LES SAISONS 2016-2017 (7): GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

Wozzeck (prod.McVicar) ©Andrew Cioffi/Lyric Opera Chicago
Wozzeck (prod.McVicar) ©Andrew Cioffi/Lyric Opera Chicago

Préserver l’industrieuse Genève des méfaits d’un théâtre, c’est ce qu’en une soixantaine de pages, le plus célèbre des genevois, Jean-Jacques Rousseau préconise dans sa fameuse « Lettre à D’Alembert sur les spectacles ». Mais au moment même où Rousseau écrit, cette opinion est déjà battue en brèche puisque l’opéra est représenté dans plusieurs salles, dont « La Grange des étrangers » puis le théâtre de Neuve, ancêtre de l’actuel Grand Théâtre inauguré en 1879. Le Grand Théâtre fait pour accueillir le Grand Opéra, il ouvre en effet avec le Guillaume Tell de Rossini. Il y a par ailleurs à Genève une vraie tradition wagnérienne : depuis la reconstruction du Grand Théâtre, incendié en 1951 (suite à une erreur de mise en place d’effets spéciaux pour Die Walküre) et réouvert en 1962, on a connu à Genève plusieurs productions du Ring complet, bien plus nombreuses qu’à Paris. La tradition historique du Grand Théâtre, c’est la grosse machine lyrique : si c’est Guillaume Tell qui ouvre en 1879 le Grand Théâtre tout neuf, c’est Don Carlos de Verdi qui ouvre en 1962 le nouveau théâtre de 1500 places à vision frontale, avec sa large scène, plus faite pour accueillir Les Huguenots ou Götterdämmerung que Cosi fan tutte.
J’ai abordé il y a quelques jours à propos de Zürich la situation de l’Opéra en Suisse, et notamment les trois théâtres les plus importants, Zürich, Genève, Bâle. Zürich est la capitale économique de la Suisse et son opéra est le plus riche. Genève est une ville internationale dont l’Opéra est le plus vaste du pays, et la plus grande scène, mais moins riche que Zürich. Il en résulte que chacune des deux institutions fonctionne selon les systèmes qui se partagent la culture lyrique d’aujourd’hui, Zürich, théâtre de culture germanique, est un théâtre de répertoire, et Genève, de culture plutôt latine, est un théâtre de stagione.

Si l’on s’appuie et sur l’histoire et sur la culture théâtrale locale, Genève est un théâtre de stagione plutôt destiné (historiquement, c’est pour cela qu’il est né) à promouvoir des grands spectacles : l’opéra de Genève est né pour célébrer une bourgeoisie travailleuse  et enrichie, qui voulait par son théâtre imiter…le Palais Garnier, dont le Grand Théâtre est le lointain cousin. Il n’y a pas de hasard si le suisse Rolf Liebermann, administrateur général de l’Opéra de Paris, l’un des grands princes de l’Opéra du XXème siècle, a fait en sorte qu’Hugues Gall, son bras droit, devienne l’heureux directeur du Grand Théâtre à partir des années 1980, où son action fut déterminante sur une quinzaine d’années. À son départ pour Paris en 1995, plusieurs directeurs se sont succédés, Renée Auphan, de 1995 à 2001, puis de 2001 à 2009 Jean-Marie Blanchard qui donna au Théâtre un incontestable prestige artistique, mais que des crises successives dans les dernières années, dues à des problèmes d’organisation technique et administrative, ont contraint à ne pas renouveler son contrat. C’est Tobias Richter, venu du Deutsche Oper am Rhein, qui en est depuis le directeur général
Pour une ville comme Genève, le Grand Théâtre est une nécessité en terme d’image: une ville siège de plusieurs organisations internationales doit avoir un théâtre de prestige ; c’est aussi une nécessité culturelle, et stratégique ; la plus grande ville francophone de Suisse se doit de répondre en écho à la plus grande ville germanophone. Mais autant le théâtre de Zürich reste par delà les vicissitudes une maison de référence, celui de Genève doit faire face quelquefois à des crises (à la fin des années Blanchard) mais aussi à des problèmes structurels (le Grand Théâtre est fermé pour deux ans à cause d’importants travaux sur la structure) et même à des problèmes d’identité culturelle : dans le concert des théâtres européens et francophones de référence, Genève a perdu un peu de relief, face à sa voisine Lyon à la politique artistique beaucoup plus dynamique, mais aussi face à des structures comme l’Opéra des Flandres ou La Monnaie, qui devraient être comparables à Genève et qui ont une ligne artistique plus lisible.
Il faut dire que Genève a aussi un fort handicap, qui est l’absence d’un orchestre maison : l’Orchestre de la Suisse Romande, qui fut l’une des plus prestigieuses phalanges d’Europe, se partage entre la fosse du Grand Théâtre et le podium du Victoria Hall, sans avoir réussi à retrouver un chef qui lui redonne le lustre perdu ni perméabilité des chefs: on voit rarement, très rarement même, le directeur musical de l’OSR dans la fosse de l’opéra, comme si on voulait bien marquer les domaines de chacun, alors qu’on gagnerait sans doute à plus de cohérence, mais aussi de cohésion. Espérons en Jonathan Nott, qui a si bien réussi à Bamberg, et qui est aussi un bon chef d’opéra.
Et dans les deux ans qui viennent, le Théâtre s’est replié dans la structure provisoire qui servit à la Comédie Française, le Théâtre éphémère devenu à Genève Opéra des Nations, situé dans le voisinage des Nations Unies, une structure à la capacité moindre (un millier de places) et aux possibilités techniques inférieures au Grand Théâtre, ce qui impose une programmation plus limitée en termes de répertoire, qui correspond bien moins à la tradition maison : au Grand Opéra et à Wagner, dont la dernière production du Ring (Metzmacher, Dieter Dorn et Jürgen Rose) a constitué le climax des dernières années, va se substituer un travail sans doute concentré sur l’Opéra Comique français (tradition française oblige), le Bel Canto (qui rappelons-le est plutôt destiné à ces salles de dimensions moyennes), Mozart et le baroque (qui n’est pas vraiment la tradition locale, bien que la Salle Théodore Turrettini, dans le bâtiment des Forces motrices, ouverte en 1997, se destinât originellement à ce type de répertoire).
Enfin, la question du public de Genève se pose : un public vieillissant, plutôt traditionnel, et mondain, et une politique qui n’est pas vraiment dirigée vers les jeunes générations (de 20 à 45 ans) : le public de Lyon par comparaison a une moyenne d’âge inférieure à 50 ans et une forte proportion de public de moins de 25 ans. Reconstituer un public, cela prend du temps, et les travaux actuels ne facilitent pas l’entreprise.
Comme on le voit, la situation n’est pas simple et tout lecteur de la saison de Genève doit avoir en tête et cette histoire, et cette tradition, et surtout les conditions actuelles de travail, techniquement plus limitées, qui impliquent une offre à la fois plus modeste et plus diversifiée, mais en même attirante pour déplacer le public de la Place Neuve en plein centre, aux marches de la Ville.

La tradition de la stagione est respectée, pour une saison de septembre à juin (de 10 mois) et sept nouvelles productions. La question technique de l’adaptabilité des formats de production à l’Opéra des Nations fait que les productions maison du Grand Théâtre peuvent difficilement rentrer dans la salle provisoire, et qu’il faut donc soit produire du neuf, soit coproduire, soit louer des spectacles ailleurs, et pour garantir des levers de rideau en nombre correct, proposer d’autres formes, comme le théâtre pour enfants, les récitals ou l’opéra en version de concert. Ce sont 30 mois de jonglage qui attendent l’administration du Théâtre.

PRODUCTIONS d’OPÉRA

SEPTEMBRE

Manon de Jules Massenet
La saison s’ouvre sur un des opéras les plus populaires du répertoire français, pour un des grands mythes de la littérature, de la scène et du cinéma, le mythe de Manon (tiens, d’ailleurs un Festival « Manon » aurait sans doute été bienvenu, avec les ballets et les films, mais aussi des œuvres en version de concert comme la suite de Manon écrite par Massenet Le Portrait de Manon, ou l’opéra comique d’Auber ) . En complément est prévue seulement la Manon Lescaut de Puccini en concert.
La direction musicale est assurée par le slovène Marco Letonja, un chef de qualité directeur musical du Philharmonique de Strasbourg, (qui avait déjà dirigé la Medea de Cherubini) et la mise en scène par Olivier Py, qui revient à Genève après sa trilogie du diable (sous Blanchard) sa Lulu et son célèbre Tannhäuser qui fit découvrir certaines réalités masculines à des spectateurs qui n’en revenaient pas (et Nina Stemme par la même occasion). Olivier Py, digne directeur du Festival d’Avignon, s’est beaucoup assagi, d’aucuns diraient assoupi, mais cela garantit quand même un niveau de qualité enviable.
La distribution affiche Patricia Petibon et Bernard Richter, deux garanties. Patricia Petitbon qui était la Lulu de Py, sera sa Manon, d’ici à faire un lien entre les deux, il n’y a qu’un pas que franchit d’ailleurs le pitch du site du Grand Théâtre.
Coproduction avec l’Opéra Comique de Paris, dont l’espace et les possibilités scéniques ne sont pas trop différentes de l’Opéra des Nations, et qui lui aussi est en travaux…
Du 12 au 27 septembre (8 représentations)

NOVEMBRE

Der Vampyr, de Heinrich Marschner

Voilà une excellente initiative qui va faire courir tous les curieux de nouveauté, et surtout les lyricomanes. On dit toujours que l’opéra wagnérien naît de l’écoute de Weber et de Schubert, bien sûr on oublie les italiens, mais on oublie surtout Marschner qui à l’époque avait autant de succès que les autres dans le genre de  l’opéra fantastique. Sur un livret de Wilhelm August Wohlbrück, d’après Der Vampir oder die Totenbraut (1821) de Heinrich Ludwig Ritter, basé sur la nouvelle The Vampyre de John Polidori.  La production présentée cette saison à la Komische Oper Berlin a évidemment fait couler quelques quantités d’encre, dans une mise en scène du metteur en scène allemand Antú Romero Nunes, ce qui nous garantit le tripatouillage du livret dont il s’est fait la spécialité, lui qui s’est fait connaître en présentant des livrets d’opéra en version théâtrale. C’est un metteur en scène inconnu hors d’Allemagne (on lui doit notamment à Munich un Guillaume Tell très sage et un Ring sans musique à Hambourg). Y aura-t-il à Genève les coupures qu’on lui a reprochées à Berlin ?
En tous cas la distribution est stimulante, avec notamment Tómas Tómasson (Klingsor dans le Parsifal de Barenboim/Tcherniakov à Berlin), Jens Larsen (en troupe à la Komische Oper), Shawn Mathey  et Laura Claycomb. L’orchestre sera dirigé par le remarquable Dmitri Jurowski, ce qui garantit une très haut niveau musical.
Du 19 au 29 novembre (7 représentations). Il FAUT aller voir ce spectacle, vaut le TGV, et tous moyens de transports possibles y compris le bus si on habite le genevois français ou Annemasse.

DÉCEMBRE-JANVIER

La Bohème, de Giacomo Puccini
J’écrivais dans la présentation de saison de Zürich que « toute reprise de La Bohème est alimentaire ». À l’évidence, cette série de 12 représentations avec grosso modo 2 distributions en période de fêtes est faite pour remplir et salle et caisses. Il est évident qu’il faut des opéras populaires pendant ces deux ans de travaux, et les anciens se souviendront qu’à Paris, La Bohème, qui est entrée au répertoire du Palais Garnier en 1973, était auparavant un titre destiné à l’Opéra Comique au format bien plus réduit. Cette version conviendra donc à l’Opéra des Nations.
Deuxième règle : pour attirer le public pour les grands standards de l’opéra, il ne faut surtout pas l’effrayer . Et donc il est à attendre une mise en scène sage. Mathias Hartmann a réalisé une Elektra à Paris sous Mortier, et c’est la même équipe qui a fait le Fidelio  du Grand Théâtre de la saison 2014-2015 qui n’avait pas fait l’unanimité. L’orchestre sera dirigé par Paolo Arrivabeni l’un des chefs habitués de ce répertoire, et la distribution est solide sans être exceptionnelle. Rodolfo sera Aquiles Machado qui roule sa bosse entre Las Palmas et Moscou dans les rôles traditionnels de ténor italien. Mimi sera d’une part la charmante Ekaterina Siurina, et d’autre part Ruzan Mantashyan, soprano lyrique qui a débuté il ya deux ou trois ans et qui a beaucoup chanté Musetta.
Musetta en revanche sera en alternance Julia Novikova soprano colorature qu’on commence à voir dans de nombreux théâtres et la jeune Mary Feminear des jeunes solistes en résidence  au Grand Théâtre. A dire vrai, cette distribution est un peu passe partout, on compte sur l’effet “titre” pour attirer le public, et pas vraiment sur les solistes.
À noter, plus intéressant, un spectacle jeune public de Christof Loy sur « Les scènes de la vie de Bohème » préparatoire à cette série de représentations (voir plus loin)
Du 21 décembre au 5 janvier (12 représentations).

JANVIER FÉVRIER

Il Giasone, de Francesco Cavalli.
Un opéra de carnaval, qui traite évidemment des amours de Médée et de Jason, en version moins tragique que d’habitude. C’est l’excellent Leonardo Gárcia Alarcón qui dirigera la Capella Mediterranea, son orchestre, choisi pour cette série de représentations, ce qui garantit évidemment la cohésion et un travail approfondi alors que l’an dernier (pour Alcina les musiciens de la Capella Mediterranea assuraient seulement le continuo). Il est bon de créer des fidélités, notamment dans un répertoire moins familier du public de ce théâtre. Cela permet de tisser des liens artistiques et musicaux, mais aussi de fidéliser un public peut-être nouveau. Avec le transfert à l’Opéra des Nations, il serait bon d’afficher une ligne de programmation en évolution, qui puisse inclure ce type de collaboration plutôt stimulante.
C’est le jeune et talentueux contreténor Valer Sabadus qui sera Giasone, et la mezzo norvégienne spécialiste de ce répertoire Kristina Hammarström, vue dans Alcina cette saison, tandis que Dominique Visse le grand contreténor français sera Delfa.
Une belle distribution, bien construite, dans un spectacle qui sera mis en scène par l’italienne Serena Sinigaglia dans des décors d’Ezio Toffolutti, c’est à dire une ambiance sans doute plutôt traditionnelle mais élégante, ce qui changera de l’analytique David Bösch (Alcina cette année), invité cette prochaine saison pour Mozart.
Du 25 janvier au 7 février (7 représentations)

MARS

Wozzeck (prod.McVicar) ©Andrew Cioffi/Lyric Opera Chicago
Wozzeck (prod.McVicar) ©Andrew Cioffi/Lyric Opera Chicago

Wozzeck d’Alban Berg

Wozzeck (Thomas Koniezcny)(prod.McVicar) ©Andrew Cioffi/Lyric Opera Chicago
Wozzeck (Thomas Koniezcny)(prod.McVicar) ©Andrew Cioffi/Lyric Opera Chicago

Une production louée, pour un opéra qu’on ne reprend pas régulièrement. On peut supposer que c’est une décision peut-être récente parce que la distribution est en cours, et que seul le Wozzeck du remarquable Tomasz Konieczny est affiché (mais c’est déjà une garantie) qui a créé la production en 2015 à Chicago. La production est de David McVicar, au modernisme modéré (un type d’approche qui convient aux USA) et qualifiée « d’humaniste » par la critique américaine. L’orchestre sera dirigé par le suisse Stefan Blunier le GMD de l’opéra de Bonn et directeur musical du Beethoven Orchester Bonn (qui devrait quitter ses fonctions en fin de saison).
Du 2 au 14 mars 2017 (7 représentations)
Production du Lyric Opera de Chicago

MAI

Così fan tutte, de W.A.Mozart
Il eût été étonnant que dans une salle aussi adaptée à Mozart que l’Opéra des Nations, celui-ci fût absent. Così fan tutte, 6 chanteurs, recours au chœur limité, est un opéra idéal pour ce type de lieu au rapport scène-salle très favorable. La distribution est soignée, Veronica Dzihoeva (Fiordiligi), Alexandra Kadurina (Dorabella), Steve Davislim (Ferrando), Vittorio Prato (Guglielmo), Monica Bacelli (Despina) et Laurent Naouri (Don Alfonso), l’orchestre est dirigé par Hartmut Haenchen le chef allemand qu’on va voir pas mal dans la région puis qu’il dirige Elektra et Tristan à Lyon, et la mise en scène est confiée à David Bösch, le metteur en scène en vogue en ce moment (il vient de proposer Idomeneo à Anvers, il prépare Meistersinger à Munich et il a mis en scène Alcina à Genève)
Du 30 avril au 14 mai (8 représentations)

JUIN

Norma (Prod Wieler Morabito) ©OperStuttgart
Norma (Prod Wieler Morabito) ©OperStuttgart

Norma, de Vincenzo Bellini.
Je vis Norma il y a déjà longtemps à Genève (June Anderson, Inès Salazar). On compte sur les doigts les productions de Norma qui tiennent la route et on attend le moment où la Scala aura le courage de mettre à l’affiche cet opéra qui y manque depuis une  quarantaine d’années (dernière Norma scaligère: Caballé). C’est une gageure. Le récent forfait d’Anna Netrebko attendue à Londres en est une preuve. Il faut une Norma, et le marché en a plusieurs, mais aucune n’est incontestable, sauf la Bartoli, mais dans des conditions spéciales. Sans doute la réussite dans Medea d’Alexandra Deshorties à Genève a donné l’idée de lui confier le rôle de la druidesse. Elle sera entourée de Marco Spotti dans Oroveso, et Ruxanda Donose dans Adalgisa; Pollione n’est pas encore distribué…
La production a été louée à Stuttgart, elle remonte à 2002  et elle est signée Jossi Wieler et Sergio Morabito dans des décors d’Anna Viebrock, la décoratrice fidèle de Christoph Marthaler. La production a voyagé, en Russie, en Sicile, et a été assez souvent reprise à Stuttgart où elle avait obtenu le qualificatif d'”Event of the Year” à sa création; c’est l’américain John Fiore (Parsifal à Genève, Tristan à Zürich), un authentique musicien de grande qualité qui dirigera l’OSR.
Du 16 juin au 1er juillet (7 représentations)

Norma (Prod Wieler Morabito) ©OperStuttgart
Norma (Prod Wieler Morabito) ©OperStuttgart

A ces sept productions, on doit ajouter trois titres en version de concert qui complètent la programmation.
The indian Queen, de Henry Purcell
La dernière œuvre de Purcell que son frère acheva, une histoire d’amour entre Aztèques et Incas. Concert unique pour ouvrir la saison en profitant d’une tournée de MusicAeterna, et de son chef Teodor Currentzis, une star fantasque de la baguette, ainsi que des chœurs de l’opéra de Perm, qui présentent en version de concert une production de 2013 de l’Opéra de Perm.
Avec Johanna Winkel, Paula Murrihy, Ray Chenez, Jarrett Ott, Christophe Dumaux, Willard White.
Le 4 septembre 2016.

Manon Lescaut, de Giacomo Puccini
Pour faire écho à la Manon de Massenet, celle d’un Puccini encore jeune qui par cette Manon Lescaut devient une célébrité. Pour l’occasion, sont invitées les forces du Teatro Regio de Turin sous la direction de leur chef Gianandrea Noseda. Manon Lescaut sera Marie José Siri, Des Grieux Gregory Kunde, et Lescaut confié à Dalibor Jenis.
Le 30 mars 2017

Orleanskaya Deva (Орлеанская дева )(La Pucelle d’Orléans).
Une rareté, dans la saison de l’OSR, qui aura lieu au Victoria Hall, un opéra dérivé de Die Jungfrau von Orléans de Schiller, pour 3 soirées.
La distribution comprend Ksenia Dudnikova (Jeanne d’Arc), Migrant Agadzhanyan (Charles VII) et Mary Feminear (Agnès Sorel), tous deux jeunes solistes en résidence au Grand Théâtre de Genève, et entre autres, Roman Burdenko et Aleksey Tikhomirov. L’orchestre de la Suisse romande sera dirigé par le remarquable Dmitry Jurowski.
Les 6, 8 et 10 avril 2017

Et dans la programmation quelques productions pour la jeunesse qu’il faut signaler

Le chat botté, de César Cui. César Cui, un compositeur russe important du XIXème siècle (mort en 1918) qui n’est pratiquement plus jamais représenté. C’est l’occasion de découvrir sa musique dans une production de Strasbourg de 2013, dirigée par Philippe Béran et dans une mise en scène de Jean Philippe Delavault. Les interprètes en sont les jeunes solistes en résidence à Genève.
Dates : Octobre, sans autre précision

Scènes de la vie de Bohème, d’après Henry Murger et Puccini.
Version pour piano de La Bohème de Puccini, présentée en 2011 au Deutsche Oper am Rhein à Düsseldorf, sur une idée de Christof Loy pour jeune public
Pas d’autres précisions et dates prévues entre fin novembre et décembre 2016, en amont des représentations de La Bohème.

Pierre et le Loup/le Carnaval des animaux
Une spectacle créé en octobre 2016 qui devrait être donné tout au long de la saison où Philippe Béran initiera les enfants à la chose musicale (instruments)
Pas d’autres précisions

 

Enfin, un certain nombre de récitals :

13 septembre 2016, 19h30
Thomas Hampson,
baryton

29 septembre, 19h30
Erwin Schrott, Rojotango
Erwin Schrott le baryton basse avec 7 musiciens aborde l’univers du tango.

 Mercredi 12 octobre, 19h30
Camilla Nylund, soprano,
Helmut Deutsch, piano
Wagner, Mahler, Strauss

27 janvier 2017, 19h30
Christian Gerhaher, baryton,
Gerold Huber, piano
Schumann

Vendredi 17 mars à 19h30
Joyce di Donato, mezzo soprano
Orchestre (lequel ?) dirigé par Maurizio Benini

Mardi 9 mai à 19h30
Karita Mattila,
Ville Matvejeff, piano

Dimanche 28 mai, 19h30
John Osborn/Linette Tapia

Samedi 17 juin, 19h30
Patricia Petibon
Suzanne Manoff, piano
La saison 2016-2017 de Genève ne manque pas d’intérêt, même si tout n’est pas d’égale qualité, du moins sur le papier. La situation impose effectivement moins de productions, et habilement la saison est présentée sans faire la différence entre les représentations scéniques et les concerts : on est piégé par la présentation du site.
Justement, les spectacles de complément (notamment les spectacles pour enfants et les récitals) semblent présentés par le site un peu à la va vite, sans dates, sans grandes précisions comme si les choses étaient encore en cours…. Quant aux récitals, à part les textes de présentation un peu racoleurs, certains indiquent vaguement un programme, d’autres même pas de pianiste ou d’orchestre, ni évidemment de programme. Je ne suis pas particulièrement bégueule, mais cela me paraît de la part d’un théâtre de ce niveau un peu léger. En principe, les programmes sont annoncés, les pianistes sont annoncés. Annoncer le nom seul veut dire que le public va aller au concert sur le seul nom…Au moins une phrase du genre “Programme TBA” serait acceptable a minima. C’est se moquer gentiment de son public que de procéder ainsi.
Et puisque la saison présente un nombre de productions réduit, pourquoi ne pas envisager des actions de complément autour des productions qui enrichiraient la programmation sans énormes frais supplémentaires (projections, conférences).
Enfin, que pour une production aussi importante que Wozzeck la distribution ne soit pas indiquée ne laisse pas d’étonner. Où est la précision horlogère suisse ? [wpsr_facebook]

Der Vampyr (Prod.Antú Romero Nunes) ©Iko Freese :drama-berlin.de
Der Vampyr (Prod.Antú Romero Nunes) ©Iko Freese :drama-berlin.de

GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE 2013-2014 : LA NOUVELLE SAISON

Le Grand Théâtre fait un très gros effort cette année en montant l’intégralité du Ring de Wagner, par épisodes, et en deux séries en mai 2014, c’est une grande affaire pour un théâtre et il faut saluer l’effort et la performance. Cela pardonne un mois de janvier quasiment sans programmation et le remplacement d’un titre par autant de récitals de chant d’artistes de renom culminant avec Jonas Kaufmann le 30 mars. On entendra donc en récital les voix prometteuses de l’académie du Théâtre Marinskij (vu la richesse actuelle du marché des voix russes, ce sera sans nul doute intéressant) le 20 octobre 2013, Soile Isokoski le 17 novembre, Leo Nucci le 20 décembre 2013, Ferruccio Furlanetto le 12 janvier 2014, Lawrence Brownlee le 21 janvier, Anna Caterina Antonacci le 11 mai 2014.
Du point de vue des opéras, notons d’abord un spectacle lié au Ring, autour du personnage de Siegfried, Siegfried ou qui deviendra le seigneur de l’anneau…“En compagnie de Richard Wagner, une “Fantasy musicale de Peter Larsen”, comme dit le programme
livret et arrangement musical de Peter Larsen les 21, 22, 23 mars 2014, et un spectacle venu de la Ruhrtriennale, mis en scène par Heiner Goebbels, visant à faire redécouvrir le compositeur Harry Partch, Delusion of the Fury, créé en janvier 1969 à Los Angeles, au Pasadena Art Museum, pour deux représentations au Bâtiment des Forces Motrices les 28 et 29 mars 2014.
Venons-en à la saison d’opéra qui présentera 7 productions nouvelles, deux reprises (La Chauve Souris et Das Rheingold, inclus dans les deux Ring complets du mois de mai) ainsi qu’un opéra en version de concert, le Siegfried français, Sigurd d’Ernest Reyer qu’il aurait été intéressant de monter mais visiblement les moyens disponibles ne le permettaient pas: deux soirées en concerts peuvent être remplies (au Victoria Hall), six ou sept représentations c’est déjà plus incertain. La distribution comprend le jeune Andrea Carre dans Sigurd, qui fit si bonne impression en Macduff dans le Macbeth de Metzmacher/Loy de ce même théâtre, Anna Caterina Antonacci en Brunehilde, l’excellent Nicolas Courjal, Anne Sophie Duprels, Marie-Ange Todorovitch et Michael Helmer, le chœur du Grand Théâtre toujours bien préparé par Ching-Lien Wu, le tout sous la direction de Frédéric Chaslin. Cette œuvre qui raconte l’histoire de Siegfried, créée à La Monnaie de Bruxelles en 1884, qui fit les beaux soirs de l’opéra de Paris est un grand opéra à la française avec deux ballets, qu’on ne joue plus depuis les années 1930…(un enregistrement radio dans les années 1970). Une curiosité qu’il faudra donc redécouvrir (6, 8, 10 octobre 2013).
La saison ouvrira par une série de Nozze di Figaro (6 représentations du 9 au 19 septembre) dans une production fameuse de Guy Joosten prise au De Vlaamse Opera d’Anvers/Gand, dirigée par le solide Stefan Soltesz, bien connu des scènes allemandes et autrichiennes dans une distribution assez solide, Russel Braun, Malin Byström, Stéphanie d’Oustrac en Chérubin, Ekaterina Siurina (Susanna) et David Bizic en Figaro (qui fut le Masetto de la production du Don Giovanni de Michael Haneke à Garnier en 2006), un ensemble de bon niveau. Successivement en novembre et pour quatre représentations du 7 au 16 octobre, Die Walküre, première journée du Ring confié à  Dieter Dorn, Jürgen Rose, et Ingo Metzmacher dans une distribution en demi-teinte, des artistes solides, Petra Lang en Brünnhilde, Elena Zhidkova en Fricka, Günther Groissböck en Hunding et d’autres plus discutables (pour mon goût, bien évidemment, Michaela Kaune (qui ne m’a jamais convaincu) en Sieglinde, Tom Fox en Wotan qui n’a pas enthousiasmé dans Rheingold. Quant à Will Hartmann (Siegmund) il sera à découvrir dans un rôle où je ne l’ai pas entendu, mais c’est un artiste de bon niveau.
En décembre, la traditionnelle opérette de Noël, une reprise, pour 7 représentations du 13 au 31 décembre de La Chauve Souris, en français dans le texte, reprise de la production du Grand Théâtre  de 2008 (qui est la production du Festival de Glyndebourne de Stephen Lawless et Benoît Dugardyn), mais en version française, dirigée par le vétéran Theodor Guschlbauer, qui présida aux destinées du Philharmonique de Strasbourg  pendant tant d’années, avec une belle distribution française, Nicolas Rivenq, Noëmi Nadelmann (bon, elle est suisse de Zürich…), René Schirrer, Marie-Claude Chappuis (suisse elle aussi, de Fribourg), Marc Laho (bon, il est belge), Olivier Lalouette. Rien en Janvier sinon deux concerts de chant (voir ci-dessus) et en février, 3 représentations de Siegfried (les 2, 5, 8 février), (Dorn/Metzmacher) avec le ténor britannique John Daszak en Siegfried, Petra Lang en Brünnhilde, Tomas Tomasson en Wanderer, Maria Radner en Erda, Andreas Conrad en Mime, Stephen Humes en Fafner, John Lundgren en Alberich, un ensemble à tout le moins très respectable. Même si je n’ai jamais entendu John Daszak, il est important de connaître d’autres ténors que ceux du “Siegfried’s Tour” (Lance Ryan, Stephen Gould, Ian Storey). Fin février et mars (du 28 février au 10 mars), 7 représentations du Nabucco de Verdi dans une mise en scène de Roland Aeschlimann et dirigé par John Helmer Fiore (actuel directeur musical de l’Opéra d’Oslo et ex-directeur muscial du Deutsche Oper am Rhein), avec Franco Vassallo dans Nabucco (un des deux Macbeth récents de la Scala), Csilla Boross en Abigaille (elle en a la couleur glaciale en tous cas), Leonardo Capalbo en Ismaele (un des Alfredo de la récente Traviata genevoise), Roberto Scandiuzzi en Zaccaria (alternant avec Marco Spotti) et Stéphanie Lauricella en Fenena (alternant avec Ahlima Mhamdi), une distribution qui vaut aujourd’hui aussi bien que n’importe quelle autre distribution, y compris celles de la Scala, vu l’indigence des propositions verdiennes.
Presque rien en avril, mais du 23 avril au 2 mai, Götterdämmerung, avec une distribution faite d’habitués des scènes wagnériennes et de nouveaux venus: Petra Lang en Brünnhilde, Edith Haller en Gutrune, Michele Breedt en Waltraute, Johannes Martin Kränzle en Günther, puis John Lundgren en Alberich, et les émergents John Daszak en Siegfried, Jeremy Milner en Hagen (jeune basse qui commence à accéder à des rôles de premier plan, cover dans Hagen à Seattle). Les deux Ring complets qui auront lieu les 13, 14, 16, 18 mai et les 20, 21, 23, 25 mai 2014 concluront cette année très wagnérienne, mais pas la saison. Car en juin, pour clore la saison, une rareté pourtant très connue (pour un seul air), La Wally de Alfredo Catalani pour 6 représentations du 18 au 28 juin dans des décors et costumes de Ezio Toffolutti (du classique donc), mais le site du Grand Théâtre n’indique pas la mise en scène? , sous la direction de Evelino Pidò (une garantie musicale) avec Barbara Frittoli dans Wally, Balint Szabo, Andrzej Dobber et Gregory Kunde, une distribution très soignée (même si Gregory Kunde n’a plus les moyens d’antan). Que dire de l’œuvre, créée en 1892 à Milan? Si on est gentil on dira que découvrir une rareté est toujours stimulant, et qu’il faut venir voir le spectacle; si on est méchant, on dira qu’on attend l’air “Ebben? Ne andrò lontana” immortalisé par le film Diva de Jean-Jacques Beineix en s’ennuyant, et qu’une fois l’air passé on s’ennuie encore plus, mais qu’il faut quand même voir le spectacle si on est curieux. Mais on ne peut dire que l’œuvre  soit passionnante, même si la distribution réunie est plutôt bonne.
Au total, une saison qui montre qu’un théâtre qui ne compte pas parmi les tout premiers européens peut monter un Ring (malgré la relative déception de l’or du Rhin, je continue d’avoir confiance en Ingo Metzmacher pour nous surprendre), que le reste des choix est défendable: les genevois peuvent s’abonner sans crainte.
Je ne vois pas néanmoins de spectacles qui (Ring à part, qu’un wagnérien-pélerin ne peut manquer) motivent un déplacement pour un mélomane éloigné (Sigurd, peut-être?). Il reste que les habitants de Rhône-Alpes n’auront pas de Ring accessible en région avant longtemps, et que cela vaut la peine d’être signalé pour prendre son bâton de pèlerin…Et si les hôtels de Genève sont hors de prix, ceux d’Annemasse et de Saint Julien en Genevois sont très accessibles et à portée de bus de la métropole suisse. Cette saison genevoise 2013-2014 est donc à considérer avec sympathie pour tous les mélomanes de la région: entre Lyon et Genève, deux profils différents, deux options managériales différentes, et donc une véritable offre, d’une grande richesse pour les habitants des Alpes et de la vallée du Rhône intéressés par la musique .

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OPÉRAS EN EUROPE ET AILLEURS 2012-2013 (5) : SPECTACLES A RETENIR – SUISSE – ZÜRICH – GENÈVE

Il y a en Suisse de très bons théâtres, à commencer par Bâle (Theater Basel), qui est sans doute l’un des meilleurs théâtres du monde germanique, où Christoph Marthaler produit régulièrement des spectacles magistraux, un théâtre voué à la modernité qui ose explorer systématiquement le répertoire avec des clefs contemporaines. En ce moment (décembre) un joli Ballo in Maschera mis en scène par Vera Nemirova. Le théâtre de St Gallen, Theater St Gallen, un peu plus traditionnel, mais qui accorde de l’importance aux voix. Celui qui je préfère reste le minuscule théâtre de Bienne/Biel ,où la dimension réduite donne à la représentation la qualité d’une représentation de salon, allez-y! cela vaut vraiment la peine de vivre cette expérience très intime.
Mais la vie lyrique suisse est dominée par ses deux plus grandes institutions, très différentes, et par les moyens, et par l’esprit que sont
– l’Opernhaus Zürich, dans sa salle XIXème aux dimensions moyennes, au bord du lac de Zürich, qui sort d’une longue période où Alexander Pereira (l’actuel intendant du Festival de Salzbourg) en a fait une des références du monde lyrique européen, et qui vient d’être confié depuis 2012 à Andreas Homoki, lui même venu de la Komische Oper de Berlin. C’est un théâtre de répertoire à l’allemande
– le Grand Théâtre de Genève, au plateau immense, à la vaste salle, construite en référence au Palais Garnier au XIXème siècle et qui est un théâtre de stagione à la française, est dirigé par Tobias Richter, qui a longtemps présidé aux destinées de la Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf. Il succède à des générations de managers français, Jean-Claude Riber, Hugues Gall, Renée Auphan, Jean-Marie Blanchard et dispose de moyens inférieurs à ses prédécesseurs et en tous cas largement inférieurs à Zürich.

OPERNHAUS ZÜRICH

Zürich est désormais à portée de TGV en quatre heures de Paris, et cela peut valoir le déplacement de voir un certain nombre de spectacles. Jusqu’à ce jour, Zürich a offert des productions qui toutes, se tiennent, et défendent de manière très honorable tous les répertoires. Dans les premières qui peuvent vraiment intéresser, notons en ce mois de décembre Der Fliegende Holländer, de Wagner,  première production de Andreas Homoki à Zürich, dirigé par Alain Altinoglu avec une distribution intéressante, Anja Kampe en Senta, Bryn Terfel en Holländer (sauf fin décembre), Matti Salminen en Daland avec des représentations en décembre, janvier, juillet. A noter qu’on pourra voir cette production à la Scala dirigée par Hartmut Haenchen avec Bryn Terfel et Anja Kampe mais avec Ain Anger au lieu de Matti Salminen fin février début mars. Les amoureux de Wagner et des productions zurichoises reviendront pour Tannhäuser (mise en scène Harry Kupfer)en janvier et début février, sans Metzmacher, mais avec Marc Albrecht au pupitre, toujours avec Vesselina Kassarova en  Venus, Peter Seiffert en Tannhäuser, mais Thomas Hampson en Wolfram et surtout Anja Harteros en Elisabeth, et pour Parsifal (mise en scène excellente de Claus Guth) fin mars début avril (on ne va pas savoir où donner de la tête entre celui de Munich, de Vienne, de Salzbourg, tous plus somptueux les uns que les autres), dirigé par Mikko Franck avec Angela Denoke en Kundry, Evguenyi Nikitin en Amfortas et Stuart Skelton en Parsifal, mais hélas Jan-Hendrik Rootering en Gurnemanz, rôle pour lequel à mon avis il a passé l’âge.

La salle de Zürich

Ceux qui voudront voir Waltraud Meier en Santuzza de Cavalleria Rusticana peuvent faire le voyage en janvier pour la reprise de l’opéra qui commence le 1er janvier (dir.mus: Alexander Vedernikov, ms en scène Grischa Asagaroff) avec Zoran Todorovitch et Lucio Gallo entre autres.
En février, bicentenaire Verdi oblige, une nouvelle production de Rigoletto, mise en scène par la jeune Tatjana Gürbaca qui avait raté sa mise en espace de Fidelio avec Abbado à Lucerne, dirigée par Fabio Luisi, nouveau directeur musical de Zürich, qui succède à Daniele Gatti. La distribution, honnête,  comprend Saimir Pirgu en Duc, Quinn Kelsey en Rigoletto, Alexandra Kurzak en Gilda et Christof Fischesser en Sparafucile. Fabio Luisi en profitera pour diriger une reprise de La Bohème (Mise en scène Philippe Sireuil) avec Inva Mula et Stefano Secco.
En mars, création de l’opéra de Peter Eötvös, Drei Schwester (Les trois soeurs), mis  en scène de Herbert Fritsch et dirigé par Michael Boder, qui est un très bon chef. Mais le 7 avril, première de Lady Macbeth de Mzensk, de Chostakovitch (avril, début mai, juin) dirigé par Theodor Currentzis en avril et Vassily Sinaisky en mai et juin, avec Kurt Rydl et Gun-Brit Barkmin en Katerina Ismailova et dans une mise en scène de Andreas Homoki. Avril est un mois dédié au baroque puisque sont affichée une reprise de Rinaldo de Haendel (mise en scène Jens Daniel Herzog dans des décors de Claus Guth)  et une première de l’Opernstudio de Zürich, Der geduldige Socrates (La patience de Socrate) de Telemann créé en 1721. Passonbs sur un Falstaff de grande série en avril mai, arrêtons-nous quelque peu en mai sur une Traviata dont l’intérêt réside dans la Violetta de Diana Damrau (Mise en scène Jürgen Flimm, dir.mus Keri-Lynn Wilson), mais signalons la première d’une nouvelle production de Don Giovanni, dirigée par le jeune Robin Ticciati et mise en scène par Sebastian Baumgarten, dont les amoureux de Wagner connaissent le Tannhäuser de Bayreuth(!) avec Peter Mattei, désormais Don Giovanni mondial, et Pavol Breslik en Ottavio, Marina Rebeca en Anna et Julia Kleiter en Elvira (Mai et tout le mois de juin). En juin également, une reprise de Rusalka dirigé par Eivind Gullberg Jensen dont je me méfie après une mauvaise Bohème à Oslo et un Fidelio très moyen à Madrid et la saison se termine par une grande reprise en juillet (Der Rosenkavalier) et deux premières, celle d’une fantaisie spéciale autour de Wagner, Richard Wagner: wie ich Welt wurde (comment je devins monde) mise en scène par Hans Neuenfels, ce qui promet vu l’imagination du sieur Neuenfels, et tout à la fois théâtre et musique (avec Catherine Naglestad) et celle de La Straniera, opéra de Vincenzo Bellini, mis en scène par Christof Loy (cela ne promet rien de bon…) dirigé par Fabio Luisi et dont l’attraction est la grande Edita Gruberova (juin/juillet), toujours bon pied bonne voix.

Quant au Rosenkavalier (reprise de la mise en scène de Sven-Erik Bechtolf qui clôt la saison, il réunira “alla grande”, Fabio Luisi au pupitre, Nina Stemme, Vesselina Kassarova,Rachel Harnisch et Alfred Muff: de quoi faire le voyage.
Comme on le voit, de grandes reprises, et des premières contrastées, qui marquent une nouvelle couleur donnée par Andreas Homoki aux productions, et peut-être des choix de chanteurs et de chefs qui peuvent être discutés après l’ère du Prince A.Pereira. Mais la saison mérite qu’on ne s’arrête pas seulement à l’UBS quand on va Zürich!

 

Le Grand Théâtre de Genève

GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

Fonctionnement tout différent à Genève, selon le système stagione, avec environ une production par mois et quelques concerts lyriques de stars internationales.
Après un Barbier de Séville, une création autour de Rousseau de Philippe Fénelon (JJR, citoyen de Genève)et un Samson et Dalila moyen dont j’ai rendu compte, en décembre 2012, Tobias Richter a programmé une opérette de Arthur Honegger, Les aventures du roi Pausole. Il programme chaque année au moins une rareté du répertoire français et c’est une initiative très bienvenue. La mise en scène est de Robert Sandoz, la direction musicale de Claude Schnitzler, et le rôle du roi Pausole est assuré par Jean-Philippe Lafont. Fin janvier et en février, c’est au tour de La Traviata, de Verdi, dans une mise en scène de David Mc Vicar, en coproduction avec le Welsh National Opera et le Gran Teatro del Liceu,  jouée à peu près chaque jour du 28 janvier au 12 février avec trois distributions en alternance, trois Violetta, Maia Alexandres, Agneta Eichenholtz, et Patricia Ciofi, deux Alfredo, Leonardo Capalbo et Daniel Johansson et deux Giorgio Germont, Tassis Christoyannis et Simone del Savio, le tout dirigé par Baldo Podic.
En mars, le très attendu Rheingold, prologue du Ring des Nibelungen de Richard Wagner dont le chef sera Ingo Metzmacher. La mise en scène est du très vieux routier Dieter Dorn, et la distribution est dominée par le Wotan de Thomas Johannes Mayer, le Fasolt d’Alfred Reiter et la Fricka d’Elisabeth Kulman.

La salle du Grand Théâtre

Fin avril, Madama Butterfly, de Puccini, dirigée par Alexander Joel, un habitué de Düsseldorf, avec la Cio Cio San d’Alexia Voulgaridou, jolie Mimi, mais sera-t-elle une Butterfly? L’artiste est  émouvante en tous cas. Pinkerton sera Arnold Rutkowsky, et Suzuki Isabelle Henriquez. La mise en scène est confiée à Michael Grandage.
En juin, la saison se clôt sur une nouvelle production de Rusalka de Dvorak, venant du Festival de Salzbourg mise en scène de Sergio Morabito et Jossi Wieler et dirigée par Dmitri Jurowski. Loin d’être à la hauteur de la merveilleuse Rusalka de Stephan Herheim (Bruxelles, Graz, Barcelone), cette production se laisse quand même voir, et m’a laissé un assez bon souvenir. Les trois principaux rôles féminins sont de très bon niveau: Jezibaba, c’est Brigitte Remmert, la princesse étrangère Nadia Krasteva et Rusalka Camilla Nylund qui chantait déjà le rôle à Salzbourg,  considérée comme la Rusalka du moment.
Suivant le Grand théâtre depuis des années, j’ai l’impression que Tobias Richter n’a cependant pas encore réussi depuis qu’il est en poste à trouver une vraie couleur à ce théâtre. Des distributions plutôt ordinaires, des mises en scènes très germaniques, et pas toujours réussies (abus de Christof Loy!) des chefs souvent moyens, le feu d’artifice imaginatif qu’avait su proposer Jean-Marie Blanchard n’est pas au rendez-vous. On a plutôt l’impression d’une programmation de théâtre de répertoire à l’allemande, du genre Düsseldorf ou Francfort, qu’une vraie programmation dans le style qu’avaient imposé un Hugues Gall ou un Blanchard. On s’ennuie un peu à Genève en ce moment, et je ne vois jamais le théâtre plein. Gageons que le Rheingold, ou même l’actuel Roi Pausole vont faire mentir cette impression. Il faut bien reconnaître que les productions de Traviata (malgré Mc Vicar) ou de Butterfly n’ont pas musicalement de quoi exciter vraiment et dans l’ensemble les choix de distribution sont souvent discutables ou pâlichons, en tous cas insuffisamment recherchés à mon avis: Genève qui peut se payer une ou deux fois par an des chanteurs très reconnus, voire des stars, comme Diana Damrau, devrait plutôt renifler les futures stars (comme jadis Jonas Kaufmann dans La Damnation de Faust en 2003 ou Anja Harteros dans Meistersinger) et explorer le marché des grands espoirs, or, la direction artistique se limite souvent à la série B .
Lyon, à 150km, a une offre désormais bien supérieure, et en qualité, et en imagination, et en créativité.[wpsr_facebook]

GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE 2012-2013 : LA PROCHAINE SAISON

Le Grand Théâtre de Genève

Il faut le reconnaître, les dernières saisons du Grand Théâtre ne m’avaient pas convaincu, et les productions qui excitaient ma curiosité m’avaient lourdement déçu (“Les Vêpres Siciliennes” par exemple); les distributions manquaient de cohérence, avec des choix souvent discutables, même si ça et là il y avait de belles découvertes (Alexei Kudrya dans I Puritani), de plus, la présence répétée et presque obsessionnelle de Christof Loy, un metteur en scène dont je n’arrive pas à partager l’univers, finissait par incommoder. Nous verrons en fin de saison 2012 son Macbeth de Verdi, avec une Lady Macbeth inattendue, Jennifer Larmore, et un chef rare dans Verdi, Ingo Metzmacher. Attendons.
Ainsi, le Ring prévu à Genève (une dizaine d’années après celui de Caurier/Leiser) devait-il échoir à Christof Loy, et ce sera en définitive Dieter Dorn qui le réalisera. C’est mieux. Ingo Metzmacher sera au pupitre, un chef toujours apprécié du public, et plus discuté par les orchestres: on verra le Rheingold en mars prochain dans une distribution de bon niveau sans être exceptionnelle (Thomas Johannes Mayer en Wotan) mais on note la Fricka d’Elisabeth Kulman, le Froh de Christoph Strehl, le Fafner de Steven Humes, le Fasolt d’Alfred Reiter…(en mai 2014 la Tétralogie sera présentée en cycle complet).

La saison 2012-2013 présente des atouts non négligeables, avec des choix d’œuvres populaires (Barbiere di Siviglia/Traviata/Butterfly), le retour d’une grande œuvre française (Samson et Dalila), une création de Philippe Fénelon sur Rousseau (JJR), une rareté (Les aventures du Roi Pausole d’Honegger), et un titre de moins en moins rare sur nos scènes(Rusalka). Voilà une saison loin d’être mal composée, et faite à l’évidence pour faire revenir un public qui désertait un peu la salle de la place Neuve.
Philippe Fénelon, après Tchékhov s’attaque à Jean-Jacques Rousseau, l’enfant de Genève dans une création écrite à l’occasion du tricentenaire de Rousseau, JJR, sur un livret de Ian Burton et dans une mise en scène de Robert Carsen. Au pupitre Jean Deroyer, directeur musical de l’Ensemble Court-Circuit et dans la fosse l’Ensemble Contrechamps, la formation genevoise spécialisée dans le répertoire contemporain (Septembre 2012 au BFM)
Toujours en septembre 2012 mais au Grand Théâtre, Alberto Zedda dirigera Il barbiere di Siviglia dans la mise en scène reprise de la production de 2010 de Damiano Michieletto , le jeune metteur en scène italien qui en ce moment perce fortement sur les scènes (voir la Scala). La distribution compte Alberto Rinaldi, Laurence Brownlee, Tassis Christoyannis, un bon trio masculin face à une Rosine espagnole qui entamle une très belle carrière, Silvia Tro Santafé. Alberto Zedda est l’éditeur du Barbiere di Siviglia, sans doute meilleur éditeur que chef d’orchestre, mais cela nous garantit au moins un barbiere philologique.
En novembre, un grand retour, celui de Samson et Dalila, de Saint Saëns, sous la direction du très grand Michel Plasson, dans une mise en scène de Patrick Kinmonth, qui, décorateur et costumier, assumera l’ensemble de la production. Le Samson de Genève  sera le solide  Alexandr Antonenko qu’on voit souvent en Otello sur les scènes européennes, et sa Dalila la mezzo polonaise Malgorzata Walewska moins connue sur nos scènes, tandis qu’Alain Vernhes sera la Grand Prêtre de Dagon. Tout le monde devrait courir voir cette renaissance.
Pour décembre et les fêtes, une opérette qui devrait aussi stimuler notre curiosité, Les Aventures du Roi Pausole d’Honegger, dirigée par le solide Claude Schnitzler, dans une mise en scène de Robert Sandoz, le metteur en scène suisse originaire de La Chaux de Fonds avec Jean-Philippe Lafont. Là aussi on ira se faire une culture sur un répertoire du XXème pas toujours valorisé sur nos scènes.
En janvier et février, et pour de nombreuses représentations, La Traviata de Verdi, mise en scène de David Mc Vicar, en soi déjà un motif d’intérêt. L’un des titres de gloire du chef Baldo Podic fut de diriger Shirley Verrett dans Cavalleria Rusticana à Sienne (avec un DVD à la clef), mais c’est plutôt une surprise que ce choix. Une distribution faite de chanteurs peu connus, et donc à connaître, notamment avec la jeune soprano grecque Myrto’ Papatanasiu (Donna Anna à Vienne, Rusalka à Bruxelles) alternant avec la jeune lettone Inga Kalna en Violetta, et Leonardo Capalbo en Alfredo, un jeune ténor italo-américain qu’on commence à voir sur les scènes françaises, italiennes et allemandes. Seul artiste connu, Tassis Christoyannis en Germont père.
En mars, le Rheingold dont il fut question plus haut, avec Ingo Metzmacher dans la fosse et Dieter Dorn comme metteur en scène, ce qui nous promet un modernisme modéré.
En avril et mai, une Madama Butterfly dans une mise en scène du britannique Michael Grandage qui va mettre en scène Le nozze di Figaro à Glyndebourne en 2012 (où il fit un Billy Budd il y a quelques années) et qui a créé à Londres le musical Evita. Le chef en sera le très correct Alexander Joel, que j’ai à peine entendu à Düsseldorf dans Tosca. La distribution comprend Alexia Voulgaridou en Cio Cio San, cette jolie soprano est plus souvent une Mimi qu’une Butterfly, mais c’est une chanteuse émouvante et le Pinkerton d’Arnold Rutkowski, jeune ténor polonais déjà Pinkerton à Düsseldorf sous l’ère Tobias Richter.
Enfin en juin 2013, une Rusalka de Dvorak, dirigée par le troisième de la lignée des Jurowski, Dmitri Jurowski et mise en scène de Jossi Wieler et Sergio Morabito (c’est la production du festival de Salzbourg, qui ne vaut pas celle de Stefan Herheim à Bruxelles), avec Camilla Nylund en Rusalka, qui le chantait déjà à Salzbourg, la Jezibaba qui devrait être stimulante de Brigitte Remmert, ainsi que Nadia Krasteva en princesse étrangère et en prince Ladislav Elgr, un ténor spécialiste du répertoire tchèque.

Voilà une saison qui devrait promettre de bon moments sur les rives du Rhône et du Léman. Entre Genève et Lyon, les habitants de la région Rhône Alpes ont de quoi se réjouir, il ne devraient pas manquer d’opéra de qualité en 2012-2013.

 

Quelques menues remarques sur le Grand Théâtre de Genève

Après 8 ans de présence, Jean-Marie Blanchard a quitté le Grand Théâtre de Genève. C’est dommage: sa programmation a vraiment marqué par sa qualité, le raffinement des mises en scène et le choix des oeuvres. Sa connaissance des voix a permis d’entendre à Genève des voix de chanteurs aujourd’hui devenues les grandes stars du moment: Jonas Kaufmann (La Damnation de Faust!), Joyce di Donato (La Clemenza di Tito), Nina Stemme (Tannhäuser, Ariadne auf Naxos) sans parler des mises en scène d’Olivier Py, désormais habitué de la maison. Un très grand merci pour ces belles années.
Tobias Richter arrive, fort de sa longue expérience du théâtre en Allemagne. Déjà quelques petits détails montrent l’évolution et le passage d’une direction à l’autre, c’est heureux.

Quelques éléments qu’on voudrait (déjà) voir revus:

– les conférences d’introduction “Une heure avant..” étaient de grandes réussites, la formule proposée (un quart d’heure avant) n’est pas satisfaisante,
– la ligne graphique choisie n’est vraiment pas heureuse… et mériterait d’être complètement transformée..