LA SAISON 2022-2023 DU THEATER AN DER WIEN

L’autre opéra à Vienne.
Le Theater an der Wien est la salle historique de Vienne, construite au tout début du XIXe à l’instigation d’Emanuel Schikaneder, le librettiste de Die Zauberflöte (La flûte enchantée) où ont été notamment créés Fidelio et deux des plus grandes opérettes viennoises, Die Fledermaus (la Chauve Souris) de Johann Strauss II en 1874 et Die lustige Witwe (La veuve joyeuse) de  Franz Lehár en 1905.  Bien antérieure à la Haus am Ring, l’actuelle Wiener Staatsoper qui l’a d’ailleurs utilisée comme salle de remplacement après la deuxième guerre mondiale, et plus récemment lorsque des productions naissaient dans le cadre du Festival de Vienne (Wiener Festwochen), comme les premières de Don Giovanni (1990, Claudio Abbado/Luc Bondy ou 1999 Riccardo Muti/Roberto De Simone),  Le nozze di Figaro (1991 Claudio Abbado/Jonathan Miller ou 2001 Riccardo Muti/Giorgio Strehler), et bien sûr Fierrabras (1988 Claudio Abbado/Ruth Berghaus), reprise ensuite à la Staatsoper, mais plus jamais reproposée depuis 1990…
Depuis 2006, le Theater an der Wien est un théâtre musical autonome, qui propose une saison d’opéra alternative à celle de la Staatsoper, établie sur des critères différents, sinon opposés.

  • Système stagione : 10 à 12 productions annuelles
  • Attention forte à la mise en scène
  • Pas d’orchestre fixe, mais participation régulière du Wiener Symphoniker et de l’ORF Symphonieorchester.
  • Participation régulière du célèbre Arnold Schönberg Chor (Dir.Erwin Örtner)
  • Appui sur des institutions et des artistes autrichiens quand c’est possible
  • Programmation alternant œuvres rares ou œuvres du répertoire dans des réalisations scéniques innovantes ou expérimentales
  • Appel à des artistes plutôt jeunes, non encore consacrés pour la plupart.

Je n’ai jamais évoqué ces saisons du Theater an der Wien, pourtant intéressantes, mais comme pour qui voyage à Vienne, il y a souvent la possibilité de combiner concerts et opéras en alternance, il pouvait être stimulant de décrire les productions de cette saison marquée par deux événements,

  • D’une part une restauration du Theater an der Wien qui deviendra Nationaltheater an der Wien à cause de sa longue histoire est entamée cette année qui devrait durer plusieurs années, et l’activité est transférée au Hall E du Museumquarter, près du Leopold Museum et pas loin du Kunsthistorisches Museum, et par ailleurs à la Kammeroper (Opéra de Chambre) pour les œuvres plus intimistes.
  • Kammeroper Wien
  • D’autre part la saison 2022-2023 est la première du règne du nouvel intendant Stefan Herheim, le metteur en scène norvégien bien connu, qui est aussi une garantie de modernité scénique. Il assumera quelques productions dans la saison.

On comprendra en lisant cette saison très intéressante que le Theater an Der Wien ne pourrait la proposer dans une ville qui n’aurait pas d’autre théâtre, car elle se profile comme un endroit autre, qui permet de parcourir d’autres chemins, laissant au public le loisir d’aller aussi à la Staatsoper qui est référentielle, et aussi plus « classique », même avec le nouveau cours imprimé depuis 2020. Et c’est une solution intelligente car personne ne se marche sur les pieds.
À Paris, face à l’opéra de Paris, il y a d’abord le TCE, qui n’a aucun choix artistique original, sinon de proposer plus ou moins les grands classiques, quelquefois même doublant les titres de l’Opéra de Paris, comme la saison prochaine une Bohème de Puccini programmée successivement à Bastille et aux Champs Elysées, rare stupidité. Pétrole…et pas d’idées.

Il y a ensuite l’Opéra-Comique, qui a un répertoire bien ciblé (opéra baroque et opéra et opéra-comique français) qui pourrait ressembler vaguement au Theater and der Wien, et le Châtelet, à l’identité illisible.
Comme on le voit il y aurait de quoi mettre en face de l’Opéra une institution qui irait ailleurs, sur d’autres chemins et vers d’autres œuvres.

Voici  les 12 productions prévues, 8 au Hall E du Museumquarter, 4 à la Kommeroper

Octobre 2022
Francesca Caccini
La liberazione

8 repr du 6 au 21 oct – Dir : Clemens Frick/MeS : Ilaria Lanzino
Avec Sara Gouzy, Luciana Mancini etc…
La Folia Barockorchester
À la Kammeroper

La Kammeroper est un théâtre à la jauge réduite, parfaitement adapté pour des œuvres baroques ou des œuvres de chambre. Et la saison ouvre avec un titre très original de la compositrice Francesca Caccini, fille de Giulio caccini, Chanteur et compositeur et sans doute première femme à avoir composé des opéras. Les temps sont plus que mûrs pour exhumer ses œuvres dont La liberazione, titre complet La liberazione di Ruggiero dall’isola d’Alcina, tiré de l’Arioste. C’est une belle initiative, l’opéra est dirigé par Clemens Frick, qui travaille régulièrement aux côtés de René Jacobs et qui compte par les spécialistes d’éditions « historiquement informées ». La mise en scène est assurée par une jeune italienne formée en Allemagne où elle a travaillé comme assistante auprès de nombreux metteurs en scène dont Christof Loy ou David Bösch. C’est incontestablement une curiosité qui devrait valoir le coup, d’autant qu’en octobre, il y a aussi du choix du côté de la Staatsoper.

Leoš Janáček
La petite renarde rusée (Příhody lišky Bystroušky)

6 repr du 15 au 27 oct – Dir : Giedrė Šlekytė/MeS : Stefan Herheim
Avec Milan Siljanov, Melissa Petit, Levente Pàll etc…
Wiener Symphoniker
La saison prochaine et pratiquement en même temps, la Staatsoper programme Jenůfa, voilà l’occasion d’une petite cure de Janáček. Grande production inaugurale de la saison dans les locaux provisoires du Hall E du MuseumQuarter, c’est Stefan Herheim en personne qui met en scène, et nul doute que son imagination débordante et son sens de l’imagerie théâtrale devrait faire de cette production un des musts de la saison. En fosse, la jeune Giedrė Šlekytė, originaire de Lituanie, qu’on a vue (et qu’on reverra) à Munich, l’une des cheffes qui attire les regards des managers et des orchestres. Signalons dans la distribution Melissa Petit, soprano française à la voix fraîche dans le rôle de la renarde…

 

Novembre 2022
Gioachino Rossini
La Gazza ladra
6 repr du 16 au 27 nov – Dir : Antonino Fogliani/MeS : Tobias Kratzer
Avec Fabio Capitanucci, Maxim Mironov, Nino Machaidze, Paolo Bordogna, Nahuel di Pierro etc…
ORF Radio-Symphonieorchester Wien
Arnold Schoenberg Chor (Dir: Erwin Ortner)
Autre must, un opéra de Rossini La Gazza Ladra (La pie voleuse) justement jamais représenté à la Staatsoper et qui sera présenté «  en grande pompe » au Theater an der Wien dans une mise en scène de Tobias Kratzer, rien que ce nom excite la curiosité dirigé par Antonino Fogliani, qui devient inévitable dans le répertoire italien à Genève, Munich, Vienne avec des spécialistes de ce répertoire comme Paolo Bordogna, Maxim Mironov et la délicieuse Nino Machaidze. Une distribution qu’aun grand opéra du monde ne démentirait.
Immanquable

Décembre 2022
Vicente Martin y Soler
L’Arbore di Diana
10 repr. du 3 au 31 déc – Dir: Rubén Dubrovski/MeS: Rafael R. Villalobos
Avec Veronica Cangemi, Maiaan Licht, Jerilyn Chou etc…
Bach Consort Wien
Kammeroper
Parallèlement à la Kammeroper, une autre rareté, l’opéra le plus connu de Vicente Martin y Soler, L’Arbore di Diana.
Le Bach Consort est l’un des meilleurs ensembles baroques d’Autriche, fondé il y a un peu plus de vingt ans et il collabore régulièrement avec le Theater an der Wien. La distribution comprend notamment Veronica Cangemi et la mise en scène a été confiée à Rafael R.Villalobos, l’un des plus prometteurs des jeunes metteurs en scène espagnols. L’œuvre elle-même, citée par Mozart dans son Don Giovanni, a été redécouverte à la fin du XXe siècle. Sur un livret de Lorenzo da Ponte, elle a été créée à Vienne en 1787, justement l’année du Don Giovanni, à l’occasion de la visite d’une nièce de Joseph II: c’est une comédie légère, de circonstance, sur une musique vraiment intéressante. Si vous êtes à Vienne, il faut y aller.

Gian Carlo Menotti
Amahl and the Night visitors
11 repr du 15 au 27 déc – Dir : Magnus Loddgard/MeS : Stefan Herheim
Avec un soliste du Wiener Sängerknaben (Amahl), Nikolay Borchev, Wilhelm Schwinghammer etc…
Wiener Symphoniker
Arnold Schoenberg Chor (Dir: Erwin Ortner)
Un opéra pour les familles (et donc pour les enfants) dont Stefan Herheim assure la mise en scène et c’est Magnus Loddgard chef d’orchestre norvégien installé à Berlin, qui en assure la direction musicale. Amahl and the Nicht visitors créé en 1951, est le premier opéra créé pour la télévision, inspiré par L’adoration des mages de Jérôme Bosch. Un Opéra/opérette idéal pour les fêtes, chanté par un jeune chanteur du Wiener Sängerknaben et quelques bons chanteurs comme Nikolay Borchev et Wilhelm Schwinghammer. La mère étant chantée par Dshamilja Kaiser, un rôle qui fut de Teresa Stratas.

Janvier 2023
Jacques Offenbach
La Périchole
8 repr. du 16 au 31 janvier – Dir : Jordan de Souza/MeS : Nilolaus Habjan
ORF Radio-Symphonieorchester Wien
Arnold Schoenberg Chor (direction : Erwin Ortner)
On commence l’année par une œuvre légère, de nouveau, et quelle œuvre puisqu’il s’agit de La Périchole d’Offenbach dirigée par Jordan de Souza, excellent chef qu’on a entendu souvent à la Komische Oper de Berlin et mise en scène par Nikolaus Habjan, jeune metteur en scène autrichien dont on a vu à Bayreuth la performance autour de Rheingold autour de l’étang du parc « Rheingold – immer noch Loge » fait avec des marionnettes, puisqu’il en est un spécialiste. Il a été metteur en scène en résidence au Theater an der Wien précédemment. C’est Anna Lucia Richter qui sera Périchole. Ce devrait être assez singulier

Février-mars 2023
Peter Eötvös
Der goldene Drache (Le dragon d’or)
8 repr. du 14 fév. au 3 mars – Dir : Walter Kobéra MeS : Jan Eßinger
Klangforum Wien PPCM Academy (Performance Practice in Contemporary Music (PPCM)
Kammeroper
Certains ont pu voir cette œuvre de Théâtre musical à Genève où elle était présentée à la Comédie de Genève en parallèle avec Sleepless, les drames qui se vivent derrière les cuisines d’un restaurant asiatique « Le dragon d’Or. A Genève, c’était l’excellent Julien Chavaz qui mettait en scène, ici la mise en scène est confiée à Jan Eßinger jeune metteur en scène allemand qui a travaillé comme assistant dans de nombreuses maisons allemandes et qui a aussi commencé à mettre en scène à Detmold et Heidelberg. C’est Walter Kobéra, un des chefs de musique contemporaine reconnus à Vienne, qui assure la direction musicale.  Une œuvre intéressante, un compositeur qui fait partie des maîtres ‘aujourd’hui dans le cadre intimiste de la Kammeroper avec l’excellent Klangforum Wien engagé dans un projet universitaire, le PPCM (voir ci-dessus)

 

Février-mars 2023
Georg Friedrich H
aendel
Belshazzar
6 repr. du 20 fev. au 2 mars – Dir : Christina Pluhar/MeS :Marie-Eve Signeyrole
Avec Robert Murray, jeanine De Bique, Vivica Genaux, Michael Nagl
L’Arpeggiata
Arnold Schoenberg Chor (direction : Erwin Ortner)
Direction musicale excitante, Christina Pluhar (qui est autrichienne et qui vit à Paris) et son ensemble L’Arpeggiata comptent parmi les ensembles baroques les plus demandés, et Marie-Eve Signeyrole est l’une des metteuses en scène à laquelle la scène germanique s’intéresse de plus en plus (elle vient de signer L’infedeltà delusa de Haydn à la Staatsoper de Munich. Distribution splendide pour ce répertoire. Que demander de plus ; c’est un incontournable pour les amoureux du baroque.

Mars-avril 2023
Carl Maria von Weber
Der Freischütz
6 repr. du 22 mars au 3 avril – Dir : Patrick Lange/MeS : David Marton
Avec Jacquelyn Wagner, Sofia Fomina, Alex Esposito ; Tuomas Katalaja
Wiener Symphoniker
Arnold Schoenberg Chor (direction : Erwin Ortner)
Un opéra relativement rare et difficile à réaliser, malgré sa célébrité. Très solide distribution, très solide direction musicale de l’excellent Patrick Lange, et mise en scène qui devrait être passionnante de David Marton, que les lyonnais connaissent bien (Capriccio, Orphée et Eurydice, Doin Giovanni, La Damnation de Faust) et qui est l’une des personnalités scéniques les plus intéressantes aujourd’hui.
Peut valoir le voyage.

Avril-mai 2023
Mieczysław Weinberg
Идиот (L’Idiot)
5 repr. du 28 avril au 7 mai – Dir : Michael Boder – MeS: Vasily Barkhatov
Avec Dmitry Golovnin, Natalya Pavlova, Kostas Smoriginas etc…
ORF Symphonieorchester
Arnold Schoenberg Chor (direction : Erwin Ortner)
Weinberg revient sur les scènes, et son opéra L’Idiot, d’après Dostoïevsky, composé entre 1985 et 1989 créé à Mannheim en 2013. Direction du très solide Michael Boder et mise en scène de Vasily Barkhatov, un des metteurs en scènes russes travaillant assez souvent en Allemagne ; et ce sera Dmitry Golovnin, l’un des meilleurs ténors russes, spécialiste des rôles de caractères et psychologiquement fragiles qui assumera le rôle-titre.
À ne pas manquer

Mai-juin 2023
Alban Berg
Lulu
6 repr. du 27 mai au 6 juin – Dir: Maxime Pascal/MeS: Marlene Monteiro Freitas
Avec Vera-Lotte Böcker, Bo Skovhus, Kurt Rydl, Edgaras Montvidas, Anne Sofie von Otter
ORF Radio-Symphonieorchester Wien
Wiener Festwochen
Un projet passionnant conduit par l’artiste totale cap-verdienne Marlene Monterio Freitas, et par Maxime Pascal, passionné par la modernité, qui se lancent tous deux dans une Lulu de Berg et seulement de Berg (les deux premiers actes) et pour le troisième, une proposition appuyée sur la Lulu Suite et sur l’inventivité de la danseuse et chorégraphe bien connue.
Distribution composée notamment de Vera-Lotte Böcker, désormais appelée sur toutes les grandes scènes, Bo Skovhus et Anne Sofie von Otter, autant dire exceptionnelle
À ne pas manquer.

 

Juin 2023
Erich Wolfgang Korngold
Die stumme Serenade
10 repr. du 5 au 25 juin – Dir : Ingo Martin Stadtmüller/ MeS : Dirk Schmeding
Wiener Kammerorchester
Kammeroper
Une comédie en musique peu connue écrite pour petit ensemble de Korngold, créée en 1951 à son retour d’exil, faite de musique de film, de jazz mais aussi de réminiscences de ses opéras d’avant exil, intrigue invraisemblable. Pour ce petit chef d’œuvre, une équipe jeune, une fois de plus, le chef Ingo Martin Stadtmüller, GMD au Schleswig-Holsteinischen Landestheater tout au nord de l’Allemagne, et une mise en scène de Dirk Schmeding, qui après avoir un peu trouné comme assistant dans de grandes maisons allemandes, commence à faire des mises en scène, notamment à Braunschweig et Graz. Œuvre totalement inconnue, à découvrir bien évidemment pendant un jour libre d’un des Ring de la Staatsoper.

A côté des productions, très régulièrement, des opéras du répertoire baroque en version concertante pendant toute la saison, très bien distribués (Cencic, Deshayes etc…) et avec des chefs de tout premier ordre (Jacobs, Pluhar, Rousset, Dantone etc…) en voici la liste :

  • 16/10/2022 : Agostino Steffani La Lotta d’Ercole con Acheloo
  • 19/11/2022 : Antonio Vivaldi Il Tamerlano
  • 22/11/2022 : Antonio Caldara Il Venceslao
  • 19/12/2022 : Bach/Scarlatt : Magnificat
  • 24/01/2023 : Haydn Orfeo ed Euridice (L’anima del Filosofo)
  • 25/02/2023 : Händel goes Wild, Oeuvres de Haendel
  • 01/03/2023 : Lully, Thésée
  • 25/03/2023 : Haendel, Alexander’s Feast
  • 04/05/2023 : Porpora, Il Polifem
  • 13/06/2023 : Telemannia Telemann & friends

Programmes et distributions consultables sur le site du Theater an der Wien, très clair https://www.theater-wien.at/de/spielplan

 

Conclusion :
Entre les opéras à la Kammeroper, avec des équipes jeunes, stimulantes et des œuvres à découvrir, et la liste des opéras au programme, alternant découvertes et œuvres célèbres, mais plus rarement représentées ou opérations expérimentales, avec des chefs solides et des metteurs en scène le plus souvent passionnants, ainsi que les opéras baroques en version de concert, on tient sans doute là la saison la plus intelligente et la plus séduisante de ce que nous avons pu voir jusque-là, alternant raretés et œuvres consacrées, mais toujours vues sous un angle original
Une telle saison ne peut se concevoir que dans une grande ville, en  complément d’un grand théâtre de répertoire ou d’un grand opéra de type Ciovent Garden ou Opéra de Paris: elle ne saurait être la saison d’un théâtre de Stagione comme le Teatro Real, le Grand Théâtre de Genève, La Monnaie ou Lyon car leur cahioer des charges ets forcément plus « généraliste », pour un public le plus large possible. Cette suppose un public curieux, peut-être plus averti, ouvert à la modernité, ouvert aussi à de nouvelles équipes, et aux jeunes et non un public de consommation occasionnelle.
C’est une saison qui donne envie, tout simplement.
Tentez le Theater an der Wien, il en vaut la peine.

 

 

 

LA SAISON 2022-2023 DE LA WIENER STAATSOPER

Bogdan Roščić continue en 2022-2023, sa troisième saison, le ripolinage (le mot est revenu à la mode lors de notre dernière présidentielle) de la programmation de la Wiener Staatsoper, qui n’apparaît pas aussi aisé qu’on pouvait l’attendre. Les nouvelles productions de sa deuxième saison n’ont pas toutes été accueillies avec faveur par le public et la critique : il est vrai que le public viennois est historiquement plus intéressé par le chant que par les productions proprement dites. La dernière période où de grandes productions (musique, chant et mise en scène) ont été programmées à Vienne fut l’ère Abbado, relativement courte, interrompue par la mort de Klaus Helmut Drese et son remplacement par Eberhard Wächter et Ioan Holender. Entre 1991 et 2020, ce ne sont pas les mises en scènes qui ont marqué cette maison.
Trois décennies, c’est plutôt lourd et ça ne contribue pas à « habituer » un public non aux tendances actuelles de la mise en scène, mais simplement à la question de la mise en scène. D’où des secousses devant un Tristan und Isolde signé Bieito (plus de deux décennies de carrière internationale, petit nouveau apparu il y a deux ans à Vienne avec sa Carmen déjà vénérable et que tout le monde a déjà vue) , voire un Wozzeck de Stone ou un Parsifal de Serebrennikov.
Quant à savoir en revanche si la production du Barbiere di Siviglia signée Herbert Fritsch vaut mieux que la vieille production de Gunther Rennert, c’est aussi un vaste débat : si on remplace une production qui a fait son temps par une autre qui probablement ne fera pas le sien, c’est qu’on a raté son coup. Pour ma part, j’ai beaucoup aimé le Don Giovanni signé Kosky, le Parsifal signé Serebrennikov, mais je sais que beaucoup ne partagent pas mon avis.
C’est toute la complexité de cette maison, qui a besoin de temps pour accueillir sans tousser ou hurler des productions qui ailleurs ne feraient pas tant de bruit .
Et cette complexité tient à plusieurs données.

  • Un système de répertoire qui reste la racine de cette maison, avec ses conséquences sur les répétitions avec des distributions qui doivent toujours avoir au moins quelques éléments attirants pour le public et surtout sur l’esprit général qui y règne qui est esprit de conservation.
  • Un authentique public de fans: Vienne est à peu près la seule maison où à la sortie des artistes, chaque soir, une quinzaine de personnes a minima attendent les chanteurs et le chef pour des selfies, des photos, des autographes, des signatures de documents, voire des cadeaux. J’ai connu ça à Paris dans les années 1970, aujourd’hui les artistes ne sont pas attendus à la sortie du 120 rue de Lyon.
    C’est encore vrai à Munich et un peu vrai à Berlin, mais pas avec la ferveur et la régularité viennoises. Et ce public vient pour les chanteurs, il ne vient pas pour les mises en scène.
  • La présence depuis 2006 à Vienne d‘un autre Théâtre, le Theater an der Wien, système stagione avec des productions très contemporaines, comme si on se partageait le territoire de l’opéra : à la Staatsoper le conservatoire et au Theater an der Wien la création. D’autant plus que la prochaine saison au Theater an der Wien voit les débuts du metteur en scène Stefan Herheim comme Intendant. Les deux maisons ne sont pas comparables, ni pour la capacité, ni pour le système de production, ni pour les présupposés.

Je persiste néanmoins à penser que l’Opéra de Vienne, sans avoir besoin d’être à la pointe de la modernité scénique – ce n’est pas son rôle- et tout en conservant son cortège de stars du chant (sur lequel le dossier de presse insiste très lourdement) et ses distributions somptueuses, a besoin d’être un théâtre de son temps, dont la couleur productive ressemble peu ou prou à celle des autres théâtres comparables, Berlin, Munich, Hambourg ou Londres. Il s’agit simplement de « rattraper » ce retard de plusieurs décennies.
Au-delà de cette constatation, purement déclarative d’un spectateur fidèle des évolutions de l’opéra aujourd’hui, Vienne a aussi besoin de productions qui durent à cause du système de répertoire dont il était question plus haut. Cela signifie que si les productions nouvelles affichées ne sont pas incontestables par leur force et leur qualité, elles risquent de ne pas durer. Là est le pari.

On comprend alors mieux le geste tant raillé de la première saison où ont été achetées des productions récentes à d’autres théâtres, qui avaient fait leurs preuves ailleurs, et qui enrichissaient la maison au lieu de la plomber (par exemple : L’Eugène Onéguine de Tcherniakov ou Die Entführung aus dem Serail signé Neuenfels), c’était une garantie pour des productions de répertoire car on savait d’avance que ces productions étaient bonnes et pouvaient remonter immédiatement le niveau moyen des productions du répertoire viennois.

Cette nouvelle saison est assez étrange a priori : les nouvelles productions affichées sont intéressantes, mais ne font pas tant saliver les Wanderer lyriques que les Wiederaufnahmen, les productions de répertoire retravaillées dont certaines affolent déjà le Landerneau lyrique… Il reste qu’entre nouvelles productions, Wiederaufnahmen et productions de répertoire (celles qui sont très peu répétées et qui se succèdent au quotidien), on a encore un peu plus de 40 spectacles différents d’opéra dans ce théâtre dont un Ring (de répertoire)… Qui peut s’y comparer ?

Nouvelles productions

Six titres, trois titres qui sont indispensables dans une maison de répertoire, deux titres importants mais moins essentiels pour une maison comme Vienne, et une fantaisie…toute viennoise. Mais il faut juger la saison dans sa globalité, avec les Wiederaufnahme et le répertoire.

Septembre-Octobre 2022/Mai 2022
Gustav Mahler
Von der Liebe Tod
10 repr. en deux séries : 6 repr. du 29 sept au 13 oct et 4 repr. du 6 au 16 mai (Dir.Lorenzo Viotti/MeS : Calixto Bieito)
Avec Vera-Lotte Böcker, Tanja Ariane Baumgartner, Daniel Jenz, Florian Boesch
Une soirée « viennoise », voire une soirée maison autour de Gustav Mahler, qui la dirigea, sans jamais avoir écrit d’opéras et donc une sorte de rentrée au répertoire du compositeur.
Une soirée de Théâtre musical, autour de la mort et à travers Das Klagende Lied et les Kindertotenlieder. Habile moyen de faire un travail de mise en scène qui pourra moins heurter les tenants de la tradition parce que l’on ne touche à aucun titre, et par ailleurs d’inviter pour la première fois à Vienne Lorenzo Viotti, dont beaucoup font grand cas.
Avec des chanteurs aux dons de diseurs tels qu’ils s’imposent naturellement dans une telle soirée.
Une initiative surprenante, et une manière surprenante d’ouvrir les nouvelles productions. Mais il faut tenter. Reste à savoir ce qu’on fera de cette soirée dans le répertoire de la maison.

Décembre 2022
Richard Wagner
Die Meistersinger von Nürnberg
(5 repr. du 4 au 20 déc)(Dir : Philippe Jordan/MeS : Keith Warner)
Avec Michael Volle, David Butt Philip, Hanna Elisabeth Müller, Wolfgang Koch, Georg Zeppenfeld
La précédente production, signée Otto Schenk, remontait à 1975 et la dernière reprise remonte, de manière surprenante à 2012. 77 représentations et 47 ans d’âge, ce sont de bons et loyaux services.
Distribution de haut niveau avec le dialogue Wolfgang Koch en Beckmesser (une prise de rôle) et Michael Volle en Hans Sachs (et qui fut un inoubliable Beckmesser à Bayreuth), et le jeune David Butt Philip en Walther, une des voix émergentes les plus intéressantes du moment, une voix large, capable de chanter aussi bien Florestan de Fidelio que Rodolfo de Bohème.
Georg Zeppenfeld plus habituel en Pogner et Hanna Elisabeth Müller, enfin Eva, on l’attendait depuis longtemps dans ce rôle. Philippe Jordan dans la fosse, c’est naturel vu ses fonctions, et une production signée Keith Warner, modernité sans doute sans provocation. Les enjeux sont forts, il ne faut pas à chaque fois dans Wagner effaroucher le public (comme  pour Parsifal de Serebrennikov et Tristan de Bieito), et surtout dans un titre aussi emblématique. On fera le voyage de Vienne…

Février-Avril 2023
Richard Strauss
Salomé

9 repr. en deux séries : 5 repr. du 2 au 12 fév. et 4 repr. du 21 au 29 avril.)
(Dir : Philippe Jordan/MeS : Cyril Teste)
Avec Gerhard Siegel (Fev)/Jörg Schneider (Avr.), Michaela Schuster, Malin Byström, Iain Paterson etc…
251 représentations depuis 1972, la production de Boreslaw Barlog aux couleurs Sécession a vaillamment donné à l’opéra. Il était plus que temps de la remiser.
Et c’est le français Cyril Teste qui va succéder à cette production, souhaitons-lui de durer autant (50 ans)… C’est une de ses premières mises en scène d’opéra (il fait aussi la saison prochaine Fidelio à Nice) et on est très curieux de voir comment ce spécialiste des relations entre scène et vidéo, va lire l’œuvre de Strauss et la pièce de Wilde. En tous cas, c’est une des surprises positives de cette année.
C’est Philippe Jordan qui, en spécialiste et amoureux de Strauss, compositeur avec lequel il fit ses débuts à l’opéra de Vienne (Capriccio). Et la distribution est composée de spécialistes des rôles, notamment Malin Byström qui fut naguère une grande Salomé à Amsterdam avec Gatti et Van Hove, mais aussi Iain Paterson, et bien sûr Gerhard Siegel et Michaela Schuster, (Hérode et Hérodias) sans oublier Jörg Schneider, une des révélations de de ces dernières années, qui reprend Hérode en avril.
On ne manquera pas cette production, évidemment, et d’abord par curiosité pour le travail de Cyril Teste.

Mars/juin 2022
Mozart
Le Nozze di Figaro
9 repr. en deux séries : 7 repr. du 11 au 26 mars. et 4 repr. du 6 au 17 juin.)
Dir : Philippe Jordan/MeS : Barrie Kosky
Avec Andrè Schuen, Hanna Elisabeth Müller, Patricia Nolz, Peter Kellner, Ying Fang etc…
Bogdan Roščić a confié à Barrie Kosky le soin de mettre en scène les trois opéras de la trilogie Da Ponte et la saison 2023-2024 verra sa conclusion avec Così fan tutte. Mozart est évidemment stratégique à Vienne, c’est un des compositeurs « maison », et on ne compte pas le nombre de chanteurs mozartiens légendaires issus de la troupe viennoise. Par ailleurs, les dernières productions signées aussi bien Jean-Louis Martinoty (pour Nozze et Don Giovanni) ou Roberto De Simone (pour Così) n’était pas très satisfaisantes.
J’ai apprécié le Don Giovanni proposé fin 2021, vision abstraite et originale du mythe. On verra si Le nozze di Figaro continue cette veine, où change complètement de direction.
Musicalement, c’est Philippe Jordan qui en assure la direction, ce qui est légitime vu son statut de Directeur musical, les parisiens savent que c’est un chef qui dirige un Mozart solide, classique et assez théâtral.
La distribution montre à la fois un souci de passer à une nouvelle génération de chanteurs : Andrè Schuen vient de faire Figaro (à Aix par exemple), il devient Il conte Almaviva, et Hanna Elisabeth Müller qui était Donna Anna dans Don Giovanni sera la Comtesse : un couple plus jeune que d’habitude.
Bonne part du reste de la distribution vient de la troupe de la maison, aussi bien Peter Kellner (Figaro) que Patricia Nolz, belle chanteuse qui sera Cherubino. Quant au rôle de Susanna, il est confié à Ying Fang, qu’on voit fréquemment dans des rôles mozartiens ou haendeliens, et qui a commencé à chanter sur les grandes scènes du monde, dont New York et Paris.
Et c’est donc une vraie surprise qui attend le spectateur à travers une distribution neuve. Il est vrai qu’on cherche – et sans doute aussi à Vienne- à se constituer un réservoir de bons chanteurs pour Mozart.

Avril 2022
Claudio Monteverdi
Il ritorno d’Ulisse in patria
(5 repr. du 2 au 14 avril) Dir : Pablo Heras Casado/MeS : Jossi Wieler & Sergio Morabito
Avec Georg Nigl, Kate Lindsey, Josh Novell, Andrea Mastroni
Comme c’est étrange : il y a des modes sur des œuvres qu’on va voir plus ou moins adaptées ou arrangées sur plusieurs scènes européennes. Comme on a vu beaucoup L’Orfeo et L’incoronazione di Poppea un peu partout, on s’essaie maintenant à Il ritorno d’Ulisse in patria qu’on verra par exemple à Genève, à Munich, à Barcelone, à Cremone, à Schwetzingen. Mais Bogdan Roščić a programmé depuis son arrivée à Vienne les trois Monteverdi. Il a déjà fait L’Orfeo et L’incoronazione di Poppea. Il programme donc le troisième. Dans une production de Jossie Wieler & Sergio Morabito (qui ont déjà mis en scène Das verratene Meer de Henze) où ce dernier est Chefdramaturg, c’est à dire responsable de la partie « production théâtrale » des opéras. La distribution, dominée par Georg Nigl et Kate Lindsey, (qui sont dans L’Orfeo en juin prochain) est très prometteuse, et c’est Pablo Heras Casado, qui a déjà dirigé L’incoronazione di Poppea, et qui s’apprête en juin à diriger L’Orfeo, qui sera dans la fosse. Ainsi c’est la cohérence musicale qui a été choisie et non la cohérence scénique (comme pour la trilogie Mozart/Da Ponte), puisque les trois Monteverdi ont été réalisés par trois équipes différentes (Lauwers, Morris, Wieler & Morabito). Ce sera de toute manière intéressant à voir.

Mai-Juin 2022
Francis Poulenc
Dialogues de Carmélites

(5 repr. du 21 mai au 2 juin) Dir : Bertrand de Billy/MeS : Magdalena Fuchsberger
Avec Sabine Devieilhe, Bernard Richter, Nicole Car, Michaela Schuster, Eve-Maud Hubeaux
Une seule production, celle de la création en 1959, signée Margherita Wallmann, pour 20 représentations avec la dernière en 1964 justifient cette deuxième production, après 58 ans d’absence. C’est Magdalena Fuchsberger, ex assistante et responsable des reprises à Stuttgart où officiaient Jossi Wieler & Sergio Morabito, qui est chargée de la mise en scène ; on voit donc de qui vient l’idée. Aujourd’hui metteuse en scène, essentiellement dans des théâtres allemands de ville moyennes (Hagen, Lübeck, Heidelberg), cet engagement à Vienne constitue donc un certain enjeu pour cette artiste autrichienne 5 (née à Salzburg) encore jeune.
C’est Bertrand de Billy, bien connu à Vienne qui sera en fosse, avec une distribution solide dominée par Sabine Devieilhe, qui sera Blanche, avec Eve-Maud Hubeaux en Mère Marie et Michaela Schuster en Madame de Croissy.

 

Wiederaufnahmen (Reprises retravaillées)

À peu près  autant de Wiederaufnahmen que de nouvelles productions  avec des distributions de grande classe, sinon immanquables, on comprend le calcul de la Wiener Staatsoper :

  • D’abord, retravailler des œuvres assez rares qui n’ont pas été trop souvent reprises, et qui ne nécessitent donc pas encore de nouvelles productions (La Juive, Jenufa, Lady Macbeth de Mzensk, Cardillac par exemple)
  • Ensuite, retravailler des titres populaires, dont la production peut encore durer (Aida, André Chénier, Fidelio)
  • Valoriser l’ensemble de ces reprises par des distributions séduisantes voire exceptionnelles et ainsi attirer le public et, pour ceux qui viennent de loin, leur permettre d’accéder en même temps aux nouvelles productions souvent qui les accompagnent dans le calendrier.
  • Autre calcul plus « pervers » : on sait que les stars n’aiment pas les répétitions. Une star, c’est bien connu, a des compétences innées… et un agenda si chargé qu’elle n’a pas envie de perdre trop de temps en répétitions alors qu’elle pourrait chanter ailleurs et être grassement payée…
  • Enfin, les polémiques sur les nouvelles productions viennoises et les manœuvres locales habituelles nécessitent que la balance penche aussi vers des distributions qui vont faire taire, puisqu’on pourra dire que Vienne danse avec le feu pour ses nouvelles productions, mais chante avec les stars. Tout cela est de bonne guerre, et met ainsi peut-être le projecteur plus sur les reprises que sur les premières. C’est le calcul qui a déjà été fait dans la saison actuelle avec la prise de rôle de Jonas Kaufmann dans Peter Grimes.
  • En somme, moins de frais de productions, moins de répétitions qu’une première et l’assurance d’un bon remplissage : tout bénéfice.

Septembre 2023
jacques Fromental Halévy
La Juive
(5 repr. du 5 au 18 sept.) Dir : Bertrand de Billy/MeS : Günter Krämer
Avec Roberto Alagna, Sonya Yoncheva, Nina Minasyan, Günther Groissböck, Cyrille Dubois
207 représentations à Vienne entre 1870 et 1933, deux représentations concertantes en 1981 , 36 représentations entre 1999 et 2015 de la production de Günter Krämer, dominée par la prestation désormais légendaire de Neil Shicoff qui a été quasiment de l’ensemble des reprises jusqu’à la dernière de 2015.
À Neil Shicoff succède Roberto Alagna, magnifiquement entouré par des vedettes du chant actuel comme Groissböck ou Yoncheva, et par des grands espoirs internationaux comme Cyrille Dubois qu’on ne présente pas et Nina Minasyan qu’on a vue à Lyon dans Le Coq d’or.
Dans la fosse, Bertrand de Billy, excellent dans ce répertoire.
Y courir évidemment, indépendamment de la production de Krämer, qui ne présente pas d’intérêt . Mais ouvrir la saison ainsi, c’est ce qu’on appelle un beau coup. 

Octobre 2022
Leoš Janáček
Jenůfa
(5 repr. du 9 au 23 octobre 2022) (Dir : Tomáš Hanus/MeS : David Pountney)
Avec Asmik Grigorian, Violeta Urmana, David Butt Philip, Michael Laurenz.
Jenůfa est entré au répertoire à Vienne en 1918 et a connu depuis 7 productions, la production de David Pountney la septième remonte à 2002 et fut créée par Seiji Ozawa. Elle a connu depuis 36 représentations, et elle est suffisamment bonne pour ne pas nécessiter de nouvelle production.
Cette reprise sera dirigée par Tomáš Hanus, qui vient de diriger l’œuvre à Genève avec grand succès et c’est donc une garantie. La distribution est dominée par Asmik Grigorian (Jenůfa) et Violeta Urmana (la sacristine) du côté des deux frères, Laca est confié au jeune ténor David Butt Philip, que le public découvrira aussi en Walther et Steva à l’excellent Michael Laurenz.
Une distribution solide, un excellent chef, une production qui a fait ses preuves, que demander de plus ?

Novembre 2022
Paul Hindemith
Cardillac
(5 repr. du 2 au 13 nov. 2022) (Dir : Cornelius Meister/MeS : Sven-Eric Bechtholf)
Avec Tomasz Konieczny, Vera-Lotte Böcker, Gerhard Siegel etc…
Cardillac n’est pas une des œuvres qui remplissent les programmes (ni les salles) fréquemment : à Vienne, quatre productions depuis 1927 avec au total des quatre productions et en tout 35 représentations… La dernière, signée Sven-Eric Bechtholf remonte à 2010 et a connu 11 représentations en tout (2010, 2012, 2015). La nouvelle production ne s’impose pas, même si la production Bechtholf est comme les autres productions Bechtholf, sans grand intérêt.
La distribution est solide, avec le Cardillac de l’excellent Tomasz Konieczny et Vera-Lotte Böcker, qu’on commence à voir sur bien des scènes, un des sopranos les plus intéressants du moment. Quant à Gerhard Siegel, c’est un des meilleurs ténors de caractère du marché (un Loge exceptionnel). C’est Cornelius Meister, le GMD de Stuttgartqui sera en fosse, et cela, c’est particulièrement intéressant. Il représente la relève de la direction musicale germanique, et a déjà dirigé depuis quelques années 9 productions à Vienne,

Novembre-décembre 2022
Umberto Giordano
Andrea Chénier
(4 repr. du 30 nov au 9 déc. 2022) (Dir : Francesco Lanzilotta/MeS : Otto Schenk)
Avec Jonas Kaufmann, Carlos Alvarez, Maria Agresta.
La distribution parle d’elle-même. Qui manquera un Andrea Chénier avec Jonas Kaufmann ? L’œuvre a connu à Vienne 4 productions, et Lotte Lehmann chanta Madeleine de Coigny à la première en 1926 mais la quatrième, signée Otto Schenk, a connu 120 représentations depuis 1981 : on ne change pas une production qui gagne, d’autant qu’Andrea Chénier est une de ces œuvres où la mise en scène demande réalisme et reconstitution historique… Francesco Lanzillotta, en fosse, est un des excellents chefs de la nouvelle génération italienne et a dirigé à pour la première fois à Vienne la saison actuelle 21/22 avec succès. On ne présente plus Carlos Alvarez, toujours remarquable, et Maria Agresta devrait être une touchante Madeleine.
Préparez donc votre voyage…

Janvier 2023
Giuseppe Verdi
Aida
(4 repr. du 14 au 24 Janvier 2023) (Dir : Nicolas Luisotti/MeS : Nicolas Joel)
Avec Elina Garanca, Jonas Kaufmann, Luca Salsi…
Encore un motif de voyage à Vienne, même si la production signée Nicolas Joel ne décoiffe pas (créée en 1984 et 124 représentations quand même), et même s’il ne faut pas attendre grand-chose de la direction de Nicola Luisotti, chef correct de répertoire, routine confortable qui écume la plupart des grands théâtres internationaux sans jamais étonner…
Mais Garanca, Kaufmann et Salsi valent déjà la réservation d’un train de nuit…
Certes Aida n’est pas annoncée, mais on sussurre, on murmure un nom qui circule d’une cantatrice autrichienne à la double nationalité et qui n’a pas encore repris trop de service depuis la guerre en Ukraine… Vous devinez… ?
Si c’est le cas, on campera autour de l’opéra… prudemment, le nom est gardé in pectore par la direction.
A ne pas manquer évidemment, même si personnellement à choisir j’eus préféré Lanzillotta dans Aida et Luisotti dans Chénier

Février-mars 2023
Ludwig van Beethoven
Fidelio
(4 repr. du 22 fév. au 4 mars 2023) (Dir : Axel Kober/MeS : Otto Schenk)
Avec Brandon Jovanovich, Anja Kampe, Christof Fischesser, Jochen Schmeckenbecher, Slávka Zámečníková.
Se souvient-on que cette production (260 représentations au compteur) fut créée par Leonard Bernstein en 1970, avec Gwyneth Jones, James King, Theo Adam, Franz Crass, Lucia Popp… ?
Cette reprise est moins prestigieuse sans doute, mais solide, avec la lumineuse Leonore d’Anja Kampe. je suis moins convaincu par Brandon Jovanovich en Florestan, mais ils sont bien entourés, en signalant la délicieuse Slávka Zámečníková en Marzelline, Donna Anna fabuleuse à Berlin, qu’on s’arrachera dans les prochaines années. En fosse, Axel Kober, un des chefs très solides pour ce répertoire.
Une reprise qui tiendra sans doute la distance. À remarquer que les productions d’Otto Schenk sont précieusement conservées dans cette maison où il a tant fait. Et cette reprise retravaillée montre que ce Fidelio en a encore pour quelques années.

Mai-Juin 2023
Dmitry Chostakovitch
Lady Macbeth de Mzensk
(5 repr. du 28 mai au 12 juin 2023) (Dir : Alexander Soddy/MeS : Matthias Hartmann)
Avec Günther Groissböck, Aušrinè Stundytè, Dmitry Golovnin, Andrei Popov etc…
Étonnamment, une seule production de l’opéra de Chostakovitch à Vienne, créé très tardivement (2009) repris deux fois (2015 et 2017) pour un total de 16 représentations. Matthias Hartmann n’est pas un metteur en scène très intéressant (un des représentants d’une fausse modernité sans grandes idées), mais la distribution, dominée par la Katerina d’Aušrinè Stundytè, qui est devenue la référence absolue du rôle depuis six à sept ans (elle a explosé à Anvers dans la production Bieito) à ses côtés Günther Groissböck qu’on ne présente plus et Dmitry Golovnin, que je considère comme l’un des ténors les plus intéressants du répertoire russe, qui sera Serghei.
En fosse, un chef que tous désignent comme l’une des figures du futur de la direction musicale, Alexander Soddy, GMD à Mannheim, qui fut l’assistant de Petrenko à Bayreuth. À écouter avec curiosité d’autant qu’aussi bien à Berlin qu’à Londres, il commence vraiment à intéresser les maisons d’opéra.

Comme on le voit, même sans nouvelles productions, il y aurait de quoi faire quelques voyages viennois tant ces reprises sont somptueusement distribuées.
Considérons maintenant le répertoire, qui comme on le sait à Vienne, ne fait pas l’objet de travail de répétitions longues, mais qui constitue le quotidien de la maison et presque son âme. La question du répertoire, bien au-delà de la question de la troupe, nécessite une organisation technique particulière, avec une occupation de la scène continue, nuit et jour (faire et défaire les décors par exemple) : les horaires de répétitions, les répétitions générales des nouvelles productions dans une maison qui joue quasiment chaque soir nécessitent un agenda serré.
Bogdan Roščić a réduit le nombre de titres proposés pour aérer un peu la programmation et laisser un peu plus d’espace, il a compensé quelquefois en élargissant le nombre de représentations de titres populaires en deux séries distribuées sur la saison, voire trois pour Tosca, avec des distributions un peu ou totalement différentes et des changements de chefs.
Sauf en de rares occasions, chaque distribution a au moins un élément digne d’intérêt, une star, une prise de rôle, une première apparition à Vienne. Du point de vue des productions, dans les représentations de répertoire, on prend ce qu’il y a en magasin, et c’est aussi la raison pour laquelle Bogdan Roščić a acheté des productions réussies qui avaient fait leur temps ailleurs pour rafraîchir la « garderobe ».
Mais on remarque aussi la présence de productions historiques, qui sont des témoignages, en premier lieu la fameuse Tosca de Margharete Wallmann, qui remonte à 1958, que tout visiteur de l’opéra de Vienne doit au moins avoir vue une fois, mais il y en a d’autres, comme La Bohème de Zeffirelli (la même qu’à la Scala), ou diverses productions d’Otto Schenk dont le Rosenkavalier. En bref, même si les conditions musicales ne sont pas toujours idéales, loin de là (en fosse, l’orchestre de la Staatsoper, à géométrie variable à cause du nombre de titres et de l’alternance au quotidien, ne ressemble quelquefois que de très très loin aux fameux Wiener Philharmoniker qui sont issus de l’orchestre ; il faut sans cesse corriger certains journalistes qui appellent Wiener Philharmoniker l’orchestre en fosse à l’Opéra. Les Wiener Philharmoniker n’officient en fosse ès qualité qu’au festival de Salzbourg…
Il reste qu’en Europe occidentale, seules Munich et Vienne peuvent afficher un nombre aussi important de productions, et ne leur sont comparables que des institutions russes comme le Bolchoï ou le Mariinsky, impraticables en ce moment pour les raisons qu’on sait.

Alors avant d’aborder les titres singuliers (quand cela vaut la peine, il est bon de faire quelques statistiques des compositeurs proposés cette saison.
R= Répertoire
W=Wiederaufnahme (reprise travaillée)
NP= Nouvelle production

1 Beethoven (Fidelio) W
1 Berg (Wozzeck R)
1 Bizet (Carmen) R
1 Chostakovitch (Lady Macbeth de Mzensk) W
3 Donizetti (La fille du régiment R, L ‘Elisir d’amore R, Don Pasquale R)
1 Giordano (Andrea Chénier) W
1 Halévy (La juive, W)
1 Hindemith (Cardillac W)
1 Janáček (Jenůfa W)
1 Mahler (NP)
1 Mascagni/Leoncavallo (Cav-Pag R)
2 Massenet (Werther R, Manon R)
2 Monteverdi (Il ritorno di Ulisse NP, L’Orfeo R)
3 Mozart (Die Zauberflöte R, Don Giovanni R, Nozze di Figaro NP)
1 Poulenc (Dialogues des Carmélites NP)
3 Puccini (Madame Butterfly R, La Bohème R, Tosca R)
2 Rossini (Il Barbiere di Siviglia R, La Cenerentola R)
1 Strauss J. (Fledermaus R)
4 Strauss (Salomé NP, Elektra R, Ariadne auf Naxos R, Rosenkavalier R)
4 Verdi (Aida W, Macbeth R, Rigoletto R, Traviata R)
7 Wagner (Meistersinger NP, Parsifal R, Lohengrin R, Ring (4 titres) R)

Répertoire

Septembre 2022/Avril 2023
Georges Bizet
Carmen
8 repr. : 4 repr. du 6 au 15 sept 2022(A) et 4 repr. du 19 au 28 avril 2023  (B)
(Dir : Yves Abel(A) Alexander Soddy (B)/MeS : Calixto Bieito)
Avec Elina Garança, Piotr Beczala, Roberto Tagliavini, Slávka Zámečníková (A)
Eve-Maud Hubeaux, David Butt Philip, Erwin Schrott, Slávka Zámečníková (B)

Ouverture de saison et mois de septembre construit pour attirer le public : Carmen avec Garança et Beczala, c’est évidemment très attirant d’autant que Tagliavini est excellent, et que Slávka Zámečníková sera sans doute une excellente Micaela.
La reprise d’avril est intéressante à cause des voix nouvelles (Eve-Maud Hubeaux en Carmen, et David Butt Philip qu’on va voir assez souvent dans la saison en Don José). Pour Erwin Schrott, c’est moins convaincant.
Yves Abel est un chef solide et bien connu à Vienne (mais dans un autre répertoire) et Soddy pour la reprise devrait intéresser.

Septembre/Décembre 2022
Mozart
Die Zauberflöte
9 repr. : 4 repr. du 7 au 16 sept 2022(A) et 5 repr. du 7 au 19 déc. 2022  (B)
(Dir : Bertrand de Billy(A) Alexander Soddy (B)/MeS : Patrice Caurier-Moshe Leiser)
Avec Günther Groissböck, Pavel Petrov, Golda Schultz, Kathrin Lewek etc.. (A)
Franz-Josef Selig, Sebastian Kohlhepp, Erin Morley, Brenda Rae etc… (B)
Pour la distribution, sans doute mieux vaut la distribution B (décembre) avec Selig et le jeune Sebastien Kohlhepp, excellent ténor.

Septembre 2022/Janvier-Février 2023
Mozart
Don Giovanni
9 repr. : 5 repr. du 17 au 28 sept 2022(A) et 4 repr. du 29 janv. au 6 fév. 2023  (B)
Dir : Philippe Jordan(A) Antonello Manacorda(B)/ MeS : Barrie Kosky
Avec Kyle Ketelsen, Philippe Sly, Hanna Elisabeth Müller, Pavol Breslik, Tara Erraught, Ain Anger (A)
Kyle Ketelsen, Philippe Sly, Eleonora Buratto, Dmitry Korchak, Kate Lindsey,  Ain Anger (B)
Une production que j’ai beaucoup aimée, et des deux distributions, sans doute faut-il conseiller celle de septembre (A), dirigée par Philippe Jordan avec l’essentiel du cast de la création en décembre 2021. La distribution B garde le couple phénoménal Ketelsen/Sly, mais en fosse, je ne suis jamais convaincu par Antonello Manacorda.

Septembre 2022/Janvier 2023
Rossini
Il barbiere di Siviglia
9 repr. : 4 repr. du 22 au 30 sept 2022(A) et 5 repr. du 3 au 15 janv. 2023  (B)
(Dir : Giacomo Sagripanti (A)/ Michele Mariotti (B) ; MeS : Herbert Fritsch)
Avec Levy Sekgapane, Vasilisa Berzhanskaya, Paolo Bordogna, Marco Caria etc…(A)
Alasdair Kent, Patricia Nolz, Paolo Bordogna, Boris Pinkhasovich etc…(B)
Distribution A absolument « rossinienne » avec une Berzhanskaya fabuleuse Rosine découverte par l’Opéra de Rome que celui de Vienne semble s’être assuré pour beaucoup de représentations. Distribution B moins « idiomatique », même avec de bons chanteurs, (Rossini demande vraiment des chanteurs rompus à l’exercice…) mais en fosse Michele Mariotti est la garantie rossinienne, bien plus que Bisanti (A)… Choix difficile, mais si vous avez à choisir, plutôt d’autant que le mois (avec La Juive et Carmen et le reste) vous garantit un petit Festival d’opéra particulièrement séduisant. 

Octobre 2022
Giuseppe Verdi
Rigoletto
(4 repr. du 1er au 11 oct) (Dir : Pier Giorgio Morandi MeS : Pierre Audi)
Avec Benjamin Bernheim, Erin Morley, Simon Keenlyside
Mise en scène sans intérêt, chef de répertoire sans grand intérêt, distribution séduisante (Keenlyside en Rigoletto est assez attirant, hors des sentiers battus) Bernheim aura les notes, le timbre, la couleur, presque tout en somme…
Si vous êtes par là, pourquoi pas ?

Claudio Monteverdi
L’Orfeo
(4 repr. du 14 au 22 oct. ) (Dir : Stefan Gottfried MeS : Tom Morris)
Avec Georg Nigl, Patricia Nolz, Slávka Zámečníková
Reprise de la production qui va avoir sa première en juin 2022, une distribution dominée par Georg Nigl mais Patricia Nolz est vraiment intéressante et il vous faut découvrir Slávka Zámečníková ! Dommage que Pablo Heras-Casado ne soit plus en fosse

Octobre 2022-Février-mars 2022
Gaetano Donizetti
L’Elisir d’amore
8 repr. : 4 du 21 au 30 oct 2022, 4 du 21 févr. au 10 mars 2023
Dir : Gianluca Capuano(A)/Stefano Montanari (B)/MeS Otto Schenk
Avec Slávka Zámečníková, Bogdan Volkov, Davide Luciano, Alex Esposito…(A)
Kristina Mkhitaryan, Francesco Demuro, Clemens Unterreiner, Ambrogio Maestri etc…(B)
Vu que les deux chefs sont vraiment excellents, parmi les meilleurs sur ce répertoire, c’est la distribution qui fera la différence, et là, pas d’hésitation, c’est la A qu’il faut aller écouter. Bogdan Volkov en Nemorino devrait être magnifique.

Octobre-novembre 2022/Février 2023
Giuseppe Verdi
La Traviata
9 repr. du 29 oct au 8 nov (A) et du 5 au 11 fév 2023 (B)
Dir : Thomas Guggeis(A)/Nicola Luisotti (B)MeS : Simon Stone
Avec
A et B: Kristina Mkhitaryan, Dmytro Popov, Amartuvshin Enkhbat
Aucun intérêt à aucun niveau. Une série purement alimentaire, sauf si le hasard vous trouve à Vienne évidemment.

Novembre 2022

Richard Strauss
Ariadne aud Naxos
4 repr. du 9 au 17 novembre Dir : Thomas Guggeis/MeS : Sven Eric Bechtholf
Avec Christina Bock, Eric Cutler, Camilla Nylund, Caroline Wettergreen.
Pour Nylund et Cutler, évidemment passionnants, peut-être aussi le chef Thomas Guggeis , mais pas pour la mise en scène,

Giuseppe Verdi
Macbeth
4 repr. du 18 au 27 novembre Dir : Giampaolo Bisanti/MeS : Barrie Kosky
Avec Simon Keenlyside, Riccardo Fassi, Anna Pirozzi, Freddie De Tommaso
Même si pour Macbeth, on aurait peut-être préféré un autre chef, la mise en scène exceptionnelle de Barrie Kosky, de très loin le meilleur Macbeth du marché  vaut le coup. Distribution dominée par Simon Keenlyside dont on connaît l’intelligence et les qualités et Anna Pirozzi, en grande forme en ce moment, avec Riccardo Fassi qui est aussi une très bonne basse.

Jules Massenet
Werther
4 repr. du 19 au 29 novembre Dir : Alejo Pérez/MeS : Andre Serban
Avec Attila Mokus, Vasilisa Berzhanskaya, Dmitry Korchak
Pour Berzhanskaya et pour Aléjo Pérez, toujours intéressant, si vous êtes sur place mais ne vaut évidemment pas un voyage.

Novembre-décembre 2022/Mars 2023/Mai 2023
Giacomo Puccini
Tosca
10 repr. du 23 nov au 5 déc (A), du 25 au 31 mars (B), du 12 au 18 mai (C) Dir : Giacomo Sagripanti (A)(C), Marco Armiliato(B)/MeS : Margarethe Wallmann
Avec
A : Camilla Nylund, Stefano La Colla, Erwin Schrott
B : Krassimira Stoyanova, Michele Fabiano, Luca Salsi
C : Maria Agresta, Piotr Beczala, Bryn Terfel
En absolu, distribution B la plus équilibrée avec un bon chef de repertoire. Mais peut-on manquer un Scarpia de Bryn Terfel (distr.C)
Et de toute manière, il faut voir une fois dans sa vie ce monument historique qu’est la Tosca de Vienne.

Décembre 2022
Richard Strauss
Der Rosenkavalier
3 repr. du 18 au 26 décembre – Dir : Philippe Jordan MeS : Otto Schenk
Avec Krassimira Stoyanova, Günther Groissböck, Kate Lindsey, Adrian Eröd, Vera-Lotte Böcker etc…
Si vous passez les fêtes à Vienne, à ne pas manquer, c’est une très belle distribution, une très belle production historique et Philippe Jordan est un très bon straussien.

Décembre 2022-Janvier 2023
Gaetano Donizetti
La fille du régiment
4 repr. du 25 déc. au 2 janv. – Dir : Michele Spotti MeS : Laurent Pelly
Avec Pretty Yende, Juan Diego Flórez, Adrian Eröd etc..
Production désormais culte, créée en 2007 par Natalie Dessay, et déjà Flórez. En fosse, Michele Spotti à Vienne pour la première fois qui a montré à Bergamo combien il possédait cette partition et combien il lui donnait verve et force. Vous passez les fêtes à Vienne. Ne manquez pas une des soirées.

Johann Strauss
Die Fledermaus
6 repr :  31 déc (A)/(B), 1 janv (B), 4 janv. (B), 6 janv (A)(B)- Dir : NN (A) Simone Young (B) MeS : Otto Schenk.
Avec
Peter Simonischek, Jörg Schneider, Daria Sushkova etc…(A)
Peter Simonischek, Andreas Schager, Rachel Willis-Sørensen, Christina Böck, Vera-Lotte Böcker (B)
Pour canaliser la demande du public, deux representations les 31 et 6 janvier, avec une autre distribution. Mais il faut évidemment chercher la distribution B, dominée notamment par Andreas Schager et Rachel Willis-Sørensen. Fledermaus à Vienne, c’est évidemment un must notamment avec le grand Simonischek en Frosch.

Janvier 2023
Richard Strauss
Elektra
3 repr. du 5 au 11 jan. – Dir : Simone Young MeS : Harry Kupfer
Avec Violeta Urmana, Nina Stemme, Simone Schneider, Jörg Schneider, Christof Fischesser
Avec intelligence, Bogdan Roščić a remisé la médiocre production Laufenberg et repris la production désormais historique de Harry Kupfer, créée par Claudio Abbado en 1989, restée dans les entrepôts. Direction sans doute solide de Simone Young, et trio de choc avec Violeta Urmana en Clytemnestre, désormais un de ses rôles fétiches, Nina Stemme qu’on ne présente plus, et Simone Schneider en Chrysothemis, qui est l’une des voix les plus intéressantes et vibrantes, et sensibles du moment.

Giacomo Puccini
La Bohème
5 repr. du 19 au 31 jan. – Dir : Eun Sun Kim MeS : Franco Zeffirelli
Avec Benjamin Bernheim, Rachel Willis-Sørensen, Boris Pinkhasovich, Slávka Zámečníková.
Pour voir la production Zeffirelli, qui fait les beaux soirs de la Scala et de Vienne depuis les années 1960 (à Vienne, 443 représentations depuis 1963). Bernheim au timbre d’or, mais au phrasé italien à polir, et pour le reste entendre Slávka Zámečníková en Musetta. On ne ma convaincra jamais que Rachel Willis-Sørensen convienne au repertoire italien.

Février 2023
Mozart
Die Zauberflöte für Kinder
2 repr. le 17 févr. 2023
Deux représentations en une journée de cette présentation pour les classes du pilier du patrimoine musical local

Richard Wagner
Tristan und Isolde
3 repr. du 20 au 26 févr. – Dir. : Philippe Jordan/MeS : Calixto Bieito
Avec : Nina Stemme, Andreas Schager, Christof Fischesser, Christa Mayer, Iain Paterson
Distribution dominée par Nina Stemme et Andreas Schager. Stemme succède à Martina Serafin et elle n’aura aucun mal à la faire oublier, si elle est plus en forme qu’à Aix en Provence. En fosse, Philippe Jordan et production intelligente de Calixto Bieito (et donc mal accueillie par un certain public).


Mars 2023
Gioachino Rossini
La Cenerentola
4 repr. du 3 au 12 mars – Dir: Stefano Montanari/MeS : Sven Eric Bechtholf
Avec Dmitry Korchak, Roberto Tagliavini, Vasilisa Berzhanskaya, Pietro Spagnoli, Michael Arivoni.
Oui pour Vasilisa Berzhanskaya et Roberto Tagliavini, oui pour le magnifique Stefano Montanari en fosse. Il y a d’autres ténors que Dmitry Korchak… Quant à la production de Sven Eric Bechtholf, elle est sans intérêt comme la plupart des productions signées par ce metteur en scène très surfait.

P.I.Tchaïkovski
Eugène Onéguine
4 repr. du 14 au 24 mars – Dir: Tomáš Hanus/MeS : Dmitry Tcherniakov
Avec Etienne Dupuis, Nicole Car, Iván Ayón Rivas, Dimttry IvaschenkoBelle production de Dmitry Tcherniakov, qu’il faut avoir vu. En fosse Tomáš Hanus remarquable chef d’opéra et distribution solide sans être exceptionnelle.

Mars-Avril 2023
Alban Berg
Wozzeck
3 repr. du 29 mars au 5 avril – Dir: Philippe Jordan/MeS : Simon Stone
Avec Johannes Martin Kränzle, Sean Panikkar, Sara Jakubiak, Dmitry Belosselskiy, Jörg Schneider
Johannes Martin Kränzle en Wozzeck, c’est évidemment très intéressant, tant le chanteur est un acteur éblouissant et un diseur fantastique et sensible. Moins convaincu par l’annonce de Sara Jakubiak en Marie, qui ne m’a jamais convaincu. En revanche bon entourage (Excellent Panikkar notamment).

Avril 2023

Richard Wagner
Parsifal
4 repr. du 6 au 16 avril – Dir: Philippe Jordan/MeS : Kirill Serebrennikov
Avec : Michael Nagy, Franz-Josef Selig, Klaus Florian Vogt, Ekaterina Gubanova, Derek Welton.
La production de Serebrennikov avec une distribution complètement modifiée, dont l’intérêt est Michael Nagy en Amfortas, Selig en Gurnemanz, et bien sûr Vogt en Parsifal (même si ce n’est pas le rôle où je le préfère) et la Kundry de Gubanova, qui devrait être intéressante dans le personnage voulu par Serebrennikov. Pourrait valoir un voyage.

Richard Wagner
Lohengrin
3 repr. du 15 au 23 avril – Dir: Omer Meir Wellber/MeS : Andreas Homoki
Avec Tareq Nazmi, Piotr Beczala, Camilla Nylund, Tomasz Konieczny, Nina Stemme
Autre distribution intéressante, Beczala et Nylund en Lohengrin et Elsa, et Konieczny Telramund bien connu, et surtout Stemme en Ortrud…
En fosse, Omer Meir Wellber, très irrégulier. A entendre pour la distribution et combiner 15 avril (Parsifal) et 16 avril (Lohengrin)

Avril-Mai 2023
Jules Massenet
Manon
5 repr. du 30 avril au 13 mai – Dir : Bertrand De Billy/MeS : Andrei Serban
Avec Pretty Yende, Charles Castronovo etc…
Si on aime…

Mai 2023
Gaetano Donizetti
Don Pasquale
4 repr. du 17 au 26 mai – Dir :  Francesco Lanzillotta/ MeS : Irina Brook
Avec Michele Pertusi, Brenda Rae, Josh Lovell, Michael Arivony
Intéressant pour Lanzillotta en fosse, excellent et Pertusi toujours intéressant. Pour le reste…

Juin 2023
Richard Wagner
Der Ring des Nibelungen
2 séries – Dir : Franz Welser-Möst/MeS : Sven Eric Bechtholf

Das Rheingold
1er et 21 juin 2023
Avec Eric Owens, Tanja Ariane Baumgartner, Michael Nagy, Michael Laurenz, Ain Anger

Die Walküre
4 et 22 juin 2023
Avec Eric Owens, Ricarda Merbeth, Giorgio Berrugi, Ain Anger, Tamara Wilson, Tanja Ariane Baumgartner

Siegfried
11 et 25 juin 2023
Avec Eric Owens, Klaus Florian Vogt, Ricarda Merbeth, Michael Nagy, Ain Anger

Götterdämmerung
18 et 30 juin 2023
Avec Burkhard Fritz, Dmitry Belosselskiy, Ricarda Merbeth, Michael Nagy, Regine Hangler etc…

La mise en scène est sans aucun intérêt (Sven Eric Bechtholf), en revanche, Franz Welser-Möst en fosse, c’est diablement passionnant (c’est lui qui a créé cette nouvelle production en 2007). Pour la distribution, c’est le Wotan d’Eric Owens, extraordinaire Alberich de la production Lepage au MET, et le Siegfried (de Siegfried) de Klaus Florian Vogt dans une prise de rôle qui seront évidemment une attraction pour tous les wagnériens : le très prudent ténor pourrait nous étonner diablement. L’Alberich de Michael Nagy devrait aussi être digne d’intérêt tant le chanteur est intelligent. Des valeurs sûres comme Tanja Ariane Baumgartner qui est une excellente Fricka et une équation à deux inconnues à tester, Tamara Wilson en Sieglinde, et Giorgio Beruggi en Siegmund.
Très tentant… très tentant…

Pietro Mascagni/Ruggiero Leoncavallo
Cavalleria Rusticana/Pagliacci
4 repr. du 15 au 27 juin – Dir : Daniel Harding/ MeS : Jean-Pierre Ponnelle
Avec Asmik Grigorian, Jonathan Tetelman, Amartuvshin Enkhbat, Yonghoon Lee
Pour Harding, intéressant en fosse et notamment dans un répertoire où il est inattendu, et pour Grigorian

Giacomo Puccini
Madama Butterfly
4 repr. du 20 au 29 juin – Dir :  Antonello Manacorda/ MeS : Anthony Minghella
Avec Sony Yoncheva, Charles Castronovo, Boris Pinkhasovich, Isabel Signoret
Intéressant pour la mise en scène. Pour le reste, si vous êtes à Vienne pour le Ring, et si vous n’avez rien de mieux…

Évidemment de petites vacances d’une dizaine de jours à Vienne entre le 20 et le 30 juin rempliraient vos soirées d’opéra…

Même avec de nouvelles productions, même avec des mises en scènes plus actuelles que depuis des années, la Wiener Staatsoper reste un temple de la tradition et du classicisme. La programmation n’a pas de prétentions autres que faire de l’opéra. Cela semble évident, mais d’autres maisons comme Genève ou Munich essaient d’accompagner la programmation d’un discours sur l’actualité, sur l’art, sur notre monde. Rien de tout cela ici. L’Opéra dans tous ses états, qui va de l’impossible à rater à l’aimable médiocrité. Avec 42 productions annuelles, il y a le choix : Vienne sera toujours Vienne et au fond, vaut toujours le voyage, si on peut combiner Opéra, Musikverein (ou Konzerthaus) et Theater an der Wien.

 

 

LA SAISON 2021-2022 DE LA WIENER STAATSOPER

UNE NORMALITÉ DE TRÈS HAUT NIVEAU

Après une première saison 2020-21 tronquée par la pandémie, mais dont nous avons pu voir quelques moments clefs en streaming ou même en salle, la saison 2021-22 s’annonce un peu moins explosive. Cinq nouvelles productions et quelques « Wiederaufnahmen » de productions de répertoire rafraichies, et pour le reste des productions de répertoire plus ou moins habituelles font une année presque normale, que nous allons détailler.
La Wiener Staatsoper est une maison de grande tradition, et pour sûr le modèle du système de répertoire, nous l’avons souvent souligné. Dominique Meyer en avait fait d’ailleurs le pilier de sa politique, garantissant un niveau moyen élevé de ses représentations « ordinaires », plus élevé en tous cas que celui de son prédécesseur Ioan Holender.
Le nouvel intendant Bogdan Roščić devait donc marquer une ligne de rupture, notamment au regard de la politique de mises en scène menée depuis des années, qui faisait de Vienne un temple très traditionnel, ce qui n’est pas problématique, mais aussi d’une certaine médiocrité scénique, ce qui l’est plus. Un seul exemple, la production musicalement fabuleuse de Die Frau ohne Schatten en juin 2019 dirigée par un Christian Thielemann des grands soirs avec un cast à faire pâlir, dans une mise en scène plan-plan et sans aucun intérêt de Vincent Huguet, dont nous avions rendu compte dans le site Wanderer.

Bogdan Roščić a donc suivi une double ligne : des nouvelles productions faisant appel à des metteurs en scène plus inventifs, comme le Parsifal signé Kirill Serebrennikov  dont Wanderer a rendu compte, et d’un autre côté là où c’était nécessaire rafraîchir le répertoire rapidement en achetant des productions  qui avaient marqué ailleurs, c’est le cas de l’Eugène Onéguine vu par Dmitry Tcherniakov, ou du Faust de Frank Castorf, dont Wanderer a aussi rendu compte, mais aussi de l’Incoronazione di Poppea (de Jan Lauwers) pris à Salzbourg et du Macbeth (dont Wanderer a rendu compte en juin dernier) signé Kosky qui vient de Zurich (Wanderer a aussi rendu compte de la production zurichoise) sans jamais renoncer à l’excellence musicale, voir à l’exceptionnel (cf. Parsifal) qui fait partie de l’ADN de la maison, au moins pour les Premières et les grandes reprises. Le public viennois est en effet l’un des plus sensibles qui soient aux équipes musicales et aux voix.

Tout cela doit demander à Bogdan Roščić, et à ses équipes, notamment à son responsable-casting Robert Körner (qui officiait naguère à Lyon) un jeu subtil d’équilibres qui devrait à terme permettre à ce public d’évoluer dans ses habitudes et attentes. Un retournement de la sorte se fait progressivement et lentement.
C’est pourquoi cette deuxième année apparaît comme un peu moins bouleversée, mais avec des nouvelles productions qui stimulent les envies du mélomane voyageur…

 

Nouvelles productions :
Les cinq nouvelles productions donnent une belle visibilité sur les intentions de la direction du théâtre, qui loin de négliger le répertoire, veulent au contraire l’asseoir et le « ravaler » avec des productions correspondant un peu plus à notre modernité : Rossini (Il Barbiere di Siviglia), Mozart (Don Giovanni) Berg (Wozzeck), Wagner (Tristan und Isolde), Monteverdi (L’Orfeo) sont des productions-emblèmes qu’il faut à la fois considérer en soi, de simples nouvelles productions d’une saison, mais surtout par ce qu’elles disent derrière, entre les lignes, des intentions artistiques.

Septembre 2021/Juin 2022
Rossini, Il barbiere di Siviglia
(6 repr. du 28 sept au 14 oct/4 repr. du 4 au 12 juin) (MeS : Herbert Fritsch)
Avec

  • Dir : Michele Mariotti
    Florez/Berzhanskaja/Bordogna/Abdrazakov/Luciano/Brauer-Kvam
  • Juin Dir : Stefano Montanari
    Florez/Molinari/Bank/Kellner/Olivieri

La production de Gunther Rennert a fait son temps, qui fut particulièrement long (depuis 1966), mais elle n’a pas été reprise depuis 1990, ce qui est surprenant pour un titre aussi populaire. La nouvelle production est confiée à Herbert Fritsch, qui a fait ses classes chez Castorf à la Volksbühne de Berlin jusqu’en 2007. Voilà qui promet.
Du côté de la distribution, en octobre, du beau monde, avec Florez et Vasilisa Berzhanskaya (remplaçant Crebassa), mais aussi Bordogna et Abdrazakov, avec le Figaro d’Etienne Dupuis à découvrir remplaçant Davide Luciano, le tout sous la direction experte de Michele Mariotti, né dans les langes de Rossini.
En juin  un autre chef, Stefano Montanari, aussi excellent que Mariotti, sinon encore plus inventif, et une distribution où les basses sont celles de la maison (Bankl, Kellner) et où Etienne Dupuis laisse la place à Mattia Olivieri, l’un des meilleurs jeunes barytons de la péninsule qui vient de triompher dans le rôle à la Scala. Pour le reste, Florez répondra aussi présents en juin. Florez a été Faust dans la production de Frank Castorf, il peut affronter Herbert Fritsch dans Almaviva. Quant à Crebassa elle sera remplacée par Cecilia Molinari. Le public viennois n’est pas au bout de ses (bonnes) surprises.

Décembre 2021
Mozart, Don Giovanni
(Dir : Philippe Jordan/MeS : Barrie Kosky)
Avec Ketelsen/Sly/de Barbeyrac/Anger/Kellner/ H.E.Müller/Lindsey/Nolz
Attention! Piège. La durée relative de la mise en scène fameuse de Franco Zeffirelli de 1972 à 1990 ne doit pas masquer les successives, Bondy (plutôt pas mal) dura deux saisons, puis De Simone pas beaucoup plus. La dernière, celle de Martinoty dura l’ère Dominique Meyer mais n’était pas de celles qu’on garde pour l’éternité.
L’échec récent de Castellucci à Salzbourg nous indique combien l’œuvre de Mozart est piégeuse.
Comme c’est la mode aujourd’hui, on confie la trilogie Da Ponte à un seul metteur en scène, Barrie Kosky, qui se lance dans l’aventure. S’il y réussit, tout le monde courra à Vienne pour voir.

Du côté musical, pas de risque en fosse où Philippe Jordan, mozartien devant l’Éternel, assure la direction musicale, mais sur scène, un plateau inhabituel avec Kyle Ketelsen en Don Giovanni, lui qui fut un extraordinaire Leporello, et en Leporello, Philippe Sly, qui ne fut pas un Don si convaincant. Un Ottavio de grand style, Stanislas de Barbeyrac, et deux dames qui devraient convaincre, -mais qui sait? – Hanna Elisabeth Müller en Anna et Kate Lindsey en Elvira. Sachant la difficulté à monter Mozart aujourd’hui, rien n’est assuré. Attendons.
(6 repr du 5 au 20 déc/5 repr. du 3 au 15 juin)

Mars 2022
Berg, Wozzeck
(Dir : Philippe Jordan/MeS : Simon Stone)
Avec Gerhaher/Kampe/Panikkar/Schneider/Belosselsky
La mise en scène de Dresen a duré jusqu’à 2014, et c’était une très belle production dont il existe une vidéo avec Grundheber, Behrens et Abbado. Plusieurs dizaines de représentations plus tard, il peut s’avérer nécessaire de produire une nouvelle production, confiée à Simon Stone, dont l’Opéra de Vienne propose en début de saison la Traviata parisienne, avec Pretty Yende, Frédéric Antoun et Ludovic Tézier.
La distribution de ce Wozzeck est superbe, Gerhaher et Kampe ont déjà fait les beaux soirs de Munich dans ces rôles. Cela devrait valoir le voyage.
(5 repr. du 22 mars au 3 avril)

Avril 2022
Wagner, Tristan und Isolde (5 repr.  du 14 avril au 1er mai)
(Dir : Philippe Jordan/MeS : Calixto Bieito)
(Avec Schager, Serafin, Pape, Gubanova, Paterson)

Trois productions depuis 1967, Everding, qui a duré jusqu’à 2003, puis Gunter Krämer (celui qui commit le Ring parisien) et enfin depuis 2013 David McVicar, dont on connaît les productions sans sel ni poivre.

Cette fois-ci ce sera Calixto Bieito, qui peut être va réveiller un peu l’histoire des productions de l’œuvre à Vienne. Au fond, le travail de Bogdan Roščić est aisé pour le choix des metteurs en scène, comme aucun des noms importants de la mise en scène n’ont travaillé à Vienne depuis des années, il lui suffit de distribuer des productions à la bande des quatre ou cinq habituels, Bieito, Stone, Kosky, Tcherniakov et quelques autres et le tour est joué. En un an on aura aussi vu Castorf, Serebrennikov … L’Opéra de Vienne se « normalise », il rentre dans la ronde des opéras d’Europe qui ont depuis longtemps des spectacles signés de ces artistes, mais il faudra aussi trouver des noms nouveaux…
Du côté musical, on connaît le Wagner de Philippe Jordan, garantie de solidité, et la distribution est sans reproche, là aussi habituelle : Schager, Pape, Paterson, Gubanova : que de bons chanteurs. Bien sûr, c’est hélas Martina Serafin qui chante Isolde, mais on ne peut pas tout avoir.

Juin 2022
Monteverdi, L’Orfeo

(4 repr. du 11 au 18 juin 2022)
Dir : Pablo Heras Casado/MeS Tom Morris)
Avec Nigl, Lindsey, Zámečníková, Mastroni, Bock

Après L’Incoranazione di Poppea venue de Salzbourg (Lauwers) qui a très bien marché auprès du public, c’est au tour de L’Orfeo ; c’est Munich qui a à mon avis la meilleure production actuelle (David Bösch), et Bogdan Roščić table sur un autre style, celui de l’imagination anglo-saxonne, entre marionnettes et émerveillements scéniques de Tom Morris.
Wait and see, mais musicalement, même si je ne suis pas toujours convaincu par Heras Casado, c’est une distribution très séduisante, dominée par Georg Nigl, l’autre baryton (à côté de Gerhaher), qui devrait être très stimulant car l’autrichien Georg Nigl est l’un des plus intéressants de sa génération.

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Juin-Juillet 2022
Rossinimania
Du 28 juin au 8 juillet

Une nouveauté, une révolution même à l’Opéra de Vienne qui va rester ouvert après sa fermeture… pour accueillir une tournée de l’Opéra de Monte-Carlo et surtout Cecilia Bartoli, qui tenez-vous bien, n’a jamais chanté à l’Opéra de Vienne. Alors, c’est une semaine Bartolimania aussi bien que Rossinimania

 

28 juin
La Cenerentola
(Repr. semi-scénique)
Dir : Gianluca Capuano/ Real.sc. Claudia Blersch
Avec Bartoli, Rocha, Alaimo, Chausson, Coca Loza, Bove, Olvera
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo
Les Musiciens du Prince Monaco

Une réalisation qui a beaucoup tourné, toujours avec le même succès, avec les costumes de l’opéra de Zurich, et une distribution hyper-rodée. Ce devrait être le triomphe mérité habituel avec Capuano au pupitre des excellents Musiciens du Prince-Monaco.

Il Turco in Italia
(3 repr. les 3, 5 et 7 juillet 2022)
Dir : Gianluca Capuano/MeS : Jean-Louis Grinda
Avec Abdrazakov, Bartoli, Alaimo, Banks, Romeo ; Lo Monaco, Astorga
Les Musiciens du Prince-Monaco
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo
La production qui sera créée en janvier à Monte-Carlo est présentée à Vienne pour trois soirs avec une distribution dominée par Cecilia Bartoli et Ildar Abdrazakov, et avec Barry Banks qui n’a pas convaincu à Pesaro.
Aucun souci du côté de l’orchestre, avec Capuano et Les Musiciens du Prince. On sait aussi déjà que la mise en scène de Jean-Louis Grinda ne sera pas révolutionnaire, cela reposera les viennois un peu secoués ces deux dernières années.

Rossini-Gala
8 juillet 2021

Dir : Gianluca Capuano
Les Musiciens du Prince-Monaco
Avec : Bartoli, Abrahamyan, Villazón, Levy-Sekgapane, Corbelli, Abdrazakov

Fin en feu d’artifice rossinien. Faisons confiance à Cecilia Bartoli pour animer la soirée et mettre la salle en délire avec cette brochette de chanteurs et remarquons la présence de Levy-Sekgapane, ténor aux aigus stratosphériques et au timbre lumineux. À suivre.

Voilà une saison aux Premières un peu plus normalisées que la saison dernière, avec des poids lourds du répertoire Barbier, Don Giovanni, Wozzeck, Tristan… Bogdan Roščić poursuit son travail de rafraichissement, voire de nettoyage et il faut reconnaître que cette maison en avait un peu besoin.
L’initiative rossinienne est aussi une excellente opération de communication envers le public viennois, l’impression produite par cette deuxième saison est celle d’une consolidation des principes affichés la saison dernière avec une sorte de rythme normal retrouvé.

Même si elles sont entrées au répertoire, certaines productions 2020, à cause du Covid, n’ont pas encore été vues en public, mais éventuellement en streaming, c’est le cas de Das verratene Meer, de Traviata et de Parsifal, nous les signalons en priorité, et puis il y a des Wiederaufnahmen, des reprises retravaillées (alors que les titres de répertoire ne le sont pas)..

Reprises post Covid de productions réalisées mais non représentées en public

Septembre 2021
Giuseppe Verdi, La Traviata
(Dir. : Nicola Luisotti/Ms : Simon Stone)
Avec Pretty Yende, Ludovic Tézier, Frédéric Antoun…
En ce début de saison, des titres d’appel, dont Falstaff et Tosca, pour réamorcer la pompe et attirer le public et puis la nouvelle production du Barbier de Séville en fin de mois. Ce spectacle est la production parisienne vue à Garnier avec comme à Paris Pretty Yende et Ludovic Tézier, mais avec Frédéric Antoun, nouveau venu en Alfredo. Distribution qui garantit des soirées de haut niveau vocal.
(5 repr. du 5 au 18 Septembre)
Coproduction Opéra de Paris

Septembre 2021
Hans Werner Henze, Das verratene Meer
(Dir.: Simone Young/Ms : Jossi Wieler/Sergio Morabito)
Avec Vera-Lotte Boecker, Bo Skovhus, Josh Lovell…
“La mer trahie”, titre du drame musical de Henze créé à Berlin en 1990 n’est pas le plus connu des opéras de Henze, tiré du roman de Mishima « Le marin rejeté par la mer » de 1963. Désespoir, déchirement face aux valeurs, bouleversement des individus, violence, tous les ingrédients de Mishima sont là, mis en musique par Henze qui a vécu les mêmes déchirements en faisant des choix opposés.
3 repr. les 19, 23, 27 septembre

Décembre 2021
Richard Wagner, Parsifal
(Dir. : Philippe Jordan/Ms : Kirill Serebrennikov)
Avec Brandon Jovanovich, Anja Kampe, Wolfgang Koch, René Pape
Reprise de la mise en scène dont Wanderersite a rendu compte, mais sans Elina Garanča ni Jonas Kaufmann ni Georg Zeppenfeld, mais avec Jovanovich,  Kampe et Pape, ce qui n’est pas si mal non plus. A noter que Wolfgang Koch chante Amfortas ET Klingsor, ce qui va encore accentuer la mise en abyme du travail de Serebrennikov. À voir évidemment, d’autant que la production succède à celle si médiocre d’Alvis Hermanis.
(5 repr. du 12 au 26 déc.)
A noter : avec le Don Giovanni de Kosky qui commence le 5 décembre, les Wanderer du lyrique devront jouer des dates pour combiner une riche virée viennoise car décembre est sans doute le mois le plus adapté à un voyage dans la capitale autrichienne si on y va pour l’Opéra.

Les « Wiederaufnahmnen »
Dans le système de répertoire, il y a des reprises directes, avec très peu de répétitions et puis les « Wiederaufnahmen » qui sont les reprises retravaillées scéniquement et musicalement, en général de productions qu’on n’a pas l’intention de remplacer à court terme.
On va donc retrouver des productions de l’ère précédente et de l’ère Holender, avec de nouvelles distributions et de nouveaux chefs. Il y a neuf reprises retravaillées, et une reprise retravaillée seulement musicalement (Capriccio).

Septembre 2021
Giuseppe Verdi, Falstaff (Dir : Nicola Luisotti/Gianpaolo Bisanti/Ms : Marco Arturo Marelli)
Avec Wolfgang Koch/Gerald Finley, Josh Lovell/Frédéric Antoun, Boris Pinkhasovich, Eleonora Buratto…
Deux chefs italiens solides, dont le second (Bisanti) commence à être invité un peu partout en Europe, et une double distribution plutôt stimulante, notamment les deux Falstaff.
9 repr. (5 en sept 2021) /4 en juin 2022 (du 14 au 24 juin 2022)

 

Novembre 2021
Rihcard Wagner, Der fliegende Holländer (Dir. : Bertrand de Billy/Ms : Christine Mielitz)
Avec Anja Kampe, Bryn Terfel, Eric Cutler, Franz Josef Selig
Production de 2003 (de la période Holender), avec déjà 58 représentations au compteur. Distribution de très haut vol, à peu près ce qui se fait de mieux aujourd’hui.
5 repr. du 17 nov. au 2 déc. 2021

Décembre 2021
Giuseppe Verdi, Don Carlo (ital.) (Dir : Franz Welser Möst/Ms Daniele Abbado)
Avec Ain Anger, Boris Pinkasovitch, Fabio Sartori, Anita Rashvelichvili, Asmik Grigorian
Petite histoire : Franz Welser-Möst revient au pupitre d’une production qu’il a créée en 2012, avant de laisser la fonction de GMD en 2014. La distribution, correcte, vaut surtout par les deux dames, Gubanova et surtout Grigorian, Qui ne devrait pas manquer d’exciter toutes les curiosités des fans.
(4 repr. du 16 au 25 déc. 2021)
Notons qu’avec Parsifal et Don Giovanni, ce Don Carlo est une raison de plus d’un voyage à Vienne en décembre 2021, à vos agendas.

Janvier 2022
Tchaïkovski : La Dame de Pique (Dir. : Valery Gergiev/Ms : Vera Nemirova)
Avec Dmitry Golovnin, Boris Pinkasovitch, Elena Guseva, Olga Borodina
Reprise de la production de 2007, alors créée par Seiji Ozawa qu’on n’a pas vue à Vienne depuis 2015. C’est Valery Gergiev qui sera dans la fosse, voilà donc une reprise alla grande, d’autant que Gergiev est assez rare à Vienne car on ne l’a vu que pour Parsifal en 2019 et Lohengrin en 2020. Belle distribution avecla très intense Elena Guseva en Lisa.
(4 repr. du 21 au 30 janv. 2022)

Britten: Peter Grimes (Dir.: Simone Young/Ms: Christine Mielitz)
Avec Jonas Kaufmann, Sir Bryn Terfel, Lise Davidsen
Reprise de la première production viennoise de l’Opéra de Britten, entré au répertoire en 1996, par une étincelante distribution avec la prise de rôle de Jonas Kaufmann. Cela devrait fortement stimuler le public à voir ou revoir cette œuvre, qui en sera le 26 janvier 2022 à sa 42e représentation à Vienne.
(5 repr. du 26 janvier au 8 février 2022)

Février 2022
Giacomo Puccini : Manon Lescaut (Dir. : Nicola Luisotti/Ms : Robert Carsen)
Avec Asmik Grigorian, Brian Jagde, Boris Pinkasovich.
Se souvient-on que Carsen émergea à l’international par Manon Lescaut à l’Opéra-Bastille tout neuf, en 1991, dans une production venue de l’Opéra des Flandres, qui reste l’une de  ses meilleures. Le solide Nicola Luisotti en fosse, mais vaut évidemment par la Manon de Asmik Grigorian, plus connue pour ses rôles de répertoire germanique du XXe siècle. Grande curiosité …
(5 repr. du 1er au 13 février 2022)

Erich Wolfgang Korngold : Die tote Stadt (Dir. :Thomas Guggeis/Ms: Willy Decker)
Avec Klaus Florian Vogt, Vida Miknevičiūtė, Adrian Eröd, Monika Bohinec
Production de 2004, sous le mandat Holender, pas reprise depuis 2017, ici avec une belle distribution, Vogt, l’un des Paul de référence aujourd’hui, et dans le rôle de Marietta, la voix qui monte, qui vient de triompher à Salzbourg dans Chrysothemis Vida Miknevičiūté. En fosse, Thomas Guggeis, l’un des jeunes chefs remarqués à Berlin autour de Daniel Barenboim. Ce devrait être solide.
(4 repr. du 6 au 14 février 2022)

Gaetano Donizetti : Anna Bolena (Dir.:  Giacomo Sagripanti /Ms : Eric Genovèse)
Avec Erwin Schrott, Diana Damrau, Ekaterina Sementchuk, Pene Patti, Virginie Verrez
Une des productions réussies de l’ère Meyer, il est vrai qu’à la première en 2011, les deux dames étaient Anna Netrebko, déjà star  et Elina Garanča à l’aube de sa gloire. Au pupitre Giacomo Sagripanti, un chef italien qui conduit une belle carrière à l’international. Diana Damrau et Ekaterina Sementchuk ne devraient pas décevoir. À noter le ténor Pene Patti qu’on commence à voir un peu partout.
(3 repr. du 12 au 19 février 2022)

Mai 2022
Modest Mussorgski : Boris Godunov (Dir.: Sebastian Weigle/Ms: Yannis Kokkos)
Avec Ildar Abdrazakov, Vitalij Kowaljow, Dmitry Golovnin, Thomas Ebenstein, Tamuna Gochashvili
Production classique de l’ère Holender (2007). Kokkos avait déjà mis en scène Boris Godunov à Bologne. Distribution solide dominée évidemment par Ildar Abdrazakov.
(5 repr. du 11 au 27 mai 2022)


Reprise musicale
Juin 2022
Richard Strauss : Capriccio (Dir.: Philippe Jordan/Ms : Marco Arturo Marelli)
Avec Maria Bengtsson, Adrian Eröd, Daniel Behle, André Schuen, Christof Fischesser, Michaela Schuster.
C’est une reprise musicale, ce qui signifie que la mise en scène n’est pas retravaillée, il est vrai que la production Marelli qui remonte à 2008 (avant-dernière année de l’ère Holender) est passe-partout et ne nécessite pas forcément d’être revue. À noter que ce fut la première apparition de Philippe Jordan au pupitre de la Wiener Staatsoper. 13 ans après il en est le directeur musical. Distribution équilibrée, et de qualité.
(4 repr.du 20 au 30 juin 2022)

On le constate, tout ce qui est proposé est solide, bien distribué et devrait garantir un haut niveau moyen de représentations. Mais le cœur, l’ADN de ce théâtre est le répertoire, c’est à dire l’alternance serrée de représentations avec peu de répétitions, quelques « guest-stars » et la troupe. On joue pratiquement tous les soirs à Vienne et il y a toujours un opéra à voir, chaque soir différent.
Cependant, la nouvelle direction a limité le nombre de titres à 40, ce qui n’est déjà pas mal et dépasse la plupart des maisons comparables. Voici la liste des titres présentés, en dehors de ceux que nous avons détaillés :

Octobre 2021 :
Otello
L’Incoronazione di Poppea
Eugène Onéguine
Adriana Lecouveeur (Octobre et novembre) (à noter Elina Garanča en princesse de Bouillon)

Novembre 2021 :
Faust (première le 31 octobre)
Nabucco (ce devait être la prise de rôle d’Anna Netrebko en Abigaille, il faudra attendre parce qu’elle a annulé à cause d’une opération d’urgence, il reste Placido Domingo en Nabucco pour la dernière, les autres étant assurées par Amartuvshin Enkhbat) et les Zaccaria du remarquable Roberto Tagliavini, la basse italienne de référence aujourd’hui)
Carmen
L’Elisir d’amore (Novembre, décembre, février, mars)


Décembre 2021 :

Don Pasquale (Décembre 2021, avril, mai 2022)
Tosca (Décembre, février, mars)
Die Fledermaus (Décembre, janvier)

Janvier 2022 :
La Bohème
La Cenerentola
Werther
Macbeth

Février 2022: Voir ci-dessus Wiederaufnahmen

Mars 2022:
Salomé
Die Entführung aus dem Serail
Rigoletto
Wozzeck (mars-avril)

Avril 2022
Der Rosenkavalier
Tristan und Isolde (avril-mai 2022)
Lucia di Lammermoor

Mai 2022
Le nozze di Figaro
Das Rheingold
Die Walküre
Siegfried
Götterdämmerung

Juin 2022
I Puritani
Il Barbiere di Siviglia
Die Zauberflöte

Dans cette liste abondante, on remarque la Tétralogie de Richard Wagner, qui sera donnée deux fois au mois de mai dans la production bien connue de Sven Eric Bechtolf (2007-2008)
Nous donnons les principaux éléments de la distribution
Direction musicale Axel Kober
Avec John Lundgren, Daniel Behle, Monika Bohinec, Jochen Schmeckenbecher, Stuart Skelton, Lise Davidsen, Nina Stemme, Michael Weinius etc…

Cela mérite peut-être un petit voyage.

Vienne qui avait un peu disparu des radars, non pour le niveau musical, toujours haut, mais par les choix de productions et de mises en scène, revient sur le devant de la scène.  Sans proposer des choix d’une originalité marquée, l’Opéra de Vienne propose un choix de nouvelles productions comparables aux théâtres européens de même importance avec des distributions de très haut niveau. En deux saisons même tronquées, on reparle de Vienne et on a vraiment envie d’y découvrir des spectacles.  Donc on ne peut qu’encourager à bien étudier les périodes qui permettront à l’amateur de faire le plein d’opéra et en particulier décembre 2021.

Pour plus de détails, regarder le site très clair de la Wiener Staatsoper (https://www.wiener-staatsoper.at) et notamment la page de tous les titres présentés dans la saison (https://www.wiener-staatsoper.at/spielplan-kartenkauf/werke/)en cliquant sur le titre, vous y découvrirez les distributions notamment pour le répertoire)

Et dans quelques jours sur Wanderersite.com une interview passionnante de Bogdan Roščić, Directeur de l’Opéra de Vienne.

Bogdan Roščić, Directeur de l’Opéra de Vienne ©WienerStaatsoper

 

 

 

 

 

 

WIENER STAATSOPER 2020-2021, NOUVELLE SAISON et NOUVELLE DIRECTION

Haus am Ring

Bogdan Roscic, (venu de Sony Classical) nouveau directeur de l’Opéra de Vienne où il succède à Dominique Meyer, commence son mandat avec une année à surprises motivées par l’épidémie de Covid-19. On ne sait en effet que sera le 6 septembre, jour de l’Ouverture, la situation en termes de circulation du virus, de distanciation sociale, de thérapies, même si les conditions en Autriche ont été moins dramatiques qu’ailleurs en Europe. Chargé de faire souffler un vent nouveau sur l’institution et la programmation, Bogdan Roscic propose effectivement beaucoup de changements, dans beaucoup de continuité aussi.
D’une certaine manière, l’évolution de la Staatsoper de Vienne est comparable – toutes proportions gardées- à celle du Grand Théâtre de Genève, avec les mêmes ingrédients, et une même volonté de changer de logiciel, même si sur le papier cela semble être une révolution. Méfions-nous quand même de la communication triomphaliste…
Des nouvelles productions qui renversent la vapeur, mais dont un certain nombre sont connues parce qu’elles viennent d’ailleurs. C’était attendu et c’était le motto de la nouvelle direction qui faisait fuiter habilement certains noms annonciateurs de crises cardiaques à Vienne, comme Frank Castorf.
Des « Wiederaufnahme » (reprises retravaillées) ou des « Musikalische einstudierungen » (retravail musical) avec des productions sorties du répertoire et qui y entrent de nouveau (Elektra de Kupfer par exemple), c’est en revanche un peu inattendu…
Et le répertoire, parce que dans cette maison on ne peut le changer du jour au lendemain, affiche des masse de granit historiques (Tosca…), et des productions nombreuses de Sven-Eric Bechtolf, c’est à dire une modernité qui-ne-fait-pas-peur  et souvent désolante.
Quelque chose change, c’est sûr, et une institution aussi installée dans l’histoire et la tradition doit le faire sans tout à fait heurter les habitudes…parce qu’à Vienne, les directeurs d’opéra ont souvent valsé, et pas au bal de l’Opéra.

Historiquement, il faut être clair. Vienne est une capitale musicale de premier plan, et la Staatsoper est le navire amiral de la musique à Vienne, c’est une institution énorme, où c’est la musique qui prime sur la scène, et cela a toujours été le cas. Les très grandes productions d’opéra, celles dont on se souvient, celles qu’on aimerait voir et revoir, ne viennent pas de Vienne. Il y a eu des productions qui ont marqué la « Haus am Ring », mais le temps d’une saison et d’un règne, pas sur toute une vie. Même le fameux Rosenkavalier de Otto Schenk, une référence, est plutôt meilleur dans sa version munichoise un peu postérieure. Mais on se souvient de la présence de Karajan, de Bernstein, de Kleiber, d’Abbado, de Muti, de Prêtre, d’Ozawa au pupitre, et plus récemment de Thielemann ou de Rattle. C’est là la force de cette maison, et de cet orchestre qui est le terreau du Philharmonique de Vienne, c’est ce qui fait et qui fera la gloire de Vienne, pas les productions (pas même celles des metteurs en scène que j’aime si dans la fosse il y a un quidam…).
Si l’on veut voir à Vienne des curiosités, ce sont des productions historiques, encore au répertoire, Il Barbiere di Siviglia (Gunther Rennert, depuis 1966, première dirigée par Karl Böhm avec Fritz Wunderlich), Tosca (Margarethe Wallmann depuis 1958, première dirigée par Herbert von Karajan avec Renata Tebaldi en Tosca !), La Bohème de Franco Zeffirelli depuis 1963, copie exacte de celle de la Scala, première dirigée par Herbert von Karajan avec Gianni Raimondi et Mirella Freni (tout comme à la Scala), ou la Salomé de Boleslaw Barlog de 1972, première dirigée par Karl Böhm) et cela ne dérange pas. Pour Bohème et Tosca, on se demande bien ce qu’une nouvelle production pourrait apporter, tant les nouvelles productions de Bohème et Tosca çà et là sont sans intérêt.
Plus important que les productions fétiches citées, ce qui est important à Vienne, c’est le répertoire, c’est la présence de nombreuses reprises qui font que le touriste de passage ou le viennois qui a envie d’entendre un opéra, le puisse pratiquement chaque soir, la plupart du temps (mais pas toujours) dans des conditions plutôt honnêtes et quelquefois pour des soirées musicalement exceptionnelles. Les tentatives de revenir sur le système de répertoire se sont toujours heurtées à l’hostilité du public et de la presse et ont conduit à l’interruption de plusieurs mandats par le passé.

Que cette maison soit celle qui, plus que toute autre en Europe, illustre une certaine histoire de l’opéra, son archive en ligne le montre, qui depuis 1869 retrace beaucoup de soirées avec leur distribution, et depuis 1955 toutes les soirées sans exception, une promenade dans les rêves, les mythes, qui enchante l’amateur d’opéra. Tapez Lilly Lehmann et vous aurez toutes les représentations où elle chanta à Vienne…
Voilà qui fascine ici.

Pour une maison à l’activité aussi énorme, il faut lister les titres pour se faire une idée globale, voici donc les nouvelles productions que nous reverrons point par point pour l’essentiel.

Nouvelles productions (10 et 2 opéras pour enfants):

  • 2020
  • Madama Butterfly (Septembre)
  • Die Entführung aus dem Serail (Octobre)
  • Eugène Onéguine (Octobre)
  • Die Entführung in Zauberreich (Octobre, opéra pour enfants)
  • Das verratene Meer (Décembre)
  • 2021
  • Der Barbier für Kinder (Janvier) adaptation pour enfants de Il barbiere di Siviglia de Rossini
  • Carmen (Février)
  • La Traviata (Mars)
  • Parsifal (Avril)
  • Faust (Avril)
  • L’incoronazione di Poppea (Mai)
  • Macbeth (Juin)

En italique, les productions créées ailleurs.
Hors opéras pour enfants, sur 10 nouvelles productions, seules deux (Parsifal, et Das verratene Meer) sont d’authentiques nouvelles productions…l’imagination ne semble pas vraiment au pouvoir…

Wiederaufnahmen (3 reprises retravaillées) :

  • Elektra
  • Don Carlos (Fr.)
  • Le nozze di Figaro

Musikalische Wiedereinstudierung (1 production retravaillée musicalement)

  • Der Rosenkavalier

Répertoire (26 titres):

  • Simon Boccanegra
  • L’elisir d’amore
  • La Fille du régiment
  • Salomé
  • Don Pasquale
  • Cavalleria/Pagliacci
  • A Midsummer night’s dream
  • Roméo et Juliette
  • Ariadne auf Naxos
  • Arabella
  • Werther
  • La Bohème
  • Tosca
  • Hänsel und Gretel
  • Die Fledermaus
  • Rusalka
  • Nabucco
  • La Cenerentola
  • Don Pasquale
  • Manon
  • Rigoletto
  • Turandot
  • Die Walküre
  • Die Zauberflöte
  • Les contes d’Hoffmann
  • Lohengrin

 

Vienne a eu jusque-là un plus grand nombre de productions de répertoire, à partir de la saison 2020/2021, la Staatsoper sera à peu près dans la bonne moyenne haute des autres théâtres de l’ère germanophone.

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Nouvelles productions

 

Septembre 2020/Janvier 2021/Mars/Avril
Puccini, Madama Butterfly (12 repr.), MeS : Anthony Minghella Dir : Philippe Jordan (sept-janv)/Ramón Tebar (16 janv)/Joana Mallwitz (Mars-Avril) avec :
-sept. : Asmik Grigorian, Freddie De Tommaso, Boris Pinkhasovich
-janvier : Asmik Grigorian, Marcelo Puente, Boris Pinkhasovich
-mars-avril : Hui he, Roberto Alagna, Boris Pinkhasovich
Quelle drôle d’idée ! Non pas d’ouvrir avec Butterfly, mais avec cette production-là. On concède que la production Josef Gielen (Près de 400 représentations depuis la création en 1957 sous la direction de Dimitri Mitropoulos avec Sena Jurinak…) avait vécu depuis longtemps, sans avoir la qualité de la Tosca de Wallmann. Il était temps de la remiser.
Mais au lieu d’ouvrir sur une production maison, ce à quoi on pouvait s’attendre avec une nouvelle équipe de direction, on présente une production née en 2005, dont le metteur en scène est mort il y a douze ans (Anthony Minghella), passée successivement par l’ENO (où elle a été créée), puis le MET, avant d’atterrir à Vienne. Drôle de manière d’annoncer des nouveautés.
Les nouveautés elles sont dans la distribution, avec Asmik Grigorian dans Butterfly, et les deux ténors en alternance qui sont parmi les voix nouvelles intéressantes, Freddie De Tommaso et Marcelo Puente. Dans les reprises de l’année, on retrouvera du plus traditionnel (mais pas moins bon) avec Hui hé et Roberto Alagna, mais sans Jordan puisque c’est la jeune et talentueuse Joana Mallwitz (34 ans) qui dirigera en mars et avril… Un début en mode mineur et c’est dommage. 

Octobre 2020/Juin 2021
W.A.Mozart, Die Entführung aus dem Serail (8 repr.), MeS : Hans Neuenfels, Dir : Antonello Manacorda avec:
– oct: Lisette Oropesa, Regula Mühlemann, Daniel Behle, Michael Laurenz, Goran Juric
– juin : Brenda Rae, Regula Mühlemann, Daniel Behle, Michael Laurenz, Goran Juric
Jolie distribution dominée par Lisette Oropesa, une magnifique Konstanze. Je pense cependant que pour une œuvre aussi inscrite dans le répertoire et dans les gênes de la ville de Vienne où elle a été créée (au Burgtheater), le choix du chef Antonello Manacorda, assez irrégulier, peut surprendre, mais qui sait…
Quant à Neuenfels, qui signe la production, c’est sa deuxième apparition après une production du Prophète pendant la saison 1997-1998. On aurait pu tout aussi bien la reprendre d’ailleurs, puisque Manacorda a dirigé Meyerbeer à Francfort…Au lieu de cela on va chercher une production de Mayence de 1999, qui a même eu les honneurs d’une retransmission télévisée.
Il est vrai en revanche qu’une nouvelle production de Die Entführung aus dem Serail s’imposait vu la désastreuse production précédente (signée  Karin Beier et dirigée par Philippe Jordan, avec Diana Damrau) qui n’a duré que 10 représentations en 2006 (pour un ouvrage du répertoire aussi important, c’est un vrai trou noir).
Il est enfin dommage que la production des Herrmann (1989) créée par Harnoncourt n’ait probablement pas été conservée, parce qu’elle aurait été une reprise intéressante.
Là encore, risquer une nouvelle production maison pour un ouvrage aussi essentiel dans le répertoire de Vienne, n’aurait pas été un contresens.

Octobre-Novembre 2020
P.I.Tchaïkovsky, Eugène Onéguine
(5 repr.), MeS : Dmitry Tcherniakov, Dir : Tomáš Hanus avec Tamuna Gochashvili, Anna Goryachova, Andrè Schuen, Bogdan Volkov, Dmitry Ivashchenko
Dans ce Musée de la production moderne, il fallait évidemment une salle Tcherniakov. Le choix est tombé sur une de ses productions premières montrées en Europe occidentale (Barenboim l’avait déjà invité à Berlin pour Boris et Nagano à Munich pour Khovantchina, Eugène Onéguine, créée au Bolchoï et montrée ensuite à Paris (en 2008…) avec les forces du Bolchoï, dont il existe un DVD. Les viennois verront donc du jeune Tcherniakov, en souhaitant qu’il retravaille sa production. Solide distribution : on est heureux de voir l’excellent Bogdan Volkov dans Lenski.
Surprise du chef : Tomáš Hanus qu’on connaît sur un autre répertoire sera au pupitre. C’est plutôt un bon chef, on attendra donc avec confiance.

Décembre 2020
Hans Werner Henze, Das verratene Meer (4 repr.) MeS: Jossi Wieler & Sergio Morabito, Dir: Simone Young avec Vera Lotte Böcker, Bo Skovhus, Josh Lovell
Création à Vienne de cet opéra rarement proposé, créé à la Deutsche Oper de Berlin en 1990, sur un livret de Hans Ulrich Treichel d’après Le marin rejeté par la mer, de Mishima (1963).
C’est la première production maison de la saison, confiée à Jossi Wieler & Sergio Morabito, une garantie dans le monde de la mise en scène d‘aujourd’hui avec Bo Skovhus toujours impressionnant en scène et la jeune Vera Lotte Böcker qu’on a récemment découverte à la Komische Oper de Berlin dans Frühlingsstürme où elle était vraiment excellente. Dans la fosse, la très solide Simone Young.

Février-mars/mai-juin 2021
Georges Bizet, Carmen (11 repr.) MeS : Calixto Bieito, Dir : Andrés Orozco-Estrada (Février-mars-mai-juin)Alexander Soddy (9 juin) avec
– Février-mars : Anita Rashvelishvili, Charles Castronovo, Erwin Schrott, Olga Kulchynska
– Mai-juin : Michèle Losier, Dmytro Popov, Sergei Kaydalov, Vera-Lotte Böcker
Ne rions pas, après avoir fait le tour du monde de l’opéra depuis plus de 20 ans, la Carmen de Calixto Bieito, qui est même passée par Paris, arrive à Vienne pour remplacer la vieille production de Franco Zeffirelli ; j’y avais vu en son temps Baltsa, Carreras et Ramey, dirigés par Claudio Abbado (en 1990) (Soupir…), ce sera cette année Castronovo et Rashvelishvili, ce qui est bien, et Erwin Schrott, ce qui est moins bien, mais le rôle d’Escamillo-Matamore lui va bien…Au pupitre Andrés Orozco-Estrada, l’actuel directeur musical du Symphonique de Vienne, autrichien d‘origine colombienne, ce qui ne devrait pas être mal.
Enfin gageons que Bieito ne fera même plus peur au public de Vienne, c’est dire…

Mars 2021
Giuseppe Verdi, La Traviata,
(5 repr.) MeS : Simon Stone, Dir : Giacomo Sagripanti avec Pretty Yende, Frédéric Antoun, Igor Golovatenko
Tiens, une mise en scène récent mais bien entendue née ailleurs, la Traviata parisienne signée Simon Stone arrive à Vienne avec ici aussi Pretty Yende dans le rôle-titre et l’excellent Frédéric Antoun en Alfredo. Igor Golovatenko est Germont. Giacomo Sagripanti est pour la première fois dans la fosse viennoise, un chef correct, mais pour une  nouvelle Traviata à Vienne, d’autres chefs ne convenaient-ils pas mieux ?
La production de Simon Stone succède à celle de Jean-François Sivadier, vue aussi à Aix, qui n’était pas si médiocre et qui en valait bien d’autres, d’autant que la production de Simon Stone ne vaut pas cet excès d’honneur, ce n’est pas l’une de ses meilleures créations. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Oui sans doute si on veut montrer à tous prix que la dernière actualité de la scène moderne arrive à Vienne. Inutile.
Voir: http://wanderersite.com/2019/09/le-bucher-des-vanites/

Avril 2021
Richard Wagner, Parsifal (4 repr.) MeS Kirill Serebrennikov, Dir: Philippe Jordan avec Jonas Kaufmann, Elina Garanča, Wolfgang Koch, Georg Zeppenfeld, Ludovic Tézier
Deuxième authentique production maison qui remplace la très récente production d’Alvis Hermanis (12 représentations depuis 2017) d’une œuvre qui il faut bien le dire, était l’objet chaque année de distributions très solides et souvent de chefs remarquables. Quelle raison peut justifier le retrait au bout de si peu de temps? Peut-être sa qualité discutable, peut-être les déclarations d’Hermanis, politiquement très peu correctes, qui ont singulièrement freiné sa carrière ces dernières années. mais ce sont des conjectures. (Et un grand merci au lecteur qui m’a rappelé que la production Mielitz, médiocre, avait été retirée en 2017).
Parsifal est donc un symbole, et c’est Philippe Jordan qui en assurera la direction. Il ne pouvait en être autrement à partir du moment où il y a un directeur musical dans la maison.
C’est Kirill Serebrennikov qui en assurera la mise en scène, mais sa situation en Russie impose la présence d’un dramaturge qui est Sergio Morabito. D’autres théâtres ont fait ainsi travailler Serebrennikov par personne interposée, et le message pacifique de Parsifal convient à la situation difficile à laquelle il doit faire face.
Une distribution hors normes, pour quatre représentations seulement où ce sera la ruée, avec deux prises de rôle, Ludovic Tézier, en Amfortas, deviendra-t-il le lointain successeur d’Ernest Blanc ? Et Elina Garanča aborde Kundry face au Parsifal de Jonas Kaufmann, au Gurnemanz de Georg Zeppenfeld, et au Klingsor de Wolfgang Koch, remarquables tous, voire exceptionnels mais moins nouveaux dans ces rôles.
Une distribution de feu. C’est la production à ne rater sous aucun, mais aucun prétexte.

Mai 2021
Charles Gounod, Faust
(4 repr.) MeS: Frank Castorf Dir: Bertrand de Billy avec Juan Diego Flórez, Adam Palka, Nicole Car, Boris Prygl
Castorf à l’opéra de Vienne !! je présume que des défibrillateurs supplémentaires seront installés dans la salle pour soigner les crises cardiaques.
Pour faire au mieux, on devrait souhaiter que le Burgtheater accueille le Faust de Goethe du même Castorf, pour établir un discours cohérent entre ces deux Häuser am Ring…
La production est connue, elle vient de Stuttgart et Wanderersite en a rendu compte, c’est évidemment une production d’une prodigieuse intelligence, qui travaille sur le mythe de Faust dans un contexte français et parisien (stupéfiant décor de Alexander Denić) .
C’est Bertrand de Billy qui dirige, on espère qu’il connaît la production et c’est Juan Diego Flórez et Nicole Car qui chantent Faust et Marguerite, ce qui nous garantit un chant impeccable. Bien heureusement, c’est le seul survivant de Stuttgart, Adam Palka, qui reprend Mephisto, où il avait été totalement bluffant. Wanderer y sera, peut-il en être autrement ?
Voir: http://wanderersite.com/2016/11/f-comme-faust-f-comme-france/

Mai-juin 2021
Claudio
Monteverdi, L’incoronazione di Poppea (5 repr.) MeS : Jan Lauwers, Dir: Pablo Heras Casado avec Kate Lindsey, Slávka Zámečniková, Xavier Sabata, Christina Bock, Willard White, Vera-Lotte Böcker.
Autre production importée, cette fois de Salzbourg où elle a été présentée en 2018 avec William Christie en fosse. On y retrouve Kate Lindsey entourée du remarquable Xavier Sabata, de Willard White  notamment. La production fortement marquée par le corps, qui souligne où illustre les sentiments et attitudes des personnages avait été assez bien accueillie à Salzbourg, même si certains l’avaient vertement critiquée. Dans la fosse, Pablo Heras Casado  aborde un répertoire où on l’entend très peu, mais la direction de Willima Chrisite avait été critiquée à Salzbourg. Raison de plus pour faire le voyage.

Juin 2021
Giuseppe Verdi, Macbeth,
(6 repr.), MeS Barrie Kosky, Dir: Philippe Jordan avec Luca Salsi, Roberto Tagliavini, Martina Serafin, Freddie De Tommaso
Si la distribution est loin de me convaincre pour les deux protagonistes, car Macbeth exige bien plus que deux grandes voix, et Luca Salsi n’a pas vraiment la subtilité exigée pour un rôle où se sont illustrés un Bruson ou un Cappuccilli. Un Tézier aurait été bienvenu. Quant à Serafin, dans le répertoire italien…(soupir…). Reste Tagliavini, excellent, et Freddie De Tommaso, la voix de ténor émergente qu’on va voir partout. La manière de distribuer le répertoire italien lourd (comme le Macbeth de Verdi) me laisse quand même quelquefois rêveur hors d’Italie, notamment pour ce genre d’œuvre.
Jordan dans la fosse, cela montre aussi l’importance accordée à cette dernière production de la saison…
Car et c’est là le point fort, ce Macbeth venu de Zurich est simplement la plus belle mise en scène de Macbeth de Verdi qu’on ait vu depuis Strehler. Barrie Kosky fait un Macbeth noir, avec un espace de jeu de quatre m2, éclairé, un drame à deux où les deux protagonistes se meuvent et s’étouffent. Un des plus beaux spectacles de ces dernières années, à voir absolument si on l’a raté à Zurich, où le rapport scène salle était idéal.
Voir: http://wanderersite.com/2018/10/les-corbeaux-volent-la-ou-est-la-charogne/

 

Wiederaufnahmen (Reprises retravaillées)

 

Septembre 2020/Juin 2021
Richard Strauss, Elektra (7 repr.), MeS: Harry Kupfer, Dir: Franz Welser-Möst /Alexander Soddy (19 & 22 sept) avec
Septembre: Ricarda Merbeth, Doris Soffel, Camilla Nylund, Derek Welton
Juin: Ausrine Stundyte, Michaela Schuster, Camilla Nylund, Derek Welton

On est évidemment curieux d’entendre Ausrine Stundyte (on connaît l’Elektra de Merbeth)qui devrait mieux lui convenir que Salomé – du moins pour mon goût. Belle distribution, avec Nylund et Doris Soffel, et l’Orest de Derek Welton ne devrait pas décevoir non plus.
Franz Welser-Möst pour son grand retour à Vienne dans une de ses œuvres fétiches, mais surtout le retour (après l’intermède raté Uwe-Eric Laufenberg) de la très belle production de Harry Kupfer, violente et glaciale, créée par Claudio Abbado en 1989, une des rares productions de Kupfer au répertoire de Vienne. Comme le grand metteur en scène vient de disparaître, ce sera aussi un hommage. Par chance, la production n’a pas été détruite. Une excellente initiative.

 

Septembre-Octobre 2020
Giuseppe Verdi, Don Carlos (version originale)
(5 repr), MeS: Peter Konwitschny Dir: Bertrand de Billy avec Jonas Kaufmann, Ildar Abdrazakov, Igor Golovatenko, Eve-Maud Hubeaux, Malin Byström, Roberto Scandiuzzi
Autre belle initiative, la reprise de ce Don Carlos spectaculaire, qui se déroule sur scène, en salle, dans les corridors, avec son ballet délirant et si juste « le rêve petit bourgeois d’Eboli » . D’une part, la production Peter Konwitschny est cohérente et sans concessions, d’autre part elle rend justice au grand opéra spectaculaire. En fosse, Bertrand de Billy et une distribution rompue à cette œuvre (à part Golovatenko…on rêverait là aussi Tézier) où il y a certes  Kaufmann (magnifique dans Carlos) et Byström, mais on remarque en Eboli celle qui à Lyon nous avait tant plu, Eve-Maud Hubeaux, qui entre à Vienne « alla grande », avec le Grand Inquisiteur de Lyon, Roberto Scandiuzzi et le Philippe II de Ildar Abdrazakov, qui le chantait à Paris.

Janvier-Février 2021
W.A. Mozart: Le nozze di Figaro
(5 repr.) MeS: Jean-Pierre Ponnelle (reprise par Grischa Asagaroff) Dir: Philippe Jordan avec Andrè Schuen, Federica Lombardi, Louise Alder, Philippe Sly, Virginie Verrez
On devrait conserver les productions Ponnelle qui circulent encore précieusement, tant elles ne vieillissent pas, avec leurs images magnifiques et leur élégance intrinsèque. Certes, aujourd’hui, la mode est à la trilogie Da Ponte confiée à un seul metteur en scène mais je ne suis pas si sûr que ce soit une idée géniale de notre théâtre contemporain. Il fait donc accueillir ce retour de Ponnelle à Vienne avec une joie sans mélange. Philippe Jordan dans la fosse retrouvera Mozart dans la ville où le compositeur vécut, et où il créa Le nozze di Figaro. Distribution qui ne me convainc pas où l’on entendra cependant avec plaisir l’Almaviva Andrè Schuen, originaire du Sud Tyrol (italien) mais d’origine ni germanophone ni italophone, mais ladine (la langue des Grisons, troisième langue du Sud-Tyrol) que les spectateurs d’Angers ont déjà entendu.

 

 

Musikalische Neueinstudierung (reprise musicale)

 

Décembre 2020/juin 2021
Richard Strauss, Der Rosenkavalier
( 7 repr.) MeS: Otto Schenk. Dir: Philippe Jordan avec

  • Décembre : Krassimira Stoyanova, Günther Groissböck, Daniela Sindram, Jochen Schmechenbecker, Erin Morley, Piotr Beczala
  • Juin : Martina Serafin, Albert Pesendörfer, Adrian Eröd, Jennifer Holloway, Louise Alder, Freddie De Tommaso.

Voilà une œuvre fétiche de l’opéra de Vienne, voilà une mise en scène historique de la maison (Otto Schenk, 1968, antérieure à sa production munichoise et un peu moins de 400 représentations) créée en fosse par Leonard Bernstein, voilà aussi la dernière production d’opéra dirigée par Carlos Kleiber… un monument en somme.
Le directeur musical ne peut faire autrement que la diriger, d’autant que Philippe Jordan est un bon straussien et qu’il n’e l’a dirigée que deux fois à Paris, une fois sous Mortier, et une fois sous Lissner.
Il est légitime qu’il retravaille la lecture avec l’orchestre et qu’il « créée des habitudes » dans une œuvre rebattue pour l’orchestre de la Staatsoper et reprise presque chaque année au répertoire.
En décembre, il dirigera un cast excellent  (Krassimira Stoyanova, Günther Groissböck, Daniela Sindram, Jochen Schmechenbecker) avec le chanteur italien de Piotr Beczala, un peu moins excitant en juin (Martina Serafin, Albert Pesendörfer, Adrian Eröd, Jennifer Holloway, Louise Alder, Freddie De Tommaso).
Il n’importe, Rosenkavalier à Vienne c’est un « Hausoper », un opéra qui est chez lui. Il s’agit donc d’un enjeu fort pour le directeur musical.

 

 

Chefs engagés :

Philippe Jordan, Directeur musical : Parsifal, Der Rosenkavalier, Madame Butterfly, Le nozze di Figaro, Macbeth

Bertrand de Billy : Don Carlos, Faust, Tosca, Werther, Ariadne auf Naxos
Giacomo Sagripanti : La Traviata, L’Elisir d’amore, La Fille du régiment
Pablo Heras Casado: L’incoronazione di Poppea
Antonello Manacorda : Die Entführung auf dem Serail
Franz Welser-Möst : Elektra
Alexander Soddy : Elektra, Carmen, Salomé
Ramón Tebar: Madama Butterfly
Joana Mallwitz: Madame Butterfly
Simone Young: Das verratene Meer, A Midsummer Night’s Dream
Sebastian Weigle: Arabella
Christian Thielemann: Ariadne auf Naxos
Andrés Orozco-Estrada: Carmen
Marco Armiliato: Cavalleria Rusticana – I Pagliacci, Don Pasquale
Cornelius Meister: Die Fledermaus, Hänsel und Gretel, Lohengrin
Adam Fischer: Die Walküre, Die Zauberflöte
Tomáš Hanus: Eugène Onéguine, Rusalka
Stefano Montanari: Il barbiere di Siviglia
Eun Sun Kim: La Bohème
Gianluca Capuano: La Cenerentola
Axel Kober, Les contes d’Hoffmann
Evelino Pidò: Manon, Roméo et Juliette, Simon Boccanegra
Paolo Carignani: Nabucco, Rigoletto
Pier Giorgio Morandi: Tosca
Giampaolo Bisanti: Turandot

On le voit, parmi les chefs engagés, on remarque quelques chefs de premier plan, comme Christian Thielemann et le retour de deux chefs qui avaient rompu de manière spectaculaire avec Dominique Meyer, Franz Welser-Möst l’ex-GMD de l’Opéra de Vienne et Bertrand de Billy, ce dernier très sollicité, dirigeant trois opéras français, Ariadne auf Naxos une longue série de Tosca, l’une des reprises importantes de l’année, comme on va le voir.

Pour le reste, on remarque quelques noms intéressants comme Gianluca Capuano (La Cenerentola), Cornelius Meister (qui dirige trois productions dont un Lohengrin de fin de saison, Andrés Orozco-Estrada, qui succède à Philippe Jordan à la tête du Wiener Symphoniker (c’est une courtoisie normale que d’inviter le voisin) Sebastian Weigle à qui est confié Arabella. Stefano Montanari, nouveau venu à Vienne pour il Barbiere di Siviglia, nouveau également Giacomo Sagripanti, invité tout septembre pour diriger L’Elisir d’amore et La Fille du régiment .
Dans le regard sur le répertoire, nous avons relevé une sélection de titres qui pourraient être intéressants.

Novembre 2020/Mars 2021
Richard Strauss, Ariadne auf Naxos
(7 repr.) MeS Sven-Eric Bechtolf, Dir : Christian Thielemann (Novembre), Bertrand de Billy (Mars) avec
– Novembre : Camilla Nylund, Jennifer Holloway, Stephen Gould, Erin Morley
– Mars : Lise Davidsen, Angela Brower, Brandon Jovanovich, Erin Morley
Christian Thielemann, adoré à Vienne, revient pour Strauss, un de ses compositeurs de prédilection pour une petite série d’Ariadne auf Naxos en novembre. En mars, ce sera Bertrand de Billy, décidément très sollicité dans cette saison.
Les deux distributions, très différentes, sont vraiment d’un (très bon) niveau comparable, avec dans l’une la très belle primadonna de Camilla Nylund, et en mars la présence de Lise Davidsen, entendue dans ce rôle à Aix. Mise en scène de Sven Eric Bechtolf, rien à dire.

Décembre 2020/Janv-Fév 2021/Mai 2021
Giacomo Puccini, Tosca
(12 repr.) MeS: Margarethe Wallmann, Dir: Bertrand de Billy (déc.)Pier Giorgio Morandi (Janv-fév-mai)
Qu’il soit entendu que Tosca à Vienne doit être vu une fois par tout visiteur, c’est une production muséale (1958) et Dominique Meyer avait pris soin de faire restaurer les productions les plus anciennes. Qu’il soit aussi entendu qu’avec 12 représentations, c’est une production alimentaire, avec un prix d’appel, la présence d’Anna Netrebko pour les trois premières (au-delà ce serait hasardeux) avec Monsieur…Dès la quatrième, c’est au tour de l’excellente Saioa Hernandez, qui ne chantera cette saison qu’une représentation.
Décembre : Anna Netrebko/Saioa Hernandez, Yusif Eyvazof, Wolfgang Koch
Janv-Février : Sonya Yoncheva, Roberto Alagna, Alexey Markov
Mai : Anja Harteros, Massimo Giordano, Luca Salsi
On a là une palette de possibilités selon les goûts, avec quatre Tosca qui sont des grands noms (Netrebko, Harteros), des petits noms (Yoncheva) un véritable espoir (Hernandez), palette de ténors aussi desquels on retiendra Alagna évidemment, et Giordano en l’espérant plus en forme qu’à Lyon, et trois Scarpia de choix, Koch pour l’intelligence, Markov pour l’élégance, Salsi pour la grosse voix, mais pour rien d’autre tant il n’a pas le profil pour le personnage. Bref, en douze représentations, une sorte de voyage dans les possibles pour Tosca.

Décembre 2020
Jules Massenet, Werther
, (4 repr.) MeS : Andrei Serban, Dir : Bertrand de Billy avec Piotr Beczala, Gaelle Arquez, Daniela Fally, Clemens Unterreiner.
Andrei Serban fut dans les années 1990 un exemple de metteur en scène ébouriffé. Il s’est coiffé depuis et représente une sage modernité aux yeux du très conservateur Opéra de Vienne. D’où plusieurs productions de répertoire, jouées assez souvent, comme ce Werther qui remonte à 2005 et repris plusieurs dizaines de fois depuis. Intérêt de cette reprise, la présence de Bertrand de Billy en fosse, mais surtout de Piotr Beczala, un Werther exemplaire et Gaelle Arquez en Charlotte.

Janvier 2021
Antonín Dvořák, Rusalka
(4 repr.) MeS : Sven-Eric Bechtolf Dir : Tomáš Hanus avec Piotr Beczala, Elena Zhidkova, Kristine Opolais etc…Bechtolf, la fausse modernité et le vrai conformisme, directeur du théâtre au Festival de Salzbourg jusqu’à 2016. Ce n’est pas de la mise en scène que vient l’intérêt mais du chef, pleinement dans son répertoire, voire une référence, et une belle distribution, avec Opolais, Zhidkova, deux bêtes de scène, et Beczala, moins bête de scène, mais lui aussi référence dans ce type de rôle.

Avril 2021
Wagner, Die Walküre
(4 repr.), MeS Sven-Eric Bechtolf, Dir : Adam Fischer avec Andreas Schager, Mika Kares, Günther Groissböck, Camilla Nylund, Martina Serafin.
Là où Walküre passe…le wagnérien fait halte. Avril sera un mois wagnérien à Vienne avec ce Parsifal exceptionnel dont on a parlé et cette Walküre. En arrangeant son emploi du temps, on peut voir la dernière de Parsifal (11 avril) et la première de Die Walküre (14 avril). Adam Fischer est un chef solide, qui fréquente le Ring depuis des décennies, la mise en scène de Bechtolf est attendue, c’est à dire sans intérêt, et la distribution entre Schager, Kares, Groissböck et Nylund est plutôt très flatteuse. Il reste que je me demande ce qu’on continue de trouver à Martina Serafin.

Juin 2021
Richard Wagner, Lohengrin
(4 repr) MeS : Andreas Homoki, Dir : Cornelius Meister avec Kwangchul Youn, Klaus Florian Vogt, Sara Jakubiak, Tanja Ariane Baumgartner, Adrian Eröd.
Continuons la promenade wagnerienne. La production de Homoki, qu’on voit aussi à Zürich est faite pour les amateurs de Dirndl et culottes de peau, la direction de Cornelius Meister ne devrait pas être négligeable, la distribution solide mais pas exceptionnelle, même avec Vogt, le Lohengrin de ce début de XXIe siècle. Vous pouvez combiner avec l’autre production de Zurich, le Macbeth miraculeux de Kosky, qui est présenté dans la même période. Cela vous fera du Zurich sur Danube.

Mai 2021
Jacques Offenbach, Les contes d’Hoffmann
(5 repr.), MeS : Andrei Serban, Dir : Axel Kober avec Juan Diego Flórez, Sabine Devieilhe, Miche!le Losier, Erwin Schrott etc…
Andrei Serban, production de 1993, qui a sans doute épuisé ce qu’elle avait à dire. Axel Kober, bon chef, mais surprenant dans ce répertoire qui n’est pas le sien. Enfin dans la distribution, à part Erwin Schrott qui dans ce rôle (Lindorf etc..) c’est à dire le méchant, en fera des tonnes. On note Michèle Losier dans la Muse, Sabine Devieilhe en Olympia et Juan Diego Flórez dans Hoffmann, celui qui fut le plus grand chanteur pour Rossini et le répertoire romantique à la faveur de l’âge se lance dans le répertoire fin XIXe, Werther, Faust et Hoffmann…soit. L’intelligence, le phrasé, la technique restent… et on l’aime.

 

Conclusion :
Au-delà du souhait que la saison se réalise complètement et dès septembre, c’est une saison un peu bizarre, qui semble une manière de dire : « c’est le changement », en s’appuyant sur une dizaine de productions de metteurs en scène d’aujourd’hui, comme un défilé muséal de mises en scènes contemporaines (enfin pas toutes, parce que certaines sont de vieux souvenirs), de metteurs en scène qui souvent jamais n’ont travaillé dans la maison. Donc c’est la carte de visite d’un futur qu’on espère plus original, plus inventif et moins « conforme » (dans l’autre sens…). Avec Vienne, dernier bastion d’un théâtre plutôt traditionnel, qui rentre dans l’ordre moderne, le « mortierisme » se sera installé dans tous les grands théâtres d’opéra d’Europe occidentale ou peu s’en faut. Mais c’est un faux mortierisme, parce que Gérard Mortier était un intellectuel et un vrai créateur dans son ordre. Ici, on a de la gestion de productions achetées ou louées ailleurs. Le panier de la ménagère, c’est possible une saison mais pas deux. Vienne devra ou bien aller plus loin et se montrer créatif et simplement plus intelligent, ou bien le spectateur verra le même style partout et la routine s’installera.
Du point de vue musical, on est à Vienne et des chefs invités stimulants sont attendus. Vienne est pour moi d’abord un Opéra pour grands chanteurs et grands chefs : grands chanteurs cette année ? Un peu mais pas trop, et quand même pas mal de jeunes artistes qui commencent la carrière et qui vont se faire entendre, ce qui est positif. Grands chefs d’aujourd’hui ? Un peu mais vraiment pas trop. L’impression est celle d’un « plan plan » un peu plus coloré que précédemment, mais pas fondamentalement différent avec d’autres noms d’une qualité comparable. Sans doute la nouvelle direction procède-t-elle prudemment, à l’instar d’un Aviel Cahn à Genève, mais Aviel Cahn a un projet lisible et affirmé, ici il ne l’est pas encore, sinon par l’effet d’annonce : mais à vouloir s’afficher moderne, on arrive à faire sourire : reprendre après 20 ans et une douzaine de théâtres la fameuse Carmen de Bieito, c’est touchant dans la volonté de se montrer risque-tout (on pouvait en dire de même quand cette Carmen a été montrée à Paris). Il valait mieux garder la vieille production Zeffirelli…
Évidemment, d’un point de vue économique avec deux seules vraies nouvelles productions d’opéra sur une dizaine, c’est plutôt de bonne gestion.
En fait, à part la production de Parsifal, vraiment exceptionnelle, les bonnes idées on les trouve dans les reprises de vieilles (et excellentes) productions de la maison, L’Elektra de Kupfer, créée par Claudio Abbado en 1989 et reprise jusqu’à 2012, Le nozze di Figaro de Ponnelle (243 représentations de 1977 à 2010) une production que personne n’a oubliée, d’une suprême élégance, et l’intelligent et spectaculaire Don Carlos de Peter Konwitschny (2004), dont la dernière reprise remonte à 2013. Il reste qu’on aura par ailleurs plaisir à (re)voir le Kosky, le Tcherniakov, le Lauwers etc…Car ces considérations n’empêchent pas les productions présentées d’être intéressantes, mais comme elles sont connues et appréciées, c’est autant de risque que l’équipe de Vienne ne prend pas, Attendons la saison suivante pour nous faire une idée plus précise du nouveau cours que prend cette vénérable maison.

SUR LE NON RENOUVELLEMENT DE DOMINIQUE MEYER À VIENNE

Dominique Meyer
Dominique Meyer

À la grande surprise de tous, Dominique Meyer, dont le contrat arrivait à échéance en 2020, n’a pas été renouvelé par le ministre de la culture autrichien Thomas Drozda qui lui a préféré Bogdan Roscic, en lui donnant la mission de créer un Staatsoper 4.0 et d’ouvrir au contemporain.
Le fait qu’en 2020 Dominique Meyer arrivera à 65 ans n’est pas pertinent dans un monde où la retraite n’existe pas (voir Alexander Pereira à la Scala ou d’autres), mais néanmoins, si le ministre reste libre de ses choix, après 10 ans d’un mandat Meyer très positif pour la fréquentation de la maison et sans crises, on pouvait penser que le premier étranger non germanique à diriger l’Opéra le plus important du monde par la production et la popularité méritait largement une prolongation de contrat. On ne change pas une équipe qui gagne.
On peut évidemment discuter les choix stratégiques d’une programmation plutôt sage, et visant à garantir une qualité moyenne constante de haut niveau, c’est à dire consolider le fameux système de répertoire (environ 50 productions différentes sur 300 représentations annuelles). On doit aussi à Dominique Meyer une politique très active en matière de ballet, confié à Manuel Legris et son mandat a marqué une relation très cordiale avec l’orchestre, qui est le creuset du Philharmonique de Vienne.
Dominique Meyer est populaire et a su cultiver à la fois un sens peu commun de la relation avec le public, très ouvert, très familier, voire familial et une proximité inhabituelle, mais il a su aussi montrer qu’au-delà du manager, il était d’abord un amateur d’opéra, un mélomane passionné qui avait en la matière le même passé de ceux qui faisaient la queue sous les arcades de la Staatsoper, lui qui a passé de longues nuits devant Garnier pendant les années 70.
En somme, Meyer a fait des choix qui ont évité la polémique, très active à Vienne : les directeurs et GMD victimes de cabales sont fréquents : l’opéra à Vienne est en Autriche une institution énorme, et le choix de son directeur est une affaire nationale.

Face à cette solidité et ce classicisme, qui vont bien avec une maison relativement conservatrice et un public qui tient comme à la prunelle de ses yeux au système de répertoire, le ministre de la culture a choisi le management industriel, le directeur de Sony Classical, sans doute fasciné par l’exemple du MET, dont le manager, Peter Gelb, vient aussi du monde de Sony.
Ainsi, et tel que je vois le sens de cette nomination, le ministre Thomas Drozda répond à une question qui ne se pose pas à Vienne : le paysage musical de la capitale autrichienne est stabilisé largement avec les temples de la tradition que sont la Staatsoper et le Musikverein, et les autres théâtres et salles de concert, en premier lieu le Theater an der Wien qui est l’autre opéra dont la niche est la recherche de la modernité et la mode, notamment en matière de mise en scène, mais aussi par exemple Wien Modern, fondé par Claudio Abbado lorsqu’il était GMD de l’opéra. Il y en a à Vienne pour tous les goûts.
Faire de la Staatsoper une Staatsoper 4.0 est un slogan, qui procède du marketing du moment. Une maison qui affiche quasiment complet 300 jours par an n’a pas vraiment besoin de slogans. C’est une attitude à la Knock que de vouloir soigner un malade en excellente santé et cela s’appelle du charlatanisme. Et donc aucune motivation artistique à nommer un manager de l’industrie du classique, qui n’a jamais dirigé de théâtre sinon peut-être une manœuvre politique qui consiste à placer là de nouveau un autrichien (né à Belgrade au temps de la Yougoslavie), pour se parer eu égard à l’avenir politique éventuel du pays, et sans doute un homme de réseau.
Le bilan mitigé de Peter Gelb au MET, qui a essayé de faire respirer une maison au public particulièrement fossilisé et qui fond comme neige, est un avertissement. Et la situation du MET n’a rien à voir avec Vienne, dont la musique classique fait partie des gènes, au contraire de New York la polymorphe. C’est, me semble-t-il, une lecture superficielle de la situation et une nomination fashion sans véritable visée stratégique car les annonces faites sur les caractères du projet m’apparaissent plus procéder du marketing que d’une authentique réflexion de politique artistique.
Il reste qu’il y a dans certains théâtres européens un vrai problème d’image et de public, Paris a un problème de public, la Scala a un problème de public et ce sont des questions qui tiennent tout autant à des politiques de prix excessifs (au rapport qualité/prix discutable) qu’à des politiques artistiques peut-être mal ciblées. Tout cela ne vise pas Vienne, qui a des prix élevés mais un public assez captif et un nombre important de places populaires debout, une vraie tradition à Vienne qu’on avait essayé d’introduire à Paris sous Gérard Mortier, mais que l’équipe imbécile qui lui avait succédé avait préféré supprimer.
J’estime donc cette nomination injustifiée, et je suis très triste pour l’ami Dominique. Je le dis d’autant plus librement que je ne suis pas un spectateur assidu de Vienne et que je ne partage pas toujours les options esthétiques affichées à la Staatsoper. Mais je suis en colère: de telles nominations peu justifiées et dictées par d’autres motivations qu’artistiques ne me disent rien qui vaille pour l’avenir de l’opéra, mon art de prédilection et plus généralement l’avenir de la culture.[wpsr_facebook]

 Bogdan Roscic©SN/APA/HERBERT NEUBAUER
Bogdan Roscic©SN/APA/HERBERT NEUBAUER

 

LES SAISONS 2016-2017 (8): WIENER STAATSOPER

Un ballo in maschera Prod De Bosio ©WienerStaatsoper
Un ballo in maschera Prod De Bosio ©WienerStaatsoper

Comment dans une succession de textes sur la présentation des saisons lyriques échapper à la salle la plus symbolique du monde, celle aux levers de rideau les plus nombreux, celle sans doute dont l’histoire (depuis 150 ans au moins) est la plus riche, où ont défilé Mahler, Karajan, Abbado (non sans difficultés d’ailleurs pour les uns comme pour les autres), celle dont les murs suent la mémoire la plus glorieuse de l’art lyrique. Il y a sans doute dans les salles européennes des fleurs qui font traditionnellement plus rêver (La Scala par exemple), mais sous les fleurs, il y a un terreau, et le terreau, c’est sans conteste Vienne, resté en permanence un lieu de référence.
Car dans le paysage des salles d’opéra, Vienne reste un mystère, car alors que les publics évoluent partout, que des théâtres comparables (le MET par exemple) affichent une crise de fréquentation sans précédent, Vienne affiche des taux de remplissage à faire pâlir d’envie Peter Gelb (Manager du MET) et ses collègues, et ce, sans GMD depuis la démission brutale, voire violente de Franz Welser-Möst, sans productions scandaleuses qui attirent par l’odeur du souffre, et au fond, sans faire parler de soi, sinon par des aventures loufoques comme le retard d’entrée en scène d’Angela Gheorghiu que les mauvaises langues attribuent au succès trop délirant de Jonas Kaufmann, dans une Tosca dont tout le monde a parlé, au moins le petit monde du lyrique, une production âgée de 59 ans, créée par Karajan, signée Margherita Walmann, qui continue à faire les beaux soirs du répertoire viennois et qui doit en être pas loin de sa 600ème
Car le secret de Vienne – si secret il y a- ce ne sont pas ses « nouvelles productions », dont finalement on parle peu, ce sont ses 300 soirées, du 1er septembre au 30 juin, de ballet et d’opéra, ses 50 ou 60 titres annuels, et son orchestre, qui selon les occasions s’appelle Orchestre de la Wiener Staatsoper ou Wiener Philharmoniker. Cet orchestre envié, un groupe à géométrie variable, doit être dans la fosse pendant que les Wiener Philharmoniker, les mêmes, sont en tournée à Shanghaï ou ailleurs, ce qui suppose un planning serré, et plusieurs configurations. Ce qui fait dire aussi aux amateurs qu’il y a un orchestre A, B, ou C et ce qui fait circuler les plus plaisantes histoires sur les remplacements des musiciens par le fils du concierge. Plaisanterie que tout cela, dirait Dominique Meyer, le premier directeur « étranger » à la tête d’une institution au budget confortable, et tellement nationale que le directeur de l’Opéra est aussi célèbre qu’un ministre (sinon plus) et qu’il vit sous le regard d’une presse qui a toujours près d’elle (c’est sa réputation) son sac de peaux de bananes sur lesquelles ont trébuché bien des chefs ou des directeurs.
Ce qui fait Vienne, c’est son système de répertoire – il est ici exploité au maximum – de réserves de productions, montées et démontées en permanence (il suffit de passer derrière la Staatsoper pour voir les camions livrer), peu de répétitions des œuvres au quotidien, à l’exception des nouvelles productions ou des Wiederaufnahmen, les reprises retravaillées, où même quelquefois on fait revenir le metteur en scène (quand il est encore vivant) et où on rafraîchit les décors. C’est ce système qui, mis en cause par certains au nom du niveau artistique, leur a coûté leur place ou au moins de sérieuses sueurs froides, c’est ce système dont Abbado et Drese au départ voulaient la peau, et qui finalement a eu la leur, au sens où les successeurs Holaender et Wächter ont affiché leur attachement très viennois à la tradition immuable de la maison. Avec l’évolution technologique nécessaire, Vienne fonctionne à peu près comme il y a 50 ans, comme il y a 100 ans, comme il y a 150 ans.
Et c’est ce qu’a bien compris Dominique Meyer, dont le soin le plus important consiste à maintenir un niveau artistique moyen des représentations de répertoire défendable, à proposer ça et là des soirées ou ses séries avec des stars qui vont occasionner les queues légendaires pour les Stehplätze, les places debout : celui qui écrit a passé quelques nuits de sa pauvre vie en SDF du lyrique, emmitouflé dans un sac de couchage en plein hiver glacial, ou quelquefois en automne un peu plus doux : Ainsi, à mon époque – je parle des années 80 du siècle dernier – Vienne affichait José Carreras, qui était adulé, la queue pouvait atteindre un ou deux tours du bâtiment. Vienne c’est aussi le petit groupe de fans qui attend systématiquement les chanteurs pour les autographes à la sortie des artistes, une tout petite porte côté Kärtnerstrasse, où j’ai attendu Jones, Bernstein, Nilsson, Caballé, Domingo, Baltsa et d’autres.

Salomé (Prod.Barlog) ©WienerStaatsoper
Salomé (Prod.Barlog) ©WienerStaatsoper

Quand on parle de Vienne, il faut rappeler ces rituels, ce public à la fois connaisseur et fidèle, très traditionnel et hyper musical. Le public de Vienne n’est pas accroc aux productions (sinon, il n’y aurait plus depuis belle lurette la Tosca de Wallmann ou la Salomé de Boleslaw Barlog (autre monument à la poussière, de 1972, plus récent de 15 ans cependant), mais il est très difficile sur les chanteurs et soucieux des chefs, tout en ayant, comme celui de la Scala d’alors, ses têtes, mais pas les mêmes. Quand Kleiber est venu pour ses derniers Rosenkavalier en 1994, c’était un événement incroyable à voir et à vivre.
Enfin c’est un théâtre qui a gardé ses places debout, qui les préserve même car elles sont un symbole local fort, et pas seulement les place de Stehparterre, à l’endroit le meilleur de la salle, au fond du parterre, à l’acoustique enviable, mais aussi ses places debout de galerie, sur les côtés, sans visibilité ou presque. Il y en a au total plus de 500. Munich a le même culte des places debout – elles sont même à Munich numérotées, pas à Vienne (peut-être le sont elles aujourd’hui ?) En tous cas, à mon époque, c’était la course à la meilleure place : si était dans les 100 premiers de la queue, on achetait son billet, on courait, on se précipitait au Stehparterre, on allait se placer du mieux possible, on faisait un nœud à son écharpe ou son mouchoir attaché à la rambarde pour montrer que la place était occupée, et on allait enfin s’asseoir et boire un café en attendant la représentation. Une vraie culture, que Paris aurait pu faire naître pour un public populaire de jeunes, mais à laquelle il a renoncé, grâce à Nicolas Joel qui a entériné leur suppression (il est vrai que c’était Mortier qui les avait créées, ce qui suffisait sans doute à les condamner). Les places debout, cela veut dire que si vous avez envie d’entendre pour une somme dérisoire l’opéra du soir quel qu’il soit, vous pouvez entrer. J’ai ainsi vu Turandot (Eva Marton- Maazel), Samson et Dalila (Domingo Baltsa Prêtre), Tosca – moi aussi j’y ai eu droit- mais avec Rysanek, Milnes, Carreras, Barbier de Séville, avec Baltsa, et un concert hallucinant, pas d’autre mot, pour l’équivalent de 15 francs de l’époque qui célébrait l’ouverture de la cité des Nations Unies, avec – je peux montrer encore le programme à ceux qui douteraient, Ruza Baldani, Leonie Rysanek, Montserrat Caballé, Birgit Nilsson, Siegfried Jerusalem, René Kollo, José Carreras, Placido Domingo, Piero Cappuccilli, Agnès Baltsa, Sonia Ghazarian, Sherill Milnes, Edita Gruberova, Ruggero Raimondi, Gianfranco Cecchele, Kurt Rydl…
Vienne, c’est ce passé là, c’est une maison qui ne peut être confondue avec le reste des maisons d’opéra, et son programme se regarde avec les nouvelles productions, mais aussi les reprises et le répertoire car on risquerait de perdre la soirée d’opéra de l’année, qui se cache derrière la 588ème Tosca ou la 421ème Bohème (Zeffirelli, 1963, la copie de la production de la Scala).
Sans la question du répertoire, on ne peut lire le travail artistique de Dominique Meyer. Certes, il n’est pas très favorable au Regietheater ni à la mise en scène dramaturgique ou aux « lectures » à la Castorf. Mais une nouvelle production pour Vienne signifie rester à l’affiche une dizaine d’années au minimum et l’expérience montre que certains travaux très contemporains vieillissent très vite. Le répertoire est plutôt l’ennemi des modes, car il faut que les productions à la fois tiennent le coup esthétiquement mais aussi dramatiquement, car le petit nombre de répétitions lors des reprises est l’ennemi de mises en scène trop complexes pour le cas de changements de distribution.
La saison 2016-2017, c’est donc 55 titres différents, dont 5 nouvelles productions seulement (moins qu’en 2015-2016) , mais dont trois titres « lourds »  Parsifal, Il Trovatore, Falstaff,et deux beaucoup plus rares pour Vienne, Armide de Gluck (pour la première fois à Vienne dans la version française et la dernière reprise de la version italienne remonte à 1892) et Pelléas et Mélisande (plus représenté depuis 1991, après 14 représentations distribuées entre 1988 et 991 de la fameuse et sublime mise en scène d’Antoine Vitez).
Même si Munich se rapproche du nombre de titres proposés en un an (Munich est sans doute le théâtre qui se rapproche le plus du modèle viennois), il reste que 55 opéras différents est un record qui demande en terme de logistique, d’organisation technique, de planning et de gestion des distributions des personnels rompus à l’exercice, et surtout une troupe solide d’où émergent de ci de là de futures vedettes, être en troupe à Vienne est un atout pour tout jeune chanteur : notre Natalie Dessay y fut par exemple dans les années 90.

On comprend que dans ces conditions, la « politique artistique » de l’opéra de Vienne soit particulière et d’abord musicale : il s’agit d’assurer un cast solide à chacune des soirées d’opéra), et quelquefois des stars, de garantir la venue de chefs prestigieux quelquefois dans l’année, mais il y a aussi des soirées où la question du chef n’est pas essentielle. Les nouvelles productions devant, comme je l’ai souligné plus, être durables.

Nous allons donc procéder de manière légèrement différente : il ne saurait être question de faire défiler et commenter les 55 titres, nous nous limiterons donc à la liste des titres par auteur : le lecteur y a droit, ne serait-ce que pour mesurer ce qui éloigne Vienne de toutes les autres salle, à la liste des nouvelles productions et des reprises avec disctribution et chefs qui vaudraient le voyage.
De plus le voyageur mélomane trouvera toujours un concert intéressant au Konzerthaus (une très belle salle, moins connue que le fameux Musikverein) ou justement au Musikverein, à trois minutes à pied de l’opéra, mais pourra aller aussi au Theater an der Wien, l’autre salle, en tous points opposée à la Staatsoper, de système stagione, pour des opéras plus (ou moins) rares dans des mises en scènes plus « ouvertes », dans une salle historique (Die Zauberflöte y fut créé) aux dimensions plus réduites. Chaque institution a sa fonction : dans l’une la tradition et l’offre délirante, dans l’autre la « modernité » et une offre restreinte. Sans compter sur la Volksoper, l’opéra populaire en allemand, avec son culte de l’opérette et les quelques autres théâtres musicaux.
Mais le touriste germanophone pourra aussi errer dans les nombreux théâtres de la ville, dont le premier d’entre eux, le Burgtheater, trône comme l’opéra sur le Ring, le boulevard circulaire qui enserre la vieille ville, à quelques centaines de mètres de la Staatsoper (la Haus am Ring, « maison » sur le Ring), en face de l’hôtel de Ville néo-gothique. Autrement dit, tout voyage à Vienne se prépare avec tous les programmes des théâtres et des salles de concert, pour être optimisé.

Les titres proposés (en gras et marqués NP, les nouvelles productions):

BEETHOVEN, Ludwig v. :
(1) Fidelio (Mai/juin 2017)

BELLINI, Vincenzo :
(2) La Sonnambula (Janvier 2017)

 BIZET, Georges :
(3) Carmen (Septembre 2016)

BRITTEN, Benjamin :
(4) Peter Grimes (Décembre 2016)

CHOSTAKOVITCH, Dimitri:
(5) Lady Macbeth de Mzensk (Avril/mai 2017)1

 DEBUSSY Claude :
(6) Pelléas et Mélisande (NP) (Juin 2017)

DONIZETTI, Gaetano :
(7) L’Elisir d’amore (Déc.2016-février 2017-juin 2017)
(8) La Fille du régiment (Septembre 2016)
(9) Don Pasquale (Oct.2016-juin 2017)

GLUCK, Christoph Willibald :
(10) Armide (NP) (Oct.2016)

GOUNOD, Charles :
(11) Faust (Mars 2017)
(12) Roméo et Juliette (Janv./Fév.2017)

 HAENDEL, Georg Friedrich :
(13) Alcina (Octobre 2016)

HUMPERDINCK, Engelbert :
(14) Haensel und Gretel (Déc. 2016/Janv.2017)

JANÁČEK, Leos :
(15) Katjá Kabanová (Avril 2017)

KORNGOLD, Erich Wolfgang :
(16) Die tote Stadt (Janvier 2017)

MASSENET, Jules :
(17) Manon (Novembre 2016)
(18) Werther (Mars/avril 2017)

 MOZART, Wolfgang Amadé :
(19) Die Zauberflöte (Décembre 2016)
(20) Die Zauberflöte für Kinder (Février 2017) (pour les enfants)
(21) Le Nozze di Figaro (Oct.2016/avril-mai 2017)
(22) Don Giovanni (Janvier 2017-mars 2017)

PUCCINI, Giacomo :
(23) Madama Butterfly (Septembre 2016)
(24) La Bohème (Novembre 2016)
(25) La Fanciulla del West (Nov./Déc.2016 – Janvier 2017)
(26) Tosca (Oct.2016 – Janvier/fév.2017 – Mai 2017)
(27) Turandot (Sept.2016- Fév./mars 2017)

REIMANN, Aribert :
(28) Medea (Avril 2017)

ROSSINI, Gioacchino :
(29) Il barbiere di Siviglia (Nov./Déc. 2016)
(30) La Cenerentola (Novembre 2016)
(31) L’italiana in Algeri (Mars/avril 2017)

STRAUß, Johann :
(32)Die Fledermaus (Décembre 2016/janvier 2017)

STRAUSS, Richard :
(33) Arabella (Mars 2017)
(34) Der Rosenkavalier (Mai/juin 2017)
(35) Elektra (Juin 2017)
(36) Salomé (Sept.2016 -Janvier/Févr.2017)

TCHAÏKOVSKI, Piotr Ilitch :
(37) Eugène Onéguine (Mai 2017)

VERDI Giuseppe :
(38) Aida (Sept/Oct 2016)
(39) Simon Boccanegra (Sept/oct.2016)
(40) La Traviata (Nov/déc.2016)
(41) Macbeth (Décembre 2016)
(42) Falstaff (NP) (Décembre 2016)
(43) Nabucco (Février 2017)
(44) Il Trovatore (NP) (Février 2017)
(45) Otello (Février 2017)
(46) Un ballo in maschera (Avril 2017)
(47) Don Carlo (Juin 2017)
(48) Rigoletto (Juin 2017)

WAGNER Richard :
(49) Lohengrin (Sept.2016)
(50) Tristan und Isolde (Mars 2017)
Der Ring des Nibelungen :
(51) Das Rheingold (Avril/mai 2017)
(52) Die Walküre(Mai 2017)
(53) Siegfried (Mai 2017)
(54) Die Götterdämmerung (Mai/juin 2017)
(55) Parsifal (NP) (Mars/avril 2017)

 

Quelques remarques sur cette liste impressionnante :

  • D’une part, et c’est l’effet Meyer, c’est une liste de titres assez diversifiés. Certes on trouve beaucoup de Verdi et de Wagner (dont le Ring) en nombre, qui restent un fond de commerce essentiel dans le système de répertoire, ainsi que l’essentiel de Puccini, mais aussi bien Mozart que Strauss, sur lesquels cette maison a aussi construit sa gloire sont présents sans être en nombre important. En revanche, on trouve des auteurs assez divers (Korngold, Massenet, Chostakovitch, Tchaïkovski, Britten, Janáček, Reimann) et donc une palette de titres assez large, même si les œuvres plus contemporaines (Reimann excepté) restent absentes.
  • Fidelio (Prod.Schenk) ©WienerStaatsoper
    Fidelio (Prod.Schenk) ©WienerStaatsoper

    On retrouve des productions anciennes, qui ont marqué cette maison, et notamment Madama Butterfly (1957 !) de Josef Gielen, Carmen (1978) et La Bohème (1963) de Zeffirelli, la fameuse Tosca de Wallman (1958), Der Rosenkavalier (1968), Fidelio (1970) et Die Fledermaus (1979) d’Otto Schenk, Salomé (1972) de Boleslaw Barlog, L’Italiana in Algeri (1987) de Jean-Pierre Ponnelle (reprise de la Scala) ou Il Barbiere di Siviglia (1966, retravaillée en 1986 et 2006) de Günther Rennert. Même si le lecteur connaît mon goût pour le Regietheater et un théâtre très contemporain, je défends le maintien au répertoire de certaines mises en scène qui témoignent d’une époque, pour des titres où souvent les nouvelles productions n’inventent rien de plus (combien de La Bohème inutiles et répétitives : quand on a Zeffirelli au répertoire, et cette réussite là, autant la conserver !) et c’est la même chose pour les productions d’Otto Schenk, ou la Tosca. Il y a de grandes mises en scène qui n’ont pas d’âge car elles marquent une sorte de permanence, une sorte de manière de faire presque immémoriale qui a marqué les mémoires. Très honnêtement, entre la production de Tosca de Luc Bondy (2009) qu’on a vu sur toutes les scènes et celle de Wallmann (1958) créée par Karajan et Tebaldi, il n’y a pas d’abyssales différences. En revanche, il serait peut-être temps de mettre au musée après 60 ans de bons et loyaux services la Butterfly de Josef Gielen (créée sous la baguette de Dimitri Mitropoulos…en 1957)

  • Peu de productions « révolutionnaires » ou marquantes, mais essentiellement de la grande série, modernisante ou non, comme Marco Arturo Marelli, Christine Mielitz, Gianfranco De Bosio, Nicolas Joel, Sven Eric Bechtolf, Daniele Abbado, Matthias Hartmann, avec certains metteurs en scène pour mon goût plus discutables comme Günter Krämer ou Uwe Erik Laufenberg, les plus ouvertes des productions sont signées Andreas Homoki, Jürgen Flimm, Andrei Serban, Irina Brook, Adrian Noble, Peter Stein, Falk Richter, Jean-François Sivadier, Willy Decker ou Caurier/Leiser, André Engel et Jean-Louis Martinoty, avec d’ailleurs des fortunes diverses.
  • A ces titres il faut rajouter les soirées de ballet (incluses dans les 300 soirées): Dominique Meyer en arrivant à Vienne avait emmené Manuel Legris dans ses bagages, pour redonner du lustre à cette école historique de la danse classique.

Ainsi, les nouvelles productions 2016-2017 sont :

ARMIDE de C.W.Gluck : 5 représentations du 5 au 29 octobre 2016
La première des Premières de la saison 2016-2017, qui est une vraie Première puisque l’œuvre n’a jamais été représentée en français à Vienne, confiée à la baguette de Marc Minkowski (qui dirigera aussi Alcina de Haendel pendant la même période) avec une distribution où la remarquable Gaëlle Arquez sera Armide, tandis que Stanislas de Barbeyrac sera Renaud. Ils seront entourés de Paolo Rumetz, Gabriel Bermúdez, baryton et le ténor Jinxu Xiahou, qui sont membres de la troupe.
Je ne suis pas un grand fan de Marc Minkowski, mais c’est un spécialiste reconnu de ce répertoire ; j’ai encore plus de réserves sur le choix d’Ivan Alexandre à la mise en scène : c’est un très bon journaliste musical, mais ce que j’ai vu de lui (Hippolyte et Aricie, Orphée et Eurydice) est certes élégant voire esthétisant, mais est loin de m’avoir convaincu au niveau dramaturgique, il sera entouré du décorateur Pierre André Weitz, et de Bertrand Killy aux lumières tous deux compagnons de route d’Olivier Py.

FALSTAFF, de G.Verdi : 5 représentations du 4 au 15 décembre 2016
Curieusement le chef d’œuvre de Verdi fait son apparition à Vienne grâce à Karajan en 1957, c’est ensuite Bernstein qui dirige la production suivante (Luchino Visconti). En 1980, c’est Georg Solti qui dirige la production de Filippo Sanjust, restée au répertoire jusqu’en 1993 (et dirigée alors par Ozawa). Une dernière production (Marelli) née en 2003 dont la dernière représentation remonte à 2011 et depuis, aucune représentation de Falstaff, ce qui du moins  confirme que l’opéra de Verdi n’est pas vraiment un opéra de répertoire, nécessaire chaque année mais exige un chef et des protagonistes de toute première importance.
C’est le choix fait pour cette nouvelle production qui s’imposait. Zubin Mehta, un des derniers grands verdiens, un des chefs d’envergure de ce temps pour l’opéra, montera au pupitre, tandis que David McVicar signera la production, dont on peut attendre une modernité sans risque, mais un travail solide. Pas de risque non plus dans la distribution où Ambrogio Maestri qui promène son Falstaff dans le monde entier sera donc de nouveau Falstaff, face au Ford de Ludovic Tézier et au Fenton de l’excellent Paolo Fanale, distribution masculine exceptionnelle, tandis que du côté féminin Alice Ford sera Carmen Giannatasio, avec la Ms Quickly désopilante (et de référence) de Marie-Nicole Lemieux. Une nouvelle production au vrai relief.

IL TROVATORE, de G.Verdi : 5 représentations du 5 au 18 février 2017
De 1963 à 1991, c’est la production Karajan (décors de Teo Otto) qui reste au répertoire, et la suivante (dont la première est dirigée par Zubin Mehta) est confiée au hongrois Istvan Szábó, dont la dernière remonte à 2001. On est quelquefois surpris de voir que des titres qui semblent être des piliers du répertoire ne sont pas si fréquents à Vienne.
Une nouvelle production s’impose donc, et c’est à Daniele Abbado qu’elle est confiée, qui a aussi signé la production actuelle de Don Carlo (vers.it). Daniele Abbado, bon connaisseur de Verdi (il a de qui tenir), est un artiste de qualité, qui jusqu’ici n’a rien produit de mémorable, mais qui conçoit  des spectacles bien faits qui ne dérangent pas le public. Exactement le type de spectacle qui peut durer. La direction musicale est assurée par Marco Armiliato, un bon chef de répertoire, et la distribution comprend Ludovic Tézier dans Luna, Roberto Alagna dans Manrico, Anna Netrebko dans Leonora, et Luciana d’Intino dans Azucena. Avec pareil quatuor, le public viendra, et c’est l’essentiel. Il reste qu’artistiquement cette production n’est pas vraiment excitante pour mon goût. Quand retrouvera-t-on dans les générations plus jeunes des chefs incontestables pour Verdi et, plus difficile encore, des metteurs en scène marquants ?

PARSIFAL, de R.Wagner, 6 représentations du 30 mars au 16 avril 2017
La production de 2004 de Christine Mielitz a fait semble-t-il son temps après un peu moins de 50 représentations, la précédente née en 1979 (d’August Everding) en avait eu 74. Sans doute Dominique Meyer tient-il pendant son mandat a proposer une nouvelle production, qu’il a confiée à Alvis Hermanis, bien connu désormais, d’un modernisme modéré, mais qui a su déchaîner les passions à Paris pour sa Damnation de Faust martienne. Gageons que son Parsifal passera la rampe sans notables réactions (sinon sans doute les hueurs traditionnels lors des Premières), comme ses Soldaten ou son Gawain à Salzbourg. Son théâtre ne m’intéresse pas vraiment, mais c’est musicalement que la production m’apparaît sans doute plus intéressante, puisque Semyon Bychkov dirigera l’orchestre – un très bon chef – et que la distribution comprend Nina Stemme (Kundry), Christopher Ventris (Parsifal), Hans Peter König (Gurnemanz) et Gerald Finley (Amfortas), une distribution qui attirera évidemment la gent wagnéro-stemmolâtre, puisque la cantatrice suédoise se confrontera à ce rôle symbolique entre tous. Nul doute que les réseaux sociaux en feront non un opéra de Wagner, mais un concerto pour Stemme et tutti.

PELLÉAS ET MÉLISANDE, de Cl.Debussy, 5 représentations du 18 au 30 juin 2017
Depuis longtemps, sans doute depuis la production Martinoty-Haitink du théâtre des Champs Elysées, Dominique Meyer méditait un Pelléas et Mélisande à Vienne,  puisque la dernière représentation remontait à 1991 à Vienne. Peu de productions du chef d’œuvre de Debussy à Vienne, mais quels chefs : Bruno Walter pour l’entrée au répertoire en 1911 (en allemand), Karajan pour la première grande reprise et production (de Karajan lui-même) en 1962 (entre deux, une tournée de l’opéra de Cologne pour 1 représentation en 1928 et 3 représentations en 1946 à la sortie de la guerre, sans doute financée par la France, avec Roger Désormières au pupitre et Irène Joachim en Mélisande), et de 1988 à 1991 Claudio Abbado et Antoine Vitez, production des adieux à la Scala (1986) qu’Abbado avait fait venir à Vienne (14 représentations) et qui ira ensuite à Londres en 1993 (après la mort de Vitez).
La direction musicale est confiée à Alain Altinoglu (qui dirige l’œuvre dans les prochains jours -8 mai 2016- à Zürich), avec une distribution non francophone, qui ne doit pas étonner : pourquoi toujours confier à des français un tel chef d’œuvre, il faut au contraire que les chanteurs non francophones puissent s’en emparer : ainsi Benjamin Bruns, qu’on sait excellent, sera Pelléas, et la jeune Olga Bezsmertna, membre de la troupe, sera Mélisande, tandis que Golaud sera Simon Keenlyside après avoir été un inoubliable Pelléas (que j’avais vu à Genève) Arkel sera le grand Franz-Josef Selig et Geneviève, Bernarda Fink.
C’est la question de la mise en scène qui me paraît plus que décevante. Voilà une œuvre qui a Vienne a été défendue par des grands, voire des légendes. Aller chercher Marco Arturo Marelli, certes un habitué de Vienne (11 productions depuis les années 90), mais un metteur en scène sans génie ni sans grand intérêt me paraît problématique : une œuvre aussi importante si peu représentée à Vienne avait besoin d’un grand metteur en scène d’aujourd’hui. Ou alors, puisque c’est la mode (à Lyon, à Salzbourg Pâques) de remonter des productions disparues, pourquoi ne pas avoir repris la production Vitez, qui avait seulement 14 représentations à Vienne, qui est sans doute la plus belle production de cet opéra depuis une quarantaine d’années. Des décors peints sur toile, peu d’éléments construits ou lourds, et surtout Yannis Kokkos le décorateur est encore bien vivant ainsi que Lorenzo Mariani, qui l’avait reprise à Londres après la mort de Vitez et qui n’est pas l’un des pires metteurs en scène italiens. Quel manager de théâtre osera remettre cette production dans le circuit d’aujourd’hui, qui est non seulement une magnifique production, et qui surtout, j’en suis sûr pour l’avoir vue quatre fois, n’est pas de ces productions qui vieillissent, parce qu’elle est d’abord évocatoire et poétique. Enfin, cela permettrait de rappeler qui était Vitez, un peu oublié aujourd’hui du public et de la critique alors qu’il a été essentiel dans la vie du théâtre en France. Dans un théâtre qui fait survivre des productions de 60 ans d’âge, on peut imaginer que celle là, qui en a la moitié, n’a été représentée que 14 fois à Vienne, aurait mérité qu’on s’en souvienne.

Avant de clore cette très longue présentation, mais Vienne le mérite, quelques représentations ou distributions à voir dans les reprises de répertoire en 2016-2017 : chaque représentation (ou presque) comprend un motif d’intérêt, mais certaines sont plus stimulantes que d’autres :

 

DER RING DES NIBELUNGEN de R.Wagner
Deux cycles complets du Ring entre le 30 avril et le 3 juin, dans la mise en scène sans génie ni excès de Sven Erik Bechtolf, dirigé par Peter Schneider, dont la réputation chez les wagnériens est souvent injuste, tant il a sauvé de spectacles à Bayreuth et ailleurs, dont le Tristan de Marthaler et dont le Ring de Solti à partir de 1984: c’est un chef remarquable, un Kapellmeister solide de toute confiance.
La distribution évidemment attire:
Bryn Terfel (Wotan) Okka von der Damerau (Erda) Mihoko Fujimura (Fricka) Ain Anger/Yongmin Park(Hunding), Robert Dean Smith (Siegmund), Camilla Nylund (Sieglinde). Stefan Vinke (Siegfried) Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Mime) Jochen Schmeckenbecher (Alberich), Falk Struckman (Hagen), Waltraud Meier (Waltraute) et Brünnhilde sera Petra Lang, qui sait être remarquable les bons soirs…
Ceux qui n’ont pas entendu Bryn Terfel doivent faire le voyage, tant son Wotan est extraordinaire, et puis Waltraud Meier, même pour vingt minutes, est toujours un cadeau.

LOHENGRIN, de R.Wagner, 4 représentations du 5 au 18 septembre 2016
La mise en scène « bavaroise » de Andreas Homoki que se partagent Vienne et Zürich, sous la direction de Yannick Nézet Séguin (pour les trois premières représentations, la quatrième étant dirigée par Graeme jenkins) est incontestablement digne d’intérêt, d’autant qu’elle est portée par Klaus Florian Vogt, irremplaçable dans Lohengrin, et Ricarda Merbeth (Elsa), Petra Lang (Ortrud), Günther Groissböck (Heinrich der Vogler), Tomasz Koniezcny (Telramund); même s’il est à craindre plus un concours de décibels que d’ineffables raffinements du côté des dames, les messieurs constituent un trio de choix…Mais ici, c’est vraiment le chef canadien qui excite la curiosité.

Der Rosenkavalier (Prod.Schenk) ©WienerStaatsoper
Der Rosenkavalier (Prod.Schenk) ©WienerStaatsoper

DER ROSENKAVALIER, de R.Strauss, 5 représentations du 23 mai au 3 juin 2017
L’occasion de voir la version viennoise de la mise en scène d’Otto Schenk (celle de Munich est différente) et de découvrir le jeune chef autrichien Sascha Goetzel que Dominique Meyer distribue relativement fréquemment. En l’absence de Franz Welser Möst, il y a peu de chefs autrichiens et il est intéressant de connaître la nouvelle génération. Une distribution carrée et solide, Angela Denoke (Marschallin), Sophie Koch (Octavian), Daniela Fally (Sophie) Peter Rose (Ochs).

DIE TOTE STADT, de E.W.Korngold, 4 représentations en janvier du 9 au 20 janvier 2017.
Sans considération pour le chef ou la distribution, il faudrait aller à toutes les représentations proposées par les théâtres de ce répertoire ou de ces auteurs que la période nazie a détruits, et Die tote Stadt est l’une de ces œuvres clefs de la période, au succès phénoménal d’ailleurs dès sa création en 1920.
Pour la reprise viennoise, la curiosité devrait être stimulée par le chef, Mikko Franck, qu’on connaît bien désormais, et par une distribution magnifique : Camilla Nylund (Marietta..), Klaus Florian Vogt (Paul), Adrian Eröd (Frank/Fritz..) . La production est signée Willy Decker, garantie d’intelligence.

Don Carlo (Prod D.Abbado) ©WienerStaatsoper
Don Carlo (Prod D.Abbado) ©WienerStaatsoper

DON CARLO, de G.Verdi, 4 représentations du 2 au 21 juin 2017
La production passe partout de Daniele Abbado (la production locale de Don Carlos en version française de Peter Konwitschny est plus forte) est reprise sous la direction de Myung-Whun Chung, assez rare à l’opéra et donc intéressant, dans une distribution très solide, indispensable pour l’ouvrage de Verdi : Ferruccio Furlanetto sera Filippo II. La basse italienne est toujours passionnante dans ce rôle, et mérite le détour, Ramón Vargas Don Carlo, Placido Domingo sera Rodrigo, la suavité de son timbre devrait faire merveille dans ce rôle d’une humanité déchirante. Krassimira Stoyanova sera Elisabetta et Elena Zhidkova Eboli, deux voix somptueuses. Gageons qu’il ne sera pas facile d’avoir des places, à cause de Placido.

DON GIOVANNI, de W.A.Mozart, les 23, 26, 29 janvier et les 2, 5, 9 mars 2017
Deux distributions très différentes de janvier à mars; plus jeune (s’appuyant sur la troupe) en mars,  le tout dirigé par l’excellent Adam Fischer, un des chefs les plus réguliers et les plus solides des grands chefs d’opéra, dans la production de Jean-Louis Martinoty, à qui Dominique Meyer avait confié deux grands Mozart dès son entrée en fonction.
– En janvier, Simon Keenlyside (Don Giovanni), Irina Lungu (Donna Anna), Benjamin Bruns (Don Ottavio), Dorothea Röschmann (Donna Elvira) et Erwin Schrott (Leporello)
– En mars, Adam Plachetka (Don Giovanni), pur produit de la maison, découvert à partir d’un remplacement et fait une jolie  carrière depuis, Albina Shagimuratova (Donna Anna), Saimir Pirgu (Don Ottavio), Olga Bezsmertna (Donna Elvira) et Jongmin Park (Leporello).
Un Mozart à Vienne s’impose évidemment.

ELEKTRA, de R.Strauss, 3 représentations les 19, 23, 26 juin 2017
L’excellent chef Michael Boder, trop peu connu du public (il fut pourtant directeur musical du Liceo de Barcelone) reprend la mise en scène assez critiquée de Uwe Eric Laufenberg. Stemmolâtres et Meierolâtres au rendez-vous avec une Chrysothemis issue de la troupe, nouvelle venue sur le marché (étroit) des Chrysothémis, Regine Hangler et l’Orest du vétéran Alan Held.

Fidelio (Prod.Schenk) ©WienerStaatsoper
Fidelio (Prod.Schenk) ©WienerStaatsoper

FIDELIO de L.v.Beethoven, 4 représentations du 24 mai au 2 juin 2017
La mise en scène vénérable d’Otto Schenk avec au pupitre le talentueux Cornelius Meister, et sur la scène Albert Dohmen (Pizzaro), Peter Seiffert (Florestan), Camille Nylund (Leonore), Günther Groissböck (Rocco). Ce devrait être intéressant si vous passez par Vienne à ce moment.

KÁTJA KABANOVÁ, de L.Janáček 4 représentations du 18 au 27 avril
La belle mise en scène d’André Engel, la direction musicale idiomatique de Tomáš Netopil avec une distribution enviable dominée par Angela Denoke et avec toujours, la magnifique Jane Henschel dans Kabanicha, et Misha Didyk dans Boris. Une reprise stimulante.

La Fanciulla del West (Prod.Marelli) ©WienerStaatsoper
La Fanciulla del West (Prod.Marelli) ©WienerStaatsoper

LA FANCIULLA DEL WEST, de G.Puccini, 4 représentations du 27 novembre au 6 décembre 2016, et 4 représentations du 11 au 21 janvier 2017
La mise en scène de Marco Arturo Marelli, et, en 2016, la direction de Mikko Franck avec Eva Maria Westbroek, Tomasz Koniezcny et José Cura tandis qu’en janvier 2017 ce sera une autre équipe, Marco Armiliato au pupitre, Emily Magee, Andezej Dobber et Aleksandr Antonenko.

LADY MACBETH DE MZENSK, de D.Chostakovitch, du 22 avril au 3 mai 2017
C’est moins la mise en scène de Matthias Hartmann qui est ici digne d’intérêt que la direction d‘Ingo Metzmacher qui se fera la main à Vienne avant de commencer les répétitions munichoises, avec Eva-Maria Westbroek, Wolfgang Bankl et Brandon Jovanovich.

MEDEA, d’A.Reimann, 4 représentations du 7 au 19 avril 2017
Michael Boder dirige, Marco Arturo Marelli met en scène et Marlis Petersen et Adrian Eröd sont Medea et Jason pour cette reprise de l’opéra créé à Vienne avec succès en 2010. Le seul opéra contemporain de la saison.

PETER GRIMES de B.Britten, 4 représentations du 13 au 21 décembre 2016.
La mise en scène de Christine Mielitz (Moui), la direction musicale de Graeme Jenkins et la passionnante distribution dominée par le Peter Grimes de Stephen Gould, l’Ellen Orford d’Elza van der Heever, et le Balstrode de Brian Mullighan

ROMÉO ET JULIETTE, de Ch.Gounod, 4 représentations du 22 janvier au 1er févrierL’increvable Placido Domingo dans la fosse comme chef de ce Roméo et Juliette (mise en scène intéressante de Jürgen Flimm) avec la jeune et prometteuse Aida Garifullina en Juliette aux côtés du Roméo de Juan Diego Flórez en train de basculer du bel canto au post romantisme. Il suffit de prononcer Domingo/Florez pour que la queue des places debout se forme déjà…

Tosca (Prod.Wallman) ©WienerStaatsoper
Tosca (Prod.Wallman) ©WienerStaatsoper

TOSCA, de G.Puccini, du 7 au 13 oct 2016, du 31 janv.au 3 février, du 5 au 11 mai 2017
De l’art de remplir la salle à coup sûr toute l’année, un jour pour Tosca, un autre pour le chef, un troisième pour Mario…
Octobre : Mikko Franck (dir.mus), Anja Harteros, Jorge de Leon, Marco Vratogna
Janv/févr : Placido Domingo (dir.mus), Adrianne Pieczonka, Aleksandr Antonenko, Thomas Hampson
Mai : Eivind Gullberg Jensen (dir.mus), Jonas Kaufmann, Angela Gheorghiu, Marco Vratogna

Sans commentaires…

TRISTAN UND ISOLDE, de R.Wagner, 3 représentations du 12 au 19 mars 2017
La production de David McVicar, sans histoires ni problèmes, et même esthétique, la direction de Mikko Franck, que Dominique Meyer apprécie, et une distribution solide à la Bayreuth (encore mieux peut-être ?), avec Petra Lang en Isolde (elle sera entrée dans la ronde depuis son apparition estivale à Bayreuth), Sophie Koch en Brangäne, Stephen Gould en Tristan, Matthias Goerne en Kurwenal et Kwangchul Youn en Marke.

WERTHER de J.Massenet du 26 mars au 3 avril 2017 (4 représentations)
La mise en scène un peu vieillie d’Andrei Serban, Frédéric Chaslin au pupitre qu’on voit plus à Vienne qu’en France, et une rareté, la version pour baryton qui voit Ludovic Tézier en Werther, Sophie Koch en Charlotte et Adrian Eröd en Albert. Belle distribution. Vraie curiosité pour le public viennois qui a vu depuis 1986 tous les grands ténors défiler dans le rôle, mais pas un seul baryton.
Et aussi…
Un Elisir d’amore avec Rolando Villazon et Bryn Terfel dirigé par Guillermo Garcia Calvo, un Eugène Onéguine avec Pavol Breslik et Christopher Maltman, dans la belle mise en scène de Falk Richter et sous la direction du très bon Patrick Lange, une Cenerentola avec Pertusi, mais aussi les excellents Alessio Arduini et Maxim Mironov, une Fille du régiment avec notre Julie Fuchs (et Pido’ dans la fosse), une Sonnambula avec Daniela Fally, Luca Pisaroni et Juan Diego Flórez, le tout dirigé par Guillermo Garcia Calvo., une Traviata avec Marina Rebeca, Charles Castronovo et Dmitri Hvorostovski dans la mise en scène de Jean-François Sivadier, ou Marianne Crebassa Cherubino des Nozze di Figaro dirigé par Cornelius Meister aux côtés du Figaro d’Alessio Arduini, Simon Keenlyside dans Macbeth de Verdi aux côtés de Martina Serafin, Kristine Opolais en Butterfly, Marlis Petersen et Jean-François Borras dans la Manon de Massenet (dir.Frédéric Chaslin), Véronique Gens sera Desdemona dans Otello dirigé par Marco Armiliato (Seiffert et Carlos Alvarez), Matthias Goerne en Jochannan de Salomé (Dir.Altinoglu), Dmitri Hvorostovski en Boccanegra, Piotr Beczala en Gustave III du Bal masqué.
Et aussi…quelques soirées ou productions sans grand intérêt.

Faust (Prod. Joel) ©WienerStaatsoper
Faust (Prod. Joel) ©WienerStaatsoper

Comme on le voit, au grand supermarché du lyrique, on est tantôt chez Fauchon, tantôt chez Monoprix, mais jamais chez Lidl ou Leader Price. L’amateur de voix auquel ce type de programmation s’adresse, devrait y trouver son bonheur, l’amateur de chefs quelquefois, l’amateur de mises en scène et de théâtre assez rarement. Mais j’ai tenu à être détaillé sur la programmation d’une maison qui a un côté immuable assez séduisant finalement. On ne verrait pas Vienne, vieille Dame d’une ville de mémoire de souvenirs et de nostalgie, changer de couleur. Vienne n’est ni Munich ni Berlin ni Amsterdam.
Alors vous ferez bien un tour à Vienne, n’est-ce pas, il y a toujours quelque chose à voir…et si vous ne pouvez pas y aller, il reste le streaming, très bien fait sur le site de la Wiener Staatsoper, un des sites les plus clairs qu’on puisse trouver. [wpsr_facebook]

Die tote Stadt (Prod.Decker )©WienerStaatsoper
Die tote Stadt (Prod.Decker )©WienerStaatsoper

LUCERNE FESTIVAL 2015: WIENER PHILHARMONIKER dirigés par Sir Simon RATTLE le 13 SEPTEMBRE 2015 (ELGAR: THE DREAM OF GERONTIUS) avec Toby SPENCE, Magdalena KOZENA, Roderick WILLIAMS

Saluts ©: Priska Ketterer, LUCERNE FESTIVAL
Saluts ©: Priska Ketterer, LUCERNE FESTIVAL

Edward Elgar manque sans conteste à ma culture musicale. Je fais partie d’une génération où d’Elgar en France le mélomane connaissait exclusivement Pomp and Circumstance, régulièrement intégré à des disques d’extraits classiques célèbres, associé à un autre marronnier de l’époque, Sur un marché persan de Ketelbey., que je n’entends plus aujourd’hui et que tout mélomane débutant trouvait sous l’arbre de Noël pour peu que sa famille essayât de lui suggérer des goûts allant au-delà de la vague yéyé.
L’évolution du marché du disque, la limitation du grand répertoire classique que désormais les maisons de disques et les organisateurs de concerts essaient d’élargir, d’un côté par le baroque, de l’autre en proposant d’autres pistes et d’autres auteurs des XIXème et XXème font qu’on découvre (on devrait dire redécouvre: l’analyste  ne découvre jamais, il redécouvre, comme le lecteur verdurinesque  ne lit jamais, mais relit…). Je le répète souvent (ce doit être l’âge) mais peut-on imaginer qu’en 1980 on ne jouait pratiquement jamais les opéras de Janaček ni ceux de Chostakovitch, on a avait à peine découvert la version originale du Boris Godunov de Moussorgski, puisque jusqu’à 1979 les grands théâtres jouaient la version Rimski-Korsakov, dont nous avons un témoignage somptueux par le Boris Godunov de Karajan.
Dans ce monde ancien fait d’ignorance et d’oublis qui fut celui de ma jeunesse, Elgar ou Britten étaient des produits exclusivement locaux réservés au public britannique, et ne passaient pratiquement jamais le Channel, bien qu’en l’occurrence, le succès de The dream of Gerontius soit venu de la première exécution à Düsseldorf le 19 décembre 1901 sous la direction de Julius Buths (en présence de Richard Strauss enthousiaste) et non de la création à Birmingham le 3 octobre 1900 dirigée par Hans Richter qui avait reçu la partition la veille de la première répétition orchestrale.
Par bonheur, l’élargissement nécessaire des répertoires a fait que d’Elgar les Variations Enigma ont conquis les publics de la musique classique, mais pas The dream of Gerontius, son grand ‘œuvre, oratorio composé au début du siècle sur un texte adapté du cardinal John Henry Newman , qui arrivait le 13 septembre à Lucerne pour la première fois pour conclure alla grande le Festival 2015 .
Il y a dix ans à peine, c’eût été une œuvre jouée par un orchestre britannique lors d’une tournée. Signe des temps, ce sont les Wiener Philharmoniker qui s’en sont emparés, aidés par Sir Simon Rattle : Rattle et les Wiener sont une affiche suffisamment attirante pour se permettre de proposer une œuvre de consommation exclusivement nationale qui n’appartient pas au grand répertoire international. Et de fait le KKL de Lucerne était presque plein, comme souvent pour des concerts choraux, toujours impressionnants ; on se souvient dans cette même salle du succès du War Requiem de Britten, par Mariss Jansons et le Symphonieorchester des Bayerischen Runfunks, une autre œuvre d’internationalisation récente, malgré un succès jamais démenti.
L’oratorio d’Elgar est moins impressionnant, parce que sans doute plus retenu, vu le sujet : Gerontius se voit mourir et interpelle les forces de l’au-delà au seuil du trépas, puis, étant passé de l’autre côté, se retrouve devant le Juge suprême, accompagné par un Ange, et finira pour un temps au purgatoire. Ce récit ressemble aux récits mythologiques de descente aux Enfers, et nous montre au passage que les religions passent et les motifs restent. Belle leçon de relativisme que d’aucuns pourraient méditer.
C’est donc un sujet grave, intérieur, qui est abordé, et un sujet partagé par tous : qu’arrive-t-il lorsque les portes de la mort sont passées? Le sujet, Gerontius (littéralement le vieillard), vit ses dernières heures au début et passe de vie à trépas : la première partie se conclut par l’apparition du Prêtre (Roderick Williams, baryton) qui accompagne de l’autre côté Gerontius agonisant.
On est passé de l’autre côté et la deuxième partie s’ouvre sur l’âme de Gerontius  accompagné d’un ange (Magdalena Kožená, mezzo soprano) qui va se présenter devant le juge suprême, c’est la partie la plus longue qui se conclut par le jugement tant attendu (on le comprend) rapide, expéditif, presque elliptique : Gerontius est envoyé brièvement au Purgatoire (malgré une intervention menaçante des démons) et pourra ensuite profiter du Paradis pour l’éternité.
D’une histoire somme toute banale (cette histoire qui nous attend tous si on est croyant), Elgar a voulu faire une pièce à la fois mystique, évidemment influencée par Bach, mais aussi un peu plus théâtrale (et donc on l’a appelée le Parsifal anglais), même si le suspens est assez mince et que l’intrigue reste sommaire. Il s’agit d’un Weihfestspiel, d’un Festival sacré, qui prolonge la tradition des mystères médiévaux dans une volonté de représenter le sacré, mais aussi de représenter la mort, ou même celle des oratorios romantiques à la Mendelssohn. Le passage de vie à trépas est justement le silence entre première et seconde partie. À la solitude du vivant (Gerontius agonisant), et au cérémonial d’accompagnement symbolisé par le prêtre qui intervient en fin de première partie, fait pendant en deuxième partie la présence de l’ange, qui casse la solitude initiale, comme si en quelque sorte la seconde vie était plus réconfortante que la première, et que l’âme n’était pas seule face à l’angoisse du Jugement comme le mortel l’était face à la mort.
La musique de Elgar est une musique recueillie, très élaborée, avec des niveaux sonores qui composent un tissu tressé avec soin, avec des interventions du chœur sublimes : en est-elle plus émouvante ? J’avoue ne pas avoir été sensible à cette harmonie monumentale, un peu froide pour mon goût et sans vraie élévation. Du moins l’ai-je ressentie ainsi. Une partition complexe, un monument bien construit et avec quelques moments réussis, mais une partition qui ne porte pas l’auditeur, comme Parsifal par exemple peut porter, ou comme une passion de Bach peut contraindre à regarder en soi.

Magdalena Kožená, Sir Simon Rattle et Toby Spence ©: Priska Ketterer, LUCERNE FESTIVAL
Magdalena Kožená, Sir Simon Rattle et Toby Spence ©: Priska Ketterer, LUCERNE FESTIVAL

Il serait évidemment nécessaire d’écouter cette musique plusieurs fois pour en découvrir d’autres secrets. Il reste que l’exécution pouvait difficilement être plus réussie. Sir Simon Rattle, en bon britannique, en connaît les ressorts et propose un travail millimétré, d’une rare précision, attentif à toutes les inflexions dont il indique le mouvement. Le travail sur le son est prodigieux, sur le dosage des volumes, sur les équilibres entre solistes et chœur dans une salle où il n’est pas toujours facile de travailler les voix. Il est même fascinant de constater comment il donne une direction contenue à l’orchestre, jamais tonitruante, toujours très équilibrée, favorisant l’intériorité.
Les Wiener Philharmoniker je l’espère, enregistreront cette œuvre tant leur son fait merveille, à la fois chaleureux et somptueux, mais en même temps jamais démonstratif et tendant toujours vers le méditatif. Même les cuivres jamais ne se détachent de cette impression d’un son global et velouté avec des moments proprement stupéfiants, comme lorsqu’il accompagne le chœur des âmes du Purgatoire (Bring us not, Lord, very low…come back again, O Lord) ou l’âme de Gerontius (My soul is in my hand) dans une sorte de sorcellerie sonore.

Le chœur, le BBC Proms Youth Choir, dirigé par l »inévitable et remarquable Simon Halsey, rompu à ce répertoire, est absolument magnifique de présence, sans jamais être spectaculaire lui non plus, mais souvent aérien, souvent tendu aussi comme. Vrai personnage du drame, il est le chœur antique qui participe à l’action en la commentant. Là où il m’a séduit le plus, c’est au moment de l’apparition des démons, où l’on entend le Berlioz de la Damnation de Faust et notamment la Course à l’abîme (By a new birth and a an extra grace…).
C’est bien là ce qui m’a frappé : il y a comme un retour à l’antique, mais pas à l’antiquité, à une antiquité revue par la Renaissance, une antiquité lue par Raphaël et les milieux néoplatoniciens. C’est un peu pourquoi j’ai parlé à mes amis d’une exécution préraphaélite. J’ai ressenti non pas un romantisme ou un post romantisme, mais une volonté de se placer bien en amont, dans une renaissance revisitée par le XIXème, mais avec la même rigueur et les mêmes couleurs chatoyantes que celles qu’on peut contempler  ou dans les tableaux de Benozzo Gozzoli ou dans les Loges de Raphael, mais surtout dans les tableaux de Hunt, de Rossetti ou de Millais, antérieurs d’une cinquantaine d’années, mais que cette musique m’a évoqué, à la fois dans sa froideur et sa chatoyance.

Roderick Williams, Toby Spence, Magdalena Kožená ©: Priska Ketterer, LUCERNE FESTIVAL
Roderick Williams, Toby Spence, Magdalena Kožená ©: Priska Ketterer, LUCERNE FESTIVAL

Au service de cette exécution, trois solistes: le baryton Roderick Williams, un artiste vu à Lyon dans Sunken Garden le printemps dernier, n’a peut-être pas la noblesse de timbre voulue par le rôle du prêtre, il en fait un prêtre un peu trop terrestre; il chantera aussi à la fin l’ange de la mort, élevé auprès de l’orgue (il est pour mon goût meilleur en Ange de la mort qu’en prêtre) accompagné par un orchestre à dire vrai sublime.
Magdalena Kožená est un ange magnifique, la voix est allégée, très attentive à l’expression et à la diction. J’ai souvent exprimé des doutes sur certains des rôles qu’elle a chantés récemment pour applaudir sans réserve cette fois à une prestation à la fois sensible, avec une voix très présente et en même temps allégée de manière surprenante, avec de beaux aigus bien déployés. Son rôle m’a rappelé celui de l’Ange dans une autre cérémonie religieuse qu’est le Saint François d’Assise de Messiaen. Il n’y a pas tant d ‘anges à l’opéra, et celui-ci lui sied bien : elle avait d‘ailleurs pour l’occasion revêtu une robe blanche, très simple et évidemment très en phase. On retiendra des moments vraiment séraphiques comme les alleluia initiaux ou l’extrême légèreté presque impalpable de The eternal blessed His child, ou de l’émouvant Farewell final.

Toby Spence ©: Priska Ketterer, LUCERNE FESTIVAL
Toby Spence ©: Priska Ketterer, LUCERNE FESTIVAL

Toby Spence enfin  : nous connaissons depuis longtemps cette voix de ténor très claire, voire quelquefois mate, douée d’une superbe technique et d’une diction impeccable. On aurait pu craindre que la voix ne se perde dans cet océan orchestral et choral ; il n’en est rien. Même si la voix de Spence est ténue, elle convient bien à ce personnage de vieillard agonisant puis d’âme de vieillard .
Sir Simon Rattle veille aux équilibres dans une salle qui n’est point sympathique aux voix, et Toby Spence sait doser son volume, et surtout sait poser et projeter sa voix, ce qui est nécessaire vu la longueur de la partie, qui est le rôle principal. Il y a des moments proprement stupéfiants par exemple lorsqu’il prononce de manière si lyrique Then I will speak. Ou dans la partie finale, That sooner I may rise, and go above. Le rôle rappelle par son importance celui de l’évangéliste dans la Passion selon Saint Mathieu de Bach, à la différence qu’ici nous sommes entre l’oratorio et le Mystère, avec des personnages qui jouent en même temps des rôles, l’œuvre est toujours à la limite entre les deux et je serais curieux de voir un Sellars s’en emparer, ce qui est imaginable vu qu’il a travaillé sur Bach avec Sir Simon Rattle.
En attendant, il y avait de quoi être ravi de ce final grandiose du Festival 2015, exécuté avec un engagement phénoménal, et même si, emporté avec enthousiasme par les musiciens, je n’ai pas été emporté par la musique. [wpsr_facebook]

L'organiste et le BBC Roms Youth Choir ©: Priska Ketterer, LUCERNE FESTIVAL
L’organiste et le BBC Roms Youth Choir ©: Priska Ketterer, LUCERNE FESTIVAL

TEATRO ALLA SCALA 2014-2015: CONCERT DES WIENER PHILHARMONIKER dirigés par MARISS JANSONS le 25 JUIN (MAHLER: SYMPHONIE N°3)

La Scala, Wiener Phil. 25 Juin 2015
La Scala, Wiener Phil. 25 Juin 2015

Alors que Barenboim et Lissner ont installé un axe Milan-Berlin pas si naturel, l’axe naturel à Milan est l’axe mitteleuropa Milan-Vienne. Souvenir embelli de l’occupation autrichienne et de l’administration de Marie-Thérèse au XVIIIème et plus avant au XIXème de l’Empire austro-hongrois (que les milanais eux-mêmes durant les « cinque giornate » de 1848 ont cherché à chasser pourtant), cet axe a gardé un sens musical fort: formation musicale à Vienne de Claudio Abbado, puis accession du chef italien aux fonctions de GMD de Vienne après ses 18 ans à la Scala, pendant que Riccardo Muti a été plus récemment l’un des chefs chéris de la formation viennoise, représentations assez fréquentes de l’Opéra de Vienne à Milan, venues régulières des Wiener Philharmoniker. Il y a une vraie disponibilité des milanais envers Vienne et sa culture. Et une 3ème de Mahler est un programme bienvenu : car elle a une histoire avec la Scala. C’est en répétant la 3ème dans ce théâtre que Dimitri Mitropoulos est décédé le 2 novembre 1960. L’Orchestra Filarmonica della Scala, fondé par Claudio Abbado sur le modèle des Wiener Philharmoniker a inscrit la 3ème de Mahler au programme de son premier concert en 1982.
Les vieux milanais ou plutôt les vieux habitués connaissent ces histoires et une 3ème de Mahler est toujours un événement doublé d’un moment « de mémoire ».
Mariss Jansons n’est pas en revanche un chef si fréquent en Italie. Il n’a pas la popularité d’autres chefs de sa génération, mais à mesure que les grandes figures disparaissent ou se retirent, Mariss Jansons comme d’autres chefs septuagénaires, devient même en Italie une référence, qu’il est depuis longtemps ailleurs.
Il est d’ailleurs toujours intéressant de voir qu’en musique classique, l’âge devient un argument pour mythifier les chefs. Je suis toujours amusé de voir combien un chef comme Herbert Blomstedt est devenu aujourd’hui un vénérable alors qu’il était considéré comme un chef de seconde zone quand il avait quarante ou cinquante ans. Ce fut le cas aussi de Gunter Wand, brucknérien de légende, redécouvert tardivement par le disque ou le public. Pour ne pas parler de Georges Prêtre, honni du public français dans les années 70 quand il triomphait ailleurs (Scala ou Vienne) et devenu un immense au seuil de ses 80 ans.
Bernard Haitink (né en 1929) est sans conteste le doyen des grands chefs vivants et en exercice, il est suivi par Zubin Mehta (né en 1936), mais Mariss Jansons fait figure de jeunot (1943), plus jeune que Daniel Barenboim (1942) et Riccardo Muti (1941). Mais Mariss Jansons est désormais considéré par de nombreux mélomanes comme le plus grand, qui entretient avec les Wiener Philharmoniker une relation continue, comme en témoignent ses « Neujahrskonzert » qu’il dirigera de nouveau le 1er janvier 2016. Il vient de laisser le Royal Concertgebouw d’Amsterdam en mars dernier et se consacrera désormais exclusivement et jusqu’en 2021 à l’orchestre de la Radio Bavaroise (Symphonieorchester des Bayerischen Runfunks), avec lequel il vit une très belle histoire. Mais Jansons est aimé de tous les orchestres qu’il dirige : sa modestie, sa manière de se dédier complètement à la musique, sa discrétion en font un artiste universellement respecté.

Alors, c’est dire qu’une 3ème de Mahler, avec Jansons, avec les Wiener, et à la Scala, c’est un événement qu’on ne manque pas, même si on aurait aimé assister aux trois premiers concerts à Vienne.

Outre qu’elle est la plus longue de ses symphonies, la 3ème de Mahler est, comme on dit, une symphonie « à programme », même si Mahler lui-même a nourri quelque doute sur la précision de ce programme qui consiste, excusez du peu, à évoquer les étapes de la création, de la terre minérale à la nature, aux animaux, à l’homme, aux anges, et à l’amour de Dieu dans une sorte d’élévation qui nous « dit la force de l’amour »..
Ainsi se construisent deux pôles, le pôle tellurique initial, monumental (35 minutes environ), minéral et le pôle céleste final (22 minutes environ) qui devraient ponctuer le parcours, les autres mouvements sont beaucoup plus brefs, voire très réduits (le 5ème mouvement en particulier, sorte d’explosion de jeunesse et d’enfance à partir d’un Lied de Des Knaben Wunderhorn dure un peu plus de 4 minutes).

Ces dernières années, j’ai pu entendre quelques uns des grands chefs de ce temps interpréter la symphonie, ce fut d’abord évidemment Abbado à Lucerne en août 2007 avec le LFO, Boulez avec le même orchestre à New York quelques semaines après, ce fut déjà Jansons en 2010 à Lucerne avec le Royal Concertgebouw, mais aussi Dudamel à Berlin en 2014 (en remplacement de Mariss Jansons), Gatti en janvier 2015 avec le Royal Concertgebouw, autant d’approches différentes avec des orchestres très familiers de ce répertoire. On mettra à part ce moment incroyable d’émotion que fut l’exécution à la mémoire de Claudio Abbado du dernier mouvement par le Lucerne Festival Orchestra le 6 avril 2014 sous la direction d’Andris Nelsons, qui replace la 3ème dans les symphonies les plus vibrantes de Mahler, et paradoxalement, les plus vibrantes de vie, et où rarement le mot empfunden ne fut mieux traduit.

Claudio Abbado en 2007 avait réussi à concilier à la fois une indicible émotion, et pas seulement ses derniers mouvements, et une monumentalité qui n’écrase jamais. Je me souviens des larmes qui surgirent à l’audition du cor de postillon au troisième mouvement, lointain, mystérieux et en même temps d’une mélancolie sereine. Je me souviens aussi de l’approche grave et très ressentie de Boulez avec le même orchestre dans le dernier mouvement, à la fois si fluide et si majestueux d’une incroyable lenteur. Jansons en 2010 avait cette vision solide et positive qu’il semble avoir encore ce soir. Si Dudamel m’était apparu précis et techniquement impeccable avec un Philharmonique de Berlin phénoménal, il n’était pas apparu diffuser une profonde émotion.
Gatti au contraire avec un Concertgebouw miraculeux m’est apparu au début de cette année rechercher à la fois la profondeur philosophique et la sensibilité, voire l’intensité émotive et répondait notamment au dernier mouvement aux trois injonctions du programme de la symphonie, Langsam (lent) Ruhevoll (calmement) Empfunden (ressenti). Bref, les approches sont diverses et les effets en sont toujours forts.
Ce qui frappe immédiatement dès le début du premier mouvement (Kräftig. Entschieden), c’est la monumentalité, une monumentalité qui restera tout au long un élément central de cette vision. Dans une approche volontairement distanciée, longs silences, notes très séparées, refus d’un certain legato, l’univers minéral qui préside à ce premier mouvement est ici particulièrement senti, au point même qu’on a un peu de difficulté à rentrer dans la musique tant celle-ci semble se refuser. Il y a de la part du chef un refus de la personnaliser, un refus d’aller au delà de la parfaite exécution, les cuivres y sont fabuleux, chaque note de chaque instrument s’entend, scandée, ponctuée, sans aucune trace d’humanité. Jansons joue à fond le programme et le spectateur reste un peu interdit devant cette lenteur majestueuse, devant ces appels aux cuivres lancés comme dans un néant sidéral avec des scansions des percussions qui surprennent par leur force, comme des coups de tonnerre. Et de longs, de très longs silences. Certes ce premier moment est celui des forces telluriques, qui se mettent lentement en mouvement, et c’est effectivement lent, jamais léger, y compris les interventions des bois et des cordes ahurissantes dans la deuxième partie, allégées mais pas légères. On reste époustouflé des performances des flûtes et des bois en général et surtout d’une incroyable souplesse des cordes, qui s ‘achèvent en une sorte de marche pas si joyeuse : certes la nature s’éveille, en un rythme un peu lourd de Ländler, sans aucune ironie, sans cette approche un peu grotesque qu’on peut avoir dans d’autres interprétations (Abbado), c’est une interprétation brute, qui étonne au sens fort et qui écrase sans ni émouvoir ni être invitante ; on écoute, on regarde, on est frappé, on est admiratif, mais pas vraiment ému : le faut-il d’ailleurs ? Lenteurs, silences, coups de tonnerre, appels mystérieux des cuivres, c’est un véritable univers sans humanité qui s’étale, et même vers la fin, lorsque la musique se fait un peu plus aérienne avec les interventions de la harpe et les incroyables mouvements des violons dont le magnifique premier violon à la magique souplesse de Reiner Honeck.
La partie finale est tellement spectaculaire, même si on sent évidemment l’évolution vers quelque chose de différent, de plus proche de nous, de presque plus humain, que certains spectateurs sans doute un peu oublieux de leur Mahler se mettent à applaudir. Il est vrai que le public de la Scala, vu de haut semble singulièrement partagé entre notre Mahler et leur mobile allumé qui sans doute leur donne les nouvelles du monde qui vient d’être créé sous leurs oreilles.
On sent confusément que cette 3ème sera presque « objective », que Mariss Jansons se refuse à travailler sur une surinterprétation , ou comme Abbado sur la souffrance du poète, mais il rend compte avec exactitude et modestie de la partition dans l’extrême de ses possibles, parce qu’il a un incroyable orchestre : un orchestre virtuosissime qui suscite plus l’admiration que l’empathie (pour mon goût) un orchestre dominant, écrasant, qui réussit à donner des couleurs même lorsque le son à peine perceptible émerge du néant du silence. C’est phénoménal.
Après l’explosion tellurique, c’est le tempo di minuetto , 2ème mouvement au son volontairement retenu, avec la domination initiale des bois, flûte et hautbois, repris bientôt par les cordes et la harpe en un mouvement légèrement dansant et apaisé, avec des variations sur l’intensité sonore d’une science consommée. Il y a là une diversité des couleurs et des évocations grâce à un orchestre à se damner qui en renforce les aspects romantiques et légers, renforcé par l’accompagnement des pizzicati, le jeu d’écoute de la flûte et du violon ; j’ai rarement entendu un 2ème mouvement d’une telle perfection formelle et en même temps d’une telle fraicheur, avec un jeu miroitant sur chaque son, presque kaléidoscopique quelquefois, et toujours ce retour au rythme dansé qu’on n’oublie jamais grâce encore au phénoménal premier violon dont le phrasé d’une légèreté inouïe rend l’atmosphère d’une incroyable sérénité après la tension consécutive au premier mouvement. C’est passage d’un sourire de la nature, dans son insoutenable légèreté qui se termine en suspension.
Le ton reste le même dans le troisième mouvement, Comodo. Scherzando. Ohne Hast, peut-être un tantinet plus concret, plus terrien, plus agreste, un monde virgilien bruissant de la vie sous tous ses aspects (incroyables bois), mais avec une certaine lourdeur volontaire qui rend le panorama varié, dansant mais aussi un peu pesant et plus explosé que dans le mouvement précédent, comme une volonté de vie partout et tout autour de soi, tous les instruments de l’orchestre se prennent tour à tour la voix d’une manière marquée, et en même temps trahissent une nature multiple et remplie d’une vie cachée qui ensuite « saute à l’oreille » en des mouvements de danse paysanne un peu marquée, légèreté et pesanteur alternent sans se contredire : ainsi va la nature de l’un à l’autre. Dans ce paysage assez concret au total, le cor de postillon est non mélancolique voire lacérant comme chez Abbado, mais plutôt souriant, comme une trace de vie derrière le lointain. C’était déjà l’impression qu’il m’avait laissé dans l’interprétation de 2010 avec le Concertgebouw à Lucerne. Il y a une vision monumentale certes au départ, mais bien vite confiante, positive qui court toute la symphonie, malgré la nature et ses mystères : on sent un mystère, mais on ne s’y arrête pas, nous sommes dans une nature multiple et vivace, une nature qui s’offre. Le final nous stupéfie d’abord par la clarté des différents niveaux instrumentaux ; et même si les cuivres ont une petite faiblesse, la tension finale, le tourbillon nous avertit que cette nature sereine peut aussi virer à la nature inquiète ou inquiétante. C’est net, c’est étourdissant, c’est brutal.

L’effet voulu par le Lied(Sehr langsam. Misterioso. Durchaus ppp) de Nietzsche extrait d’Also sprach Zarathustra, est un chant profond, mystérieux et nocturne quand ce qui précédait était diurne. C’est l’apparition de l’homme. Quelle tension dans l’orchestre, avec l’accompagnement de la voix par touches, touches des bois (cor anglais !) touches des cordes, fragile intervention de la harpe, et puis scandé par les cors, cette épanchement aux cordes qui reste très retenu, sans complaisance (alors qu’on pourrait si facilement le rendre sirupeux), avec des sons à la clarinette et au hautbois à se damner. La voix de Bernarda Fink est sans reproche, mais on regrette un peu le timbre d’une Gerhild Romberger, comme venu des profondeurs. Il y a chez Bernarda Fink une vraie retenue, mais le timbre ne nous emporte pas, notamment quand voix, violon et cor anglais se répondent. Les couleurs se répondent, mais sans peut-être ce mystère et cette interrogation qui nous frappe tant dans certaines interprétations. Il y a quelque chose d’un rien pudique, d’un rien retenu, voire d’un rien plat, qui empêche peut-être ce moment d’être « animé », ou pour le dire autrement, d’être plein d’âme.

Le mouvement suivant Lustig im Tempo und keck im Ausdruck qui s’appuie sur un extrait de Des Knaben Wunderhorn s’ouvre sur un chant d’enfants, ici fort bien exécuté par le chœur des « voci bianche » du Teatro alla Scala et par le chœur de femmes du Singverein der Gesellschaft der Musikfreunde in Wien. Ce n’est pas le moment de cette symphonie que je préfère. Ce sont 4 minutes explosives et fraîches (belles percussions) et très subtil accompagnement de l’orchestre figurent un chœur d’anges qui prépare l’élévation finale par un appel à la « himmlische Freude », mais cette joie fraiche se teinte de couleurs parfois un peu plus sombres, mais se clôt par un allègement extrême du son qui diminue jusqu’au silence d’une manière là aussi suspendue, particulièrement réussie. Ce petit moment de fraicheur qui nous porte à l’amour me rappelle un tercet de Baudelaire :
« Et plus tard un Ange, entr’ouvant les portes
Viendra ranimer fidèle et joyeux
Les miroirs ternis et les flammes mortes »
J’ai un problème désormais avec le 6ème mouvement (Langsam. Ruhevoll. Empfunden) qui émerge du silence installé par les dernières mesures du mouvement précédent en un enchainement que l’on ne marque pas toujours, passant des anges à l’amour divin sans transition. Depuis avril 2014, ce mouvement est inséparable dans mon souvenir de l’évocation de Claudio Abbado du Lucerne Festival Orchestra. Une musique d’élévation et d’apaisement, mais aussi d’intense émotion qui ne cesse d’appeler depuis cette date les larmes.
Mariss Jansons aborde ce mouvement dans la retenue et le mystère, le volume est très contrôlé comme un moment d’une incroyable intimité, qui impose une écoute particulièrement concentrée. Aucun pathos, aucun excès, rien de trop sinon une musique d’une sérénité céleste, qui ne cesse de se tendre lentement, tout en nous apaisant, une véritable musique de l’élévation. Les Wiener Phiharmoniker font entendre ce que peuvent faire leur cordes, avec une respiration, une souplesse et une profondeur inouïes. Il y a quelque chose de naturel même lorsque le volume augmente, lorsque les cors apparaissent au loin. Il y a aussi quelque chose d’infiniment lointain et presque inaccessible dans ce son presque improbable.
Jansons a pris ce mouvement avec une lenteur impressionnante, laissant presque la musique se développer (le premier violon encore est exceptionnel, mystérieux et interpelle l’orchestre dans sa retenue), et arriver naturellement aux climax. On reste totalement pétri non d’émotion, mais d’une sorte de retenue sacrée, d’une impression incroyable de sérénité, où les sons se développent sans jamais être appuyés, en un crescendo naturel où rien n’est exagéré, même si les timbales scandent cette élévation avec une netteté qui rappelle le premier mouvement et même si ensuite le son s’évanouit avec lenteur vers le néant. Le son des orchestres de Jansons est souvent plein sans être lourd, ici il est tout en douceur, tout en linéarité (au contraire du premier mouvement, sans legato) les sons naissent l’un de l’autre en des jeux de timbres époustouflants, jusqu’à l’élévation, qui elle même malgré la scansion forte de la timbale et l’augmentation du volume reste d’une certaine manière égale (les flûtes sont fantastiques). Un tel final tout dans l’intime et tout en implosion, comme si cette adhésion à l’amour de Dieu était d’abord une chose intérieure est particulièrement étonnant parce qu’il ne laisse place à aucun sentimentalisme ni à aucun excès d’aucune sorte. C’est la musique dans son absolue grandeur, dans sa grandeur simple, de cette simplicité qui est le caractère même de Mariss Jansons.
Ainsi, ce fut un concert mémorable, même si mon goût me porte vers les énergies sensibles et telluriques de Berlin ou la retenue religieuse tellement ressentie d’Amsterdam dans sa perfection formelle, et même si le Mahler ardent et triste d’Abbado me manque, oh ! comme il me manque !
Mais ce fut mémorable parce qu’on a entendu (malgré quelques menues scories) un orchestre tout simplement sublime, avec des sons inouïs, qu’on n’osait imaginer, et mémorable par cette monumentalité brute et à la fois simple, offerte sans chercher autre chose que la musique que nous a donné à écouter Mariss Jansons qui a refusé toute facilité et tout pathos. Ce fut mémorable et impressionnant plus sans doute que porteur d’émotion. Les Wiener nous ont stupéfiés, ils ne nous ont pas émus…
Mais comme aurait aimé quelques secondes de silence après la dernière mesure, pour continuer de rentrer en nous, pour achever de nous laisser pénétrer. Mais à sa décharge, le public de la Scala, d’ordinaire si prompt à filer après la dernière mesure a réservé à l’orchestre et à Mariss Jansons un triomphe des plus rares, 20 minutes d’applaudissements dont, fait rarissime, deux rappels à scène vide pour Mariss Jansons, quelque chose qu’on n’a pas vu depuis Abbado.
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25 juin, LA Scala, Saluts
25 juin, La Scala, Saluts

WIENER STAATSOPER 2014-2015: DER ROSENKAVALIER de Richard STRAUSS le 23 NOVEMBRE 2014 (Dir.mus: Kirill PETRENKO; Ms en scène: Otto SCHENK)

Acte II Présentation de la rose
Acte II Présentation de la rose

Aller voir Der Rosenkavalier à Vienne, Munich ou Dresde, là où Richard Strauss est chez lui, et où ses œuvres, quelles qu’en soient les conditions de réalisation, sont interprétées par des orchestres qui ont ce répertoire dans les gènes est toujours une riche et belle expérience. Les trois maisons d’ailleurs sont très différentes, chacune blessée pendant la deuxième guerre mondiale, chacune avec sa tradition, chacune ses chefs de prédilection, chacune ses productions, même si quelquefois elles sont presque communes (comme pour celle du Rosenkavalier, confiée à Vienne comme à Munich à Otto Schenk). À Munich l’ère Wolfgang Sawallisch a permis d’afficher pratiquement tout le répertoire straussien. À eux deux, Wolfgang Sawallisch et Carlos Kleiber y ont personnifié Strauss, Carlos Kleiber notamment à travers Rosenkavalier dont il reste vidéos et Cds, Sawallisch pour tout le reste.
À Vienne, c’est plus complexe. Der Rosenkavalier dans cette production a été créé le 13 avril 1968 sous la direction de Leonard Bernstein, avec Christa Ludwig (die Feldmarschallin) Gwyneth Jones (Octavian) et Reri Grist (Sophie), elle a été reprise 366 fois, et donc chaque année, avec des chefs variés, Silvio Varviso, Josef Krips, Carlos Kleiber (en 1974 et 1994), Adam Fischer, plus récemment Peter Schneider et Jeffrey Tate, et bien entendu l’ex-GMD Franz Welser-Möst, qui a aussi dirigé la production salzbourgeoise (autre lieu straussien) cet été.
C’est donc à Vienne ce soir une représentation de répertoire (la 359ème), avec une très bonne distribution, Soile Isokoski et Peter Rose, spécialistes consommés de l’œuvre,  Alice Coote (Octavian) Chen Reiss (Sophie), plus neuves, précédées d’une flatteuse réputation et donc intéressantes à découvrir.
Mais ce qui attire ce soir, c’est la présence au pupitre de Kirill Petrenko, GMD de la voisine et concurrente Munich, à 400km de là. Il a laissé à Paris lors de la traditionnelle présence annuelle (il faut désormais parler au passé) du Bayerische Staatsoper au Théâtre des Champs Elysées un Rosenkavalier en version de concert qui a marqué. Et à Munich, il est désormais l’attraction des mélomanes. Mais à Vienne, il a en fosse l’Orchestre de la Staatsoper (c’est à dire le fond des Wiener Philharmoniker), et on est très curieux, impatient même, d’entendre cet orchestre qui ne ressemble à aucun autre sonner sous sa baguette dans Richard Strauss.
Disons le d’emblée, dès l‘introduction, on a compris qu’on va avoir affaire à un de ces moments suspendus qui jusqu’à la fin va nous tenir, nous séduire, et même, même nous étonner. C’est une direction qui explose de vitalité, d’énergie, et immédiatement le son de Vienne nous submerge. J’avais souligné combien le même orchestre ou à peu près sonnait magnifiquement, mais fort à Salzbourg. Ici c’est toujours aussi beau, chaud, rond, avec des cordes à couper le souffle emmenées par Rainer Küchl soi-même qui tout au long de la soirée prodiguera des solos de violon à se damner. Mais c’est en même temps un son équilibré, qui ne couvre jamais le plateau, qui se dilue dans mille petites notes miroitantes et d’une extraordinaire clarté et précision.Comme de juste, on entend tout, et comme de juste, on découvre encore tout, car Kirill Petrenko est partout, il suit le plateau avec une incroyable attention, en grand chef de fosse qu’il est, mais il a de menus gestes pour donner les départs de tel ou tel instrument, et c’est alors une symphonie de diamants : les harpes, merveilleuses de tendresse, les bassons, sublimes, la clarinette, à se damner. Tout l’art de l’orchestration de Strauss apparaît, avec en plus, une ligne, incroyablement vivante, vitale dirais-je, parce qu’il émerge de ce travail une vie, jamais démonstrative, jamais contente de soi, jamais en représentation, mais au contraire au plus près de l’action, au plus près du plateau, au plus près de l’intrigue : ici la tendresse, là l’ironie, ici le comique, là la mélancolie : comme toujours avec les grands chefs, l’orchestre nous parle, nous raconte quelque chose de cette musique : comme la fin du 1er acte est accompagnée, avec sa couleur crépusculaire et tendue, j’ose le dire, depuis Carlos Kleiber je n’avais pas entendu ça. Kirill Petrenko a comme Kleiber ce souci du rendu, cette fidélité à l’œuvre, cette énergie immédiate, explosive, qui vous soulève le cœur.
Evidemment, on l’attend dans les moments orchestraux que chaque amoureux de cette œuvre a en lui : l’introduction du 2ème acte et le monologue de Ochs, avec la valse, qui vous porte, qui vous emporte, qui vous enivre. Et évidemment comment ne pas participer, ne pas sourire, ne pas entrer corps et âme là-dedans. Bien sûr l’introduction du 3ème acte, un chef d’œuvre de virtuosité, mais en même temps de burlesque, une sorte de musique de cirque vertigineuse, mais le cirque revu par l’énergie et la jeunesse, voire la tendre sauvagerie de ce Rimbaud de la musique, on a d’ailleurs à peine le temps de s’attarder sur tel ou tel instrument tellement l’action nous emporte.

Et bien sûr, je ne parle même pas du duo de la rose, où les voix semblent suspendues au-dessus de la ligne musicale ténue, dans une justesse de rythme et de tempo qui vous fait dire qu’on a là une évidence, je ne parle pas non plus de la scène finale, du trio où chaque voix est soutenue, et avec l’orchestre en quatrième voix, qui attire les larmes et du duo final merveilleusement tendre, merveilleusement humain, merveilleusement juste, jusqu’à l’apparition du jeune serviteur noir, accompagné par une musique qui a une précision presque cinématographique, presque un dessin animé.
J’ai passé ce soir à Vienne non pas la plus belle, la plus grande la plus..la plus…Non, j’ai retrouvé le merveilleux qui me fascinait à l’opéra quand j’étais un jeune mélomane, j’ai retrouvé l’émotion de mes premiers Chevaliers (Ludwig, Minton, Popp et Horst Stein, qui était remarquable), en fait, j’ai redécouvert combien le Rosenkavalier est une œuvre construite pour vous faire fondre, pour vous étreindre, pour vous toucher et même pour vous faire pleurer sans savoir pourquoi.
Il est servi par une distribution qui n’est sans doute pas la plus rutilante du marché lyrique d’aujourd’hui, mais qui a épousé magnifiquement les intentions du chef, et que le chef a porté de bout en bout avec un amour consommé (il fallait le voir sourire, porter la main à son cœur, soutenir les chanteurs).

Solie Isokoski © Wiener Staatsoper / Axel Zeininger
Solie Isokoski © Wiener Staatsoper / Axel Zeininger

J’attendais moins d’engagement de Soile Isokoski, et elle m’a étonné ; je l’attendais froide, j’ai trouvé ce chant sensible, juste, distingué et en même temps engagé.  Une vraie grande maréchale, mûre, authentiquement humaine. Une maréchale automnale, et en même temps une voix ronde, pleine, chaleureuse, et beaucoup de subtilité et de couleur dans la voix: son monologue final du 1er acte était à la fois retenu et bouleversant.
Chen Reiss, sans avoir la voix aussi pleine et aussi contrôlée que les grandes Sophie de ma vie (Lucia Popp, inégalable, Helen Donath d’une merveilleuse poésie) a la tendresse, la puissance d’émotion, la fragilité du personnage. Sophie n’est pas un rôle si facile : il faut une assise large et un vrai contrôle, une voix faite et en même temps un timbre jeune et frais. Aujourd’hui j’attends dans ce rôle Lisette Oropesa, je suis sûr qu’elle sera une grande Sophie.   Mais Chen Reiss existe bien plus, de manière bien plus accomplie et intéressante que Mojka Erdmann à Salzbourg cet été qui n’avait ni existence, ni intérêt.

Chen Reiss (Sophie) & Alice Coote (Octavian) © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn
Chen Reiss (Sophie) & Alice Coote (Octavian) © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn

Alice Coote était souffrante et a fait faire une annonce, mais elle a chanté. Il est donc difficile de juger véritablement de la performance. Néanmoins, le timbre est vraiment magnifique, même si les aigus ce soir étaient un peu courts. La composition en Mariandl reste désopilante. Il lui manque un soupçon de sens dramatique, mais elle a aussi une grande poésie dans la voix. Mes Chevaliers du cœur ? Yvonne Minton, Brigitte Fassbender sans doute, mais surtout Tatiana Troyanos, qui m’a fait découvrir qu’Octavian pouvait être ambigu, déchirant, hésitant. Mon Chevalier de l’île déserte, c’est elle. Il faudra revoir Alice Coote.
Peter Rose en Ochs fait ce qu’on attend dans Ochs, une sorte de Falstaff en perruque poudrée. Et dans ce personnage, il est aujourd’hui inégalable et formidable en scène. Même si l’incroyable Groissböck à Salzbourg, la trouvaille de la distribution et de la mise en scène, nous a fait voir une toute manière d’aborder le personnage qui nous séduit et convainc totalement.

Ochs au 2ème acte
Ochs et Faninal au 2ème acte

Très bon Faninal, de Clemens Unterreiner, membre de la troupe, dans un rôle un peu difficile et pour tout dire rarement intéressant (malgré les critiques injustes à son endroit, j’avais aimé Adrian Eröd à Salzbourg) à qui Unterreiner réussit à donner du relief sans le rendre ridicule. On retrouve le vétéran Alfred Šramek dans le Polizeikommissar et la plupart des rôles secondaires sont très correctement tenus (Caroline Wenborne en Jungfrau Marianne Leitmetzerin), mais un très bon point au chanteur italien de Benjamin Bruns : on a entendu ce jeune ténor à Bayreuth (Steuermann de Fliegende Holländer) avec un beau succès. Dans  le chanteur italien, il montre à la fois puissance, ligne de chant, contrôle vocal, tout cela suffisamment pour faire de sa brève intervention un vrai moment, et une belle démonstration de chant maîtrisé et juste. Quand je pense au massacre qu’en avait fait Marcelo Alvarez à la Scala…
On le voit, une distribution équilibrée, bien construite, qui sans être faite de vedettes, tient magnifiquement la scène, et naturellement très bien soutenue par le Kirill Petrenko.

Reste la mise en scène. Le lecteur connaissant mes goûts en matière de théâtre et de mise en scène à l’opéra se dira sans doute que j’ai souffert en silence en revoyant la mise en scène d’Otto Schenk. Et ce lecteur là aura tort. D’abord, j’ai vu de très belles mises en scène de Rosenkavalier (celle de Wernicke à Salzbourg, à Paris et à la Scala en est un exemple) tout le monde garde en mémoire les merveilleux décors de Ezio Frigerio à Paris dans la mise en scène de Rudolf Steinböck qui l’était moins, Kupfer à Salzbourg cet été m’a vraiment plu, mais dans l’ensemble, dans cette œuvre si référentielle (Vienne, le XVIIIème, Mozart, Cherubin etc…), une mise en scène traditionnelle ne me gène pas si elle est bien faite. Ici, Otto Schenk l’a refaite à la demande de Dominique Meyer, les mouvements, les gestes, les attitudes sont vraiment très justes, il y a une vraie vie souterraine dans ce travail et c’est l’une des grandes mises en scène de Otto Schenk, qui n’a pas d’âge, ou qui n’accuse pas son âge vénérable c’est donc un très beau travail. Elle fonctionne, en soi et sur le public. Et puis elle correspond tellement aux images qu’on a au fond de soi du Rosenkavalier qu’on ne peut que l’aimer. L’apparition de la Maréchale au 3ème acte, c’est presque l’apparition de toutes les Maréchales qui ont hanté ce lieu : on les imagine comme ça, on les aime comme ça, on les veut comme ça.
Comment prétendre mieux que pareil Rosenkavalier,  pas mieux au niveau de la justesse, pas mieux au niveau de la vérité, pas mieux au niveau du naturel : le mérite en est de la direction évidemment qui transcende la soirée. C’est à dire qu’il dégage définitivement Rosenkavalier et même Strauss de ce lieu commun crème et gâteau dont on l’accuse quelquefois ou dont on fait ses choux (à la crème) gras. Souvenez-vous de Fleming, maréchale crémeuse…Aucune pâtisserie dans ce Rosenkavalier aux volutes ioniques, aux formes arrondies mais rigoureuses du plus pur style Louis XV, à l’élégance racée : rien que l’essentiel, la catharsis de l’essentiel.[wpsr_facebook]

Acte I
Acte I

WIENER STAATSOPER 2014-2015: QUELQUES NOUVELLES DE VIENNE (et quelques réflexions sur Paris)

Haus am Ring
Haus am Ring

Ce qui frappe lorsqu’on vient à l’Opéra de Vienne, c’est l’enracinement visible dans une tradition. Ces étudiants qui filent réserver leurs places au « Stehparterre » (les places debout du Parterre). ce sont les mêmes qu’il y a dix, vingt, trente ans. Même allure sérieuse de bons élèves ou d’enfants sages. De mon temps, on marquait sa place par un mouchoir noué, puis on filait s’asseoir pour se reposer des quelques heures de queue qui avaient précédé…Et puis il y a les touristes qui se font photographier au pied du grand escalier, sourires, tranquillité…et ce public qui semble ne pas bouger, tout comme ces bustes de chefs disparus, ces tapisseries qui ornent la « Gobelinsaal », ces affiches du soir qu’on achète. Certes, la position des bars a changé, les vitrines contenant les costumes de telle ou telle star ont disparu, mais ce sont bien peu de choses  par rapport à l’immense tradition qui est ici chez elle… il suffit pour s’en persuader de consulter les archives sur le site http://www.wiener-staatsoper.at/ qui relèvent scrupuleusement les titres et les distributions depuis le 3 juin 1869 (on y donnait La Muette de Portici)… Cette grande maison qui trône sur le Ring a quelque chose de rassurant, d’immuable, et de tellement emblématique : Bourse, Mairie, Burgtheater, Parlement, Hofburg, Kunsthistorisches Museum, Opéra. Toute la Vienne institutionnelle est sur le Ring, comme un peu tous les symboles de Paris sur la Seine. Et l’Opéra est le nœud vivant de la Vienne d’hier et de celle d’aujourd’hui : métro, trams, bus, piétons s’y rencontrent et s’y croisent.

On n’échappe pas à l’Opéra à Vienne.
Et pourtant, il y a eu un peu d ‘agitation dans cette vénérable institution en début de saison, quand le GMD Franz Welser-Möst a donné brutalement sa démission en annulant sine die ses engagements. Mais la force des grandes institutions  est leur « Da sein » leur « être là » au-delà des hommes. Sans doute derrière cette démission y avait-il l’espoir secret de déstabilisation, d’autant qu’elle fut vite suivie par une déclaration encore plus tonitruante du chef Bertrand de Billy contre Dominique Meyer. Car en cette année 2014, les chefs d’opéra ont fait l’actualité : à Rome (Muti), à Vienne (Welser Möst), à Dresde (Thielemann), à Turin (Noseda), tous en bisbille avec leur intendant présent ou futur, c’est l’administration (le management) contre l’art ou contre la(les) vanité(s), Thielemann a eu la peau de Serge Dorny, mais les autres n’ont pas réussi à emporter presse et opinion derrière eux. Dominique Meyer a eu la grande habileté de ne pas bouger, de ne pas ajouter à l’agitation, d’afficher une sérénité qui a finalement isolé Welser-Möst.
Welser-Möst est un très bon chef, c’est évident, mais son absence manque-t-elle ? Pas vraiment parce qu’il n’a jamais réussi à être plus qu’un très bon chef, mais jamais un mythe ou un chef qui fasse courir les foules. Alors pour ma part je pense qu’il s’est fait plus de mal qu’il n’a fait de mal à l’Opéra. L’Opéra de Vienne en a vu d’autres et a consommé un certain nombre de GMD. Les conflits et les départs anticipés ne datent pas d’hier et sont une constante de la maison, Mahler, Karajan, Maazel, Abbado et maintenant Welser Möst. À moins de remplir à la fois les charges de GMD et d’intendant, ce qui est difficile, l’aigle lyrique à deux têtes n’est pas facile à gouverner, dans une ville où l’Opéra est un sujet politique, et où faire et défaire les gloires est le jeu favori de la presse et du public. Si au café du commerce en France il y a autant d’entraîneurs de foot que de consommateurs de petit blanc, au Café Mozart en Autriche il y a autant de Direktors (on appelle ainsi l’Intendant) et de GMD que de consommateurs de Wiener Mélange.
De fait, tout continue, et même avec des nouveautés puisque Vienne la vénérable se met, comme Munich et comme le Philharmonique de Berlin au streaming et aux retransmissions en direct des productions de la maison. On peut se reporter au site http://www.staatsoperlive.com/de/ et on verra que déjà est accessible une vidéothèque comprenant aussi bien du ballet que de l’opéra, dans des productions  symboliques de l’histoire de cette maison, Meistersinger von Nürnberg (Thielemann, Schenk), Fledermaus (Welser-Möst, Schenk), Carmen (Nelsons, Zeffirelli), Manon (De Billy, Serban avec Netrebko), La Forza del destino (Mehta, Poutney avec Nina Stemme), Anna Bolena (Pido’, Genovese, avec Netrebko & Garanca), Arabella (Welser-Möst, Bechtolf avec Emily Magee), mais aussi des ballets (Casse-Noisette) ou des opéras pour enfants.
À cette vidéothèque sans doute appelée à s’enrichir s’ajoutent de très nombreuses reprises en direct de soirées viennoises, aussi bien des ballets (Mayerling, le 7 décembre chorégraphie Kenneth Mac Millan) que des opéras : on verra en décembre prochain par exemple :
– Le 14 décembre : La Cenerentola (Lopez-Cobos, Bechtolf, D’Arcangelo, Corbelli, DeShong)
– Le 16 décembre : La Traviata (Myung-Whun Chung, Sivadier, Jaho, Pirgu)
– Le 18 décembre : Arabella (Schirmer, Bechtolf, Koniecny, Schwanewilms)
– Le 26 décembre : Casse-Noisette (Chor.Noureiev reprise par Manuel Legris, avec               Liudmila Konovalova et Vladimir Shishov )
– Le 31 décembre : Die Fledermaus (Lange, Schenk, Eröd, Banse, Kulman)

Et cela continuera en janvier avec notamment un Tristan und Isolde (Schneider, MacVicar, Theorin, Seiffert) mais aussi Salomé, Zauberflöte, la Dame de Pique etc…sans oublier ce printemps le Ring complet (mise en scène de S.E Bechtolf) dirigé par Sir Simon Rattle
à 14 € la représentation et un abonnement annuel de 320 €.

On l’aura compris, l’Opéra de Vienne ne mise pas pour ce live-streaming sur les nouvelles productions, mais sur son répertoire, son quotidien, c’est à dire un peu son âme. Et il vise à se créer une sorte de public virtuel au quotidien, en adoptant une stratégie différente du MET (appuyé sur une dizaine d’événements annuels dans les cinémas), ou de Munich (appuyé sur quelques nouvelles productions annuelles par un streaming en accès gratuit), mais qui se rapproche plutôt de la stratégie du Philharmonique de Berlin avec son Digital Concert Hall, faisant payer l’accès et visant à la constitution de précieuses archives vidéo, d’une notable richesse.

En alignant sa politique de diffusion sur celle du Philharmonique de Berlin, l’Opéra de Vienne se pose ainsi comme la référence lyrique faisant face à la référence orchestrale. C’est un choix qui va plus loin que la plupart des tentatives actuelles.
De Seattle à Tokyo et de Grenoble à Brisbane, qu’on soit à Saint Céré ou à Maastricht, il sera ainsi possible chaque soir (ou presque) de vivre en direct la vie quotidienne de la Maison du Ring (Haus am Ring).
Ainsi les grandes maisons d’opéra se mettent en ordre de marche, l’arrivée du numérique aura bouleversé dans 10 ans le monde du lyrique : mais est-ce que cela ne donnera pas des arguments à une réduction des subsides aux théâtres locaux, moins prestigieux, mais offrant au moins de l’opéra en direct et en trois dimensions ? La situation italienne, tragique, mais aussi la situation française qui l’est moins, mais qui n’est pas forcément brillante, nous montrent que les capacités productives des théâtres se réduisent (voir ce qui se passe à Montpellier) et on ne peut dire que le lyrique soit une grande préoccupation du Ministère de la Culture. Pourtant, la question du spectacle vivant et de la musique vivante est essentielle. Il serait délétère que le public se fractionne en autant d’individus enfermés chez eux à regarder sur leur TV ou sur leur ordinateur Vienne ou Berlin, voire Paris.
Le concert dont le nom porte en lui l’idée d’ensemble, d’harmonie et d’accord, ne saurait être exclusivement consommé dans le secret des salons ou des écrans plats. L’expérience du concert en salle reste une expérience unique, que la reproduction sonore ne saurait remplacer, aussi élaborée qu’elle soit. De plus, l’expérience du spectacle en salle c’est à dire l’expérience collective, la réunion d’une société, est nécessaire à la vie en société et à la survie sociale. Le théâtre, le concert (de toutes les musiques) le cinéma en salle sont des expériences vitales pour une société et pour le mélange des classes et des gens. Si les politiques rêvent d’une numérisation permettant peu à peu d’éliminer toute manifestation locale (théâtre, opéra concert), ils contribuent évidemment à ruiner dangereusement une culture dont les manifestations collectives sont une des bases, et ce depuis l’antiquité.
Dans l’Europe d’aujourd’hui seul l’Opéra en Allemagne se porte encore bien à cause du système de répertoire et de l’engagement des villes, et bien sûr d’une tradition historique forte. Mais toute civilisation a besoin de manifestations collectives, tout art a besoin d’un public, en direct. Attention à ne pas faire du numérique un outil du totalitarisme. Aussi, si j’applaudis à toutes les formes de transmissions numériques d’opéras ou de concerts, ou même de films, ce ne sont que des outils de plus pour diffuser la culture, mais pas des substituts qui permettent d’éliminer ce qui existe au nom de la modernité, de la réforme et de tout ces mots qui cachent la réalité d’un appauvrissement pour tous, en préservant l’île heureuse du concert en direct pour ces quelques uns qui préserveront leur musique vivante, à Pleyel ou ailleurs. C’est pourquoi, même si je ne suis pas particulièrement cinéphile, je soutiens qu’il est nécessaire que le cinéma garde sa valeur de manifestation collective en salle et que son public ne se fractionne pas en millions d’individus regardant une vidéo dans le salon. Il en va de formes sociales de réunion qui dépassent de très loin le simple enjeu du spectacle.


Et en France…

En France, la situation reste contrastée.
La publicité autour des concerts de la Philharmonie de Paris (de Berlioz à Bowie !) montre qu’elle peine à remplir . Les polémiques qui entourent son inauguration, les polémiques sur la situation de Pleyel etc…sont pitoyables : elles rappellent qu’on a dit la même chose de l’Opéra Bastille (qui ira dans le XIIème pour écouter de l’Opéra ?) sans prendre en compte qu’avec la Cité des Sciences, la Grande Halle, la Cité de la musique, le Conservatoire, et même le Zénith on ne peut pas dire que La Villette soit un désert culturel et que le public ne se déplace pas. Le public de la Philharmonie, lui seul (comme si le public des autres salles du lieu était différent) aurait donc peur de prendre le métro et d’aller si loin ? Ce ne sont qu’imbécillités qui cachent une volonté de préservation des lieux de « distinction » au sens de Bourdieu. Chacun chez soi. Moi à Pleyel, toi à Pantin.
Depuis que je suis mélomane, j’entends évoquer la nécessité d’un Auditorium pour Paris. Lorsque l’Opéra Bastille a été projeté au milieu des années 80, des voix se sont déjà élevées pour souligner que le besoin était plus celui d’un Auditorium que d’un Opéra. La question n’est donc pas aujourd’hui celle de la salle, qui était nécessaire et qui enfin existe (depuis qu’on en parle, il a fallu 35 ans…) la vraie question est celle de l’assise de public : il y aura des soirs  où le Théâtre des Champs Elysées, l’Auditorium de Radio France et la Philharmonie programmeront des concerts et il n’y a pas suffisamment de public pour remplir les trois à la fois, sans compter Opéra, Opéra Comique et Châtelet ; c’est déjà vrai aujourd’hui.
La question du public, c’est la question de la politique culturelle, la question du statut de la musique dite classique, la question de la relation à la musique dans un pays où même si tous les conservatoires sont pleins, les salles ne le sont pas toujours et le renouvellement du public peine à se faire. Tout cela est complexe, mais je ne suis pas sûr qu’on attirera plus de monde en affichant « De Berlioz à Bowie » : le débat sur la programmation de la Philharmonie accueillant « toutes les musiques » me semble assez démagogique et stérile.
Ce n’est pas une question de salle, c’est une question de stratégie car dans les années 70, se souvient-on que le Palais des congrès de la Porte Maillot n’accueillait pas seulement Chantal Goya, ou les ballets Moisseiev, mais aussi des concerts de l’orchestre de Paris ou du Philharmonique de Vienne (si si, Barenboïm, Abbado et Böhm..). Il n’y a pas d’exclusion a priori de tel genre ou de tel autre, mais tout de même, Paris était suffisamment pauvre en vraies salles de concerts comparables aux autres villes européennes pour que le public des concerts puisse investir la Philharmonie sans entendre  dire « du classique mais pas que… ». À charge pour les managers culturels de faire venir un nouveau public, comme ce fut le cas à Bastille (je rappelle que ce fut un succès immédiat), même si on est loin, très loin du projet d’Opéra National Populaire des origines. À charge pour les managers culturels aussi de faire de ce nouveau lieu un phare incontournable,  et à charge de la puissance publique d’assumer ce nouveau lieu,  sa maintenance et son financement puisqu’elle l’a voulu : la polémique Ville de Paris/Etat est en la matière désespérante de nullité, mais en nullité nous sommes servis au quotidien, à droite, à gauche, au centre et à la périphérie…Mais même si aujourd’hui la salle peine à remplir, il en ira différemment lorsqu’elle sera ouverte, le chemin de la porte de Pantin, comme celui de Bastille il y a 25 ans, deviendra vite familier aux mélomanes.

En temps de crise, et on le voit partout en Europe et ailleurs, il est difficile de faire vivre la culture, et notamment la musique classique, là où elle n’est pas considérée comme vitale ; mais notre crise n’est pas seulement économique, elle est aussi morale et politique, et dans ces derniers cas une culture qui tienne le coup et qui soit vivante, ouverte et financée est une vitale nécessité. Une vie culturelle appauvrie est un signal de décadence et un petit pas vers la barbarie. On voit la situation dramatique en Italie depuis le passage de Berlusconi. Et on sait que les lieux de culture sont les premières cibles des barbares, c’est bien qu’ils sont emblématiques d’une ouverture et d’un humanisme, de la résilience de l’humain.
Ce n’est pas au privé de financer la vie culturelle, c’est à la puissance publique, c’est son rôle de garant. Et qu’on ne me rétorque pas qu’aux USA, c’est le privé qui finance, car avec le système des déductions d’impôts, c’est l’Etat qui finance en creux.

Voilà à quoi me fait rêver Vienne. Vienne qui a trois opéras (Staatsoper, Volksoper, Theater an der Wien) et un certain nombre de théâtres publics au rôle aujourd’hui bien défini (comme à Berlin d’ailleurs)  et deux grands salles de concert (Musikverein et Konzerthaus) c’est à dire une situation comparable à d’autres villes européennes. Dans ce paysage, la Haus am Ring représente évidemment bien plus qu’un théâtre d’opéra, mais le cœur vivant d’une ville dont la musique « classique » fait partie de l’ADN et qui en fait un argument publicitaire depuis longtemps. L’opération « Staatsoperlive » contribue par l’abondance qu’elle va offrir à renforcer et consolider cette image. Je vous encourage donc à aller écouter des concerts à la Philharmonie, à aller à l’opéra, à Paris ou si vous le pouvez, à Vienne ou ailleurs, mais aussi, certains soirs, à faire le cyber-wanderer en parcourant l’offre numérique en ligne. Vienne sera incontournable et si vous avez envie de voir un opéra sur ce site – j’en rappelle l’adresse : http://www.staatsoperlive.com/de/
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La salle de la Philharmonie de Paris si attendue
La salle de la Philharmonie de Paris si attendue