ROYAL OPERA HOUSE-COVENT GARDEN 2009-2010 , LONDRES: TRISTAN UND ISOLDE avec Nina Stemme, Dir. Antonio Pappano (18 octobre 2009) )

Le chant wagnérien se porte bien en ce moment. Il se porte même beaucoup mieux que le chant verdien. On peut trouver sur le marché trois  ou quatre Siegfried de grande qualité, et quelques Tristan de grande facture, mais aussi deux ou trois Isolde de très haut niveau. Irène Theorin à Bayreuth, sans être exceptionnelle, a une présence solide, la grande Waltraud Meier procure encore de très grands moments d’émotion malgré l’inévitable usure de la voix; du reste, Deborah Polaski, Evelyn Herlitzius, Eva Maria Westbroek, la jeune Jennifer Wilson sont autant d’artistes qui aujourd’hui rendent honneur au chant wagnérien, dans un rôle ou l’autre…mais l’époque est dominée sans l’ombre d’un doute par la suédoise Nina Stemme, qui fait courir tous les wagnériens de la planète. C’était son Isolde et  le Tristan de Ben Heppner , les vedettes de cette nouvelle production de Tristan und Isolde, mise en scène par Christof Loy et dirigée pour la première fois à Covent Garden par le maître du lieu, Antonio Pappano. Lors de la dernière (et l’avant dernière), Ben Heppner, souffrant a été remplacé par le suédois Lars Cleveman, qui s’en est plus qu’honorablement tiré. Inutile de tergiverser: nous avons assisté à l’une des plus grandes, des plus belles exécutions de ces dernières années, qui sans doute marquera les mémoires.

A entendre les prestations successives de Nina Stemme (Brünnhilde, Aida, La maréchale, La comtesse de Capriccio, Leonore de Forza del Destino) et à constater la multiplication de ses apparitions, on pouvait craindre une fatigue de la voix que certains critiques n’ont pas hésité à annoncer. Qui a entendu son Isolde à Londres ne peut que rester ébahi par cette interprétation vibrante, par cette présence vocale intacte et magistrale, cette rondeur charnue de la voix, ce volume énorme et homogène,  ces aigus impressionnants, avec ce “Lust” final à peine effleuré et pourtant si clair et si présent, oui, Madame Stemme est aujourd’hui unique dans ce rôle. Un phénomène comparable aux légendes du passé, à commencer par sa compatriote Birgit Nilsson, mais dans une couleur et un registre très différents. Standing ovation, hurlements, enthousiasme du public, tout cela est mérité.
Lars Cleveman avec des moyens moins importants réussit  à soutenir de bout en bout le voisinage de sa collègue. Remplaçant une des stars du chant d’aujourd’hui, aux côtés d’une compatriote devenue elle aussi LA référence du jour, on pouvait craindre qu’il n’apparaisse effacé. Bien que légèrement fatigué au troisième acte, il compose quand même un très beau Tristan, à la voix claire, bien timbrée, avec un soin exceptionnel donné à la diction du texte:  une très belle figure à la fois juvénile et déchirée. Grande prestation.
La réussite des grandes distributions tient souvent à l’homogénéité de toute la compagnie, et c’est le cas, car ces deux artistes exceptionnels sont parfaitement entourés, à commencer par l’étonnante Brangäne de Sophie Koch, allemand encore en devenir mais émission exemplaire, puissance, émotion, engagement dans l’interprétation, d’intéressants débuts dans le rôle !  Michael Volle, lui aussi tout à fait exceptionnel (c’est désormais habituel) prête sa voix puissante et son style impeccable à Kurwenal pour en faire un vrai personnage fort, présent, immense image de l’ami protecteur et fidèle. Enfin, Matti Salminen, diminué par un problème de motricité (peu gênant dans ce rôle de vieillard), reste un des Marke de réference et il remporte un triomphe mérité. Les autres sont un peu en retrait (notamment le Melot de Richard Berkeley Steele).
La direction d’Antonio Pappano sert le dessein de la mise en scène en proposant un Tristan plus intimiste, un Tristan “de chambre” comme l’écrit le programme de salle, parfaitement au point. Son approche est très lyrique, très claire, on entend tous les instruments (ah! ces harpes finales, comme chez Abbado!) et en même temps très mesuré de sorte que les voix ne sont jamais couvertes, c’est un miracle d’équilibre qui produit une très grand moment musical. On avait aimé son approche au disque, elle est ici confirmée, et Pappano est décidément un très grand chef de théâtre.

La mise en scène de Christof Loy huée à la Première ne mérite assurément pas cet accueil. Elle n’atteint pas les sommets de la production de Sellars à Paris mais elle propose un travail très “analytique” au sens freudien du texte, l’action se déroule sur deux espaces, un espace de premier plan, nu, presque Hitchcockien avec ce mur gris où se projettent les ombres des personnages, et en arrière plan, une grande salle de réception ou de mariage où évoluent choeur et figurants, et où l’on voit ce qui ne se passe pas sur scène (Kurwenal en couple avec Brangäne par exemple), d’un côté la réalité grise, de l’autre l’espace fantasmatique, d’un côté les projections de l’imaginaire et de l’autre la présence pesante des angoisses. Il en résulte une mise en scène à la fois intimiste et oppressante, dont les moments les plus réussis se trouvent au second acte (Isolde tirant le rideau pour faire voir à tous son amour pour Tristan, et donc provoquant le drame est un moment inoubliable). Le  troisième acte semble moins achevé, notamment toute la scène finale qui hésite entre la réalité et le fantasme (comme chez Ponnelle), mais on n’oubliera pas l’image d’Isolde s’allongeant auprès de Tristan pour mourir, un moment qui fait venir les larmes. La Liebestod est de manière surprenante, assez banale et les solutions scéniques adoptées (sortie des autres personnages) peu claires et inélégantes. Mais peu importe, l’ensemble reste fort honorable.

Au total, une très grande soirée, qui valait le voyage. L’Eurostar rend Covent Garden si proche, n’hésitons pas à passer le channel!

ENGLISH NATIONAL OPERA, LONDON COLISEUM 2009-2010: RIGOLETTO de Giuseppe VERDI (17 octobre 2009)

 

 

Dans les années 70, on a beaucoup discuté de l’avenir de l’Opéra Comique, laissé en friche, après la réforme de l’Opéra voulue par Jacques Duhamel, et l’argumentaire se référait très souvent à l’exemple de Londres, où le Royal Opera House de Covent Garden est l’opéra “haut de gamme”, alors que le Coliseum, ex Sadler’s Wells, aujourd’hui English National Opera joue celui d’opéra populaire, où toutes les œuvres sont données en anglais et où les compagnies sont formées souvent d’artistes jeunes qui pour la plupart font ensuite de solides carrières internationales. La très belle salle du Coliseum, impressionnante avec ses ors et ses statues de la fin du XIXème reprenait justement en ce début de saison une production de Rigoletto de Jonathan Miller, qui avait beaucoup fait discuter à l’époque de sa création en 1982, qui transpose l’action dans la Little Italy un peu mafieuse des années cinquante. La curiosité m’a conduit à aller voir ce spectacle, 27 ans après sa création, pour constater qu’il n’a pas vraiment vieilli, et que la transposition fonctionne, avec une  logique encore plus effrayante que celle de la version traditionnelle (située dans la Mantoue de la Renaissance). Il est vrai que les rivalités entre les clans et les luttes violentes du Moyen âge et de la Renaissance (voir Romeo et Juliette, ou West Side Story, pour rester à New York) ont laissé en héritage aux générations futures du sud de l’Italie cette culture du clan qui a abouti à la perversion mafieuse. L’intrigue de Rigoletto se prête bien à la transposition: un prince et des courtisans à sa botte qui peuvent se glisser dans les habits du boss  et de ses affidés, des trafics louches et des violences à l’ombre du boss/prince, des violences sur des familles réticentes (Monterone), les tueurs à gage (Sparafucile), ajoutons les ruelles mal famées et les lieux de rencontre des clans (bars, salles de réception dignes du « Parrain » de Coppola), tout cela fonctionne à merveille et rend parfaitement justice à l’œuvre.

La distribution rassemblée pour cette reprise est très homogène, dominée par le Rigoletto émouvant de Anthony Michaels-Moore, à la voix puissante, à l’interprétation intense, qui en fait un des titulaires intéressants du rôle. A l’heure où l’on ne trouve pas de successeur à Leo Nucci, voilà un excellent candidat à la succession, même si sa carrière est déjà longue: c’est une véritable incarnation,  il n’en fait pas un personnage caricatural et ne surjoue jamais comme cela peut être le cas dans ce rôle.  Le duc de Mantoue est confié au jeune ténor Michael Fabiano, physique avantageux, voix claire, bien posée, affirmée même; il campe un personnage crédible et l’interprétation est bien maîtrisée, voilà une voix à suivre, qui me semble prête à aborder de grands rôles du bel canto romantique. Un peu en retrait, la Gilda de Katherine Whyte, qui comme Michael Fabiano faisait ses débuts londoniens. La voix est claire, mais manque de la puissance voulue pour les grandes scènes dramatiques, trop petite pour l’immense salle du Coliseum, trop grêle encore pour aborder le rôle, même si le chant est contrôlé. A noter dans la distribution l’impressionnant Sparafucile de Brindley Sheratt, un nom à retenir, voix somptueuse, timbre velouté, puissance, une belle surprise.
La déception vient de la direction de Stephen Lord (débuts à l’ENO) le chef du St Louis Opera, routinière, manquant de nerfs et d’énergie, très conforme sinon conformiste, et pour tout dire ennuyeuse, dès le départ, des lenteurs, des étirements, même quand la scène était vibrante et électrique.

Une très bonne soirée tout de même! Ah! j’oubliais, c’était évidemment en anglais, comme m’avait averti la dame du box office (mais je le savais), et ce n’était pas trop gênant, tout a fonctionné car l’anglais dans Little Italy, c’est -aussi- la langue du pays…

 

 

OPERA NATIONAL DE PARIS, Opéra Bastille 2009-1010: DIE TOTE STADT de KORNGOLD (Dir Mus. Pinchas STEINBERG, ms en scène:Willy DECKER) le 3 octobre 2009.

La Ville morte (Willy Decker)

L’entrée au répertoire de l’opéra de Paris de Die tote Stadt est à considérer comme un événement. L’oeuvre de Korngold, créée en 1920 et redécouverte il y a plus de trente ans grâce à un enregistrement de Erich Leinsdorf avec René Kollo qui reste la référence, arrive peu à peu sur les scènes européennes à la recherche de nouveaux titres . Gageons que peu à peu la “musique dégénérée”(Entartete Musik) entrera dans les prochaines années dans tous les grands théâtres. Cette production, nouvelle à Paris, remonte tout de même à 2004 (à Salzburg, puis à Vienne) et Willy Decker ne s’est pas déplacé pour la remonter. Néanmoins, on peut d’emblée considérer l’opération comme une réussite, gros succès public à la Première, chant satisfaisant, orchestre à la hauteur, production de qualité. On peut trouver l’histoire résumée dans tous les bons sites internet, disons qu’il s’agit de l’histoire d’un homme, fou amoureux de sa femme Marie trop tôt disparue , qui ne se résoud pas à accepter ce deuil: à la fin de l’opéra, il a “fait son deuil” grâce à un rêve qui va couvrir environ les trois quarts de l’oeuvre. Appuyée sur un roman de Georges Rodenbach, “Bruges la morte” et sa version pour la scène, “Le Mirage” l’opéra est une adaptation en trois actes. la mise en scène de Willy Decker est assez épurée, même dans la partie “rêve” et même lorsque les scènes deviennent échevelées. Le spectateur, par un dispositif scénique clair, distingue le moment “réel” et celui “rêvé” et l’ensemble se laisse voir. Il y a de beaux tableaux (la scène de la procession vue comme “passion” christique), et les chanteurs sont suffisamment engagés pour être convaincants. Il reste que l’ensemble a un peu vieilli, et qu’on peut préférer le travail plus récent de Nicolas Brieger à Genève, qui avait résolument choisi l’option d”un monde réel tout à fait parallèle au monde rêvé,et donc d’une continuité dramatique ambiguë qui impressionnait le spectateur,   et le faisait entrer dans l’histoire d’une manière plus violente, et donc plus fidèle en ce sens au texte de Rodenbach. Rien de tel ici, et au total, le travail très propre de Willy Decker reste assez sage et, quant à lui sans aucune ambiguité, et peut être aussi sans grand mystère, ce qu’on peut regretter.

Du point de vue musical, ne boudons pas notre plaisir, la qualité est au rendez-vous, l’ensemble est d’un bon niveau, voire très bon lorsqu’il s’agit de Robert Dean Smith et de Stéphane Degout . Robert Dean Smith (Paul) étonne toujours par la puissance et l’endurance de cette voie claire à la couleur juvénile, (on l’a vu à Bayreuth dans Tristan). Il assume de bout en bout la partie en ne ménageant pas son énergie et son engagement, et en donnant une belle démonstration de chant maîtrisé de très haut niveau. Lui répond le chant très élégant de Stéphane Degout (Frantz/Fritz), un des chanteurs français les plus réclamés aujourd’hui, l’un de ces barytons qui compte dans la cohorte de très bons barytons que compte le monde lyrique aujourd’hui. Je suis plus dubitatif sur Ricarda Merbeth: la voix est puissante, certes, mais le chant est sans vraie nuance, un peu froid, sans vraie séduction (fameuse chanson de Marietta), ce qui est dommage pour le rôle:  l’interprétation musicale n’est pas marquante, mais la prestation reste évidemment solide, portée par un don d’actrice notable. Doris Lamprecht assure sa partie avec vaillance, mais ne fait pas oublier l’élégance d’Hanna Schaer à Genève dans Brigitta. Les autres rôles sont honorablement tenus.

Cette musique luxuriante, très ancrée dans l’esprit du temps, et bien proche de Strauss ou Zemlinski, réclame lyrisme et éclat,  Pinchas Steinberg et l’orchestre de l’opéra National de Paris répondent à la commande sur l’éclat, moins sur le lyrisme et la clarté de la lecture: on regrettera là encore l’extraordinaire vision du regretté Armin Jordan à Genève, qui avait su à la fois montrer l’originalité du tissu musical et en souligner les filiations.

Au total un spectacle très honorable, qui rend justice à une partition injustement méconnue du grand public, et une initiative heureuse de Nicolas Joel, même si on aurait pu peut-être penser pour une entrée au répertoire à une nouvelle production.

OPERA NATIONAL DE PARIS, Opéra Garnier: MIREILLE, de Charles GOUNOD (Dir.mus: Marc MINKOWSKI, Ms en scène: Nicolas JOEL) le 2 octobre 2009

Décevant!

En ouvrant sa saison et son règne par Mireille, de Gounod, Nicolas Joel voulait annoncer une direction nouvelle: rédécouverte d’une oeuvre un peu oubliée, large appel aux chanteurs français, fin du Regietheater, enfant chéri de l’ère Mortier. Et comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, il a assumé lui-même la mise en scène, alors qu’il avait lui-même annoncé qu’il n’enferait pas à Paris. Il aurait mieux fait de s’en tenir à sa déclaration, à mon humble avis.

Le résultat de ce pari est donc mitigé, plus convaincant musicalement que scéniquement. La distribution de cette Mireille est très honorable sans être étincelante. Le plus marquant, c’est le plus ancien, le vétéran Alain Vernhes, dont la voix de basse sonore sied parfaitement au rôle de Ramon, le terrible père  de Mireille. Il est pleinement convaincant, campe un personnage juste, remplit l’espace scénique. Vraiment au-dessus des autres, dans la composition, comme dans le chant, qui a  le volume voulu. Tous les autres sont à leur place, dans tous les rôles, grands ou petits, avec une note particulière pour Anne-Catherine Gillet et la Taven de Sylvie Brunet . Frank Ferrari est un Ourrias très correct qui manque cependant d’éclat.

Quant aux protagonistes, ils sont eux aussi sans reproches au niveau du chant et de la technique. Charles Castronovo prononce le français à la perfection, chante avec la douceur voulue, le timbre est joli, la voix est bien placée. Mais ce chant reste un peu appliqué, et la voix manque un de volume et de projection. Le volume est aussi le problème de Inva Mula, souvent émouvante au demeurant, qui rencontre quelques problèmes dans le suraigu, la voix se montrant très tendue, à la limite de ses réserves; son timbre un peu clair pour mon goût dans ce rôle nuit à la force dramatique, qui en souffre. N’est pas Freni (qui l’a enregistré, mais n’a pas voulu le proposer sur scène) qui veut.

Il reste que cette musique nous touche, notamment dans la seconde partie (3ème au 5ème acte), avec de superbes moments (le troisième acte), où le mélodiste Gounod sait atteindre l’auditeur. La direction musicale, hélas,  ne stimule pas l’émotion. Marc Minkowski ne me paraît pas diriger cette oeuvre avec la sensibilité voulue, le son reste sec, le lyrisme absent, même si techniquement tout est très au point.

Mais le vrai problème de ce spectacle, c’est justement le spectacle. Ezio Frigerio conçoit un décor et Franca Squarciapino des costumes comme toujours soignés, soulignés par des éclairages subtils de Vinicio Cheli (ah, le lever de soleil au IVème acte). Mais ce décor n’est qu’une image plaquée, il n’a aucune fonction dramaturgique, On ne décèle aucune invention non plus pour les scènes plus mystérieuses  du Val d’Enfer, ni  du Rhône, qui est rendue de façon un peu ridicule d’ailleurs. Car toute la mise en scène se joue au premier plan, avec des entrées et des sorties toujours latérales, sans aucune utilisation de l’espace en profondeur, alors que l’évocation du désert de la Crau pouvait être mieux soulignée que par un ciclorama, cette absence de spatialisation scénique fait perdre à l’oeuvre de la respiration. Les choeurs (solides) sont disposés comme aux pires soirs de l’opéra de papa, le provençal devient pacotille, et les chanteurs font comme ils peuvent, car il n’y aucune direction d’acteurs, sauf quelques gestes çà et là, d’ailleurs bienvenus.

Il en résulte des moments de notable ennui, et un spectacle illustratif qui ne nous dit rien de Mistral, rien de la Provence, rien de cette liaison entre réel et surnaturel (il ya un peu de Freischütz dans cette ambiance), aucun mystère nocturne, Taven est bien peu sorcière (même si le passeur ressemble à la mort, Ah, merci Charon!)  au point qu’on finit par se demander pourquoi Mireille meurt, ce qui est quand même un comble .

C’est dommage, l’oeuvre pouvait être portée par une autre vision, pas forcément plus novatrice, mais sans doute plus sensible et plus habitée. Ici c’est l’indifférence qui essaie de mettre en scène la sensibilité, avec le résultat qu’on peut craindre…

On ne peut néanmoins que se réjouir de voir un certain répertoire un peu méprisé aujourd’hui revenir sur le devant de la scène, mais doit-on se réjouir que des millions de téléspectateurs aient vu un spectacle poussiéreux dès la première, confirmant les pires poncifs qui circulent sur l’art lyrique?

Pour mon goût, si je pense que le retour à l’Opéra d’oeuvres françaises (ou en français) oubliées, est une excellente initiative, (verra-t-on un jour Lodoiska de Cherubini, le plus grand succès de la révolution française, deux cents représentations!), j’aurais bien préféré comme inauguration en grand style d’une saison et d’un règne, voir Les Huguenots de Meyerbeer revenir à Paris. Attendons donc mieux.

LUCERNE FESTIVAL 2009: A STAR IS BORN: le chef Andris Nelsons (31 Août 2009)

 

A STAR IS BORN

CONCERT Andris NELSONS
Lucerne : 31 août 2009

Programme:

Britten : 4 Interludes extraits de “Peter Grimes”

Berlioz :  Nuits d’été (mezzosoprano : Vesselina Kassarova)
Debussy : La Mer
Ravel : La Valse

Le Festival de Lucerne ne se limite pas aux concerts magiques du Lucerne Festival Orchestra, l’orchestre de la Lucerne Festival Academy dirigé par Pierre Boulez a donné des preuves passionnantes de son engagement, Mariss Jansons a emporté la salle dans un concert Haydn-Chostakovitch avec le Concertgebouw qui restera dans les mémoires, nous avons aussi entendu la rare 10ème de Mahler dans la reconstitution de Deryck Cooke par le Gewandhaus de Leipzig dirigé par Riccardo Chailly qui a également enthousiasmé. Lucerne est une authentique fête de la musique, si proche de l’Italie (250 km) et de la France (100 km à peine) !

Mais nous nous arrêterons sur le passage d’un seul soir du City of Birmingham Symphony Orchestra dirigé par son nouveau chef, le jeune Andris Nelsons.  Programme franco-anglais assez éclectique, qui a littéralement électrisé les auditeurs et fait découvrir  une star future de la baguette. Il ne faut manquer sous aucun prétexte les futures apparitions de ce chef de 30 ans, pur produit de l’école du Nord, élève de Mariss Jansons (il lui a pris cette manière de prendre la baguette de la main gauche et de diriger par la main droite). J’ai rarement vu d’un chef émaner une telle énergie que  ce sont ses mouvements et ses gestes  qui, croirait-on,  font naître la musique. Il sculpte dans les airs la partition avec une clarté telle qu’il obtient de l’orchestre une prestation littéralement étourdissante. On savait le CBSO un très bon orchestre depuis que Rattle l’avait hissé à un niveau international, on ne savait pas qu’il était un orchestre tout à fait exceptionnel, au son somptueux, à la technicité à toute épreuve : une véritable alchimie naît entre musiciens et chef qui emporte tout sur son passage. Pas un moment de relâchement dans un programme qui a déchaîné le public dès les interludes du Peter Grimes de Britten et surtout la remarquable prestation de Vesselina Kassarova dans les nuits d’Eté, la voix est claire, bien posée, très présente, l’interprétation est vibrante. Quant à l’énergie développée par la mer de Debussy, et la Valse étourdissante de Ravel, elle fait littéralement palpiter , puis exploser le public qui est littéralement possédé par le chef et son orchestre, et qui hurle son juste enthousiasme. « A star is born ». A suivre

Quelques menues remarques sur le Grand Théâtre de Genève

Après 8 ans de présence, Jean-Marie Blanchard a quitté le Grand Théâtre de Genève. C’est dommage: sa programmation a vraiment marqué par sa qualité, le raffinement des mises en scène et le choix des oeuvres. Sa connaissance des voix a permis d’entendre à Genève des voix de chanteurs aujourd’hui devenues les grandes stars du moment: Jonas Kaufmann (La Damnation de Faust!), Joyce di Donato (La Clemenza di Tito), Nina Stemme (Tannhäuser, Ariadne auf Naxos) sans parler des mises en scène d’Olivier Py, désormais habitué de la maison. Un très grand merci pour ces belles années.
Tobias Richter arrive, fort de sa longue expérience du théâtre en Allemagne. Déjà quelques petits détails montrent l’évolution et le passage d’une direction à l’autre, c’est heureux.

Quelques éléments qu’on voudrait (déjà) voir revus:

– les conférences d’introduction “Une heure avant..” étaient de grandes réussites, la formule proposée (un quart d’heure avant) n’est pas satisfaisante,
– la ligne graphique choisie n’est vraiment pas heureuse… et mériterait d’être complètement transformée..

LUCERNE FESTIVAL 2009: Et le ciel s’est ouvert…Abbado à Lucerne (Août 2009)

 

Concerts ABBADO

Lucerne

12-22 Août

Programme 1 :

Prokofiev Concerto pour piano n°3, soliste Yuja Wang

Mahler Symphonie n°1

Programme 2 :

Mahler : Rückert Lieder

Mahler : Symphonie n°4

Magdalena Kozena, Mezzosoprano

Lucerne Festival Orchestra

Claudio Abbado


C’est désormais un rituel, le festival de Lucerne, le plus grand rassemblement d’orchestres internationaux au monde, pendant un mois et demi, s’ouvre sur 10 jours au cours desquels Claudio Abbado dirige le Lucerne Festival Orchestra pour quatre à cinq concerts et deux programmes. Rituel est le mot qui convient tant l’attente du public et la ferveur des musiciens  transforment ces moments en des pierres miliaires de l’histoire de l’interprétation musicale. La relation à Mahler du chef milanais est connue, elle accompagne toute sa carrière, depuis ses débuts, et pourtant, comme souvent chez Abbado, chaque concert est un moment tout neuf, où s’oublient toutes les interprétations précédentes, où s’explorent des chemins nouveaux, qui étonnent les musiciens eux-mêmes et frappent les auditeurs. Cette année, l’ouverture du Festival s’est faite avec la Symphonie n°1 de Mahler, et une fois encore, nous sommes projetés ailleurs. L’adhésion affectueuse de l’ensemble des musiciens se lit à la tension extrême pendant les exécutions, tension qui saisit aussi chaque spectateur, il n’est que d’entendre les silences qui suivent les dernières mesures, l’explosion finale des applaudissements, la standing ovation spontanée, les jets de fleurs. Nous sommes ailleurs, ailleurs parce que littéralement, on n’a jamais entendu cela…Dans les mains d’Abbado, une symphonie aussi rebattue que la Titan, œuvre dite de jeunesse, loin d’être cette explosion de sève juvénile dans une nature bouillonnante, devient le premier témoignage d’un parcours cohérent, fait de mélancolie, de tristesse, d’explosion, de refus, d’ironie terrible. Le début du 3ème mouvement, marche funèbre commençant par un incroyable mouvement à la contrebasse (Alois Posch !), est à ce titre absolument inoubliable. Cette couleur, qui porte en elle les 8 autres symphonies, fait de cette nature, thème central du Festival de cette année, non pas une nature sauvage et indomptée, mais au contraire une nature complètement transcendée par le regard de l’art, complètement domptée et sculptée, une nature à la Giorgione dans la « Tempête ». Et l’émotion impossible à contenir envahit la salle, à en hurler. L’émotion est pourtant un sentiment qui semble absent de l’interprétation de la jeune pianiste Yuja Wang, qui propose du concerto n°3 de Prokofiev (en première partie avant la Titan) une vision mécaniste, assez acrobatique, sans âme ni sensation. L’émotion est aussi ce qui manque à Magdalena Kozena, qui dans le second programme propose des Rückert Lieder une interprétation assez plate et sans véritable intérêt. Dans la quatrième de Mahler, son intervention au dernier mouvement est un peu plus sentie, mais on aimerait une voix moins faite, plus enfantine, plus claire. C’est une fois de plus l’orchestre qui stupéfie par sa domination technique, son engagement et la vibration qui en émane, cet orchestre qui vient par choix pour faire de la musique, en témoignent les effusions qui ponctuent chaque concert. Le contraste entre le nombre des pupitres en jeu et un son qui  est toujours contrôlé, qui sonne comme de la musique de chambre, qui s’étiole jusqu’aux limites de l’audible, des pianissimi qu’on pense impossibles à tenir, des musiciens qui sont aussi des solistes (Kolja Blacher dans l’adagio) c’est cela aussi la force de Claudio Abbado sur ses musiciens. La conjonction entre l’engagement personnel d’Abbado et l’impressionnante préparation des musiciens aboutit à ces trente secondes de silence, où l’on a l’impression que le ciel va s’ouvrir, qui précèdent l’explosion du public. Claudio Abbado est un univers, dit de lui Michael Haefliger, l’intendant du Festival de Lucerne, nous dirons qu’il est une planète à lui tout seul, sans aucun doute la plus fascinante et la plus belle de tout notre système musical.

 

GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE 2009-2010: SIMON BOCCANEGRA de Giuseppe VERDI (Dir.mus Evelino PIDO’ Ms en scène: José Luis GOMEZ) le 12 septembre 2009

 

En juin dernier la dernière saison de Jean-Marie Blanchard s’était close sur un Verdi en demi-teinte (Il Trovatore), la première saison du « règne » de Tobias Richter, nouveau directeur des lieux, s’ouvre sur un autre Verdi, Simon Boccanegra (très à la mode dans les théâtres en 2009-2010) qui au moins musicalement, est d’un très appréciable niveau. La direction d’Evelino Pido’, familier du lieu, est précise, claire et ample à la fois, même si elle manque de cette sensibilité qu’on souhaiterait sur une des œuvres les plus émouvantes de Verdi. Il est aidé par un chœur encore une fois très bien préparé par Ching-Lien Wu et par une distribution de grande qualité, homogène, et qui pratique dans l’ensemble un chant vraiment intelligent. Le Simon de Roberto Frontali, s’il n’a pas l’assise et la présence d’autres grands barytons du passé, et même s’il manque un peu de projection et de volume, est vraiment un exemple de chant sensible au texte, pensé, avec des inflexions très étudiées, jamais plat, toujours à propos, notamment dans le duo avec Amelia du premier acte et la scène du conseil, un miracle d’humanité, comme le rôle l’exige. Face à lui, Giacomo Prestia campe un Fiesco exceptionnel : volume, intelligence, humanité, présence, tout y est . On tient là une vraie basse pour Verdi. L’Amelia de Krassimira Stoyanova est elle aussi exemplaire, même avec des moyens de vrai lyrique aux limites de ses possibilités. La voix est travaillée, techniquement sans reproche, et particulièrement émouvante, même si on l’aimerait un peu plus large pour affronter certaines parties du rôle. Il reste que la prestation est vraiment de grand niveau. Une agréable surprise, l’Adorno vaillant du jeune ténor italien Roberto de Biasio, à la belle présence vocale, même si on pourrait souhaiter çà et là une plus grande maîtrise technique. C’est un artiste incontestablement à suivre qui a remporté un beau succès. Enfin, le Paolo de l’américain Franco Pomponi montre que Paolo peut-être vu comme la première esquisse de Iago, plus qu’un méchant de composition comme le campait magistralement Felice Schiavi chez Strehler. Face à cet ensemble qui fait de ce Simon un vrai moment musical, qui distille l’émotion,on ne peut que déplorer la mise en scène inexistante de José Luis Gomez, qui donne l’impression d’avoir vu quelques videos du passé lointain ou récent et d’avoir habillé quelques idées prises ailleurs d’un décor design et esthétisant, souvent d’un bel effet, mais souvent aussi répétitif. Seul moment intéressant, le tableau final « christique » en forme de pietà. Au total, si ce Simon est une indication des options de la nouvelle équipe de direction, on peut être rassuré sur le futur du Grand Théâtre de Genève.

Grand Théâtre de Genève
Septembre 2009

Simon Boccanegra (Giuseppe Verdi)

Direction musicale: Evelino Pido’
Mise en scène: José Luis Gomez

Décors: Carl Fillion
Costumes: Alejandro Andujar
Lumières: Albert Faura
Chorégraphie: Ferran Carjaval

Simon Boccanegra: Roberto Frontali
Jacopo Fiesco: Giacomo Prestia
Amelia(Maria)Grimaldi: Krassimira Stoyanova
Gabriele Adorno: Roberto di Biasio
Paolo Albiani: Franco Pomponi
Pietro: Jean Teitgen
La servante:Solenn’ Lavanant Linke

BAYREUTHER FESTSPIELE 2009: PARSIFAL (Dir.Daniele Gatti, Mise en scène Stefan Herheim) le 2 août 2009

 Pour la deuxième année le festival de Bayreuth propose Parsifal, dans la vision du metteur en scène norvégien Stefan Herheim et sous la direction de Daniele Gatti. Une fois de plus, cette vision m’a séduit par sa pertinence et par l’acuité du regard porté sur l’oeuvre. Herheim s’attaque à la réception de Parsifal et à son adéquation à l’histoire allemande récente. Il s’attaque notamment à la tendance allemande à se confier à un sauveur, thème également traité par Wagner dans Lohengrin. Il essaie de montrer à la fois l’œuvre dans son contexte historique, et de rendre visible d’autres aspects, notamment les relents psychanalytiques des rapports à la mère qui conduisent une très grande partie du spectacle, une mère d’ailleurs étrangement ressemblante au portrait de Germania, qui accompagne toute la représentation et auquel Parsifal s’identifie au troisième acte. Ainsi, le premier acte se déroule-t-il devant la villa Wahnfried, demeure de la famille Wagner dans une Allemagne wilheminienne assez kitsch, triomphante sous l’aile protectrice de l’aigle (tous les personnages sont ailés…), et se termine-t-il sur le départ à la guerre, la fleur au fusil, en 1914. Le deuxième acte s’appuie sur les visions d’horreur de la première guerre mondiale, qui portent en leur sein à la fois l’insouciance des années folles (les filles fleurs) et l’arrivée du nazisme, mal absolu organisé par Klingsor, “ange bleu” (il a le costume de Marlène Dietrich) ange exterminateur. L’impressionnant final de l’acte montre le décor couvert de croix gammées et de symboles nazis, allusion directe à l’implication de la famille Wagner, que Parsifal détruit et fait littéralement exploser: n’oublions pas que l’œuvre fut interdite par les nazis pour “pacifisme”. Le troisième acte débute dans une atmosphère de type “Allemagne année zéro”, dans un décor de ruines fumantes (Villa Wahnfried fut bombardée, et détruite, et seulement reconstruite à l’occasion du centenaire du Festival en 1976), et on l’a dit, Parsifal réapparaît en Germania telle qu’elle est représentée dans le portrait Germania de Friedrich August von Kaulbach (1914). L’enchantement du vendredi saint est une représentation de la scène de Bayreuth (sans doute une allusion au Neues Bayreuth) et par un jeu de miroir, c’est la salle qui se reflète, comme métaphore de l’implication du peuple dans la reconstruction et la nouvelle Allemagne, que la conclusion de l’œuvre assoit définitivement: la salle du Graal n’est plus la vaste nef de cathédrale du premier acte (reproduction du décor original) mais le Bundestag, le globe lumineux qui tourne un clair rappel de la coupole du Reichstag d’aujourd’hui, Parsifal, une fois sauvé Amfortas, disparaît, son œuvre est achevée, il a rendu l’Allemagne à elle-même et la vision finale d’une colombe très lumineuse, qui éclaire toute la salle reflétée dans un immense miroir fait de l’œuvre non plus une oeuvre mystique (beaucoup des aspects religieux sont effacés) mais clairement politique et idéologique. La réalisation technique en est étourdissante, et montre à la fois les possibilités du plateau et l’ingéniosité des dispositifs de changement à vue imaginés par la décoratrice Heike Scheele. Ceux qui ont vu à la Monnaie de Bruxelles en décembre dernier la magnifique Rusalka de Dvorak, mise en scène par la même équipe, peuvent aisément se les représenter. A cette réalisation scénique remarquable, typique du Regietheater allemand, qui règne depuis quelques années à Bayreuth, sous l’influence de Katharina Wagner, qui vient, avec sa demi-soeur Eva, de reprendre les rênes du Festival, correspond une direction d’orchestre très lente, très mystique: en cela, elle ne répond pas toujours, notamment au premier acte, à la vision du metteur en scène, mais cette adéquation se construit peu à peu pour rendre le troisième acte littéralement stupéfiant. Gatti sculpte chaque son et a parfaitement su tirer parti de l’acoustique et des particularités de la fosse. Alors que ce chef ne m’a pas toujours convaincu par le passé, je suis resté très impressionné, et l’an dernier et cette année, par sa prestation, même si ce qu’a fait Boulez dans cette même salle en 2002-2003 reste pour moi la référence absolue. Je suis moins convaincu par le chant: aucun des éléments de la distribution ne m’est apparu pleinement en phase avec l’œuvre. Le Gurnemanz de Kwanchoul Youn est en deçà de ses prestations précédentes: la voix fatigue au troisième acte, elle est souvent noyée dans le flot orchestral, ce qui à Bayreuth est rarissime. La Kundry de Mihoko Fujimura est très musicale, l’artiste est remarquable de précision, d’intelligence, mais elle ne sera jamais une Kundry. Elle n’en a ni les moyens (les suraigus du deuxième acte sont criés), ni la personnalité, ni la sensualité: on ne croit pas une seconde à sa puissance de séduction. A mon avis, cette artiste de très grande qualité se fourvoie dans le rôle. Le Parsifal de Christopher Ventris est lui aussi un ton en dessous. Si la composition est acceptable, la voix n’est pas (et n’a jamais été) de celles qui marquent. L’Amfortas de Detlev Roth manque singulièrement d’intensité vocale, et reste plutôt plat. Thomas Jesatko est un Klingsor impressionnant scéniquement, très honnête vocalement.
Au total, une belle représentation stimulante scéniquement, intéressante musicalement, qui tout de même marque les difficultés actuelles du Festival a réunir des distributions convaincantes (on peut le vérifier depuis quelques années) : ce n’est pas par pénurie de chanteurs wagnériens, car on peut aujourd’hui assister partout à des représentations magnifiquement chantées. ce fut le cas à Bayreuth ces dernières années lorsque Nina Stemme chantait Isolde aux côtés du Tristan de Robert Dean Smith, mais c’était la direction musicale qui là n’était pas tout à fait à la hauteur…Ces difficultés montrent tout le travail que les deux nouvelles prêtresses du lieu doivent accomplir les prochaines années. Attendons avec confiance.

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Direction musicale <!––> Daniele Gatti
Mise en scène <!––> Stefan Herheim
Décors <!––> Heike Scheele
Costumes <!––> Gesine Völlm
Dramaturgie <!––> Alexander Meier-Dörzenbach
Video <!––> Momme Hinrichs
Torge Møller
Chef de choeur <!––> Eberhard Friedrich
Amfortas <!–Detlef Roth–> Detlef Roth
Titurel <!–Diógenes Randes–> Diógenes Randes
Gurnemanz <!–Kwangchul Youn–> Kwangchul Youn
Parsifal <!–Christopher Ventris–> Christopher Ventris
Klingsor <!–Thomas Jesatko–> Thomas Jesatko
Kundry <!–Mihoko Fujimura–> Mihoko Fujimura
1. Gralsritter <!–Arnold Bezuyen–> Arnold Bezuyen
2. Gralsritter <!–Friedemann Röhlig–> Friedemann Röhlig
1. Knappe <!–Julia Borchert–> Julia Borchert
2. Knappe <!–Ulrike Helzel–> Ulrike Helzel
3. Knappe <!–Clemens Bieber–> Clemens Bieber
4. Knappe <!–Timothy Oliver–> Timothy Oliver
1. Soloblume <!–Julia Borchert–> Julia Borchert
2. Soloblume <!–Martina Rüping–> Martina Rüping
3. Soloblume <!–Carola Guber–> Carola Guber
4. Soloblume <!–Christiane Kohl–> Christiane Kohl
5. Soloblume <!–Jutta Maria Böhnert–> Jutta Maria Böhnert
6. Soloblume <!–Ulrike Helzel–> Ulrike Helzel
Altsolo <!–Simone Schröder–> Simone Schröder