LA SAISON 2023-2024 de L’OPÉRA NATIONAL DE PARIS

 

C’est la troisième saison d’Alexander Neef à Paris. Cela signifie que désormais un certain nombre de points sont repérables dans sa politique, tant au niveau du répertoire que des distributions.

La maison n’est pas facile, on le sait pour des raisons qui tiennent à son gigantisme, avec ses deux théâtres là où un seul suffirait à n’importe quelle capitale, son corps de ballet pléthorique qui n’a pas vécu des jours si heureux ces dernières années, un public assez peu ouvert et un État qui traine l’institution comme un boulet. À tout cela s’ajoutent les déficits qu’il faut combler depuis le Covid et les grèves.
Visiblement Alexander Neef est un homme discret et résiliant, qui ne s’étale pas dans les médias et qui semble faire régner à l’intérieur de l’institution une ambiance plutôt apaisée, ce qui, compte tenu de l’histoire de la maison, est tout à son avantage.

Les difficultés inhérentes à l’Opéra de Paris ces dernières années n’ont pas vraiment suscité des saisons attirantes, quelques perles sur un tas d’ennui. La Saison 2023-2024 est plus riche de promesses, tant sur le lyrique que sur le ballet, dirigé désormais par José Martinez après l’heureux départ d’Aurélie Dupont.

 

Le lyrique

 

20 productions se divisant comme suit :

8 Nouvelles productions :

  • Adès : The exterminating Angel
  • Bellini: Beatrice di Tenda
  • A. Charpentier : Médée
  • Massenet : Don Quichotte
  • Mozart : Don Giovanni
  • Spontini: La Vestale
  • Wagner: Lohengrin
  • Weill : Street scene (Scène de rue)

12 Reprises :

  • Cilea: Adriana Lecouvreur
  • Donizetti : Don Pasquale
  • Haendel : Giulio Cesare
  • Janaček : L’Affaire Makropoulos
  • Massenet : Cendrillon
  • Mozart : Cosi fan tutte
  • Offenbach : Les Contes d’Hoffmann
  • Puccini : Turandot
  • Ravel : Ma mère L’Oye/L’enfant et les Sortilèges
  • Strauss (R) : Salomé
  • Verdi : Simon Boccanegra
  • Verdi : La Traviata

6 ouvrages en français, 9 en italien, 2 en anglais, 1 en tchèque, 2 en allemand
Parmi eux quatre appartiennent au répertoire des XVIIe et XVIIIe, 9 au XIXe siècle, et quatre au XXe siècle. Prudemment Alexander Neef ne va pas au-delà de 1947 (Street Scene).
Il s’agit de conjuguer goûts du public et une variété suffisante dans la programmation pour défendre une valence culturelle que cette maison doit défendre. Il semble que ce soit assez réussi.

 

NOUVELLES PRODUCTIONS

Septembre-octobre 2023
W.A.Mozart, Don Giovanni
13 repr. du 13 sept au 12 oct – Dir : Alexander Soddy/MeS : Claus Guth
Avec Peter Mattei (A) / Kyle Ketelsen (B) Adela Zaharia (A) / Julia Kleiter(B), Ben Bliss(A) / Cyrille(B)Dubois, John Relyea, Gaelle Arquez(A) / Tara Erraught(B),,Alex Esposito(A)  / Bogdan Talos(B), Guilhem Worms, Ying Fang / Marine Chagnon
Opéra-Bastille

L’Opéra de Paris avait une production de l’époque Mortier tout à fait remarquable qui pouvait durer des années, celle de Michael Haneke crée en 2006. Inexplicablement Stéphane Lissner a voulu une nouvelle production, signée Ivo van Hove, sans aucun intérêt sinon catastrophique en 2019.
Alors Alexander Neef propose une nouvelle production qui n’a de nouvelle que de nom puisqu’elle a été créée à Salzbourg en 2008, c’est-à-dire à peu près contemporaine de celle de Haneke. Signe particulier : c’est sans doute la meilleure production de Don Giovanni qu’on ait fait depuis une vingtaine d’années. Et quand on sait combien l’opéra des opéras est difficile à mettre en scène…
Toutefois, c’est une production qui faisait son effet dans une plus petite salle (au Haus für Mozart de Salzbourg ), ici proposée sur l’immense plateau de Bastille, ce qui laisse supposer qu’elle sera revue.
Musicalement on entendra en fosse Alexander Soddy, le chef britannique qui a fait l’essentiel de sa carrière en Allemagne et Autriche et qui jusqu’à 2022 a été directeur musical au Nationatheater de Mannheim, une baguette dont on dit grand bien.

Et sur scène deux distributions l’une (A) dominée par le couple Peter Mattei/Alex Esposito avec des voix jeunes et intéressantes (Adela Zaharia, Ben Bliss), l’autre par le Don Giovanni de Kyle Ketelsen entouré de Cyrille Dubois, Tara Erraught, Julia Kleiter. Ce qui n’est pas mal non plus. À noter que Peter Mattei était déjà Don Giovanni en 2006 avec Haneke, il y a 17 ans… La mise en scène de Guth devrait fonctionner avec ce Don Giovanni plus mûr…
Aucune hésitation, il faut y courir même si on peut supposer qu’une certaine partie du public recevra l’arrêt d‘autobus de Claus Guth avec des huées, mais à Paris, le bon goût et l’intelligence se font toujours entendre.

Richard Wagner, Lohengrin
9 repr. du 23 sept au 27 oct – Dir : Gustavo Dudamel/ MeS : Kirill Serebrennikov
Avec Piotr Beczala, Johanni van Oostrum / Sinead Campbell Wallace,
Kwangchul Youn, Wolfgang Koch, Nina Stemme/ Ekaterina Gubanova, Shen Yang
Opéra-Bastille
On ne chôme pas à Paris en automne, deux premières d’importance en septembre, il est vrai que l’usine à productions qu’est Bastille le permet.
Deuxième incursion wagnérienne du directeur musical Gustavo Dudamel après un Tristan diversement accueilli. Wait and see. Après avoir traité du papa Parsifal à Vienne dans une production qui a marqué, Kirill Serebrennikov, désormais exilé en Europe occidentale s’occupe de Lohengrin, le fils. Évidemment, c’est une production qu’on ratera difficilement, même si la production de Claus Guth, coproduite avec la Scala, était une grande mise en scène et pouvait être reprise, mais deux fois Claus Guth dans le même mois, c’est sans doute dangereux pour les accidents cardiaques de certains. Il n’est pas sûr que Kirill Serebrennikov les rassérène…
Distribution très solide, avec le Lohengrin n°2 (le n°1, c’est Vogt) des scènes lyriques, Piotr Beczala, belle voix, beau contrôle, mais pas très vibrant. Plus vibrante à prévoir la Elsa de Johanni van Oostrum qui a triomphé à Munich cette saison, en alternance avec l’irlandaise Sinéad Campbell-Wallace, avec par ailleurs Wolfgang Koch et Nina Stemme (en alternance avec Ekaterina Gubanova) dans Telramund/Ortrud. Du très haut niveau, du référentiel, et tout le monde viendra car c’est immanquable.

 

Février-mars 2024
Vincenzo Bellini, Beatrice di Tenda

8 repr. du 9 fév au 7 mars. – Dir : Mark Wigglesworth/MeS : Peter Sellars
Avec Quinn Kelsey, Tamara Wilson, J’Nai Bridges, Pene Pati, Amitai Pati.
Opéra-Bastille
Une excellente idée que d’exhumer Beatrice di Tenda de Bellini, qui entre au répertoire de l’Opéra de Paris, et qui n’eut aucun succès à la création à Venise en 1833. Pour célébrer l’événement on fait appel à Peter Sellars, un nom légendaire qui peut encore étonner (voir sa Clemenza di Tito salzbourgeoise). Sans préjuger de la qualité de la distribution, je déplore profondément que le tropisme désespérément anglo-saxon du casting-management parisien n’ait pas trouvé un chef italien pour diriger cette œuvre, il y en a, et d’excellents, mais visiblement, ils ne s’y intéressent pas à Paris, et la distribution est du même acabit, avec Tamara Wilson, grande voix pas trop belcantiste (mais puisqu’on chante le bel canto comme Verdi aujourd’hui cela n’a aucune importance, d’autant que cette musique sera accueillie à Bastille…) et Queen Kelsey, dont je ne pense pas de bien mais qui qui est le « grand » baryton américain pour le répertoire italien, alors ça s’impose évidemment. Il y a Pene Pati, certes, pas plus italien, mais avec du style, au moins.
À voir évidemment, car c’est une occasion unique de découvrir ce chef d’œuvre.
À noter que Beatrice di Tenda est donné à Naples en version de concert, le 23 septembre 2023, dirigé par Giacomo Sagripanti, avec une distribution pas plus italienne d’ailleurs (mais dont plusieurs font essentiellement carrière en Italie), mais avec des stylistes Andrzej Filonczyk, Jessica Pratt, Matthew Polenzani. Écoutez Andrzej Filonczyk, fabuleux baryton, et comparez avec celui que nous sert Paris…

 

Thomas Adès, The exterminating Angel
7 repr. Du 29 fév. au 23 mars (Dir : Gustavo Dudamel/MeS : Calixto Bieito)
Avec Jacquelyn Stucker, Caroline Wettergreen, Anna Prohaska, Nicky Spence, Philippe Sly, Rodney Gilfry, Frédéric Antoun etc…
Opéra-Bastille

Poursuivant son exploration du répertoire récent anglo-saxon non encore présenté à Paris, après Bernstein (A quiet place), après Adams (Nixon in China), voici The exterminating Angel de Thomas Adès, créé en 2016 à Salzbourg d’après le film de Buñuel et qui fait le tour de toutes les bonnes maisons, parce que sa musique, très contemporaine, est accessible au plus grande nombre… En fosse Gustavo Dudamel qui fait une double opération ; d’une part il attire le public sur un titre pas vraiment connu et d’autre part, il ne risque pas les comparaisons dans ce répertoire (il risquera plus avec Lohengrin, mais on ne peut pas tout avoir…), c’est sa deuxième et dernière apparition dans la saison parisienne dans un opéra…
De beau noms dans la distribution, Wettergreen , Antoun, Gilfry, Sly. Et à la mise en scène, Calixto Bieito, capable en ce moment du meilleur (Guerre et Paix à Genève) comme du pire.
De toute manière, il ne faut pas manquer les opéras à découvrir. Alors, gageons que le public viendra.

Avril 1993
Kurt Weill, Street scene (scène de rue)

5 repr. Du 19 au 27 avtil – Dir : Yshani Perinpanayagam /MeS : Ted Huffman
Avec les artistes de l’Académie de l’Opéra National de Paris
Cet opéra comédie musicale à mi-chemin entre l’opéra de Quat’sous et West Side Story est la marque des efforts de Kurt Weill de produire une musique qui fusionne les traditions européennes et américaines, c’est en tous cas une excellente initiative de l’Opéra que d’offrir un Kurt Weill qui soit « détaché » de son travail avec Brecht, un Kurt Weill de l’exil.
Ted Huffman aime ce type de répertoire et aime travailler avec des jeunes chanteurs (voir sa Poppea d’Aix), et on découvrira une jeune cheffe qui est aussi compositrice et très en phase avec les musiques d’aujourd’hui. Tous les ingrédients sont là pour intéresser un public curieux. Mais ira-t-il jusqu’à Bobligny ?
Musiciens du CNSM
MC93, Bobligny

Avril-mai 2024
Marc Antoine Charpentier, Médée
12 repr. du 10 avril au 11 mai. – Dir : William Christie/MeS : David Mc Vicar
Avec Léa Desandre, Reinoud van Mechelen, Laurent Naouri, Ana Vieira Leite, Gordon Bintner, Emmanuelle Negri, Élodie Fonnard, Lisandro Abadie, Julie Roset, Mariasole Mainini
Orchestre Les Arts Florissants
Palais Garnier

Dans l’exploration du répertoire baroque, cette Médée a une place à part, dans la mesure où c’est le seul opéra de Marc-Antoine Charpentier, créé en 1693 à l’Académie Royale de Musique et pas représentée à l’Opéra depuis. Le livret de Thomas Corneille garantit un texte puissant, Thomas Corneille vit à l’ombre de la gloire de son frère Pierre, mais reste l’un des grands dramaturges du XVIIe. Confiée à William Christie, la production fleurera bon son baroque « historique » et avec David Mc Vicar, on ne risque pas grand chose en matière de vision scénique innovante, c’est le type de metteur « moderne » qui ne fait peur à personne, tant il est « conforme ». La distribution comporte des noms flatteurs de Naouri à Negri en passant par Van Mechelen, avec en Médée Lea Desandre, dont la brochure de l’Opéra valorise la relative jeunesse (la trentaine), marquant là une ignorance coupable. Tout comme Phèdre, Médée passe pour une matrone. Phèdre dont le film de Pierre Jourdan avec Marie Bell a fait un mal fou aux représentations de l’héroïne, la faisant passer pour une vieille dame prise du démon de l’amour pour la jeunesse. Médée, c’est pareil parce qu’on a en tête le film de Pasolini avec Callas.
En réalité, Phèdre comme Médée sont des êtres jeunes, des jeunes filles piégées, et enlevées à leur bonheur, Phèdre a toute légitimité à tomber amoureuse d’un Hippolyte qui a à peu près son âge, et Médée a de tout jeunes enfants. Pourquoi en faire des dames mûres ? Pour en faire des monstres ? Non ce sont pas des monstres, mais des victimes. Pour le reste, le retour de Médée à l’Opéra de Paris, sa maison, ne se rate pas.

 

Mai-juin 2024
Jules Massenet, Don Quichotte
11 repr. du 10 mai au 11 juin  – Dir : Mikhail Tatarnikov/MeS : Damiano Michieletto
Avec Marianne Crebassa, Ildar Abdrazakov / Ildebrando d’Arcangelo, Étienne Dupuis, Emy Gazeilles, Marine Chagnon, Maciej Kawsnikowski, Nicholas Jones
Opéra-Bastille

Retour de Don Quichotte de Massenet, que j’avais découvert dans la belle production de Piero Faggioni avec les superbes Ruggero Raimondi et Gabriel Bacquier sur la scène de Garnier. On se souvient moins que Nicolai Ghiaurov, Viorica Cortez et Robert Massard incarnèrent les trois héros dans une production de Peter Ustinov, et aussi sous la direction de Georges Prêtre, En 2000 et 2001, Don Quichotte fut confié à Samuel Ramey et  à José Van Dam dans la production de Gilbert Deflo. C’est dire que l’Opéra depuis cinquante ans a produit trois productions de Don Quichotte (c’est beaucoup), avec les plus grandes basses de l’époque. Voilà donc a priori une œuvre très bien servie mais qui à chaque fois n’a jamais été reprise, ni celle d’Ustinov, ni celle de Faggioni et celle de Deflo une seule fois.
Il faut souhaiter un autre destin à celle de Damiano Michieletto, qui offre dans sa distribution la basse la plus en vue actuellement, Ildar Abdrazakov en alternance avec un autre grand Ildebrando d’Arcangelo : la tradition est donc respectée avec Etienne Dupuis en Sancho et Marianne Crebassa en Dulcinée.
En fosse Mihail Tatarnikov, qui est un bon chef, mais était-il nécessaire d’aller chercher si loin ?

 

Gaspare Spontini, La Vestale
9 repr. Du 15 juin au 11 juillet. – Dir : Bertrand de Billy/MeS : Lydia Steier
Avec Michael Spyres, Julien Behr, Jean Teitgen, Florent Mbia, Elza van den Heever, Ève-Maud Hubeaux
Opéra-Bastille

Voilà un titre complètement disparu des grimoires de l’Opéra de Paris, que je n’ai vu qu’une fois à La Scala dirigé par Riccardo Muti dans une pâle mise en scène de Liliana Cavani. La Scala elle-même l’avait déjà remonté pour Callas en 1954. C’est dire quelle personnalité nécessite le personnage principal de Julia.
Spontini, compositeur favori de Napoléon, italien écartelé entre Berlin et Paris, qui a retenu notamment les leçons de Gluck et précurseur d’un certain type de Grand-Opéra revient donc à Paris par la grande porte et c’est heureux. Que Bertrand de Billy dirige est aussi un bon choix, il est plutôt bienvenu dans le répertoire XIXe, que Lydia Steier mette en scène, c’est plus désolant. Après sa Salomé imbécile qu’on va d’ailleurs revoir cette saison à Paris (et d’autres productions massacrées du même acabit), elle s’intéresse à cet autre destin de femme sacrifiée. À tout prendre il vaudrait mieux qu’elle regarde ailleurs, mais elle est désormais à la mode, alors on la voit un peu partout en Europe, en plus, c’est une américaine, et donc parée de toutes les vertus pour le staff parisien. Mais peut-être réussira-t-elle ? Qui sait ?
En revanche, belle distribution (Michael Spyres en Licinio et Van der Heever en Julia notamment). L’œuvre qui sera sans doute musicalement très bien défendue mérite la visite à Paris

 

 

REPRISES

Septembre -Octobre
Gaetano Donizettti, Don Pasquale
9 repr.. du 14 sept au 15 oct – Dir : Speranza Scappucci/ MeS : Damiano Michieletto
Avec Laurent Naouri, Florian Sempey, René Barbera, Julie Fuchs, Slawomir Szychowiak
Palais Garnier

Production tiroir-caisse.
Pure reprise de répertoire, pour remplir des caisses qui en ont bien besoin, avec une distribution solide dominée par Naouri et Sempey, et l’Adina de ma ravissante Julie Fuchs. J’ai moins d’attente pour René Barbera, jamais indigne cependant. En fosse, Speranza Scappucci, a toujours beaucoup de succès.

Octobre 2023
Leos Janáček, L’Affaire Makropoulos
5 repr. du 5 au 17 oct – Dir : Susanna Mälkki/MeS : Krzysztof Warlikowski
Avec Kartita Mattila, Pavel Černoch, Cyrille Dubois, Nicholas Jones, Károly Szemerédy, Johan Reuter etc…
Opéra-Bastille
Reprise de la production désormais culte de Warlikowski, pour qui aime King Kong et la mythologie cinématographique américaine avec une chanteuse aussi culte, Karita Mattila qui promène le rôle depuis longtemps et qui lui donne un relief incroyable, autour d’elle Pavel Černoch, toujours excellent, Cyrille Dubois et Károly Szemerédy notamment. Et en fosse, Susanna Mälkki, un choix idéal pour Janáček. Une reprise qui devrait attirer : Mattila en Emilia Marty, cela ne se manque pas.

 

Octobre-novembre 2023
Jules Massenet, Cendrillon
8 repr. du 25 oct au 16 nov – Dir : Keri-Lynn Wilson/MeS : Mariame Clément
Avec Jeanine de Bique, Daniela Barcellona, Paula Murrihy, Caroline Wettergreen Emy Gazeilles, Marine Chagnon, Laurent Naouri, Philippe Rouillon. Luca Sannai. Laurent Laberdesque. Fabio Bellenghi, Corinne Talibart.
Opéra Bastille

Deux Massenet en une saison qui ne soient ni Manon ni Werther, c’est signe que le répertoire s’étoffe. Distribution solide dominée par Jeanine de Bique dans la production sage et bien accueillie de Mariame Clément, dirigée par Keri-Lynn Wilson, tout c ela est bien pensé et (presque) bien-pensant : on aura constaté que les trois première reprises de la saison sont dirigées par des cheffes, ce qui est très bien, mais pas une seule Nouvelle production, ce qui l’est moins, si l’on excepte Street Scene, le spectacle de l’académie…

 

Novembre 2023
Giacomo Puccini, Turandot

13 repr. du 6 au 29 nov – Dir : Marco Armiliato – Michele Spotti/ MeS : Robert Wilson
Avec Sondra Radvanovsky(A)/Tamara Wilson(B), Brian Jagde(A) / Gregory Kunde(B), Ermonela Jaho(A) / Adriana Gonzalez(B), Carlo Bosi, Mika Kares, Florent Mbia, Maciej KawSnikowski, Nicholas Jones, Guilhem Worms, Fernando Velasquez, Pranvera Lehnert, Izabella Wnorowska-Pluchart
Opéra Bastille

Production tiroir-caisse
On va donc entendre Tamara Wilson dans Turandot aussi bien que dans Beatrice di Tenda (qui pour mémoire a été chanté par Mirella Freni… qui n’a jamais chanté Turandot…) c’est la science du grand écart, mais peu importe. Sondra Radvanovsky a abordé désormais Turandot, n’ayant plus rien à prouver dans le reste du répertoire. Jaho en Liù c’est magnifique, Jagde en Calaf, c’est bien pâle, on préfèrera Kunde. Deux distributions, la A avec Radvanoivsky/Jaho, la B avec Kunde. Choix cornélien.
Au niveau de la mise en scène, c’est du Wilson des familles, et donc plus aucun intérêt, mais dans la fosse, une alternance entre Marco Armiliato, bon chef italien de répertoire qu’on connaît bien, et Michele Spotti, excellent jeune chef qu’il sera intéressant d’aller entendre. On privilégiera donc les cinq soirées entre le 22 et le 29 novembre.

 

Novembre-décembre 2023
Jacques Offenbach, Les Contes d’Hoffmann
10 repr. du 30 nov au 24 déc. – Dir: Eun Sun Kim/MeS: Robert Carsen
Avec Benjamin Bernheim/ Dmitry Korchak, Pretty Yende, Antoinette Dennefeld, Rachel Willis-Sørensen. Christian van Horn, Leonardo Cortellazzi, Christophe Mortagne, Cyrille Lovighi, Christian Rodrigue Moungoungou, Vincent Le Texier, Angela Brower, Sylvie Brunet-Grupposo, Alejandro Baliñas Vieites
Opéra-Bastille
Production tiroir-caisse.

Que ferait l’opéra-Bastille sans cette production des Contes d’Hoffmann signée Robert Carsen 23 ans d’âge (première en 2000) ? Efficace, bien faite, tranquille, remontant à l’époque où Carsen faisait du Théâtre dans le théâtre. C’est la neuvième reprise…
Et pourtant, avant Carsen, ; il y eut Roman Polanski, Jean-Pierre Ponnelle et Patrice Chéreau (l’un de ses grands chefs d’œuvre à l’opéra). L’œuvre est bien servie, sans aucun doute.
La production est solidement distribuée aussi (on préfèrera Bernheim à Korchak cependant), et dirigée par la désormais spécialiste des reprises de répertoire dans les grands théâtres européens Eun Sun Kim, quatrième cheffe à diriger une reprise dans la saison.

Novembre-décembre 2023
Maurice Ravel, Ma Mère l’Oye / L’Enfant et les sortilèges
8 repr. du 21 nov au 14 déc. Dir : Patrick Lange / Chor. Martin Chaix:, MeS : Richard Jones/Antony McDonald
Avec les artistes en résidence à l’Académie et les élèves de l’école de danse de l’Opéra National de Paris
Palais Garnier

Une chorégraphie de Martin Chaix ad hoc pour les élèves de l’école de danse et une œuvre lyrique qui convient idéalement aux élèves de l’Académie, dans une mise en scène qui a déjà fait ses preuves (c’est la cinquième reprise depuis 1998. Un spectacle frais pour les jeunes pousses de l’Opéra qu’il faut aller encourager avec en fosse l’excellent Patrick Lange.

 

Janvier-février 2024
Francesco Cilea, Adriana Lecouvreur

8 repr. Du 16 janv au 7 fév. – Dir : Jader Bignamini/MeS : David Mc Vicar
Avec Anna Netrebko / Anna Pirozzi, Yusif Eyvazov / Giorgio Berrugi, Ekaterina Semenchuk / Clémentine Margaine, Ambrogio Maestri, Sava Vemic, Leonardo Cortellazzi, Alejandro Baliñas Vieites, Nicholas Jones, Marine Chagnon, Ilanah Lobel-Torres, Se-Jin Hwang
Opéra-Bastille

Reprise Tiroir-caisse en or
Que souhaitez-vous Madame Netrebko ? Votre mari ? Mais bien sûr !
Votre chef favori Jader Bignamini ? Mais comment donc ! Et voilà l’affaire est faite.
Pour le reste, en distribution B, Anna Pirozzi, pas si mal, Giorgio Berrugi, qu’on commence à entendre souvent en Italie, et Clementine Margaine, qu’on va peut-être finir à considérer : elle est la Fidès du jour, l’Azucena du jour, mais on lui préfère Semenchuk pour voisiner la Netrebko…
Laissons cela.
Bignamini n’est pas un mauvais chef, Mc Vicar est comme toujours sans intérêt, mais l’intérêt est ailleurs, vous l’aurez bien compris…

Giuseppe Verdi, La Traviata
12 repr. du 25 janv au 25 fév. – Dir : Giacomo Sagripanti/MeS : Simon Stone
Avec Nadine Sierra / Pretty Yende (25 fév.), Marine Chagnon, Cassandre Berthon, René Barbera, Ludovic Tézier, Maciej Kawsnikowski, Alejandro Baliñas Vieites, Florent Mbia, Hyun-Jong Roh, Olivier Ayault, Pierpaolo Palloni
Opéra-Bastille

Reprise Tiroir-Caisse
Enfin la raison s’impose. Cette production avait été créée au Palais Garnier pour seulement 2000 spectateurs. Traviata c’est fait pour les 2700 spectateurs de Bastille et 12 représentations, dont étrangement une seule le 25 février, avec la créatrice de la production, Pretty Yende. On y retrouve Ludovic Tésier, immense, et en Alfredo René Barbera, gentillet, et pour les onze autres représentations, la délicieuse Nadine Sierra.
En fosse, Giacomo Sagripanti qui n’est pas le meilleur des chefs italiens de répertoire d’aujourd’hui, mais on n’est pas à ça près. Et la production de Simon Stone s’installe dans le paysage, à Vienne comme à Paris.

Georg Friedrich Haendel, Giulio Cesare
12 repr. Du 20 janv au 16 fév. – Dir : Harry Bicket/MeS : Laurent Pelly
Avec Emily d’Angelo, Adrien Mathonat, Wiebke Lehmkuhl, Marianne Crebassa, Lisette Oropesa, lestyn Davies, Luca Pisaroni, Rémy Brès
Palais Garnier

Superbe distribution pour cette reprise du Giulio Cesare de Haendel dans la production de Laurent Pelly dont c’est la troisième reprise depuis janvier 2011. On y trouve Oropesa en Cleopatra, la jeune et talentueuse Emily d’Angelo en Giulio Cesare, entourés par rien moins que Luca Pisaroni, Marianne Crebassa et l’excellent Iestyn Davies. En fosse, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra Nationalm de Paris, Harry Bicket spécialiste de ce répertoire. Rappelons cepdndant que la production avait été créée par Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée.

Mars-avril 2024
Giuseppe Verdi, Simon Boccanegra

7 repr. du 12 mars au 3 avril. – Dir : Thomas Hengelbrock/MeS : Calixto Bieito
Avec Ludovic Tézier, Nicole Car, Mika Kares, Charles Castronovo, Étienne Dupuis, Alejandro Baliñas Vieites, Paolo Bondi, Marianne Chandelier
Opéra-Bastille

Reprise de la belle production de Calixto Bieito avec Ludovic Tézier dans le rôle-titre, ce qui est déjà suffisant. Mika Kares, voix de bronze et encéphalogramme plat au niveau de l’expressivité, Castronovo qui devrait bien convenir en Gabriele, et l’étrange choix de Nicole Car en Amelia. Il faudrait quelqu’un de plus de poids pour le rôle (à quand Oropesa ?). En fosse, Thomas Hengelbrock peu fréquent dans ce répertoire.

Mai 2024
Richard Strauss, Salomé

7 repr. du 9 au 28 mai. – Dir : Mark Wigglesworth/MeS : Lydia Steier
Avec Lise Davidsen, Gerhard Siegel, Ekaterina Gubanova, Johan Reuter, Pavol Breslik, Katharina Magiera, Matthäus Schmidlechner, Éric Huchet, Maciei Kawsnikowski, Nicholas Jones, Florent Mbia
Opéra-Bastille
En fosse, Mark Wigglesworth, qui passe de Bellini à Strauss, c’est beau les chefs qui savent tout faire. En scène, que du beau ou du très beau monde entre Davidsen qui n’aura aucun mal à remplir de sa voix immense la salle de Bastille, le couple Gubanova/Siegel et Pavol Breslik en Narraboth de très grand luxe.
Mais le neutre Johan Reuter en Jochanaan, fait tomber la pression. On aurait pu choisir un baryton au plus grand relief pour faire face à Davidsen…
Mise en scène inutile signée d’une des baudruches à la mode de la mise en scène d’aujourd’hui.

 

Juin-juillet 2024
W.A.Mozart, Cosi fan tutte
12 repr. Du 10 juin au 9 juil. – Dir : Pablo Heras Casado/MeS : Anne Teresa de Keersmaker
Avec Vannina Santoni, Angela Brower, Hera Hyesang Park, Josh Lovell, Gordon Bintner, Paulo Szot.
Reprise tiroir-caisse : c’est Mozaaaart
Palais Garnier.

Cosi fan tutte a été diversement servi à l’Opéra de Paris, sous Liebermann, la production de Jean-Pierre Ponnelle ne fut pas une de ses plus grandes réussites, la production Ezio Toffolutti fut souvent reprise et n’avait pour avantage que de pouvoir être reprise tellement elle ne dérangeait personne, celle de Chéreau, très forte, n’eut pas l’heur de plaire ou d’être comprise. Finalement celle de Anne Teresa de Keersmaker depuis janvier 2017 suit son bonhomme de chemin, portée aux nues par les uns, honnie par les autres, elle en sera à sa cinquième reprise. Cette mise en scène ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité.
En fosse, Pablo Heras-Casado, un chef précédé d’une réputation qui se dégonfle à chaque fois qu’on l’entend. Poudre aux yeux sans intérêt. Distribution contrastée, entre des voix intéressantes (Santoni, Brower) d’autres moins (Szot) et la découverte d’un ténor à suivre, en troupe à Vienne, Josh Lovell.

 

Au total, une saison qui présente plus d’intérêt que les précédentes, dans le choix des œuvres notamment et dans l’intelligente présence du répertoire historique de la maison, comme le montre le retour de Médée, de La Vestale, mais aussi de Don Quichotte, trois titres sur huit, ce qui est important. Il ne s’agit pas pour moi de défendre le répertoire français, ni la langue française, je n’ai pas ces prurits identitaires inutiles et ridicules, mais il est essentiel qu’une maison témoigne de son histoire et de son passé, et qu’elle le fasse régulièrement.
Que la deuxième ligne de force de la gestion Neef soit l’accueil du répertoire anglo-saxon des cinquante dernières années n’est pas inintéressant non plus, et ne manque pas d’originalité avec ces rendez-vous annuels. Deux œuvres cette saison, Street Scene d’un Kurt Weill en exil qui écrit une œuvre déchirée entre son passé européen et son présent, et The exterminating Angel de Thomas Adès, dont il m’est avis qu’on verra dans pas très longtemps The Tempest que même la Scala a osé…
Enfin deux spectacles confiés à L’Académie, Street Scene justement et L’Enfant et les sortilèges, accouplé à un ballet dansé par l’Ecole de danse, marquent une confiance dans les forces de la maison et son avenir.
Quelque chose commence à se dessiner, une promesse que les deux dernières saisons si mornes ne laissaient pas entrevoir. C’est très positif et on espère que les bourgeons vont fleurir.
D’un autre côté, je déplore personnellement un tropisme anglo-saxon trop marqué au niveau des distributions, l’absence fréquente de chanteurs italiens : c’est une antienne que j’ai aussi reprise à propos de Munich, qui a d’autres tropismes : les directions de casting ont l’indécrottable défaut de rester fidèles à leur aire culturelle, à leurs origines, à leurs habitudes, dans un art qui demande au contraire de respirer au plus large géographiquement. Et plus d’esprit de finesse que de géométrie.

Du point de vue des mises en scène, les nouvelles productions ratissent large, ce qui n’est pas si mal. Entre Bieito, Serebrennikov, McVicar, Sellars, etc…il y en a pour tous les goûts, et il y a même du mauvais goût (Lydia Steier).
En fosse en revanche, si Dudamel est présent seulement deux fois, on ne trouve pas l’imagination au pouvoir, il y a des chefs corrects et de bonne réputation, d’autres moins, mais rien ne fait vraiment rêver…

 

Le Ballet

(Contribution de Jean-Marc Navarro)
L’année écoulée nous aura offert un de ces petits psychodrames à rebondissements comme seul le Ballet de l’Opéra national de Paris aime à les concocter.

  • Acte I : celui d’un naufrage managérial éloquent quand le directeur de la Maison, Alexander Neef, a décidé de nommer Étoile un artiste qui, au-delà de ses qualités artistiques réelles, consacrait chacune de ses interventions médiatiques – nombreuses – depuis des années à conchier l’institution dont il était issu et l’art dont elle prétend incarner la tradition (le ballet académique). Cette décision a entraîné le départ d’Aurélie Dupont, directrice de la Danse, qui n’avait dit-on jamais envisagé une telle nomination et se trouvait désavouée par un directeur plus enclin à se payer un petit coup de pub qu’à mesurer les conséquences d’image et de gestion interne qu’aurait une telle décision au sein de sa Compagnie.
  • L’histoire ne donnera pas tort à Mlle Dupont sur ce point puisque, acte II, s’en est suivie une période de flottement scandée par la perspective ou non du retour en scène du nouveau nommé. La presse se fera écho de ses petits caprices dans le choix des rôles, de ses petites délicatesses dans la gestion de son calendrier, de ses petits atermoiements dans la négociation de son contrat d’Étoile. Sept mois après sa nomination, sans avoir jamais reposé un pied sur la scène de l’Opéra, François Alu sera exfiltré de la Compagnie, départ sans doute salutaire pour l’équilibre collectif interne du Ballet.
  • C’est qu’entre temps, acte III, José Martinez a été nommé directeur de la Danse, à l’issue d’un processus d’appel à candidatures très scientifique et objectif (tout ça pour en arriver à la nomination d’une ancienne Étoile de la Maison dont le nom figurait déjà parmi les favoris depuis un long moment…). Débarrassé de l’épine Alu qu’Alexander Neef avait plantée dans le pied de la Compagnie, José Martinez a eu à cœur depuis sa prise de fonction début décembre d’observer, d’imprimer une communication équilibrée sur ses ambitions et un peu falote sur son projet, de construire des distributions diverses autour de la programmation de sa prédécesseuse. Bref, d’essayer d’apaiser un peu les esprits et de remettre son petit monde au travail, en distillant une douce musique à l’oreille du public : celle d’une volonté claire de revenir à un profil de programmation de fibre plus classique que celle des dernières saisons – difficile toutefois de tomber plus bas dans la très spectaculaire évacuation du répertoire académique opérée par Aurélie Dupont (voir le billet https://wanderersite.com/danse/le-declin/)
  • Acte IV : trois mois après sa prise de fonction, premier coup d’éclat du nouveau directeur de la Danse : pas une, pas deux, trois nominations ! En à peine une semaine, Hannah O’Neill, Marc Moreau (nommés le même soir), Guillaume Diop (nommé à l’issue d’une Giselle en Corée du Sud) accèdent au Graal sur proposition de José Martinez. Il convenait de renforcer les rangs des Étoiles, qui étaient apparus tristement déplumés lors des défilés du Ballet en février, et ce n’est sans doute que le début du renouvellement des cadres suprêmes du Ballet, les départs d’Étoiles expérimentés se profilant dans les prochaines saisons.

 

Quel sera alors l’acte V ? Dans un contexte pollué par « le cas Alu », le départ d’Aurélie Dupont, une programmation que même les plus intenses thuriféraires de la Compagnie commençaient à trouver problématique, José Martinez apparaît comme un sauveur (il faut bien lécher avant de lâcher puis de lyncher…). Il a au moins pour lui le mérite de la cohérence entre ses propos et la réalité de ses actes. À l’Opéra, on se targue d’aimer la tradition et le répertoire tout en piétinant l’une et n’entretenant pas l’autre. Martinez lui n’entre pas dans cette logique comme le montrent ses activités de chorégraphes et transmetteur de répertoire depuis ses adieux.

La saison 2023-2024 dévoilée cette semaine a été largement préparée par Aurélie Dupont, José Martinez ayant eu la pudeur de la présenter comme juste légèrement remaniée. La marque Dupont est bien là, avec deux chorégraphes qu’elle a toujours dit adorer (une belle soirée Kylian et l’entrée au répertoire du Barbe-Bleue de Pina Bausch) et la soirée d’ouverture de saison qui coche toutes les cases attendues des tutelles mais qu’on oubliera aussitôt vue (des femmes chorégraphes, chouette ! du contemporain conceptuel, trop cool !) mais offrira aussi le retour du très populaire The Seasons’ Canon de Crystal Pite.

Mais surprise du chef : la saison affiche un lot de ballets académiques dont le nombre est tout à fait standard pour le type de Compagnies auquel Paris entend appartenir mais qui apparaît désormais impressionnant à Paris tant on était habitué à devoir se limiter à une vache à lait de Noël noyée dans des saisons globalement alla Chaillot : Giselle, Don Quichotte, Le Lac des cygnes, Casse-Noisette ! Si on y ajoute La fille mal gardée et une soirée Robbins, voilà le retour en force des grandes soirées de ballet qui font la part belle à des effectifs dignes de la Compagnie et permettent aux danseurs de prendre des rôles et évoluer dans le répertoire. Voilà aussi – et cela n’est sans doute pas totalement neutre – de quoi assurer un bon petit matelas de recettes, le triple effet magique des hausses de grilles, des tripatouillages de plans de salle et des taux de remplissage systématiquement flatteurs pour les ballets académiques devant produire un plein effet.

Alors bien sûr, on peut regretter que ces titres correspondent à ceux qui ont déjà été repris ces trois quatre dernières saisons. Toujours nulle trace de La Belle au bois dormant, ni de Paquita, de Coppélia ou de Suite en blanc ; il est un peu alarmant de se dire qu’elles n’ont pas été présentées en scène depuis de plus 10 saisons pour certaines ! Dans un art de transmission immatérielle tel que le ballet, voilà qui est très préoccupant. On note également que les productions Noureev des « grands classiques » tiennent le haut du pavé quand ils mériteraient un sacré lifting.

D’autres heureuses nouvelles sont à noter par ailleurs : l’École de danse aura à nouveau droit à une série de spectacles, à une série de démonstrations et à un gala ; les occasions pour les petits rats de se produire à Garnier s’étaient raréfiées ces dernières saisons. Après Peeping Tom (!!), c’est le Béjart Ballet Lausanne qui sera de retour à Paris comme compagnie invitée. José Martinez a aussi mentionné avoir proposé à Marianela Nunez du Royal Ballet de venir danser Giselle.

Attendons de voir si ces premiers signaux se pérennisent et se transforment en marque de fabrique Martinez sur les saisons prochaines ! D’ici là, ouf, commencerait-on à entrevoir la possibilité de reprendre le chemin de la ligne 8 pour aller voir du ballet à l’Opéra, après tant de saisons de vache anorexique ?


Le reste

La saison symphonique et les récitals

C’est simple : il n’y en a pas.
Un seul concert (à la Philharmonie de Paris) de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris dirigé par Gustavo Dudamel le 2 avril, au programme Debussy Canteloube Varèse Ravel avec Julie Fuchs, repris le 5 avril 2024 au Festival de Pâques d’Aix en Provence.
Et une apostille le 31 août 2023 à Saint Jean de Luz (Programme Penderecki, Haydn, Schumann)

Il y a bien des séries de musique de chambre à l’Amphithéâtre et les Midis musicaux, mais pas d’autres concerts symphoniques que celui précité.
Est-ce le résultat de la grève des musiciens qui a contraint d’annuler la tournée prévue de l’orchestre sous la direction de son chef ? Est-ce une politique délibérée ? On se perd en conjectures.
Une saison symphonique même petite (il n’y a jamais eu à l’Opéra de véritable saison symphonique articulée) permettrait peut-être d’inviter sur quatre ou cinq concerts par an des chefs qu’on n’a pas l’habitude de voir, qui ont une surface symphonique intéressante, et de faire travailler l’orchestre hors fosse, ce qui est toujours salutaire.
C’est la morne plaine.

Il y a bien des récitals des présentations des artistes de l’académie, mais pas de récital de grandes voix d’aujourd’hui : cela se perd dans les opéras, même en Allemagne, et pourtant, un cycle de récitals s’imposerait dans une maison de cette importance, mais, vous l’aurez compris, en terme de rapport qualité-prix, de présence du public, c’est trop aléatoire, on ne va donc pas de poser la question de l’apport culturel ou de la valence artistique. N’employons pas de vilains mots.
Et puis il y a cet OVNI
2 décembre 2023
Gala Maria Callas
Dir.Mus : Eun Sun Kim / MeS : Robert Carsen
Avec Sondra Radvanovsky

Une opération tout à fait extraordinaire pour célébrer Maria Callas. Un Gala pour soutenir…La Croix rouge ? Non. Les réfugiés Ukrainiens ? Non. Les victimes du tremblement de terre en Turquie et Syrie ? Pas plus.
Lisons la brochure : À l’occasion du centenaire de la naissance
de Maria Callas, le 2 décembre 1923, l’Opéra national de Paris propose un gala exceptionnel au bénéfice des activités de l’institution, le jour même de cet anniversaire.

Les tarifs n’en sont pas communiqués, c’est un Gala de Bienfaisance pour une Institution nécessiteuse : L’Opéra National de Paris.
On croit rêver.
J’ose espérer que l’institution en question fait de l’auto-ironie, soulignant que cette institution publique fait la quête parce que l’État ne lui donne pas assez d’argent.
Nous avons souligné par ailleurs que l’État traitait l’Opéra comme un boulet, nous ne cessons de souligner l’absence de politique du Ministère de la Culture et nous observons la situation difficile des Opéras en région, mais une telle manifestation a quelque chose d’étrange, acceptable ou admissible dans un état libéral comme les USA, où les Opéras doivent chercher leurs financements, inadmissible pour notre première scène nationale, alors que la Culture est l’une des prérogatives de l’État. Dérive libérale de la culture, comme d’autres dispositifs (le Pass Culture pas exemple) et désintérêt au sommet de l’État-Macron, on l’avait compris depuis longtemps et on en a la confirmation. Ce n’est pas l’Opéra de Paris qui est lamentable en l’occurrence, c’est sa tutelle.

Quelques éléments sur la politique tarifaire

Et puisqu’on parle gros sous quelques mots sur les tarifs.
Soyons honnêtes, dans le paysage européen, les tarifs pratiqués à l’Opéra de Paris sont diversifiés et dans la moyenne des salles (haute) de ce niveau, moins chers qu’à Londres, Vienne, et à la Scala bien plus chers qu’à Munich (maximum en saison 163 Euros) et qu’à Hambourg ou Francfort, deux excellents théâtres où le prix maximum n’excède pas 130 Euros L’échelle est large, elle  va pour l’Opéra de 10 (Garnier)/15 (Bastille) à 220 Euros (prix maximum) et pour le ballet du même minimum au maximum de 170 Euros, sachant que le ballet rapporte bien plus à salle complète que l’opéra (vu que le corps de ballet et les solistes forment troupe). Le prix maximum est fonction de l’œuvre, indépendamment qu’elle soit nouvelle production ou reprise, et de ce qu’on suppose de la venue du public. Étrangement d’ailleurs Adriana Lecouvreur avec Netrebko n’est pas au tarif maximum, sans doute parce qu’elle ne les fait pas toutes, et que le reste du cast, chef compris n’est pas trop cher). Mais peu importe, on voit bien quelles reprises servent de tiroir-caisse, quels ballets sont supposés attendus par le public. Apparemment Giselle, Casse-Noisette et l’inévitable Lac des Cygnes rapporteront beaucoup. A noter que La Vestale bénéficie d’une baisse de tarif en juillet, puisque le public d’opéra  est en vacances ou à Aix…

Bien sûr la brochure prévoit des tarifs spéciaux pour les familles, les étudiants, les handicapés, les chômeurs et une infinité de moyens d’accéder au Graal pour moins cher ; c’est un labyrinthe savant, mais il reste que les tarifs, les plans de salle sont assez tortueux, et que le débat continue sur l’accessibilité à cette maison.

 

 

Conclusion

On peut se réjouir de l’esquisse d’un apaisement dans le ballet, après les crises des années précédentes, on peut se réjouir d’une programmation lyrique plus inventive et plus élaborée avec des lignes de force importantes (répertoire historique de l’Opéra de Paris, créations d’œuvres anglo-saxonnes qui manquaient à Paris), tout cela est positif et mérite d’être signalé.
On peut saluer l’effort pour valoriser l’Ecole de Danse et l’Académie, même si la troupe tant souhaitée commence à être formée et qu’elle sera sans doute étoffée les années prochaines.

On peut d’un autre côté déplorer dans les distributions un tropisme anglo-saxon excessif, l’absence de chefs d’envergure, d’autant plus marquée que Gustavo Dudamel assure deux titres et un concert, ce qui n’est pas énorme sur 20 productions.
On peut enfin déplorer qu’en dehors du ballet et du lyrique, il n’y ait pas l’esquisse d’une saison symphonique, ni une saison de récitals. On sent une maison qui fait des efforts, dans un univers qui ne lui est pas très favorable et avec une situation financière critique.  On est, disons, dans une remontée lente et plutôt positive. Et c’est déjà beaucoup. En ce sens, cette saison marque un tournant.

LA SAISON 2021-2022 de la BAYERISCHE STAATSOPER: SERGE DORNY INAUGURE SON MANDAT D’INTENDANT

Ce n’est pas un secret, Wanderer aime la Bayerische Staatsoper, assidument fréquentée depuis 1978. Les lecteurs du site wanderersite.com et de ce blog connaissent le nombre de spectacles dont nous avons rendu compte. C’est à notre avis l’une des maisons de référence en Europe. Elle connaît cette année un changement de pilote : il est difficile de ne pas considérer les projets qui vont y naître, d’autant qu’elle sort d’une période brillante, dominée par la présence, plus rare ces dernières années, de Kirill Petrenko, qui drainait les foules sur son seul nom et même si du point de vue des productions il y a eu quand même un peu de médiocrité pour beaucoup d’exceptionnel…

 

C’est évidemment l’une des saisons les plus attendues, dont bien peu de titres ont fuité, parce que c’est la première saison de Serge Dorny, nouvel Intendant de la Bayerische Staatsoper et de Vladimir Jurowski, néo GMD de Munich qui prendra ses fonctions en septembre 2021. Contrairement à ce que certains journalistes ont écrit lors de son Rosenkavalier récent, il n’est pas encore en poste.
Voilà une saison que Serge Dorny place sous un motto humaniste et prometteur: « Chaque homme est un roi, chaque femme une reine » issu d’une phrase de l’auteur hongrois Dezsö Kosztolányi:
« Chaque homme est un chef-d’œuvre. Dans ses yeux, la souffrance et le désir d’être aimé. Dans son cœur, des expériences et des souvenirs, tout comme dans le vôtre. Et sur sa tête, le sommet de son crâne, comme une couronne royale.Chaque homme est un roi. ».
Il entend promouvoir dans sa programmation et dans les initiatives diverses, nouvelles ou pas, la diversité, dans tous les sens du terme, sociale, culturelle, musicale, l’accessibilité du théâtre pour tous, et à l’inverse que le théâtre aille à tous, en se déplaçant à l’extérieur de la ville ou dans divers lieux de la cité. Pour ce faire, il créée aussi deux festivals,

  • « Septemberfest » (septembre en fête) où entre concerts extérieurs, y compris loin de Munich (Ansbach), fêtes dans les espaces de la Résidence, de grands opéras du répertoire (Gianni Schicchi etc…) avec des interprètes d’exception, il veut créer de l’envie.
  • « Ja-Mai Der neue Festival» (le nouveau festival) il veut justement créer un Festival « du nouveau », mêlant musiques d’hier et d’aujourd’hui en montrant permanences et différences, dans divers lieux culturels de la ville.
  • Enfin, les Münchner Opernfestspiele plus que séculaires, auront un thème directeur annuel, cette année « Strauss, l’opéra et le temps qui passe », autour d’opéras de Strauss au répertoire de Die Frau ohne Schatten à Der Rosenkavalier avec une nouvelle production (Capriccio).

Ce qui frappe, c’est la ligne d’une programmation qui cette année annonce une couleur nouvelle donnée au répertoire, qui va s’élargir un peu plus au XXe siècle et à des œuvres non encore présentées à Munich comme Le Nez de Chostakovitch ou Les Diables de Loudun. À cet effet, il fait appel à tout ce que le monde du théâtre compte comme metteurs en scène d’exception.
Au total, une programmation exigeante, à la fois complexe et accessible. C’est un pari séduisant, qui veut imposer la culture comme une obligation pour la construction de l’humain, mais une culture sans concession, qui doit servir l’intelligence et non l’autosatisfaction, au risque du conflit, du rugueux : je n’invente rien, tout est dit dans les divers documents qu’on pourra aussi trouver sur le site staatsoper.de.
En fait les principes qui ont porté Lyon au sommet des opéras en Europe sont repris, dans une maison aux moyens considérables, riche d’une tradition séculaire, et qui se porte déjà très bien après la brillante période Bachler/Petrenko. Au lieu de se reposer sur du plan-plan de luxe, les choses vont être un peu bousculées et c’est particulièrement stimulant.

Les nouvelles productions :

Octobre-novembre 2021
Chostakovitch, Le Nez (
MeS: Kirill Serebrennikov/Dir : Vladimir Jurowski)
Avec Doris Soffel, Laura Aikin, Boris Pinkhasovich, Sergei Leiferkus, Andrey Popov, Tansel Akseybek  Gennadi Bezzubenkov etc…
C’est surprenant mais l’œuvre n’est pas au répertoire du théâtre, alors qu’elle est l’une des pièces les plus emblématiques de Chostakovitch, couronnant en quelque sorte sa première période « futuriste » (Création en 1930)… trop futuriste sans doute puisque l’URSS devra attendre 1974 pour qu’elle soit de nouveau proposée. Appuyée sur le regard sarcastique de Gogol sur l’ambiance péterbourgeoise, elle peut être adaptée à de nombreux contextes et styles. Kirill Serebrennikov en signera une mise en scène sans nul doute très contemporaine et engagée. La liste des interprètes parle d’elle-même, on y trouve les meilleurs chanteurs, dont la grande Doris Soffel, Sergei Leiferkus, ou Boris Pinkhasovitch. C’est aussi une œuvre emblématique pour Vladimir Jurowski, une sorte de signature initiale qui donne un vrai ton à la programmation.
(7 repr. Du 24/10 au 5/11 et les 17 et 20/07)

Décembre 2021-janvier 2022
Lehár, Giuditta (MeS: Christoph Marthaler/Dir : Gábor Káli)
Avec Vida Miknevičiūtė, Jochen Schmeckenbecher, Daniel Behle, Kerstin Avemo, Sebastian Kohlhepp
(6 repr. du 18/12 au 6/01)
Une œuvre de Lehár créée à l’Opéra de Vienne en 1934, et qui pourtant n’a pas marqué les mémoires, alors qu’elle fut retransmise à l’époque par 120 radios dans le monde. C’est une œuvre hybride, qui illustre à l’instar des Contes d’Hoffmann d’Offenbach, le désir de son auteur de se confronter à un style plus sérieux, entre opérette et opéra, compte tenu qu’il existe aussi des opérettes sérieuses. C’est exactement le profil qui convient à Christoph Marthaler, qui adore ces œuvres entre chien et loup, qui permettent aussi bien à la fantaisie que la mélancolie de s’installer. Distribution de très haut niveau évidemment, et direction musicale confiée à un jeune chef hongrois peu connu, Gábor Káli lauréat du concours de jeunes chefs d’orchestres de Salzbourg en 2018, et l’un des plus sûrs espoirs de la baguette parce qu’il a triomphé souvent depuis, aussi bien au concert qu’à l’opéra.

Janvier-février-mars 2022
Leoš Janáček, La petite renarde rusée (
MeS: Barrie Kosky/Dir : Mirga Grażinyté-Tyla)
Avec Wolfgang Koch, Yajie Zhang, Elena Tsallagova, Angela Brower etc…
L’œuvre mi-figue, mi-raisin de Janáček, conte animalier et donc histoire d’une profonde humanité, d’une infinie poésie, non dépourvue de tristesse et de nostalgie, est confiée à Barrie Kosky, mage du théâtre et magnifique raconteur d’histoires. La distribution est dominée par Elena Tsallagova (la renarde) et Wolfgang Koch (le garde-chasse). En fosse, pour la première fois à Munich, Mirga Grażinyté-Tyla, Directrice musicale  du Birmingham Symphony Orchestra, l’une des baguettes les plus riches d’avenir aujourd’hui. Il faudra sans doute faire le voyage.
(9 repr. Du 30/01 au 15/02, 11 et 16/07(Oper für alle).


Février-mars-juillet 2022
Benjamin Britten, Peter Grimes (
MeS: Stefan Herheim, Dir: Edward Gardner)
Avec Stuart Skelton, Rachel Willis-Sørensen, Iain Paterson, Claudia Mahnke etc…
Autre grand moment de la saison, la première mise en scène à Munich de Stefan Herheim qui se confronte au chef d’œuvre de Britten absent du Nationaltheater depuis une vingtaine d’années. En fosse, Edward Gardner, un spécialiste de ce répertoire, successeur de Vladimir Jurowski au London Philharmonic Orchestra. Stuart Skelton est Peter Grimes, retissant l’histoire des ténors wagnériens se confrontant au chef d’œuvre de Britten (souvenons-nous de Jon Vickers, qui fut longtemps le Peter Grimes de référence, après Peter Pears), à ses côtés une distribution particulièrement adaptée à cette œuvre, Rachel Willis-Sørensen, Iain Peterson, Claudia Mahnke par exemple. Un retour qui se veut marquant.
(7 repr. Du 28/02 au 13/03, 9 et 12/07)

Le Cuvillés-Theater

Mars 2022
Haydn, L’infedeltà delusa
(MeS: Marie-Eve Signeyrole/Dir : Giedré Šlekytė)
Avec les membres de l’Opéra-Studio de la Bayerische Staatsoper
(6 repr.du 19 au 29/03)
Pour l’Opéra Studio, dans l’écrin somptueux du Théâtre Cuvilliés, un opéra de Haydn, bien plus rare sur les scènes d’opéra que sur les podiums d’orchestres. L’infedeltà delusa (livret de Marco Coltellini) qui remonte à 1773, raconte une histoire marivaudienne de couples, de déguisements ancêtre de Cosi fan tutte en quelque sorte. Œuvre idéale pour de jeunes chanteurs, parce qu’elle oblige à la fois au jeu théâtral de la comédie et du même coup à une véritable attention au texte, sans de monstrueuses difficultés de chant. Dans la fosse, Giedré Šlekytė, une autre cheffe d’orchestre lithuanienne d’avenir et pour la mise en scène Serge Dorny a invité Marie-Eve Signeyrole, dont on a pu voir récemment à Strasbourg Samson et Dalila, et qui travaille régulièrement en Allemagne.
La production du Studio est un rendez-vous annuel traditionnel, et la rencontre avec Haydn est une excellente idée.
Bayerisches Staatsorchester
Cuvilliés-Theater

Mai-Juillet 2022
Berlioz, Les Troyens (
MeS: Christophe Honoré/Dir : Daniele Rustioni)
avec Marie-Nicole Lemieux, Eve Maud-Hubeaux, Anita Rashvelishvili/Ekaterina Sementchuk, Stéphane Degout, Gregory Kunde/Brandon Jovanovitch
Une équipe liée à Serge Dorny pour ces Troyens qui reviennent à Munich après deux décennies d’absence (précédente production avec Zubin Mehta au pupitre), d’une part il offre à Christophe Honoré cette œuvre monumentale, mais aussi intimiste, qui devrait lui convenir, notamment en confrontant sa grande sensibilité aux destins des deux grands personnages féminins. Ce sera l’occasion pour le public munichois de découvrir l’approche si particulière de Christophe Honoré, qui pour la première fois passe les frontières. L’autre compère, c’est Daniele Rustioni, premier chef invité à Munich désormais, qui adore la musique de Berlioz. Enfin une distribution particulièrement soignée (plus séduisante en mai qu’en juillet à mon avis) sur le plateau, Marie-Nicole Lemieux en Cassandre, Anita Rashvelishvili en Didon (Ekaterina Sementchuk en juillet) et surtout Gregory Kunde en Énée (Brandon Jovanovich en juillet), entourés notamment de Stéphane Degout (Chorèbe) et de Eve-Maud hubeaux en Ascagne et notons le ténor Martin Mitterrutzner en Iopas, c’est paraît-il un des ténors de l’avenir.
On ira, bien entendu.
(7 repr. du 9 au 29 mai, et les 6 et 10 juillet)

 

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Festival Ja-Mai der neue Festival (en divers lieux culturels de la cité)

C’est sans doute la plus grande nouveauté de l’année, un festival de Printemps qui associe des formes très contemporaines et d’autres anciennes, qui confronte les genres, le langage, parlé, chanté, psalmodié, qui confronte et qui tresse. Mais un festival qui sort aussi de la grande maison pour aller au contact d’autres lieux, d’autres institutions, qui ainsi accueillent aussi ces formes nouvelles, mais aussi d’autres ensembles musicaux. Cette année c’est une trilogie de Georg Friedrich Haas (et de son librettiste Händl Klaus) créées dans le cadre intime du merveilleux théâtre de Schwetzingen en 2016 qui est ici reprise, chacun des œuvres, Thomas, Bluthaus et Koma tressée à des madrigaux de Monteverdi et faisant chacun l’objet d’une production avec une équipe différente.

Georg Friedrich Haas/Claudio Monteverdi :
Thomas/ Il lamento di Arianna (MeS : Anne Sophie Mahler, Dir : Alexandre Bloch)
Avec Holger Falk, Konstantin Krimmel, Caspar Singh etc…
Münchener Kammerorchester
L’équipe la plus nouvelle, le jeune chef français (excellent) Alexandre Bloch, directeur musical de l’Orchestre National de Lille qui conduira le Münchener Kammerorchester et la metteuse en scène berlinoise Anne-Sophie Mahler, qui a été aux écoles de Marthaler et de Schlingensief, qui la rend immédiatement sympathique et qui conduit une carrière de théâtre et d’opéra un peu partout en Allemagne.
(4 repr. du 20 au 29 mai)
à la Reithalle

Bluthaus/Il lamento della ninfa/Il ballo delle ingrate (MeS : Claus Guth, Dir : Titus Engel)
Avec Vera-Lotte Böcker, Nicola Beller-Carbone, Bo Skovhus
Bayerisches Staatsorchester
Production Bayerische Staatsoper, Residenztheater München
Coproduction Opéra National de Lyon, Bergen Nasjonale Opera
Une production qu’on verra à Lyon dans les prochaines années, et une équipe plus connue, composée du chef suisse remarquable Titus Engel (qui a dirigé à Lyon le dernier Château de Barbe-Bleue, et Claus Guth, absent de l’Opéra de Munich depuis au moins une décennie, avec une distribution très solide où l’on note la présence de Bo Skovhus.
(5 repr. du 21 au 29/05)
Au Cuvilliés-Theater

Koma/Il combattimento di Tancredi e Clorinda (MeS: Romeo Castellucci, Dir : Teodor Currentzis)
Avec Kayleigh Decker, Deanna Breiwick, Daniel Gloger, Nikolaï Borchev
MusicAeterna
Production Bayerische Staatsoper, Münchner Volkstheater, Münchner Kammerspiele,
Coproduction Theater Basel, Théâtre National Croate de Zagreb, Opéra de Rouen, Novaya Opera Moscou Münchner Volkstheater
(4 repr. du 22 au 29 mai)
Au Münchner Volkstheater.
Gradation dans la sensation, l’équipe Castellucci/Currentzis fera courir le banc l’arrière banc et tous les animaux du pays lyrique munichois et non munichois.
Comme on peut le constater, une entreprise complètement neuve, ouverte, et riche de potentialités, qui devrait si elle fonctionne, devenir un rendez-vous incontournable.

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Juin 2022
Krzysztof Penderecki, Die Teufel von Loudun (Les diables de Loudun) (
MeS: Simon Stone/Dir : Vladimir Jurowski)
Avec Ausrine Stundyté, John Lundgren, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Ursula Hesse von der Steinen, Lindsey Ammann etc…
Bayerische Staatsorchester
En ouverture du festival d’été, l’œuvre de Penderecki jamais jouée à Munich qui raconte l’histoire des possédées de Loudun et du malheureux prêtre Urbain Grandier (racontée dans le fameux film en 1971 de Ken Russell, Les Diables qui a sans doute puisé l’idée dans cette œuvre). Elle sera jouée dans la version originale de 1969 (Hambourg) qui selon Vladimir Jurowski est plus « rude » musicalement que la version révisée de 2012-2013. Distribution exceptionnelle et mise en scène de Simon Stone, quoi va sans doute créer un univers particulier dont il a le secret, tel que celui créé pour le Lear de Reiman à Salzbourg
(4 repr. du 27 juin au 7 juillet)

Prinzregententheater

Juillet 2022
Richard Strauss, Capriccio
(MeS: David Marton, Dir : Lothar Koenigs)
Avec Diana Damrau, Michael Nagy, Pavol Breslik, Vito Priante, Tanja Ariane Baumgartner etc…
Distribution éblouissante pour cette première à Munich de la production vue à Lyon et Bruxelles d’un David Marton familier des Kammerspiele de Munich mais qui n’a jamais travaillé à la Staatsoper. Marton s’intéresse au travail sur les livrets, à la relation entre texte et musique (il est lui-même musicien) et à la déconstruction des œuvres. C’est dans ce sens l’œuvre idéale pour lui, lieu d’un débat théorique sur le genre opéra, alors que l’Europe entière se) déchire sous les bombes (création en 1942), c’est cet aller-retour entre Art et barbarie qui fascine et qui confirme que l’art doit triompher, toujours et partout.
(5 repr. du 17 au 27/07)
Au Prinzregententheater

On peut le constater, ces nouvelles productions sont nettement orientées vers le XXe siècle, en proposant une large palette de styles aussi bien  traditionnels (Peter Grimes) que résolument contemporains (Trilogie de Georg Friedrich Haas) mais aussi de format (avec de gros formats comme Les Troyens et Les Diables de Loudun), mais aussi large palette de traditions, russe, française, britannique, germanique en restant soucieux de la tradition de la maison avec le focus sur Richard Strauss incluant la nouvelle production de Capriccio. L’offre est exigeante mais loin d’être inaccessible parce qu’elle suit une ligne précise et surtout parce qu’à tous niveaux la qualité est exceptionnelle, et pas seulement sur les nouvelles productions, mais aussi pour le répertoire.

Répertoire :

 

On ne va pas s’intéresser à chaque titre, le lecteur reconnaîtra les siens, mais signaler çà et là les nouveautés. Car il y en a, notamment pour les chefs qui assurent les représentations ; on va voir dans la fosse de très nombreuses nouvelles têtes pour Munich, des chanteurs confirmés, mais aussi des voix nouvelles.
Rappelons ce que signifie répertoire en termes d’organisation.
Un théâtre de répertoire entretient une troupe de chanteurs différente selon la taille de la maison, à Munich autour de 25 chanteurs, qui assurent tous les rôles secondaires, mais qui peuvent aussi soit assurer les premiers rôles ou pourvoir le cas échéant doubler. Le choix des chanteurs est donc essentiel, d’où l’importance du studio, où les jeunes trouvent ensuite un premier engagement dans la troupe du théâtre s’ils sont valeureux.
Les répétitions des Premières sont très longues, et très précises, avec un cahier des charges essentiel pour les reprises (cahier de régie). On imagine cette importance quand le spectacle remonte à plusieurs dizaines années (par ex. La Cenerentola de Ponnelle). Quelquefois les productions sont l’objet d’un « ravalement » qu’on appelle « Wiederaufnahme », dans ce cas il y a plus de répétitions que pour une reprise normale. Car il y a en cas de reprise de répertoire très peu de répétitions (quelquefois même pas un service d’orchestre), il faut donc des chefs sûrs qui connaissent parfaitement la partition et certains n’arrivent évidemment pas à imposer à l’orchestre de rompre avec des habitudes, notamment dans un répertoire qu’ils connaissent (trop) bien.
Les reprises de répertoire en général affichent les titres créées l’année précédente dans les distributions et avec le chef de la première, et sinon les reprises d’autres titres sont affichés régulièrement pour les grands standards, éventuellement avec des casts différents. C’est le cas la saison prochaine pour Die Tote Stadt (créé avec Petrenko/Kaufmann et Petersen et affichée cette année avec Lothar Koenigs/Klaus Florian Vogt, Elena Guseva) ou Die Frau ohne Schatten (Petrenko/Koch, Pankratova, Schuster, Dean-Smith et Merbeth dans la dernière reprise de 2017 et cette année Gergiev/Volle-Stemme, Jovanovich-Nylund, Fujimura)…
Par ailleurs Serge Dorny, qui on va le voir appelle de nombreux chefs différents notamment pour le répertoire italien s’est attaché la présence régulière de Daniele Rustioni, nommé premier chef invité, qui dirigera cinq productions dont Tabarro, Gianni Schicchi, Otello, Un Ballo in maschera en répertoire et une Première (Les Troyens). Du côté du répertoire allemand, il s’est attaché Lothar Koenigs, chef de bon niveau, qui dirigeait déjà à Munich, et qui assurera cette année une Première (Capriccio), mais aussi quelques reprises (Die Tote Stadt, Tristan und Isolde).

 

Septembre 2021 (Septemberfest)
Puccini, Gianni Schicchi (MeS : Lotte de Beer/Dir : Daniele Rustioni)
Avec Ambrogio Maestri, Emily Pogorelc, Galeano Salas, Lindsey Ammann etc…
(2 repr. 18 et 19/09 tarif spécial de 25€/8€)

Puccini, Il Tabarro (MeS : Lotte de Beer/Dir : Daniele Rustioni)
Avec Wolfgang Koch, Yonghoon Lee, Eva-Maria Westbroek
(2 repr. 18 et 19/09 tarif spécial de 25€/8€)
À noter : les représentations de Gianni Schicchi et Tabarro sont séparées et constituent chacune une représentation.
Daniele Rustioni ouvre une programmation de répertoire par ces spectacles au tarif très « politique », mais sans faire d’économies sur les distributions.

 

Septembre-Octobre 2021
Der Fliegende Holländer
(MeS : Peter Kontwitschny /Dir :Bertrand de Billy)
Avec Christof Fischesser, Anja Kampe, Benjamin Bruns, John Lundgren etc…
La production déjà ancienne de Franz Kontwitschny avec une dsitribution tout à fait exceptionnelle et en fosse, Bertrand de Billy qui est un chef plutôt solide.
(4 repr. du 24/09 au 6/10)

Verdi, La Forza del destino (MeS : Martin Kušej /Dir : Andrea Battistoni)
Avec Anja Harteros, Mika Kares, George Petean, Jonas Kaufmann, Ekaterina Sementchuk, Ambrogio Maestri
(3 repr. Du 26/09 au 2/10)
Chef intéressant (plus intéressant qu’Asher Fisch qui a assuré les représentations jusqu’ici), distribution sans reproche,

Octobre-novembre 2021/Février-mars 2022
Puccini, Tosca
(MeS : Luc Bondy/Dir : Daniel Oren (Oct.)/Carlo Rizzi (Fév.)
Avec Anja Harteros, Najmiddin Mavlyanov(Oct.) /Piotr Beczala(Fév.), Luca Salsi (Oct.)/Ambrogio Maestri (Fév.)
(4 repr. du 19/10 au 1/11)
(4 repr. du 20/02 au 4/03)
Sans doute une des dernières présentations de la production Bondy qui a fait son temps (il s’en prépare sans doute une autre pour les saisons prochaines), il faudra écouter Najmiddin Mavlyanov, un Mario déjà fort demandé, et bien sûr, pour Anja Harteros, immense Tosca devant l’Eternel.

Octobre 2021
Puccini, Turandot
(MeS : Carlus Padrissa (La Fura dels Baus)/Dir : Gábor Káli)
Avec Anna Pirozzi, Brian Jagde, Elena Guseva, Alexander Vinogradov
(3 repr. du 7/10 au 13/10)
Du très classique, mais Pirozzi est vraiment très bonne, et on écoutera le jeune Gábor Káli en fosse, avant la première de Giuditta.

Verdi, Falstaff (MeS Mateja Koležnik / Dir : Antonino Fogliani)
Avec Bryn Terfel, Vito Priante, Galeano Salas, Eleonora Buratto, Lindsey Ammann etc…
La distribution se passe de commentaires, et au pupitre opère l’excellent Antonino Fogliani.
(3 repr. du 15 au 21/10)

Octobre-Novembre
Verdi, Il Trovatore
(MeS : Olivier Py/Dir : Francesco Ivan Ciampa)
Avec George Petean, Sondra Radvanovsky, Okka von der Damerau, Francesco Meli
Là encore, même si la production Py est médiocre, la distribution se passe de commentaires et en fosse, Francesco Ivan Ciampa, un chef que très peu de français (ou d’allemands) connaissent, de la même génération que Daniele Rustioni et qui est absolument remarquable, bien plus intéressant que ceux qu’on nous impose généralement pour ces titres à Paris ou ailleurs.
(3 repr. du 31/10 au 6/11)

Novembre 2021
Bizet, Carmen
(MeS : Lina Wertmüller/Dir : Alexandre Bloch)
Avec Dmytro Popov, Lucas Meachem, Varduhi Abrahamyan, Rosa Feola
Du solide avec une Carmen de Varduhi Abrahamyan et une Micaela de Rosa Feola, pas si mal… avec en fosse, Alexandre Bloch, excellent chef français qu’on va revoir à Munich.
(5 repr. du 10 au 24/11)

Braunfels, Die Vögel (MeS: Frank Castorf/Dir : Ingo Metzmacher)
Avec Wolfgang Koch, Günter Papendell, Charles Workman, Michael Nagy, Caroline Wettergreen
Représentations suspendues pour cause de Covid en octobre-novembre 2020 et donc reprise cette saison avec la même distribution (magnifique) de la production luxuriante de Frank Castorf avec le décor fabuleux d’Aleksandar Denić… Sous la direction experte d’Ingo Metzmacher
(3 repr. Du 12 au 18/11)

Novembre-Décembre 2021
Weber, Der Freischütz
(MeS : Dmitry Tcherniakov/Dir : Lothar Koenigs)
Avec Sean Michael Plumb, Golda Schultz, Anna Prohaska, Pavel Černoch, Tomasz Konieczny, Georg Zeppenfeld
Distribution sans reproche de cette production vue en streaming et qui mérite une visite en salle, avec au pupitre Lothar Koenigs (je n’avais pas aimé Manacorda) et une MeS de Tcherniakov qui à la TV ne m’avait pas convaincu. Il faudra aller voir…
(4 repr. du 26/11 au 5/12)

Décembre 2021
Korngold, Die tote Stadt
(MeS : Simon Stone/Dir : Lothar Koenigs)
Avec Klaus-Florian Vogt, Elena Guseva, Christoph Pohl, Jennifer Johnston etc..
Distribution correcte (Vogt ! Guseva !) mais nous avons de tels souvenirs du trio Kaufmann/Petersen/Petrenko que ce sera difficile…
(4 repr. Du 1er au 10/12)


Donizetti, L’Elisir d’amore
(MeS : David Bösch/Dir : Evelino Pidò)
Avec Emily Pogorelc, Bogdan Volkov, Erwin Schrott, André Schuen
Du répertoire, avec la jeune Emily Pogorelc qui a intégré la troupe et un trio masculin qui promet fort. Au pupitre le solide Pidò que Serge Dorny a invité pour les Donizetti de répertoire. Et toujours la merveilleuse production de David Bösch.
(3 repr. Du 11 au 17/12)

Mozart, Die Zauberflöte (MeS : August Everding/Dir : Ivor Bolton)
Avec Günther Groissböck, Pavol Breslik, Sabine Devieilhe, Olga Kulchynska etc…
Wow, joli cadeau de Noël, distribution excellente, chef très solide et familier du lieu, et mise en scène historique d’August Everding. À coupler avec Giuditta…
(5 repr. Du 21 au 30/12)

Janvier 2022
Strauss (R.): Ariadne auf Naxos
(MeS : Robert Carsen/Dir : Ulf Schirmer)
Avec Markus Eiche, Daniela Sindram, Brandon Jovanovich, Erin Morley, Tamara Wilson et Udo Wartveitl etc…
Très belle distribution et un chef solide, GMD à Leipzig, qu’on n’avait plus vu à Munich depuis longtemps. Production typiquement carsenienne. Et en prime un acteur munichois connu (Udo Wartveitl ) en majordome.
(3 repr. Du 18 au 26/01)


Janvier-février/Juillet 2022
Strauss (R.): Die schweigsame Frau
(MeS : Barrie Kosky/Dir : Stefan Soltesz)
Avec Franz Hawlata, Christa Mayer (Janv.) Okka von der Damerau (Juil.), Daniel Behle, Brenda Rae etc…
Magnifique production de Barrie Kosky qu’on ne se lasse pas de voir, magnifique Hawlata, toujours extraordinaire acteur et cette fois au pupitre le remarquable Stefan Soltesz, sous-estimé qui doit être pétillant dans cette partition.
(4 repr. Du 29/01 au 4/02 et le 22/07)

Janvier/Juin-Juillet 2022
Puccini, La Bohème
(MeS : Otto Schenk/Dir : Francesco Lanzillotta)
Avec Angel Blue (Janvier) /Ailyn Pérez (Juillet), Emily Pogorelc(Jv)/Aida Garifullina(Jt), Evan LeRoy Johnson(Jv)/Piotr Beczala(Jt) etc…
Du bon répertoire, pour Wanderer de passage, et surtout un autre excellent chef, qu’il faut absolument connaître, Francesco Lanzillotta, qui lui mérite la Scala.
(6 repr. Du 5 au 9/01 et du 25 au 30/07)

Verdi, La Traviata (MeS : Günter Krämer/Dir : Giedré Šlekytė)
Avec Alexandra Kurzak (Janvier)/Lisette Oropesa (Juin-Juillet), Dmytro Popov(Janvier)/Stephen Costello (Juin-Juillet) Simon Keenlyside (Janvier)/Leo Nucci (28/06), Placido Domingo (1/07)
Là aussi du répertoire et un peu de paillettes, avec au pupitre la jeune (et excellente) Giedré Šlekytė et des chanteurs dont on peut dire qu’ils sont hors classe, au moins pour les sopranos et les barytons.
(7 repr du 8/01 au 21/01, et les 28/06 et 1/07)

Février 2022
Rossini, Il Turco in Italia
(MeS : Christof Loy/Dir: Gianluca Capuano)
Avec Alex Esposito, Lisette Oropesa, Nikolay Borchev etc…
Christof Loy, du solide un peu pareil tout le temps, mais distribution exceptionnelle et très bon chef pour Rossini… Si vous passez par là, il faut y entrer.
(4 repr. Du 09 au 18/02)

Mars 2022
Mozart, Le nozze di Figaro
(MeS: Christof Loy/Dir: Thomas Hengelbrock)
Avec Gerald Finley, Golda Schultz, Katharina Konradi, Alex Esposito, Anne Sofie von Otter etc…
Une production correcte, du moderne passepartout, du Christof Loy de bon niveau, et une distribution fabuleuse. Hengelbrock au pupitre, ce ne devrait pas être mauvais…
(4 repr. Du 9 au 20/03)

Donizetti, Lucia di Lammermoor (MeS: Barbara Wysocka/Dir: Evelino Pidò)
avec Nadine Sierra, Andrzej Filończyk, Xabier Anduaga, Riccardo Zanellato
Excellente distribution avec le couple Anduaga/Sierra, mais aussi le baryton Filończyk excellent et Zanellato, la basse fidèle à Serge Dorny. Au pupitre qui fut de Petrenko (soupir à fendre l’âme), le très sûr Pidò. Mise en scène « moderne » qui passe assez bien.
(4 repr. Du 12 au 24/03)

Rossini, La Cenerentola (MeS : Jean-Pierre Ponnelle/Dir : Michele Spotti
avec Marianne Crebassa, Edgardo Rocha, Mattia Olivieri, Renato Girolami, Erwin Schrott
Grande distribution pour une production historique, voire légendaire avec un jeune chef nouveau à Munich mais pas à Lyon, et réel espoir de la direction rossinienne mais pas que : Michele Spotti… Vaut le voyage…
(4 repr. Du 18 au 25/03)

Avril 2022
Mozart, Die Entführung aus dem Serail
(MeS : Martin Duncan/Dir : Stefano Montanari)
Avec Sofia Fomina, Elisabeth Sutphan, Daniel Behle, Jonas Hacker, Ante Jerkunica
Production passable, distribution correcte sans plus mais au pupitre, Stefano Montanari, et là c’est encore un autre nom que les lyonnais connaissent et apprécient, et qui est en train d’exploser partout… Un très grand chef.
(3 repr. du 8 au 13/04)

Wagner, Parsifal (MeS : Pierre Audi/Dir : Mikko Franck)
Avec Christian Gerhaher, Christof Fischesser, Simon O’Neill, Jochen Schmeckenbecher, Anja Harteros
Le Parsifal en noir et blanc d’Audi/Baselitz confié à la baguette de Mikko Franck, c’est particulièrement intéressant, avec une distribution de très haut niveau et une nouvelle Kundry toute jeune : Anja Harteros qui se jette dans le rôle et qui va faire qu’on se précipitera pour entendre. Là encore un voyage devrait s’imposer…
(3 repr. du 14au 23/04 )


Avril-Mai/Juillet 2021
Verdi, Macbeth
(MeS : Martin Kušej/ Dir : Andrea Battistoni (avril)/Fabio Luisi (Juillet)
avec Ludovic Tézier (Avril/Mai)/Artur Rucinski(Juil), Tareq Nazmi (Avril/Mai)/Vitali Kowaljow (Juillet), Ekaterina Sementchuk (Avril/Mai)/Anna Netrebko (Juillet), Freddie de Tommaso (Avril/Mai)/Evan LeRoy Johnson (Juillet)
Une distribution en dentelles où l’on préfèrera le couple Tézier/Sementchuk à Rucinski/Netrebko, d’autant qu’en avril mai, il y a Freddie de Tommaso, le nouveau ténor qu’il faut avoir vu et entendu… Au pupitre, Andrea Battistoni ce qui est bien, ou Fabio Luisi, ce qui est très bien. Choisissez selon vos goûts…
6 repr. du 24/04 au 04/05 et les 14 et 18 juillet)

Mai 2022
Händel, Agrippina
(MeS: Barrie Kosky/Dir: Stefano Montanari)
Avec Joyce DiDonato, Gianluca Buratto, John Holiday, Elsa Benoit, Mattia Olivieri etc…
Münchener Kammerorchester
Ce n’est même pas la peine d’hésiter prenez déjà votre billet d’avion, avec Stefano Montanari dans la fosse, dans le merveilleux Prinzregententheater, et la bonne production de Barrie Kosky, très concentrée dans sa cage de métal.
(3 repr. Du 7 au 13/05 au Prinzregententheater)

Mai-Juillet 2022
Strauss (R),  Der Rosenkavalier
(MeS : Barrie Kosky/Dir : Vladimir Jurowski)
Avec Marlis Petersen, Samantha Hankey, Katharina Konradi, Christof Fischesser, Johannes-Martin Kränzle, Daniela Köhler, Ursula Hesse von der Steinen etc…
Deux Kosky pendant les mêmes semaines, cela ne se manqué pas: votre billet d’avion permettra de voir aussi ce merveilleux Rosenkavalier vu à la TV et si original, si “ailleurs”, si intelligent, si magnifiquement interprété et chanté qu’on attend de le voir en scène avec impatience, d’autant que ce sera la version normale et non celle covidienne révisée par Ekkerhard Kloke qui sera proposée, sous la direction du maître de maison Vladimir Jurowski.
(5 repr. Du 8 au 15/05 et les 21 et 24/07)

Rossini, Il barbiere di Siviglia (MeS : Ferruccio Soleri/Dir : Antonino Fogliani)
Avec Alasdair Kent, Ambrogio Maestri, Vasilisa Berzhanskaja, Andrei Zhilikohovsky, Adam Palka
Solide distribution où l’on pourra entendre la merveilleuse Rosine de Vasilisa Berzhanskaja et Adam Palka (Le Mephisto de Castorf à Vienne) en Basilio. On regrette que Andrzej Filończyk distribué dans Lucia di Lammermoor ne soit pas Figaro; il y est exceptionnel… Au pupitre, Antonino Fogliani, garantie d’excellence.
(3 repr. Du 10 au 16/05)

Verdi, Otello (MeS : Amelie Niermeyer/Dir : Daniele Rustioni (mai-juin) Antonino Fogliani (juillet)
Avec Anja Harteros, Arsen Soghomonyan/Gregory Kunde, Luca Salsi/Gerald Finley, Oleksiy Palchykov
La distribution parle d’elle-même, la mise en scène excellente, et les deux chefs prévus sont remarquables.  On choisira peut-être juillet pour Kunde et Finley…
(5 repr. Du 27/05 au 2/06 et les 2 et 5/07)

Mai-Juin 2022
Puccini, Madama Butterfly
(MeS: Wolf Busse/Dir: Antonello Manacorda)
Avec Ermonela Jaho, Charles Castronovo, Davide Luciano etc…
Une mise en scène qui est un peu épuisée, une distribution de très grand niveau (Davide Luciano peut-être sous-utilisé en Sharpless) et au pupitre Antonello Manacorda qui a troqué Weber contre Puccini.
(3 repr. du 31/05 au 5/06)

Juin 2022
Wagner, Tristan und Isolde
(MeS : Krzysztof Warlikowski/Dir : Lothar Koenigs)
Avec Wolfgang Koch, Stuart Skelton, Nina Stemme, Mika Kares, Okka von der Damerau
La distribution est magnifique, même sans Kaufmann. Mais sans Petrenko, c’est un peu dur, même si Koenigs est solide… Du répertoire de grand luxe, mais c’est du répertoire…
(4 repr. du 6 au 20/06)

Verdi Un Ballo in maschera (MeS : Johannes Erath/Dir : Daniele Rustioni)
Avec Piotr Beczala, Carlos Alvarez, Sondra Radvanovsky, Judit Kutasi, Deanna Breiwick
Là en revanche pas d’hésitation, il faut y voler : distribution exceptionnelle, grand chef, et production de Johannes Erath pas inintéressante…
(4 repr. du 12 au 22 juin)

Juillet 2022
Strauss (R.) : Die Frau ohne Schatten
(MeS : Warlikowski/Dir : Valery Gergiev)
Avec Brandon Jovanovich, Camilla Nylund, Mihoko Fujimura, Michael Volle, Nina Stemme
Là encore, sans Petrenko cela fait (un peu) souffrir. Mais ne jouons pas les enfants gâtés. Gergiev en fosse même entre deux avions, est un très grand musicien, la production est désormais légendaire et la distribution fabuleuse…
(2 repr. Les 28 et 31/07)

 

Comme on peut le constater, il y a même pour le répertoire, une exigence de qualité au plus haut niveau. Et la palette de nouveaux chefs (et cheffes) excellents inconnus à Munich et souvent ailleurs que Dorny a invités va redonner un véritable intérêt à certaines reprises. Du répertoire que certains théâtres du même niveau envieraient pour leurs nouvelles productions. Pourvu que ça dure…

 

Concerts symphoniques : « Akademiekonzerte »

 

Le Bayerisches Staatsorchester, orchestre d’Etat de Bavière est l’orchestre historique de Munich, dont les racines remontent au XVIe siècle et à Roland de Lassus qui en fut le Kapellmeister à partir de 1563. C’est en 1811 que l’Académie de musique est formée, d’où le nom d’ «Akademiekonzerte ».
La longue liste des directeurs musicaux de l’orchestre incluent les plus prestigieux des grands chefs historiques qui ont pour nom Hans von Bülow, Hermann Levi, Richard Strauss, Felix Mottl, Bruno Walter, Hans Knappertsbusch, Clemens Krauss, Georg Solti, Ferenc Fricsay, Joseph Keilberth, Wolfgang Sawallisch, Zubin Mehta, Kent Nagano, Kirill Petrenko et en septembre prochain Vladimir Jurowski.
Vladimir Jurowski va diriger 3 des 6 Akademiekonzerte et il a décidé d’orienter  ses trois concerts autour des compositeurs joués dans les créations de la saison :

  • Un concert autour des œuvres du jeune Chostakovitch
  • Un concert autour de Britten au temps Peter Grimes
  • Le dernier concert autour de l’œuvre symphonique de Penderecki

Les autres concerts seront dirigés par Fabio Luisi (Bruckner/Bruch), Cristian Macelaru et Mikhail Jurowski (père de Vladimir) dont les programmes seront consacrés à la musique russe, et notamment la thématique de la patrie et de l’exil.

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Des éléments encore à définir
Il y a cependant des points qui surprennent : cette année le GMD Vladimir Jurowski dirige seulement trois opéras, il devrait au moins en diriger le double. Mais il termine plusieurs mandats notamment en Russie, et l’année prochaine tout devrait revenir à la normalité.
D’autres points sur l’offre de la maison ne sont pas encore arrêtés : la politique en matière de vidéos et de streamings que Bachler avait développée n’a pas été évoquée, on ne sait pas non plus ce que va devenir la collection d’enregistrements que Bachler vient de commencer avec une Mahler VII phénoménale de Kirill Petrenko. Nous en sommes aux balbutiements et Serge Dorny aura sans doute à décider de poursuivre le projet, de le reprofiler ou d’interrompre : tout cela n’est pas encore clair. On sait que Serge Dorny préfère l’opéra en salle à l’opéra en boite, comme tout le monde. Il n’avait pas les moyens de développer une politique vidéo à Lyon, ainsi de magnifiques spectacles ne le resteront que dans nos souvenirs, mais Munich est riche, et les confinements ont donné l’habitude au public de retrouver en ligne des spectacles qu’ils ont vus ou non en salle. Il faudra sans doute qu’un bilan soit tiré de la période et de la politique menée jusque-là. Attendons.

 

Ce qu’on peut affirmer c’est qu’il ne s’agit pas d’une saison de rattrapage covid, le système de répertoire est pour cela une garantie. C’est une saison pensée, avec une ligne soutenue, affirmée par les nouvelles productions, mais qui ne sacrifie pas le répertoire, notamment avec un vrai soin dans le choix des chefs et les distributions, jamais médiocres.
Le niveau affirme au contraire d’emblée une ambition et une respiration fortes, en cohérence avec l’histoire de cette maison, et en empruntant résolument un chemin qu’on sent aussi neuf et ouvert. Le public traditionnel y trouvera son compte, mais c’est un programme qui saura exciter aussi la curiosité. Voilà une saison qui conjugue la fête (trois festivals), la rencontre, l’exigence mais aussi le réalisme et le pragmatisme.
C’est une première saison, c’est une nouvelle ère, et il va aussi falloir prendre ses marques. Il reste aussi évidemment à souhaiter qu’on reste à ce niveau d’excellence pour les suivantes. Serge Dorny a raté peu de choses à Lyon, on ne peut que lui souhaiter la même réussite aux bords de l’Isar qu’aux bords du Rhône et de la Saône… La Bavière a bien de la chance.

 

 

WIENER STAATSOPER 2020-2021, NOUVELLE SAISON et NOUVELLE DIRECTION

Haus am Ring

Bogdan Roscic, (venu de Sony Classical) nouveau directeur de l’Opéra de Vienne où il succède à Dominique Meyer, commence son mandat avec une année à surprises motivées par l’épidémie de Covid-19. On ne sait en effet que sera le 6 septembre, jour de l’Ouverture, la situation en termes de circulation du virus, de distanciation sociale, de thérapies, même si les conditions en Autriche ont été moins dramatiques qu’ailleurs en Europe. Chargé de faire souffler un vent nouveau sur l’institution et la programmation, Bogdan Roscic propose effectivement beaucoup de changements, dans beaucoup de continuité aussi.
D’une certaine manière, l’évolution de la Staatsoper de Vienne est comparable – toutes proportions gardées- à celle du Grand Théâtre de Genève, avec les mêmes ingrédients, et une même volonté de changer de logiciel, même si sur le papier cela semble être une révolution. Méfions-nous quand même de la communication triomphaliste…
Des nouvelles productions qui renversent la vapeur, mais dont un certain nombre sont connues parce qu’elles viennent d’ailleurs. C’était attendu et c’était le motto de la nouvelle direction qui faisait fuiter habilement certains noms annonciateurs de crises cardiaques à Vienne, comme Frank Castorf.
Des « Wiederaufnahme » (reprises retravaillées) ou des « Musikalische einstudierungen » (retravail musical) avec des productions sorties du répertoire et qui y entrent de nouveau (Elektra de Kupfer par exemple), c’est en revanche un peu inattendu…
Et le répertoire, parce que dans cette maison on ne peut le changer du jour au lendemain, affiche des masse de granit historiques (Tosca…), et des productions nombreuses de Sven-Eric Bechtolf, c’est à dire une modernité qui-ne-fait-pas-peur  et souvent désolante.
Quelque chose change, c’est sûr, et une institution aussi installée dans l’histoire et la tradition doit le faire sans tout à fait heurter les habitudes…parce qu’à Vienne, les directeurs d’opéra ont souvent valsé, et pas au bal de l’Opéra.

Historiquement, il faut être clair. Vienne est une capitale musicale de premier plan, et la Staatsoper est le navire amiral de la musique à Vienne, c’est une institution énorme, où c’est la musique qui prime sur la scène, et cela a toujours été le cas. Les très grandes productions d’opéra, celles dont on se souvient, celles qu’on aimerait voir et revoir, ne viennent pas de Vienne. Il y a eu des productions qui ont marqué la « Haus am Ring », mais le temps d’une saison et d’un règne, pas sur toute une vie. Même le fameux Rosenkavalier de Otto Schenk, une référence, est plutôt meilleur dans sa version munichoise un peu postérieure. Mais on se souvient de la présence de Karajan, de Bernstein, de Kleiber, d’Abbado, de Muti, de Prêtre, d’Ozawa au pupitre, et plus récemment de Thielemann ou de Rattle. C’est là la force de cette maison, et de cet orchestre qui est le terreau du Philharmonique de Vienne, c’est ce qui fait et qui fera la gloire de Vienne, pas les productions (pas même celles des metteurs en scène que j’aime si dans la fosse il y a un quidam…).
Si l’on veut voir à Vienne des curiosités, ce sont des productions historiques, encore au répertoire, Il Barbiere di Siviglia (Gunther Rennert, depuis 1966, première dirigée par Karl Böhm avec Fritz Wunderlich), Tosca (Margarethe Wallmann depuis 1958, première dirigée par Herbert von Karajan avec Renata Tebaldi en Tosca !), La Bohème de Franco Zeffirelli depuis 1963, copie exacte de celle de la Scala, première dirigée par Herbert von Karajan avec Gianni Raimondi et Mirella Freni (tout comme à la Scala), ou la Salomé de Boleslaw Barlog de 1972, première dirigée par Karl Böhm) et cela ne dérange pas. Pour Bohème et Tosca, on se demande bien ce qu’une nouvelle production pourrait apporter, tant les nouvelles productions de Bohème et Tosca çà et là sont sans intérêt.
Plus important que les productions fétiches citées, ce qui est important à Vienne, c’est le répertoire, c’est la présence de nombreuses reprises qui font que le touriste de passage ou le viennois qui a envie d’entendre un opéra, le puisse pratiquement chaque soir, la plupart du temps (mais pas toujours) dans des conditions plutôt honnêtes et quelquefois pour des soirées musicalement exceptionnelles. Les tentatives de revenir sur le système de répertoire se sont toujours heurtées à l’hostilité du public et de la presse et ont conduit à l’interruption de plusieurs mandats par le passé.

Que cette maison soit celle qui, plus que toute autre en Europe, illustre une certaine histoire de l’opéra, son archive en ligne le montre, qui depuis 1869 retrace beaucoup de soirées avec leur distribution, et depuis 1955 toutes les soirées sans exception, une promenade dans les rêves, les mythes, qui enchante l’amateur d’opéra. Tapez Lilly Lehmann et vous aurez toutes les représentations où elle chanta à Vienne…
Voilà qui fascine ici.

Pour une maison à l’activité aussi énorme, il faut lister les titres pour se faire une idée globale, voici donc les nouvelles productions que nous reverrons point par point pour l’essentiel.

Nouvelles productions (10 et 2 opéras pour enfants):

  • 2020
  • Madama Butterfly (Septembre)
  • Die Entführung aus dem Serail (Octobre)
  • Eugène Onéguine (Octobre)
  • Die Entführung in Zauberreich (Octobre, opéra pour enfants)
  • Das verratene Meer (Décembre)
  • 2021
  • Der Barbier für Kinder (Janvier) adaptation pour enfants de Il barbiere di Siviglia de Rossini
  • Carmen (Février)
  • La Traviata (Mars)
  • Parsifal (Avril)
  • Faust (Avril)
  • L’incoronazione di Poppea (Mai)
  • Macbeth (Juin)

En italique, les productions créées ailleurs.
Hors opéras pour enfants, sur 10 nouvelles productions, seules deux (Parsifal, et Das verratene Meer) sont d’authentiques nouvelles productions…l’imagination ne semble pas vraiment au pouvoir…

Wiederaufnahmen (3 reprises retravaillées) :

  • Elektra
  • Don Carlos (Fr.)
  • Le nozze di Figaro

Musikalische Wiedereinstudierung (1 production retravaillée musicalement)

  • Der Rosenkavalier

Répertoire (26 titres):

  • Simon Boccanegra
  • L’elisir d’amore
  • La Fille du régiment
  • Salomé
  • Don Pasquale
  • Cavalleria/Pagliacci
  • A Midsummer night’s dream
  • Roméo et Juliette
  • Ariadne auf Naxos
  • Arabella
  • Werther
  • La Bohème
  • Tosca
  • Hänsel und Gretel
  • Die Fledermaus
  • Rusalka
  • Nabucco
  • La Cenerentola
  • Don Pasquale
  • Manon
  • Rigoletto
  • Turandot
  • Die Walküre
  • Die Zauberflöte
  • Les contes d’Hoffmann
  • Lohengrin

 

Vienne a eu jusque-là un plus grand nombre de productions de répertoire, à partir de la saison 2020/2021, la Staatsoper sera à peu près dans la bonne moyenne haute des autres théâtres de l’ère germanophone.

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Nouvelles productions

 

Septembre 2020/Janvier 2021/Mars/Avril
Puccini, Madama Butterfly (12 repr.), MeS : Anthony Minghella Dir : Philippe Jordan (sept-janv)/Ramón Tebar (16 janv)/Joana Mallwitz (Mars-Avril) avec :
-sept. : Asmik Grigorian, Freddie De Tommaso, Boris Pinkhasovich
-janvier : Asmik Grigorian, Marcelo Puente, Boris Pinkhasovich
-mars-avril : Hui he, Roberto Alagna, Boris Pinkhasovich
Quelle drôle d’idée ! Non pas d’ouvrir avec Butterfly, mais avec cette production-là. On concède que la production Josef Gielen (Près de 400 représentations depuis la création en 1957 sous la direction de Dimitri Mitropoulos avec Sena Jurinak…) avait vécu depuis longtemps, sans avoir la qualité de la Tosca de Wallmann. Il était temps de la remiser.
Mais au lieu d’ouvrir sur une production maison, ce à quoi on pouvait s’attendre avec une nouvelle équipe de direction, on présente une production née en 2005, dont le metteur en scène est mort il y a douze ans (Anthony Minghella), passée successivement par l’ENO (où elle a été créée), puis le MET, avant d’atterrir à Vienne. Drôle de manière d’annoncer des nouveautés.
Les nouveautés elles sont dans la distribution, avec Asmik Grigorian dans Butterfly, et les deux ténors en alternance qui sont parmi les voix nouvelles intéressantes, Freddie De Tommaso et Marcelo Puente. Dans les reprises de l’année, on retrouvera du plus traditionnel (mais pas moins bon) avec Hui hé et Roberto Alagna, mais sans Jordan puisque c’est la jeune et talentueuse Joana Mallwitz (34 ans) qui dirigera en mars et avril… Un début en mode mineur et c’est dommage. 

Octobre 2020/Juin 2021
W.A.Mozart, Die Entführung aus dem Serail (8 repr.), MeS : Hans Neuenfels, Dir : Antonello Manacorda avec:
– oct: Lisette Oropesa, Regula Mühlemann, Daniel Behle, Michael Laurenz, Goran Juric
– juin : Brenda Rae, Regula Mühlemann, Daniel Behle, Michael Laurenz, Goran Juric
Jolie distribution dominée par Lisette Oropesa, une magnifique Konstanze. Je pense cependant que pour une œuvre aussi inscrite dans le répertoire et dans les gênes de la ville de Vienne où elle a été créée (au Burgtheater), le choix du chef Antonello Manacorda, assez irrégulier, peut surprendre, mais qui sait…
Quant à Neuenfels, qui signe la production, c’est sa deuxième apparition après une production du Prophète pendant la saison 1997-1998. On aurait pu tout aussi bien la reprendre d’ailleurs, puisque Manacorda a dirigé Meyerbeer à Francfort…Au lieu de cela on va chercher une production de Mayence de 1999, qui a même eu les honneurs d’une retransmission télévisée.
Il est vrai en revanche qu’une nouvelle production de Die Entführung aus dem Serail s’imposait vu la désastreuse production précédente (signée  Karin Beier et dirigée par Philippe Jordan, avec Diana Damrau) qui n’a duré que 10 représentations en 2006 (pour un ouvrage du répertoire aussi important, c’est un vrai trou noir).
Il est enfin dommage que la production des Herrmann (1989) créée par Harnoncourt n’ait probablement pas été conservée, parce qu’elle aurait été une reprise intéressante.
Là encore, risquer une nouvelle production maison pour un ouvrage aussi essentiel dans le répertoire de Vienne, n’aurait pas été un contresens.

Octobre-Novembre 2020
P.I.Tchaïkovsky, Eugène Onéguine
(5 repr.), MeS : Dmitry Tcherniakov, Dir : Tomáš Hanus avec Tamuna Gochashvili, Anna Goryachova, Andrè Schuen, Bogdan Volkov, Dmitry Ivashchenko
Dans ce Musée de la production moderne, il fallait évidemment une salle Tcherniakov. Le choix est tombé sur une de ses productions premières montrées en Europe occidentale (Barenboim l’avait déjà invité à Berlin pour Boris et Nagano à Munich pour Khovantchina, Eugène Onéguine, créée au Bolchoï et montrée ensuite à Paris (en 2008…) avec les forces du Bolchoï, dont il existe un DVD. Les viennois verront donc du jeune Tcherniakov, en souhaitant qu’il retravaille sa production. Solide distribution : on est heureux de voir l’excellent Bogdan Volkov dans Lenski.
Surprise du chef : Tomáš Hanus qu’on connaît sur un autre répertoire sera au pupitre. C’est plutôt un bon chef, on attendra donc avec confiance.

Décembre 2020
Hans Werner Henze, Das verratene Meer (4 repr.) MeS: Jossi Wieler & Sergio Morabito, Dir: Simone Young avec Vera Lotte Böcker, Bo Skovhus, Josh Lovell
Création à Vienne de cet opéra rarement proposé, créé à la Deutsche Oper de Berlin en 1990, sur un livret de Hans Ulrich Treichel d’après Le marin rejeté par la mer, de Mishima (1963).
C’est la première production maison de la saison, confiée à Jossi Wieler & Sergio Morabito, une garantie dans le monde de la mise en scène d‘aujourd’hui avec Bo Skovhus toujours impressionnant en scène et la jeune Vera Lotte Böcker qu’on a récemment découverte à la Komische Oper de Berlin dans Frühlingsstürme où elle était vraiment excellente. Dans la fosse, la très solide Simone Young.

Février-mars/mai-juin 2021
Georges Bizet, Carmen (11 repr.) MeS : Calixto Bieito, Dir : Andrés Orozco-Estrada (Février-mars-mai-juin)Alexander Soddy (9 juin) avec
– Février-mars : Anita Rashvelishvili, Charles Castronovo, Erwin Schrott, Olga Kulchynska
– Mai-juin : Michèle Losier, Dmytro Popov, Sergei Kaydalov, Vera-Lotte Böcker
Ne rions pas, après avoir fait le tour du monde de l’opéra depuis plus de 20 ans, la Carmen de Calixto Bieito, qui est même passée par Paris, arrive à Vienne pour remplacer la vieille production de Franco Zeffirelli ; j’y avais vu en son temps Baltsa, Carreras et Ramey, dirigés par Claudio Abbado (en 1990) (Soupir…), ce sera cette année Castronovo et Rashvelishvili, ce qui est bien, et Erwin Schrott, ce qui est moins bien, mais le rôle d’Escamillo-Matamore lui va bien…Au pupitre Andrés Orozco-Estrada, l’actuel directeur musical du Symphonique de Vienne, autrichien d‘origine colombienne, ce qui ne devrait pas être mal.
Enfin gageons que Bieito ne fera même plus peur au public de Vienne, c’est dire…

Mars 2021
Giuseppe Verdi, La Traviata,
(5 repr.) MeS : Simon Stone, Dir : Giacomo Sagripanti avec Pretty Yende, Frédéric Antoun, Igor Golovatenko
Tiens, une mise en scène récent mais bien entendue née ailleurs, la Traviata parisienne signée Simon Stone arrive à Vienne avec ici aussi Pretty Yende dans le rôle-titre et l’excellent Frédéric Antoun en Alfredo. Igor Golovatenko est Germont. Giacomo Sagripanti est pour la première fois dans la fosse viennoise, un chef correct, mais pour une  nouvelle Traviata à Vienne, d’autres chefs ne convenaient-ils pas mieux ?
La production de Simon Stone succède à celle de Jean-François Sivadier, vue aussi à Aix, qui n’était pas si médiocre et qui en valait bien d’autres, d’autant que la production de Simon Stone ne vaut pas cet excès d’honneur, ce n’est pas l’une de ses meilleures créations. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Oui sans doute si on veut montrer à tous prix que la dernière actualité de la scène moderne arrive à Vienne. Inutile.
Voir: http://wanderersite.com/2019/09/le-bucher-des-vanites/

Avril 2021
Richard Wagner, Parsifal (4 repr.) MeS Kirill Serebrennikov, Dir: Philippe Jordan avec Jonas Kaufmann, Elina Garanča, Wolfgang Koch, Georg Zeppenfeld, Ludovic Tézier
Deuxième authentique production maison qui remplace la très récente production d’Alvis Hermanis (12 représentations depuis 2017) d’une œuvre qui il faut bien le dire, était l’objet chaque année de distributions très solides et souvent de chefs remarquables. Quelle raison peut justifier le retrait au bout de si peu de temps? Peut-être sa qualité discutable, peut-être les déclarations d’Hermanis, politiquement très peu correctes, qui ont singulièrement freiné sa carrière ces dernières années. mais ce sont des conjectures. (Et un grand merci au lecteur qui m’a rappelé que la production Mielitz, médiocre, avait été retirée en 2017).
Parsifal est donc un symbole, et c’est Philippe Jordan qui en assurera la direction. Il ne pouvait en être autrement à partir du moment où il y a un directeur musical dans la maison.
C’est Kirill Serebrennikov qui en assurera la mise en scène, mais sa situation en Russie impose la présence d’un dramaturge qui est Sergio Morabito. D’autres théâtres ont fait ainsi travailler Serebrennikov par personne interposée, et le message pacifique de Parsifal convient à la situation difficile à laquelle il doit faire face.
Une distribution hors normes, pour quatre représentations seulement où ce sera la ruée, avec deux prises de rôle, Ludovic Tézier, en Amfortas, deviendra-t-il le lointain successeur d’Ernest Blanc ? Et Elina Garanča aborde Kundry face au Parsifal de Jonas Kaufmann, au Gurnemanz de Georg Zeppenfeld, et au Klingsor de Wolfgang Koch, remarquables tous, voire exceptionnels mais moins nouveaux dans ces rôles.
Une distribution de feu. C’est la production à ne rater sous aucun, mais aucun prétexte.

Mai 2021
Charles Gounod, Faust
(4 repr.) MeS: Frank Castorf Dir: Bertrand de Billy avec Juan Diego Flórez, Adam Palka, Nicole Car, Boris Prygl
Castorf à l’opéra de Vienne !! je présume que des défibrillateurs supplémentaires seront installés dans la salle pour soigner les crises cardiaques.
Pour faire au mieux, on devrait souhaiter que le Burgtheater accueille le Faust de Goethe du même Castorf, pour établir un discours cohérent entre ces deux Häuser am Ring…
La production est connue, elle vient de Stuttgart et Wanderersite en a rendu compte, c’est évidemment une production d’une prodigieuse intelligence, qui travaille sur le mythe de Faust dans un contexte français et parisien (stupéfiant décor de Alexander Denić) .
C’est Bertrand de Billy qui dirige, on espère qu’il connaît la production et c’est Juan Diego Flórez et Nicole Car qui chantent Faust et Marguerite, ce qui nous garantit un chant impeccable. Bien heureusement, c’est le seul survivant de Stuttgart, Adam Palka, qui reprend Mephisto, où il avait été totalement bluffant. Wanderer y sera, peut-il en être autrement ?
Voir: http://wanderersite.com/2016/11/f-comme-faust-f-comme-france/

Mai-juin 2021
Claudio
Monteverdi, L’incoronazione di Poppea (5 repr.) MeS : Jan Lauwers, Dir: Pablo Heras Casado avec Kate Lindsey, Slávka Zámečniková, Xavier Sabata, Christina Bock, Willard White, Vera-Lotte Böcker.
Autre production importée, cette fois de Salzbourg où elle a été présentée en 2018 avec William Christie en fosse. On y retrouve Kate Lindsey entourée du remarquable Xavier Sabata, de Willard White  notamment. La production fortement marquée par le corps, qui souligne où illustre les sentiments et attitudes des personnages avait été assez bien accueillie à Salzbourg, même si certains l’avaient vertement critiquée. Dans la fosse, Pablo Heras Casado  aborde un répertoire où on l’entend très peu, mais la direction de Willima Chrisite avait été critiquée à Salzbourg. Raison de plus pour faire le voyage.

Juin 2021
Giuseppe Verdi, Macbeth,
(6 repr.), MeS Barrie Kosky, Dir: Philippe Jordan avec Luca Salsi, Roberto Tagliavini, Martina Serafin, Freddie De Tommaso
Si la distribution est loin de me convaincre pour les deux protagonistes, car Macbeth exige bien plus que deux grandes voix, et Luca Salsi n’a pas vraiment la subtilité exigée pour un rôle où se sont illustrés un Bruson ou un Cappuccilli. Un Tézier aurait été bienvenu. Quant à Serafin, dans le répertoire italien…(soupir…). Reste Tagliavini, excellent, et Freddie De Tommaso, la voix de ténor émergente qu’on va voir partout. La manière de distribuer le répertoire italien lourd (comme le Macbeth de Verdi) me laisse quand même quelquefois rêveur hors d’Italie, notamment pour ce genre d’œuvre.
Jordan dans la fosse, cela montre aussi l’importance accordée à cette dernière production de la saison…
Car et c’est là le point fort, ce Macbeth venu de Zurich est simplement la plus belle mise en scène de Macbeth de Verdi qu’on ait vu depuis Strehler. Barrie Kosky fait un Macbeth noir, avec un espace de jeu de quatre m2, éclairé, un drame à deux où les deux protagonistes se meuvent et s’étouffent. Un des plus beaux spectacles de ces dernières années, à voir absolument si on l’a raté à Zurich, où le rapport scène salle était idéal.
Voir: http://wanderersite.com/2018/10/les-corbeaux-volent-la-ou-est-la-charogne/

 

Wiederaufnahmen (Reprises retravaillées)

 

Septembre 2020/Juin 2021
Richard Strauss, Elektra (7 repr.), MeS: Harry Kupfer, Dir: Franz Welser-Möst /Alexander Soddy (19 & 22 sept) avec
Septembre: Ricarda Merbeth, Doris Soffel, Camilla Nylund, Derek Welton
Juin: Ausrine Stundyte, Michaela Schuster, Camilla Nylund, Derek Welton

On est évidemment curieux d’entendre Ausrine Stundyte (on connaît l’Elektra de Merbeth)qui devrait mieux lui convenir que Salomé – du moins pour mon goût. Belle distribution, avec Nylund et Doris Soffel, et l’Orest de Derek Welton ne devrait pas décevoir non plus.
Franz Welser-Möst pour son grand retour à Vienne dans une de ses œuvres fétiches, mais surtout le retour (après l’intermède raté Uwe-Eric Laufenberg) de la très belle production de Harry Kupfer, violente et glaciale, créée par Claudio Abbado en 1989, une des rares productions de Kupfer au répertoire de Vienne. Comme le grand metteur en scène vient de disparaître, ce sera aussi un hommage. Par chance, la production n’a pas été détruite. Une excellente initiative.

 

Septembre-Octobre 2020
Giuseppe Verdi, Don Carlos (version originale)
(5 repr), MeS: Peter Konwitschny Dir: Bertrand de Billy avec Jonas Kaufmann, Ildar Abdrazakov, Igor Golovatenko, Eve-Maud Hubeaux, Malin Byström, Roberto Scandiuzzi
Autre belle initiative, la reprise de ce Don Carlos spectaculaire, qui se déroule sur scène, en salle, dans les corridors, avec son ballet délirant et si juste « le rêve petit bourgeois d’Eboli » . D’une part, la production Peter Konwitschny est cohérente et sans concessions, d’autre part elle rend justice au grand opéra spectaculaire. En fosse, Bertrand de Billy et une distribution rompue à cette œuvre (à part Golovatenko…on rêverait là aussi Tézier) où il y a certes  Kaufmann (magnifique dans Carlos) et Byström, mais on remarque en Eboli celle qui à Lyon nous avait tant plu, Eve-Maud Hubeaux, qui entre à Vienne « alla grande », avec le Grand Inquisiteur de Lyon, Roberto Scandiuzzi et le Philippe II de Ildar Abdrazakov, qui le chantait à Paris.

Janvier-Février 2021
W.A. Mozart: Le nozze di Figaro
(5 repr.) MeS: Jean-Pierre Ponnelle (reprise par Grischa Asagaroff) Dir: Philippe Jordan avec Andrè Schuen, Federica Lombardi, Louise Alder, Philippe Sly, Virginie Verrez
On devrait conserver les productions Ponnelle qui circulent encore précieusement, tant elles ne vieillissent pas, avec leurs images magnifiques et leur élégance intrinsèque. Certes, aujourd’hui, la mode est à la trilogie Da Ponte confiée à un seul metteur en scène mais je ne suis pas si sûr que ce soit une idée géniale de notre théâtre contemporain. Il fait donc accueillir ce retour de Ponnelle à Vienne avec une joie sans mélange. Philippe Jordan dans la fosse retrouvera Mozart dans la ville où le compositeur vécut, et où il créa Le nozze di Figaro. Distribution qui ne me convainc pas où l’on entendra cependant avec plaisir l’Almaviva Andrè Schuen, originaire du Sud Tyrol (italien) mais d’origine ni germanophone ni italophone, mais ladine (la langue des Grisons, troisième langue du Sud-Tyrol) que les spectateurs d’Angers ont déjà entendu.

 

 

Musikalische Neueinstudierung (reprise musicale)

 

Décembre 2020/juin 2021
Richard Strauss, Der Rosenkavalier
( 7 repr.) MeS: Otto Schenk. Dir: Philippe Jordan avec

  • Décembre : Krassimira Stoyanova, Günther Groissböck, Daniela Sindram, Jochen Schmechenbecker, Erin Morley, Piotr Beczala
  • Juin : Martina Serafin, Albert Pesendörfer, Adrian Eröd, Jennifer Holloway, Louise Alder, Freddie De Tommaso.

Voilà une œuvre fétiche de l’opéra de Vienne, voilà une mise en scène historique de la maison (Otto Schenk, 1968, antérieure à sa production munichoise et un peu moins de 400 représentations) créée en fosse par Leonard Bernstein, voilà aussi la dernière production d’opéra dirigée par Carlos Kleiber… un monument en somme.
Le directeur musical ne peut faire autrement que la diriger, d’autant que Philippe Jordan est un bon straussien et qu’il n’e l’a dirigée que deux fois à Paris, une fois sous Mortier, et une fois sous Lissner.
Il est légitime qu’il retravaille la lecture avec l’orchestre et qu’il « créée des habitudes » dans une œuvre rebattue pour l’orchestre de la Staatsoper et reprise presque chaque année au répertoire.
En décembre, il dirigera un cast excellent  (Krassimira Stoyanova, Günther Groissböck, Daniela Sindram, Jochen Schmechenbecker) avec le chanteur italien de Piotr Beczala, un peu moins excitant en juin (Martina Serafin, Albert Pesendörfer, Adrian Eröd, Jennifer Holloway, Louise Alder, Freddie De Tommaso).
Il n’importe, Rosenkavalier à Vienne c’est un « Hausoper », un opéra qui est chez lui. Il s’agit donc d’un enjeu fort pour le directeur musical.

 

 

Chefs engagés :

Philippe Jordan, Directeur musical : Parsifal, Der Rosenkavalier, Madame Butterfly, Le nozze di Figaro, Macbeth

Bertrand de Billy : Don Carlos, Faust, Tosca, Werther, Ariadne auf Naxos
Giacomo Sagripanti : La Traviata, L’Elisir d’amore, La Fille du régiment
Pablo Heras Casado: L’incoronazione di Poppea
Antonello Manacorda : Die Entführung auf dem Serail
Franz Welser-Möst : Elektra
Alexander Soddy : Elektra, Carmen, Salomé
Ramón Tebar: Madama Butterfly
Joana Mallwitz: Madame Butterfly
Simone Young: Das verratene Meer, A Midsummer Night’s Dream
Sebastian Weigle: Arabella
Christian Thielemann: Ariadne auf Naxos
Andrés Orozco-Estrada: Carmen
Marco Armiliato: Cavalleria Rusticana – I Pagliacci, Don Pasquale
Cornelius Meister: Die Fledermaus, Hänsel und Gretel, Lohengrin
Adam Fischer: Die Walküre, Die Zauberflöte
Tomáš Hanus: Eugène Onéguine, Rusalka
Stefano Montanari: Il barbiere di Siviglia
Eun Sun Kim: La Bohème
Gianluca Capuano: La Cenerentola
Axel Kober, Les contes d’Hoffmann
Evelino Pidò: Manon, Roméo et Juliette, Simon Boccanegra
Paolo Carignani: Nabucco, Rigoletto
Pier Giorgio Morandi: Tosca
Giampaolo Bisanti: Turandot

On le voit, parmi les chefs engagés, on remarque quelques chefs de premier plan, comme Christian Thielemann et le retour de deux chefs qui avaient rompu de manière spectaculaire avec Dominique Meyer, Franz Welser-Möst l’ex-GMD de l’Opéra de Vienne et Bertrand de Billy, ce dernier très sollicité, dirigeant trois opéras français, Ariadne auf Naxos une longue série de Tosca, l’une des reprises importantes de l’année, comme on va le voir.

Pour le reste, on remarque quelques noms intéressants comme Gianluca Capuano (La Cenerentola), Cornelius Meister (qui dirige trois productions dont un Lohengrin de fin de saison, Andrés Orozco-Estrada, qui succède à Philippe Jordan à la tête du Wiener Symphoniker (c’est une courtoisie normale que d’inviter le voisin) Sebastian Weigle à qui est confié Arabella. Stefano Montanari, nouveau venu à Vienne pour il Barbiere di Siviglia, nouveau également Giacomo Sagripanti, invité tout septembre pour diriger L’Elisir d’amore et La Fille du régiment .
Dans le regard sur le répertoire, nous avons relevé une sélection de titres qui pourraient être intéressants.

Novembre 2020/Mars 2021
Richard Strauss, Ariadne auf Naxos
(7 repr.) MeS Sven-Eric Bechtolf, Dir : Christian Thielemann (Novembre), Bertrand de Billy (Mars) avec
– Novembre : Camilla Nylund, Jennifer Holloway, Stephen Gould, Erin Morley
– Mars : Lise Davidsen, Angela Brower, Brandon Jovanovich, Erin Morley
Christian Thielemann, adoré à Vienne, revient pour Strauss, un de ses compositeurs de prédilection pour une petite série d’Ariadne auf Naxos en novembre. En mars, ce sera Bertrand de Billy, décidément très sollicité dans cette saison.
Les deux distributions, très différentes, sont vraiment d’un (très bon) niveau comparable, avec dans l’une la très belle primadonna de Camilla Nylund, et en mars la présence de Lise Davidsen, entendue dans ce rôle à Aix. Mise en scène de Sven Eric Bechtolf, rien à dire.

Décembre 2020/Janv-Fév 2021/Mai 2021
Giacomo Puccini, Tosca
(12 repr.) MeS: Margarethe Wallmann, Dir: Bertrand de Billy (déc.)Pier Giorgio Morandi (Janv-fév-mai)
Qu’il soit entendu que Tosca à Vienne doit être vu une fois par tout visiteur, c’est une production muséale (1958) et Dominique Meyer avait pris soin de faire restaurer les productions les plus anciennes. Qu’il soit aussi entendu qu’avec 12 représentations, c’est une production alimentaire, avec un prix d’appel, la présence d’Anna Netrebko pour les trois premières (au-delà ce serait hasardeux) avec Monsieur…Dès la quatrième, c’est au tour de l’excellente Saioa Hernandez, qui ne chantera cette saison qu’une représentation.
Décembre : Anna Netrebko/Saioa Hernandez, Yusif Eyvazof, Wolfgang Koch
Janv-Février : Sonya Yoncheva, Roberto Alagna, Alexey Markov
Mai : Anja Harteros, Massimo Giordano, Luca Salsi
On a là une palette de possibilités selon les goûts, avec quatre Tosca qui sont des grands noms (Netrebko, Harteros), des petits noms (Yoncheva) un véritable espoir (Hernandez), palette de ténors aussi desquels on retiendra Alagna évidemment, et Giordano en l’espérant plus en forme qu’à Lyon, et trois Scarpia de choix, Koch pour l’intelligence, Markov pour l’élégance, Salsi pour la grosse voix, mais pour rien d’autre tant il n’a pas le profil pour le personnage. Bref, en douze représentations, une sorte de voyage dans les possibles pour Tosca.

Décembre 2020
Jules Massenet, Werther
, (4 repr.) MeS : Andrei Serban, Dir : Bertrand de Billy avec Piotr Beczala, Gaelle Arquez, Daniela Fally, Clemens Unterreiner.
Andrei Serban fut dans les années 1990 un exemple de metteur en scène ébouriffé. Il s’est coiffé depuis et représente une sage modernité aux yeux du très conservateur Opéra de Vienne. D’où plusieurs productions de répertoire, jouées assez souvent, comme ce Werther qui remonte à 2005 et repris plusieurs dizaines de fois depuis. Intérêt de cette reprise, la présence de Bertrand de Billy en fosse, mais surtout de Piotr Beczala, un Werther exemplaire et Gaelle Arquez en Charlotte.

Janvier 2021
Antonín Dvořák, Rusalka
(4 repr.) MeS : Sven-Eric Bechtolf Dir : Tomáš Hanus avec Piotr Beczala, Elena Zhidkova, Kristine Opolais etc…Bechtolf, la fausse modernité et le vrai conformisme, directeur du théâtre au Festival de Salzbourg jusqu’à 2016. Ce n’est pas de la mise en scène que vient l’intérêt mais du chef, pleinement dans son répertoire, voire une référence, et une belle distribution, avec Opolais, Zhidkova, deux bêtes de scène, et Beczala, moins bête de scène, mais lui aussi référence dans ce type de rôle.

Avril 2021
Wagner, Die Walküre
(4 repr.), MeS Sven-Eric Bechtolf, Dir : Adam Fischer avec Andreas Schager, Mika Kares, Günther Groissböck, Camilla Nylund, Martina Serafin.
Là où Walküre passe…le wagnérien fait halte. Avril sera un mois wagnérien à Vienne avec ce Parsifal exceptionnel dont on a parlé et cette Walküre. En arrangeant son emploi du temps, on peut voir la dernière de Parsifal (11 avril) et la première de Die Walküre (14 avril). Adam Fischer est un chef solide, qui fréquente le Ring depuis des décennies, la mise en scène de Bechtolf est attendue, c’est à dire sans intérêt, et la distribution entre Schager, Kares, Groissböck et Nylund est plutôt très flatteuse. Il reste que je me demande ce qu’on continue de trouver à Martina Serafin.

Juin 2021
Richard Wagner, Lohengrin
(4 repr) MeS : Andreas Homoki, Dir : Cornelius Meister avec Kwangchul Youn, Klaus Florian Vogt, Sara Jakubiak, Tanja Ariane Baumgartner, Adrian Eröd.
Continuons la promenade wagnerienne. La production de Homoki, qu’on voit aussi à Zürich est faite pour les amateurs de Dirndl et culottes de peau, la direction de Cornelius Meister ne devrait pas être négligeable, la distribution solide mais pas exceptionnelle, même avec Vogt, le Lohengrin de ce début de XXIe siècle. Vous pouvez combiner avec l’autre production de Zurich, le Macbeth miraculeux de Kosky, qui est présenté dans la même période. Cela vous fera du Zurich sur Danube.

Mai 2021
Jacques Offenbach, Les contes d’Hoffmann
(5 repr.), MeS : Andrei Serban, Dir : Axel Kober avec Juan Diego Flórez, Sabine Devieilhe, Miche!le Losier, Erwin Schrott etc…
Andrei Serban, production de 1993, qui a sans doute épuisé ce qu’elle avait à dire. Axel Kober, bon chef, mais surprenant dans ce répertoire qui n’est pas le sien. Enfin dans la distribution, à part Erwin Schrott qui dans ce rôle (Lindorf etc..) c’est à dire le méchant, en fera des tonnes. On note Michèle Losier dans la Muse, Sabine Devieilhe en Olympia et Juan Diego Flórez dans Hoffmann, celui qui fut le plus grand chanteur pour Rossini et le répertoire romantique à la faveur de l’âge se lance dans le répertoire fin XIXe, Werther, Faust et Hoffmann…soit. L’intelligence, le phrasé, la technique restent… et on l’aime.

 

Conclusion :
Au-delà du souhait que la saison se réalise complètement et dès septembre, c’est une saison un peu bizarre, qui semble une manière de dire : « c’est le changement », en s’appuyant sur une dizaine de productions de metteurs en scène d’aujourd’hui, comme un défilé muséal de mises en scènes contemporaines (enfin pas toutes, parce que certaines sont de vieux souvenirs), de metteurs en scène qui souvent jamais n’ont travaillé dans la maison. Donc c’est la carte de visite d’un futur qu’on espère plus original, plus inventif et moins « conforme » (dans l’autre sens…). Avec Vienne, dernier bastion d’un théâtre plutôt traditionnel, qui rentre dans l’ordre moderne, le « mortierisme » se sera installé dans tous les grands théâtres d’opéra d’Europe occidentale ou peu s’en faut. Mais c’est un faux mortierisme, parce que Gérard Mortier était un intellectuel et un vrai créateur dans son ordre. Ici, on a de la gestion de productions achetées ou louées ailleurs. Le panier de la ménagère, c’est possible une saison mais pas deux. Vienne devra ou bien aller plus loin et se montrer créatif et simplement plus intelligent, ou bien le spectateur verra le même style partout et la routine s’installera.
Du point de vue musical, on est à Vienne et des chefs invités stimulants sont attendus. Vienne est pour moi d’abord un Opéra pour grands chanteurs et grands chefs : grands chanteurs cette année ? Un peu mais pas trop, et quand même pas mal de jeunes artistes qui commencent la carrière et qui vont se faire entendre, ce qui est positif. Grands chefs d’aujourd’hui ? Un peu mais vraiment pas trop. L’impression est celle d’un « plan plan » un peu plus coloré que précédemment, mais pas fondamentalement différent avec d’autres noms d’une qualité comparable. Sans doute la nouvelle direction procède-t-elle prudemment, à l’instar d’un Aviel Cahn à Genève, mais Aviel Cahn a un projet lisible et affirmé, ici il ne l’est pas encore, sinon par l’effet d’annonce : mais à vouloir s’afficher moderne, on arrive à faire sourire : reprendre après 20 ans et une douzaine de théâtres la fameuse Carmen de Bieito, c’est touchant dans la volonté de se montrer risque-tout (on pouvait en dire de même quand cette Carmen a été montrée à Paris). Il valait mieux garder la vieille production Zeffirelli…
Évidemment, d’un point de vue économique avec deux seules vraies nouvelles productions d’opéra sur une dizaine, c’est plutôt de bonne gestion.
En fait, à part la production de Parsifal, vraiment exceptionnelle, les bonnes idées on les trouve dans les reprises de vieilles (et excellentes) productions de la maison, L’Elektra de Kupfer, créée par Claudio Abbado en 1989 et reprise jusqu’à 2012, Le nozze di Figaro de Ponnelle (243 représentations de 1977 à 2010) une production que personne n’a oubliée, d’une suprême élégance, et l’intelligent et spectaculaire Don Carlos de Peter Konwitschny (2004), dont la dernière reprise remonte à 2013. Il reste qu’on aura par ailleurs plaisir à (re)voir le Kosky, le Tcherniakov, le Lauwers etc…Car ces considérations n’empêchent pas les productions présentées d’être intéressantes, mais comme elles sont connues et appréciées, c’est autant de risque que l’équipe de Vienne ne prend pas, Attendons la saison suivante pour nous faire une idée plus précise du nouveau cours que prend cette vénérable maison.

KOMISCHE OPER BERLIN 2020-2021: PRÉSENTATION DE LA SAISON

 

La Komische Oper, Behrenstrasse 55-57

 

La Komische Oper de Berlin est devenue en quelques années l’une des maisons « you have to be » pour le public d’opéra, parce que c’est sans doute le théâtre le plus équilibré, le plus homogène qui soit et qui surtout enchaîne un succès après l’autre, désemplit peu et qui offre enfin une palette d’œuvres la plus large, de l’opérette à l’opéra du XXe siècle (de Eine Frau die weiss was sie will à Die Bassariden). Le public français a du mal à faire un voyage à berlin pour voir une opérette et il a bien tort, d’abord parce que pour ce genre où les dialogues sont importants, le système de surtitrage multilingue permet de bien suivre, parce que l’ambiance y est simplement extraordinaire avec un public diversifié et fidèle, à des prix très raisonnables et surtout parce que ce sont des productions la plupart du temps mémorables. L’envie de revoir Die Perlen von Cleopatra ou Frühlingstürme (Tempêtes de printemps, un titre terriblement prémonitoire en ce moment de confinement et de virus) vous tient chevillée au corps. De toute manière, aussi loin qu’on remonte on a des difficultés à trouver une production bancale, même si comme de juste il y en a moins réussies que d’autres. De plus distributions sans être faites des stars du jour sont en général particulièrement solides. Pas une soirée ne déçoit.

Ce théâtre qu’à un moment la ville de Berlin voulait fermer, a une identité forte, liée à la ville de Berlin, à son histoire depuis les années vingt (Le Metropol Theater) et aussi durant les années de DDR où il fut marqué par laz direction de Walter Felsenstein. Cette histoire joyeuse ou douloureuse, l’intendant actuel Barrie Kosky, la brandit et la rappelle sans cesse, et au-delà de son éminente qualité de metteur en scène, consolidé les équipes du théâtre d’une manière telle qu’il y a derrière un (petit) miracle. Tous les amateurs de théâtre musical et d’opéra doivent s’arrêter à la Komische Oper, d’autant qu’elle doit fermer pour travaux dans peu de temps (après 2022) et qu’on sait ce que veulent dire quelquefois travaux à Berlin (entre les sept ans de la Staatsoper et le feuilleton de l’aéroport de Berlin-Brandenburg, les exemples sont particulièrement douloureux…). En bref, la Komische Oper est un théâtre du bonheur, un théâtre qui rend heureux.
C’est pourquoi présenter la nouvelle saison est un devoir particulièrement agréable… Barrie Kosky, avec son sens du théâtre, son sens du public, son intuition et son sens de la communication et des relations humaines, comme on dit sait faire et sait y faire.
On est évidemment déçu de ne pas avoir pu voir cette année le Festival Weinberger et notamment la création moderne de son plus grand succès Schwanda, der Dudelsackpfeifer (Schwanda, le joueur de cornemuse) dans une mise en scène de Andreas Homoki, le prédécesseur de Barrie Kosky qui ne sera pas repris la saison prochaine, mais qu’on verra probablement la saison suivante, mais en dehors de créations qui s’annonce particulièrement stimulante, dont un Festival Kurt Weill sans doute exceptionnel, géré entre Komische Oper, Berliner Ensemble et Berliner Philharmoniker.
Quant aux reprises, elles affichent les plus grands succès de la maison : si vous ne les avez pas vues, c’est le moment…

11 nouvelles productions
Nouvelles productions :

Sept-oct-nov 2020/Juin 2021 :
Leoš Janáček, Katja Kabanova,
MeS : Jetske Mijnssen, Dir : Giedrė Šlekytė avec Jens Larsen, Ivan Turšić, Maria Bengtsson. Une équipe féminine pour cette première nouvelle production du chef d’œuvre de Janacek. De Jetske Mijnssen on a vu l’Orfeo (Luigi Rossi) à Nancy, Versailles, et Bordeaux puis La divisione del mondo de Legrenzi à Strasbourg. Elle compte parmi les metteurs en scène les plus intéressantes aujourd’hui et a déjà mis en scène à la Komische Oper Pinocchio (pour enfants), L’enfant et les sortilèges, Don Pasquale . On voit désormais aussi fréquemment la lithuanienne Giedrė Šlekytė au pupitre des opéras d’Europe comme Zürich, Leipzig, Klagenfurt ou Vilnius.
Distribution solide avec Maria Bengtsson dans le rôle de Katja. A voir évidemment.

Sept-oct 2020
Arnold Schönberg/Samuel Beckett, Pierrot Lunaire, Installation scénique: Barrie Kosky, Dir: Christoph Breidler avec Dagmar Manzel. Trois monologues (l’un de Schönberg, deux de Samuel Beckett Pas moi et Rockaby), un spectacle froniète entre plusieurs genres, le dit le chanté avec une spécialiste du texte et de ses variations, la grande star de l’opérette Dagmar Manzel, qui joue de sa voix comme personne. Une soirée de l’intime, avec les spectateurs sur scène proches de la chanteuse/diseuse…

Nov-déc 2020
Kurt Weill, Tom Sawyer (création),
MeS: Tobias Ribitzki, Dir : Kai Tietje. Création de cet opéra pour enfants d’après le livre de Mark Twain. À partir de cinq chansons que Kurt Weill a composées avant sa mort pour une comédie musicale sur le modèle de Mark Twain, et d’autres chansons qu’il a écrites aux États-Unis, l’équipe a composé un spectacle de théâtre musical pour les enfants, mais aussi pour les adultes…En lien avec le Festival Kurt Weill à 70 ans de sa mort en 1950

Déc.2020/Janv.2021
Kurt Weill/Bertolt Brecht: Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny, MeS: Barrie Kosky, Dir: Ainārs Rubiķis avec Nadine Weissmann, Nadja Mchantaf, Günter Papendell, Jens Larsen, Ivan Turšić etc…L’œuvre emblématique de Brecht et Weill, au centre du Festival Kurt Weill, mise en scène par Barrie Koksy dont on espère qu’il réussira mieux que la plupart des productions récentes de l’œuvre (Bieito excepté) avec en Leocadia Nadine Weissmann, qu’on a plaisir à revoir dans un tel rôle entouré des excellents membres de la troupe.

Décembre 2020
Paul Abraham, Die Blume von Hawaï
(2 repr.) Version concertante, Dir : Koen Shoots, Costumes Katrin Katz avec Tansel Akzeybek, Katharina Thalbach, Alma Sadé, Johannes Dunz.
Barrie Kosky poursuit l’exploration des opérettes de Paul Abraham, l’un des plus populaires compositeurs de l’Allemagne de Weimar et dont les succès furent stoppés nets par le nazisme. Cette opérette a été créée à Leipzig en 1931. Elle sera notamment interprétée par l’actrice et metteur en scène Katharina Thalbach et la troupe de la Komische Oper, spécialiste de ce répertoire.

Janv-fév-mars 2021
Johann Strauss: Der Zigeunerbaron,
MeS: Tobias Kratzer, Dir: Stefan Soltesz avec Alma Sadé, Dominik Köninger, Thomas Blondelle, Helène Schneidermann, Nadja Mchantaf etc…  L’excellent Stefan Soltesz va diriger ce Strauss pas si fréquent, et sans aucun doute  la bride sera lâchée pour que Tobias Kratzer conçoive une production explosive. Belle distribution aussi. Une production prometteuse à ne manquer sous aucun prétexte.

Février 2021
Kurt Weill, Der Silbersee (Le lac d’argent), toujours dans le cadre du Festival Kurt Weill, dans une version concertante avec mise en espace de Tilo Nest. Dir : HK Gruber. La présence de HK Gruber, compositeur, auteur de chansons, chef d’orchestre très célèbre, qui dirige régulièrement London Sinfonietta ou Ensemble Modern, le Klangforum Wien.
L’œuvre créée en 1933 en même temps à Leipzig, Magdeburg et Erfurt est la dernière œuvre que Weill a composée en Allemagne. Interdite par les nazis aussitôt leur arrivée du pouvoir. Créée en France en 1999, cette œuvre, plus parlée (texte de Georg Kaiser) que chantée, sera représentée avec des solistes de la Komische Oper, du Berliner Ensemble, et du Vocalconsort Berlin.

Mars-avril 2021
Johann Strauss, Die Rache der Fledermaus (La vengeance de la Chauve-souris),
invitation du Casinotheater Winterthur pour 7 représentations. MeS : Kai Tietje Dir : Stefan Huber. Une version complètement différente avec « basse, guitare, et rythmes bizarres ». La plus célèbre des opérettes revisitée par Kai Tietje et Stefan Huber en 2018.

Mars-avr-mai-juin-juil.2021
Jean-Philippe Rameau, Les Boréades,
(6 repr) MeS : Barrie Kosky Dir : Konrad Junghänel, avec Anne-Catherine Gillet, Mathias Vidal et Emmanuelle de Negri , mais aussi des membres de la troupe locale, dont Tom Erik Lie, et Philipp Meierhöfer. La production superbe de Barrie Kosky a déjà été présentée à l’opéra de Dijon en 2018-2019 avec très grand succès et nous en avons rendu compte dans ce site. Si vous ne l’avez pas encore vue, c’est l’occasion.

Mai-juin-juillet 2021
George Enescu, Œdipe,
(7 repr.) MeS : Evgeny Titov Dir : Ainārs Rubiķis avec Leigh Melrose, Karolina Gumos, Katarina Bradić, Nadja Mchantaf etc…
On observe le retour progressif de l’Œdipe d’Enesco sur les scènes (Salzbourg l’an dernier), dans une mise en scène du russe Evgeny Titov , 40 ans, formé comme acteur en Russie et comme metteur en scène à Vienne. Il enseigne à Berlin et fait désormais carrière en Allemagne et on a vu dernièrement à Salzbourg Les Estivants de Gorki en 2019 où il a dû remplacer en catastrophe une metteur en scène souffrante et travailler avec une production déjà prête. Œdipe, ce sera Leigh Melrose, magnifique chanteur et prodigieux acteur. A voir, évidemment

Juin 2021
Jacques Offenbach, Orphée aux Enfers (7 repr.), MeS :  Barrie Kosky Dir : Adrien Perruchon avec Tansel Akzeybek, Sydney Mancasola, Max Hopp, Jennifer Larmore, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Karolina Gumos, Nadine Weissmann etc… La production de Barrie Kosky présentée au Festival de Salzbourg 2019 vient à Berlin où elle va rentrer au répertoire, dans une distribution complètement modifiée, mais toujours avec le prodigieux Max Hopp, sur qui repose toute l’idée de la mise en scène. À noter au pupitre le jeune Adrien Perruchon, qui vient de diriger à Lyon le Roi Carotte : un chef français à la Komische Oper, c’est rarissime.

Répertoire :

À Berlin, on a l’embarras du choix, entre les théâtres et trois opéras, sans compter les théâtres de musical et de revues. On peut donc combiner plusieurs soirées, et le conseil est évidemment d’aménager l’emploi du temps des soirées en incluant au moins une soirée à la Komische Oper, qui a en plus l’avantage d’avoir des billets à des prix très raisonnables, un dress-code cool, et qui est en plein centre de la Berlin historique, pas loin de la Staatsoper, de l’île aux musées, et de Friedrichstrasse.
Les reprises de répertoire sont variées, avec un grand nombre d’opérettes et d‘œuvres légères, essentiellement mises en scène par Barrie Kosky et essentiellement les productions les plus fameuses, les plus réussies de la maison, comme Die Zauberflöte ou Die Perlen der Cleopatra. On aurait bien tort de rater ces reprises.

11 reprises :

Sept-oct-nov 2020
Offenbach, Les contes d’Hoffmann, (8 repr.) MeS : Barrie Kosky, Dir : Alevtina Ioffe avec Thomas Thieme, Arturo Chacon Cruz Nicole Chevalier, Andrew Foster-Williams.
La production réussie de Barrie Kosky qui tourne autour de l’acteur TV très célèbre Thomas Thieme en délire sur Don Giovanni et notamment Donna Anna dans un tourbillon virtuose dont Kosky a le secret. Un spectacle qui ouvre la saison, avec Nicole Chevalier dans les trois rôles féminins qu’il faut avoir vu si vous êtes à Berlin.

Sept-oct/Déc.2020
Frederick Loewe, My fair Lady (8 repr.),
MeS : Andreas Homoki, Dir : Peter Christian Feigel avec Max Hopp et Katharine Mehrling.Cette production de 2015 du plus joué des musicals en Allemagne bénéficie de l’actrice-chanteuse Latharine Mehrling, très aimée à Berlin et le l’extraordinaire Max Hopp, que les spectateurs de Salzbourg ont découvert dans Orphée aux Enfers du même Kosky, qu’on verra à Berlin en fin de saison

Oct-nov 2020
Giuseppe Verdi, La Traviata (8 repr.) MeS : Nicola Raab Dir : Ainārs Rubiķis  avec Francesca Dotto, Marco Ciaponi, Boaz Daniel etc… Production très récente (fin 2019) qui succède à la célèbre production  Neuenfels, confiée cette fois à l’intelligence de Nicola Raab, qui fait de Traviata l’exploration intérieure une Violetta moderne, online etc… et qui essaie de renouveler le regard sur l’héroïne de Verdi. Au pupitre le directeur musical Ainārs Rubiķis  et une nouvelle distribution plus italienne où la talentueuse Francesca Dotto est Violetta, le jeune Marco Ciaponi (31 ans) , qu’on commence à voir dans la plupart des théâtres de la péninsule est Alfredo. Quant à Germont c’est Boaz Daniel, bien connu désormais sur les grandes scènes internationales.

Nov-déc 2020
W.A.Mozart, Die Zauberflöte
(8 repr.), MeS : Barrie Kosky/Susanne Andrade, Dir : Jordan de Souza avec Kim Lillian Strebel, Tansel Akzeybek, Olga Jélinkóva, Tijl Faveyts etc…Retour de la production célébrissime de Die Zauberflöte qu’on a vu il y a deux ans à l’Opéra-Comique. Une production qui ne désemplit pas, il est donc prudent de réserver à l’avance car c’est ce qu’on appelle un Must. Tamino sera Tansel Akzeybek, très bon ténor qui est un des piliers de la troupe et Kim Lillian Strebel Pamina. La direction est assurée par l’excellent Jordan De Souza.

Déc-janv-fév 2020
Jerry Bock, Anatevka (Un violon sur le toit)
(8 repr.), MeS : Barrie Kosky, Dir : Koen Shoots avec Max Hopp, Dagmar Manzel, Talya Lieberman, Alma Sadé, Maria Fiselier etc…
Un autre Must de la Komische Oper, qu’on a vu à Strasbourg à Noël 2019, une  mise en scène sensible, émouvante, et ici interprétée par le couple vedette de l’opérette à Berlin, Max Hopp et Dagmar Manzel. A voir absolument.

Janv-Fév 2021
Sergei Prokofiev, L’amour des trois oranges
(5 repr.), MeS : Andreas Homoki Dir : Hendrik Vestmann, avec Agnes Zwierko, Philipp Meierhöfer, Jens Larsen, Rupert Charlesworth etc…Reprise de la production déjà ancienne de Andreas Homoki, quand il était Intendant de la Komische Oper. Le chef Hendrik Vestmann est GMD à Oldenburg et la distribution assez homogène avec deux invités, le ténor lyrique Rupert Charlesworth, en troupe à Hanovre et la mezzo Agnes Zwierko qui va chanter régulièrement à la Komische Oper sans appartenir à la troupe.

Janv/Avril 2021
Oscar Straus, Eine Frau die weiss was sie will
(4 repr.), MeS: Barrie Kosky, Dir: Adam Bentzwi avec Max Hopp et Dagmar Manzel. Une reprise (pour 4 représentations seulement) d’un des plus gros succès de la Komische Oper, avec le couple vedette Dagmar Manzel et Max Hopp. Si vous le pouvez, c’est à ne pas manquer. Cette production vaut à elle seule un voyage.

Fév-mars 2021
Jaromir Weinberger, Frühlingstürme
(6 repr.), MeS: Barrie Kosky, Dir: Ivo Hentschel avec Stefan Kurt, Tansel Akzeybek, Dominik Köninger, Kim-Lillian Strebel, Mirka Wagner. Un des succès très récents et tellement justifié de Barrie Kosky. La dernière opérette de la république de Weimar, une histoire d’amour impossible sur fond de guerre russo-japonaise et d’espionnage et une musique qui fait appel à toute la musique européenne de l’époque, Strauss, Zemlinski, Smetana etc… Un autre Must.

Fév-mars/Mai/Juin 2021
Oscar Straus, Die Perlen der Cleopatra
(8 repr.) MeS: Barrie Kosky, Dir: Adam Bentzwi avec Dagmar Manzel, Stefan Sevenich, Dominik Köninger, Johannes Dunz. Qui n’a pas vu Dagmar Manzel-Cleopâtre converser avec son chat dans son sarcophage n’a rien vu : désopilant, magnifiquement mis en scène, avec des allusions à la politique d’aujourd’hui qui fait hurler de rire la salle. Un autre Must (il y en a décidément beaucoup !!). On en sort avec une seule envie, retourner voir ce spectacle exceptionnel..

Fév-mars 2021
Antonín Dvořák, Rusalka,
(5 repr.) MeS Barrie Kosky, Dir: Ainārs Rubiķis  avec Kim-Lillian Strebel, Agnes Zwierko, Tijl Faveyts, Ivan Turšić, Karolina Gumos
Changement de style avec cette Rusalka dont Kosky fait en quelque sorte un drame du confinement dans la salle du théâtre : grande finesse psychologique, mélancolie qui exprime un romantisme sombre qui crée aussi un certain malaise et une ambiance très particulière. Le directeur musical est au pupitre avec une distribution complètement renouvelée.

Avril-mai-juin 2021
Gioachino Rossini, Il barbiere di Siviglia (8 repr.)
, MeS Kirill Serebrennikov, Dir : Elisa Gogou avec Tansel Akzeybek, Fabio Capitanucci, Karolina Gumos, Dominik Köninger etc… Qui n’a jamais vu une production de Serebrennikov peut voir ce Barbiere di Siviglia modernisé (Almaviva et Rosine échange par sms etc…) mais très juste où Tansel Akzeybek, décidément très sollicité cette année, chante Almaviva et Dominik Köninger Figaro, deux des figures de proue de la troupe de la Komische Oper, tandis que Fabio Capitanucci un des bons spécialistes de Rossini, chante Bartolo .

Barrie Kosky se taille la part du lion dans cette saison 2020-2021, ce dont on ne se plaindra pas, vu la qualité des productions présentées.  On lira avec profit l’interview que nous avons réalisée sur Wanderersite.
Interview Kosky
Par ailleurs, Wanderersite a rendu compte de nombre de ces reprises, en voici les liens, il suffit de cliquer sur le titre et l’année du compte rendu:

Rusalka (2016)
Die Zauberflöte (2016) Komische Oper (sur ce blog)
Die Zauberflöte (2017) Opéra-Comique Paris
Il Barbiere di Siviglia (2018)
Die Perlen der Cleopatra (2018)
Anatevka (Un violon sur le toit) (Komische Oper)(2018)
Orphée aux Enfers (2019)
Un violon sur le toit (Anatevka) (Strasbourg)(2019)
Les Boréades (Dijon)(2019)
Frühlingstürme (2020)

La Komische Oper de Berlin est un théâtre de la joie, on en aura besoin ces prochains mois, même si la saison offre des œuvres sérieuses, exigeantes, joyeuses, offre des raretés et du répertoire. Il y en a pour tous les goûts et on n’en sort jamais déçu et toujours désireux d’y revenir. C’est à mon avis actuellement l’un des théâtres les plus nécessaires au paysage musical d’aujourd’hui. Le manquer quand on est à Berlin me paraît plus qu’une erreur, une faute.

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FESTIVAL KURT WEILL
Berliner Ensemble, Komische Oper
et Berliner Philharmoniker conjuguent leurs forces pour un focus sur Kurt Weill
Du 10 au 21 février 2021

À la Komische Oper:
Brecht/Weill: Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny, MeS Barrie Kosky
Weill: Tom Sawyer, MeS Tobias Ribitzki
Weill: Der Silbersee, Ms en espace: Tilo Nest
Un congrès: Berlin sous la lumière

Au Berliner Ensemble:
Brecht/Weill: Die Dreigroschenoper, MeS Barrie Kosky Dir: Adam Benzwi
Dates à confirmer

Avec les Berliner Philharmoniker du 10 au 28 février,
Les années 20 en or de la République de Weimar (« Die goldenen Zwanziger »)
Concerts dirigés par Kirill Petrenko, Donald Runnicles et d’autres, avec notamment Dagmar Manzel…

La salle, préservée lors des bombardements de la deuxième guerre mondiale