dedans », complètement. Le public d’ailleurs l’a bien senti se retenant par un court silence, puis applaudissant à tout rompre.

En conclusion, même si sans doute l’approche « nostalgique » d’Abbado me séduit plus et parle plus à une sensibilité « à fleur de peau », l’approche de Jansons, moins sensible et plus « terrienne », plus rude aussi, finit elle aussi par nous emporter. Car il ya eu joie, une joie profonde. Jansons, qui sort de problèmes de santé délicats (il a de lourds problèmes cardiaques), nous est apparu souriant, engagé. Avec sa gestique expressive et sans doute épuisante – il suait abondamment -, il fait presque peur. Mais il nous a rendus heureux.

OSTERFESTSPIELE SALZBURG 2010: MARISS JANSONS dirige le Requiem de VERDI (avec le Philharmonique de Berlin et entre autres Jonas KAUFMANN) (2 avril 2010)

A priori on ne l’attend pas dans Verdi, et pourtant, ce soir, en ouverture de la seconde série de concerts du Festival de Pâques de Salzbourg, son interprétation de la Messa di Requiem a électrisé la salle: une fois de plus Mariss Jansons montre ce qu’il est, un très grand chef, un immense musicien, un novateur. Une fois de plus se vérifie aussi qu’avec certains chefs, les berlinois se surpassent et jouent sur une autre planète.
Le Festival de Pâques est un rituel presque immuable: deux séries de quatre soirées, un opéra, un  grand concert choral ou deux, un concert orchestral ou deux. Cette année, Götterdämmerung (en coproduction avec Aix en Provence), deux grands concerts choraux (Requiem de Verdi et Passion selon Saint Mathieu de Bach), un concert orchestral (Ligeti, Berlioz). Le Festival, créé par Herbert von Karajan en 1967 pour l’Orchestre Philharmonique de Berlin n’accueille que les Berlinois qui sont en résidence à Salzbourg pendant les deux semaines que durent les deux séries. Du temps d’Abbado il y a eu quelques concerts supplémentaires du Gustav Mahler Jugendorchester. Karajan, Solti, Abbado en ont assuré la direction artistique et maintenant c’est le tour de Sir Simon Rattle, en tant que directeur artistique de Berlin. Et à dire vrai, le Festival sort d’une période très chaude, où il a failli quitter les rives de la Salzach pour s’installer à Baden-Baden: mais la crise est derrière, et on peut penser désormais “avenir”.
Traditionnellement un autre chef est aussi invité c’est cette année Mariss Jansons qui entretient avec le Philharmonique de Berlin une relation très forte .
020420101927.1270248560.jpgL’approche de Mariss Jansons et la manière dont il exerce un contrôle serré sur l’ensemble rappelle la Symphonie n°2 de Mahler entendue à Londres et évoquée sur ce Blog. On peut concevoir le Requiem de Verdi comme une sorte de grand opéra, mettant en valeur les solistes, travaillant sur les effets d’espace, les effets vocaux, la mélodie et l’harmonie plutôt que la structure et l’architecture, on peut  trouver des interprétations explosives, extensives, larges, épiques qui sont en somme des catharsis du spectaculaire.
Rien de tout cela ici.
Mariss Jansons change totalement le point de vue et nous propose  une interprétation non pas “explosive” mais bien plutôt “implosive”. Rarement il nous été donné d’entendre une interprétation aussi concentrée, aussi intériorisée, tout en restant vibrante et même par moments bouleversante. Un Requiem concentré, dans un tel mouvement centripète qu’il semble se construire un trou noir musical, plus qu’une étoile en expansion. Il s’agit de nous montrer un tout musical, complexe, en permanente interaction mais où personne ne surnage, choeur, solistes, orchestre. C’est une démonstration de modestie musicale où tous jouent ensemble, en écoutant l’autre, en se fondant dans la vague  sans chercher aucun effet. Il en résulte une ouverture intense et totale vers la spiritualité, et non plus vers ce qui serait du spectacle, une tension inouïe, un bouleversement intérieur qui prend l’auditeur dès les premières mesures, murmurées. L’entrée de Jonas Kaufmann dans le Kyrie est à ce titre proprement anthologique. Tout le Dies Irae est un moment miraculeux, d’ailleurs il serait difficile de trouver dans l’ensemble un moment de faiblesse.
Mariss Jansons dirige de manière très serrée, on le sent à la manière dont les chanteurs disent le texte, travaillent les inflexions, et à la manière dont Jansons les guide et les suit. Dans une telle construction, il faut d’abord saluer le travail du Choeur de la Radio Bavaroise et de son chef Peter Dijkstra absolument extraordinaire, qui tant du point de vue du volume, que de la diction, que de la justesse et même du raffinement, ne mérite que des éloges. Jamais trop fort, jamais envahissant, toujours impressionnant.
L’orchestre philharmonique de Berlin est à son meilleur, chaque pupitre est clairement entendu, les cordes ont une souplesse, une légèreté, un engagement impressionnants, jamais non plus on n’ avait entendu avec une telle clarté les bois, et notamment les bassons, stupéfiants. Tous participent d’une construction globale à laquelle l’équipe de solistes contribue de manière vraiment rare. Aucune voix ne domine, chacune est à sa place dans ce concept d’hyperconcentration. Stephen Milling est on le sait une basse très demandée en ce moment: jamais le chanteur danois ne donne de volume (il pourrait être très sonore dans le “mors stupebit…”, il est tout intériorité), Marina Prudenskaja est un mezzo irréprochable, à la personnalité cependant plus en retrait. Bien sûr, on pense immédiatement aux merveilles que pourrait nous réserver dans ce contexte une Anja Harteros, mais la soprano Krassimira Stoyanova ne dépare pas loin de là, la voix est très contrôlée, le lyrisme est réel, les aigus (quelquefois un peu limites certes)  se déploient et le “libera me”final, très difficile, est particulièrement précis et dominé. Certes, dans un contexte plus spectaculaire, la voix pourrait avoir quelques difficultés mais elle est impeccable dans le contexte général. Quant à Jonas Kaufmann, s’il n’a pas la couleur solaire des voix plus méditerranéennes, il a ce que seulement de rares ténors possèdent, à savoir un contrôle permanent sur la voix, une technique de fer, qui lui permet à la fois de faire entendre son aigu, mais aussi de chanter piano, et même pianissimo, de murmurer, et d’être entendu. Dans le contexte voulu par Jansons, et même si certains amis italiens l’ont trouvé moins émouvant dans son “ingemisco”, il possède ce contrôle sur soi et cette couleur qui  rendent absolument extraordinaire la prestation, il a été une fois de plus stupéfiant, et tellement, oui tellement juste. Son attaque du Kyrie m’a tiré les larmes.

020420101928.1270248536.jpgOn peut ne pas partager le point de vue adopté par Jansons, et son approche très particulière qui va très loin dans  le resserrement musical mais la tension sur le public à été telle que bien vite, on est passé de l’implosion musicale à la standing ovation explosive. Mariss Jansons appartient à cette race de chefs qui innovent, qui modifient les points de vue, qui peuvent aussi déranger, à cette race de musiciens qui immédiatement ont prise sur l’orchestre et savent donner une couleur, un son personnel à ce qu’ils interprètent, c’était clair ce soir dès des toutes premières mesures.
Voilà un Requiem de Verdi sans un seul italien sur scène (quelques uns dans l’orchestre…) puisque le chef est letton (marqué par la culture musicale russe), les solistes bulgare, russe, danois, allemand, la musique est vraiment notre bien commun qui transcende les identités, et qui en ce Vendredi Saint a vraiment fait communion spirituelle: il y avait du religieux ce soir à Salzbourg.

Le Requiem de Verdi dirigé par Mariss Jansons, peut être regardé en ligne sur le site de l’orchestre philharmonique de Berlin, enregistré le samedi 13 mars (mais sans Jonas Kaufmann) URL: http://dch.berliner-philharmoniker.de/#/en/concertarchiv/archiv/2010/3/

CONCERT DU NOUVEL AN: quelques notes sur les éditions à posséder

Institution quelquefois plus médiatique que musicale , le concert du Nouvel An est souvent cependant l’occasion de mieux comprendre ce qui fait d’un chef d’orchestre glorieux (la plupart de ceux qui accèdent au podium du Musikverein le 31 décembre et le 1er janvier le sont) un véritable musicien. En effet, le programme proposé est souvent identique (quelques fantaisies çà et là cependant) et de toute manière tout le monde se retrouve au “Beau Danube Bleu” et à la “Marche de Radetsky”. Pour qui veut comparer les chefs, ou jouer à l’écoute aveugle avec ses amies et amis mélomanes, c’est un excellent moyen de juger, sur un morceau que tout le monde connaît à peu près par coeur. J’ai dans ma discothèque Willy Boskovski, Karajan (1987), Abbado 1988 et 1991, Kleiber 1989 et 1992, Muti en 1993 (il fera aussi 2000 et 2004) (soyons méchant, par curiosité presque malsaine), et Jansons. Je me suis amusé, sur un long trajet en voiture, à faire des comparaisons.
Le concert du Nouvel An à Vienne a été dirigé par Willy Boskovski, le premier violon des Wiener Philharmoniker de 1955 à 1979 et chef de l’orchestre Strauss, le spécialiste incontesté de ce répertoire pendant de très longues années, je me souviens qu’il dirigeait l’orchestre son violon en main, c’était dans la plus pure tradition viennoise, et les concerts de cette époque furent sans doute les plus “conformes” à l’esprit viennois, et c’était incontestablement l’orchestre, et Strauss, qui avaient la vedette. Acheter Boskovsky, c’est une garantie de qualité, d’esprit, d’authenticité et aussi de simplicité.

Ce n’est qu’en 1980 qu’on a commencé à y voir des chefs de renom se frotter à Strauss à Vienne, le premier fut Lorin Maazel, plusieurs fois appelé à diriger ce concert pendant les trente dernières années. En général les GMD (Generalmusikdirektor, directeur général de la musique) de Vienne, poste prestigieux s’il en est (ce fut celui de Mahler), comme Maazel, Abbado ou Ozawa sont invités presque obligatoirement à diriger ce concert:  l’an prochain, ce sera (logiquement) le tour de Franz Welser-Möst,  puisqu’il va occuper le poste de GMD à la Staatsoper en succédant à Seiji Ozawa. Depuis que le concert du Nouvel An est le phénomène planétaire et médiatique que l’on sait, la vedette reste Strauss, le chef, sans doute peu connu du très grand public (sauf Karajan en 1987) passe au second plan, sauf pour les mélomanes. C’est cette ignorance qui  a fait ainsi la fortune d’un André Rieu dans Strauss, hélas.

Il reste que si l’on veut acheter ou faire cadeau d’un concert du Nouvel An, c’est une bonne entrée en musique classique: on a un large choix, le concert de l’année étant publié dans les jours ou les semaines qui suivent le 1er janvier (un temps absolument record!). Ma vocation de mélomane est ainsi née à partir d’un cadeau de valses de Vienne qu’on me fit quand j’avais 8 ans, j’ai écouté et réécouté les valses de Vienne par l’orchestre hongrois de Yoska Nemeth, sans doute un des musiciens tziganes parmi les plus fameux du XXème siècle. C’est dire comme je suis attaché à cette musique. Si vous trouvez le disque en question, n’hésitez pas, c’est vraiment tout à fait remarquable et c’est un excellent moyen de rentrer dans l’univers des Strauss.

Et les autres?  J’aime bien Abbado 1 (1988) plus que Abbado 2 (1991) éclectique et surprenant (Mozart!), comme aime faire Claudio, mais au total un peu ennuyeux pour mon goût, disons que ces concerts ne sont pas les plus grands souvenirs de ma vie d’abbadien itinérant. Riccardo Muti comme souvent fait du beau son, mais tout cela reste assez plat, sans âme (j’écrirai un jour prochain sur ma relation très contrastée à ce grand chef, dont j’aime surtout les années 1975-1985, c’est à dire les premiers enregistrements fulgurants et l’éblouissant passage à Florence). J’ai acheté le disque de Mariss Jansons, chef que j’apprécie tout particulièrement, comme ceux qui me lisent le savent. Quelle surprise d’entendre un Strauss très symphonique,dans une interprétation très marquée par l’univers de Tchaïkovski, avec un orchestre massif qui semble quelquefois jouer Onéguine: si vous voulez une couleur autre, une vraie prise de risque interprétative, alors n’hésitez pas à en faire l’acquisition, c’est étonnant, c’est très fort, très intelligent, mais on n’est pas vraiment à Vienne.

Il reste…Carlos Kleiber. Eh, oui! A écouter et à réécouter, on a tout dans ces trois disques des deux concerts (1989 et 1992): on a d’abord la légèreté et la danse: Kleiber ne fait pas d’abord du symphonique, il fait danser l’orchestre, il n’appuie jamais sur les effets, il est étourdissant de vélocité (et l’orchestre suit d’une manière époustouflante), il virevolte, mais toujours avec un soin maniaque pour les effets instrumentaux (des rubatos des cordes à se damner, des flûtes de rêve) sans jamais insister, sans jamais appuyer, en cherchant toujours l’effet dansé: alors naît l’émotion profonde, intense (début du Beau Danube Bleu en 1989!comme je l’ai déjà souligné précédemment) . Il a arrive même à effacer toute lourdeur dans la Marche de Radetsky! Ne parlons pas de l’ouverture de “La Chauve Souris”, qu’il a dirigé si souvent à Munich;( je l’ai entendu pendant le Carnaval, il arriva en perruque déguisé en Boris Becker!) . Le disque de 1989 est un miracle, plus sans doute que celui de 1992. Si vous avez un seul concert à acheter, alors, pas d’hésitation, Vienne-Kleiber 1989. C’est absolument incomparable, à tous les niveaux, Strauss pour l’éternité. Rien de surprenant me direz-vous, certes, car à distance de 21 ans, personne n’a encore proposé mieux et Kleiber est une référence universelle, mais il vaut mieux encore une fois le dire et encore une fois le répéter: Kleiber 1989, c’est vraiment un monde fou fou fou!

MARISS JANSONS dirige la Symphonie n°2 de Mahler (Résurrection) au Barbican Centre de Londres (13 décembre 2009)

 

J’ai longtemps considéré la Symphonie n°2 (Résurrection) dirigée par Bernstein (la première version avec NewYork surtout) comme l’absolue référence. Puis vint en 2003, l’incroyable interprétation d’Abbado à Lucerne (il y en a un CD et un DVD), notamment lors de la répétition générale, qui nous avait tous assommés. Je me souviens de mon voisin (il y avait deux cents personnes en salle) qui ne cessait de murmurer “toll, toll” (en allemand, extra, formidable, génial!) les larmes aux yeux. Un miracle de ce type n’est plus jamais revenu, et j’ai attendu six ans pour réécouter en concert une Symphonie “Résurrection” (Dudamel, à Lucerne). Cette saison, Abbado y revient cette saison lors de son concert de retour à la Scala de Milan: l’attente est immense comme on le sait. Alors, j’ai voulu entendre ce que Mariss Jansons en faisait, lui qui est avec Boulez le chef que j’admire le plus après Abbado aujourd’hui. C’est ce qui a justifié une petite virée londonienne, toujours agréable par ailleurs, puisque je ne pouvais être à Pleyel le 17 décembre; c’était d’ailleurs moins cher à Londres, bien moins cher même, avec un prix maximum de 55£ (110€ à Paris: on ne commentera pas…).

Ce que l’on peut dire d’emblée c’est que ce concert à lui seul valait le voyage. D’abord parce qu’on reste frappé par la perfection technique de l’orchestre, à qui il est beaucoup demandé: la présence en coulisse d’un grand nombre de pupitres, notamment des vents, construit un système d’écho coulisses/salle qui amène le public à se concentrer d’une manière inhabituelle sur ces parties de l’œuvre qui du fait même  des musiciens jouant en coulisse, renforce l’attention et fait découvrir des éléments qu’on n’avait pas forcément remarqués (notamment des phrases à la limite de l’atonalité) et rend tellement forte la célèbre phrase de Wagner dans ParsifalZum Raumwird hier dieZeit“. C’est justement l’espace sonore qui se démultiplie dans une constante perfection et impose au déroulé de la symphonie une nouvelle couleur. Jansons construit avec une rigueur implacable l’architecture du texte: il isole par une pause très longue le premier mouvement (que Mahler avait d’abord appelé “Totenfeier“-cérémonie funèbre-) du reste de l’œuvre comme si ce premier mouvement, à lui seul autonome, construisait un socle, et que le reste était le parcours vers la lumière et la Résurrection. Dès le début, l’atmosphère est tendue: Jansons retient le son jusqu’à la limite du possible et de l’audible. Ainsi les fortissimi n’apparaissent qu’en contraste avec les sons à peine effleurés, pas de fioritures, des sons nets, souvent cassants, puis un développement mélodique d’une lenteur inattendue (1h35),  qui met le spectateur en tension permanente lui aussi et qui crée les conditions d’une intense émotion. On ne cesserait de trouver des perfections nouvelles, le dialogue du premier violon et de la flûte, tous les bois et les cordes  époustouflants, les harpes toujours mises en valeur, tout cela rend chaque phrase musicale  isolée et chargée de sens et en même temps en permanente écho avec le reste dans une solution de continuité d’une rare homogénéité. Le second mouvement est absolument magique, même si les fameux pizzicati étaient encore plus éthérés et suspendus chez Abbado; il est vrai aussi qu’Abbado a une conception plus aérienne de la symphonie, alors que la vision de Jansons est, au départ au moins, pleinement chthonienne, pour s’élever peu à peu vers l’Ether. Ainsi pourrait-on s’étonner du contrôle qu’il exerce sur chaque pupitre, de cette machine à la fois parfaitement huilée, qui pourrait être un peu mécaniste, qui dès le départ a un sens, une âme, un souffle, parce qu’on sent une intime liaison entre chaque musicien et son chef et l’on ne fait pas simplement des notes, mais on fait ensemble de la musique. Cette vision est animée de bout en bout et conduit le spectateur qui est de plus en plus tendu avec une force inattendue et surprenante vers un final à couper le souffle: les trente dernières minutes créent une tension insupportable à cause de la rétention permanente du son, dans une vision majestueuse et grandiose que renforcent les interventions des deux solistes, BernardaFink et RicardaMerbeth: BernardaFink est magnifique, la voix a une grande étendue, une grande pureté, et son intervention dès “Urlicht” accentue la couleur de l’attente grave de la dernière partie de l’œuvre. RicardaMerbeth reste un peu moins expressive, mais son intervention finale reste spectaculaire. Le LondonSymphony Chorus quant à lui est un bon chœur qui intervient de manière correcte, sans plus, et qui marque une distance avec l’incroyable orchestre que nous entendons, dans une salle  à l’acoustique malheureusement  trop sèche, comme je le remarquais hier, qui aujourd’hui gêne encore plus et empêche l’expansion de cette musique céleste.

Au total, une attente récompensée au delà de nos espérances. Certes on sait combien le répertoire mahlérien est dans les gènes du Concertgebouw depuis  Mengelberg (et poursuivi par tous les chefs qui le dirigèrent), mais nous avons eu là, au-delà de la démonstration technique qui confirme à mon avis la toute première place de cet orchestre dans le panthéon mondial, un moment musical d’exception, un des plus grands concerts qui nous ait été donné d’entendre, sur des présupposés opposés à ceux d’Abbado, mais avec un résultat bien proche en terme d’émotion. Sans doute pour moi l’exécution d’Abbado en 2003 à Lucerne reste la référence miraculeuse et sans doute un peu magique, mais ce 13 décembre au Barbican Centre, grâce à Mariss Jansons et à l’orchestre du Concertgebouw, le public (debout, en délire)  a vécu un de ces moments pour lesquels il vaut la peine de vivre.

MARISS JANSONS dirige Smetana, Martinu, Brahms à Londres (12 décembre 2009)

Mariss Jansons est un chef peu médiatique, discret, mais qui là où il passe, traîne après lui tous les coeurs…A Munich, il fait exploser les abonnements de l’Orchestre de la Radio Bavaroise, tandis que le Münchner Philharmoniker connaît une crise importante et renonce à prolonger le contrat de Christian Thielemann, un chef pour moi trop bien considéré pour ce qu’il apporte vraiment à la musique. A Amsterdam, où il dirige le Concertgebouw, Jansons a réussi en quelques années à le reporter au sommet de la hiérarchie des orchestres, après une période Chailly un peu mouvementée. Le Concertgebouw est ce week end à Londres, au Barbican Center, pour deux concerts: ce soir, l’ouverture de la Fiancée vendue, de Smetana, le concerto pour deux orchestres à corde, piano et percussion de Martinu, et la 4ème symphonie de Brahms, demain après-midi, la Symphonie n°2 de Mahler “Résurrection”. Je venais à Londres pour Mahler et Jansons, et puis il restait des places excellentes et peu chères (12 £) pour ce soir, je n’ai pas hésité, et j’ai eu raison ô combien. D’abord, parce que j’ai découvert une oeuvre que je ne connaissais pas (Martinu) et ensuite parce que Brahms a été littéralement grandiose.

Dès les premières mesures de l’ouverture de la Fiancée Vendue, on remarque l’infinie légèreté des cordes, qui émettent un son à peine audible, tout le début jouant sur le contraste entre l’audible et l’inaudible, puis se développe en un crescendo impressionnant, très difficileà jouer. Manière de présenter l’incroyable qualité de cet orchestre, que d’aucuns n’hésitent pas à mettre au premier rang mondial, devant Vienne et Berlin. Le concerto de Martinu est une pièce symbolique de la période où Martinu (dont la veine de compositeur a succcessivement puisé dans la musique populaire de Moravie ou de Bohème,  chez Dvorak ou Debussy qu’il admirait tout particulièrement,  mais aussi chez les madrigalistes anglais)  s’intéresse au baroque et à la forme du concerto. Voulant composer une pièce marquant son retour au pays (nous sommes en 1938), l’histoire s’engouffre dans la composition puisque la Tchécoslovaquie disparaît (avec Munich) et c’est en Suisse en 1940 que l’oeuvre sera créée. Ainsi l’ambiance de l’écriture qui devait être positive et optimiste, devient plus sombre et même pathétique. Le premier mouvement est vif, dynamique, immédiat exige beaucoup des cordes, cela ressemble apr moments à du Chostakovitch, le largo est sans doute le meilleur moment de la partition, laisse entrer la mélancolie, la tristesse (le début est saisissant) et le piano est omniprésent, comme une sorte d’obsession. Le dernier mouvement retrouve la dynamique du premier, mais après le largo, c’est une certaine dissonnance qui domine, avec une fin complètement suspendue. Jansons arrive à dessiner ces différents moments, en marquant fortement la présence du piano (au centre du dispositif entre les deux orchestres), et soulignant la déconstruction qui domine le dernier mouvement. Une oeuvre à découvrir et à réécouter.

Dans Brahms, j’ai l’habitude d’écouter Abbado (comme dans Mahler d’ailleurs, d’où ma curiosité pour demain) que je trouve toujours “juste”. Abbado est un architecte inventif: si c’était un architecte (jouons au portrait chinois!), ce serait sans doute Borromini, avec ses formes légères, sa créativité, sa liberté de ton, ses acrobaties techniques et sa virtuosité. Si Jansons était architecte, ce serait Bernin, avec sa force, son sens aigu de la forme,  son regard grandiose sur le monde, mais aussi son humour et lui aussi sa virtuosité.

C’est ce grandiose qui frappe dans l’approche de Brahls par Jansons. Au début la lenteur surprend (elle m’avait même gênée il ya deux ans pour un Deutsches Requiem à Lucerne, un peu trop terrestre et appliqué pour mon goût). Il n’y a pas aujourd’hui d’application, il n’y a que de la construction géniale, qui fait ressortir les moindres détails, qui soigne d’une manière incroyablement précise les équilibres sonores, et les différentes strates de la partition. Il est servi par un orchestre (les bois font merveille!) complètement engagé dans l’aventure, au son chaleureux, rond (on déplore l’acoustique un peu sèche de la salle, en rêvant à celle, miraculeuse, du Concertgebouw d’Amsterdam), et large en même temps. Ce Brahms respire de grandes étendues, on est au seuil de Sibelius. Certes Brahms surprit, notamment dans le dernier mouvement, inspiré par des formes baroques de la passacaille ou de la chaconne, et très novateur dans sa variation finale. C’est ce que Schönberg admira notamment dans cette symphonie. Jansons imprime largeur des sonorités, étendue des tempi, avec une précision diabolique dans les détails, sans jamais faire jouer trop fort, dans un miracle d’équilibre et d’émotion (l’andante et le scherzo -allegro giocoso-  m’ont complètement bouleversé). Triomphe à la fin du concert et deux bis en cohérence, deux danses étourdissantes (la très fameuse Danse hongroise n°1 de Brahms, et la Danse slave n°7 de Dvorak) , qui ont fini de tournebouler le public (souvent jeune et très “cool” d’ailleurs, vive Londres!). J’attends avec d’autant plus d’impatience le concert de demain (en matinée, à 15h).

LUCERNE FESTIVAL 2009: A STAR IS BORN: le chef Andris Nelsons (31 Août 2009)

 

A STAR IS BORN

CONCERT Andris NELSONS
Lucerne : 31 août 2009

Programme:

Britten : 4 Interludes extraits de “Peter Grimes”

Berlioz :  Nuits d’été (mezzosoprano : Vesselina Kassarova)
Debussy : La Mer
Ravel : La Valse

Le Festival de Lucerne ne se limite pas aux concerts magiques du Lucerne Festival Orchestra, l’orchestre de la Lucerne Festival Academy dirigé par Pierre Boulez a donné des preuves passionnantes de son engagement, Mariss Jansons a emporté la salle dans un concert Haydn-Chostakovitch avec le Concertgebouw qui restera dans les mémoires, nous avons aussi entendu la rare 10ème de Mahler dans la reconstitution de Deryck Cooke par le Gewandhaus de Leipzig dirigé par Riccardo Chailly qui a également enthousiasmé. Lucerne est une authentique fête de la musique, si proche de l’Italie (250 km) et de la France (100 km à peine) !

Mais nous nous arrêterons sur le passage d’un seul soir du City of Birmingham Symphony Orchestra dirigé par son nouveau chef, le jeune Andris Nelsons.  Programme franco-anglais assez éclectique, qui a littéralement électrisé les auditeurs et fait découvrir  une star future de la baguette. Il ne faut manquer sous aucun prétexte les futures apparitions de ce chef de 30 ans, pur produit de l’école du Nord, élève de Mariss Jansons (il lui a pris cette manière de prendre la baguette de la main gauche et de diriger par la main droite). J’ai rarement vu d’un chef émaner une telle énergie que  ce sont ses mouvements et ses gestes  qui, croirait-on,  font naître la musique. Il sculpte dans les airs la partition avec une clarté telle qu’il obtient de l’orchestre une prestation littéralement étourdissante. On savait le CBSO un très bon orchestre depuis que Rattle l’avait hissé à un niveau international, on ne savait pas qu’il était un orchestre tout à fait exceptionnel, au son somptueux, à la technicité à toute épreuve : une véritable alchimie naît entre musiciens et chef qui emporte tout sur son passage. Pas un moment de relâchement dans un programme qui a déchaîné le public dès les interludes du Peter Grimes de Britten et surtout la remarquable prestation de Vesselina Kassarova dans les nuits d’Eté, la voix est claire, bien posée, très présente, l’interprétation est vibrante. Quant à l’énergie développée par la mer de Debussy, et la Valse étourdissante de Ravel, elle fait littéralement palpiter , puis exploser le public qui est littéralement possédé par le chef et son orchestre, et qui hurle son juste enthousiasme. « A star is born ». A suivre