TEATRO ALLA SCALA 2009-2010: SIMON BOCCANEGRA de Giuseppe VERDI avec Placido DOMINGO et Anja HARTEROS (24 avril 2010)

Une barque et une voile en ombre, une lumière ocre, et un génie de la scène, Giorgio Strehler. Qui n’a pas vu au moins cette photo sur la couverture du CD de Simon Boccanegra dirigé par Claudio Abbado et les forces de la Scala, qui n’a pas vu la magnifique vidéo qui en a été faite par la RAI ? Qui enfin, – de ma génération- n’a pas vu ce spectacle, qui a fait le tour du monde (Londres, Washington, New York, Tokyo, Vienne, Paris) puisqu’au temps où la Scala faisait des tournées, il était montré partout comme la production emblématique de l’époque avec son quintette vocal de choc : Mirella Freni, Piero Cappuccilli, Nicolaï Ghiaurov, Felice Schiavi, Veriano Lucchetti. Abbado lui-même, partant diriger Vienne en 1986, a fait acheter par le Staatsoper la production de Strehler (de 1971 !) qui a été détruite aussitôt Abbado parti à Berlin (signe de l’intelligence des dirigeants viennois de l’époque). C’est aussi la magie de cette production, qui a fait couler des flots de larmes, qui poussa Rolf Liebermann a faire appel à la même équipe pour inaugurer son « règne » pour « Le nozze di Figaro » en 1973, production qui fut aussitôt pour Paris un emblème tel que Nicolas Joel à Bastille va en proposer l’an prochain la version abâtardie, faite pour la Scala en 1981, qu’on a déjà affichée au temps de Hugues Gall (puisque la version originale ne convenait pas aux dimensions de Bastille je crois).
C’est dire que Simon Boccanegra est un titre qui a marqué l’histoire de la Scala, l’histoire de l’opéra aussi car ce titre peu joué jusqu’alors fut redécouvert et se trouve désormais régulièrement dans les saisons d’opéras, il a marqué le règne de Claudio Abbado à Milan, la vie et la carrière même de Claudio Abbado, puisqu’en 2000, il a repris à Salzbourg l’opéra de Verdi dans une production assez terne de Peter Stein, avec une distribution sur le papier somptueuse (Mattila, Alagna), mais en réalité plus pâle à cause d’un Carlo Guelfi inexistant en Simone, mais surtout à cause des souvenirs trop prégnants…Et dans ce cas les souvenirs n’embellissent rien : chaque fois que je regarde la transmission vidéo tant de Paris (j’ai la chance de posséder ce document rarissime !!) que de Milan (celle là, tout mélomane qui se respecte doit la posséder), je suis pris à la gorge par l’émotion et par l’incroyable qualité du chant et de l’interprétation. Le Simon Boccanegra d’Abbado est un miracle, quelle que soit la version, quel que soit le lieu d’exécution (je dois bien en posséder une dizaine de versions).
Stéphane Lissner , l’année même du retour d’Abbado à la Scala les 4 et 6 juin prochains, ose proposer le Simon Boccanegra, avec comme attraction essentielle Placido Domingo dans le rôle titre et Anja Harteros, la diva extraordinaire éclose ces dernières années dans celui d’Amelia. Ce spectacle, que j’ai vu à Berlin, appelle incontestablement des commentaires : rappelons qu’à Berlin ni la mise en scène de Federico Tiezzi, ni les décors de Maurizio Balò, ni la direction de Daniel Barenboim ne m’avaient convaincu. Qu’en est-il ce soir, après six mois ?
D’abord, les décors de Maurizio Balò n’ont pas été repris, un nouveau décorateur, Pier Paolo Bisleri, a été appelé pour en faire d’autres, dans le même esprit (assez dépouillés, géométriques, censés figurer une jetée, un bord de mer, quelques arbres (suspendus pendant le duo Simone-Amelia).
La mise en scène reste indigente, sans grandes idées, sans véritable direction d’acteurs (ils sont livrés à eux-mêmes), un travail traditionnel sans image forte, une fin complètement ratée. Dans le programme de salle, Tiezzi en appelle à Shakespeare. Ah ! si au moins cet appel avait provoqué quelque lumière. Evidemment, les spectateurs ont en tête la mise en scène de Strehler, qui avait en plus l’avantage d’être en phase avec la musique, chaque geste correspondant à une phrase musicale. Tout le mystère nocturne du prologue devient ici une sorte d’assemblée des dockers, sur fond de cordage, le Palais des Fieschi, un escalier sur la gauche, avec des mouvements pas vraiment fluides. De plus, alors que tous nous avons en tête justement une certaine fluidité musicale, avec des intervalles réduits au minimum, ici, les intervalles entre chaque tableau durent au moins 5 minutes. Ce qui finit par ralentir le rythme : on le ressent à la fin du premier acte, entre le court intermède avec Paolo et la scène du conseil. Ce travail à Berlin comme à Milan, est raté. Sans doute affiche-t-il de nobles intentions, mais elles ne se traduisent jamais en effets scéniques.
Autre désastre, la direction de Daniel Barenboim. On se demande pourquoi ce grand chef a été s’aventurer sur un terrain qui n’est pas le sien. Dans cette salle, son interprétation passe encore moins bien qu’à Berlin.  Alors que cette musique est toute en raffinement, toute en subtilité, l’approche de Barenboim est toujours brutale, l’orchestre est toujours trop fort, il couvre toujours les voix, avec des à-coups, avec des secousses, avec des moments qui finissent pas gêner l’expansion des voix. Certaines scènes, dont la poésie amène l’émotion de manière systématique (le duo Simon-Amelia de la reconnaissance), sont presque « interrompues » par l’irruption de l’orchestre qui en est presque – c’est un comble- gênant. Un ami a qualifié Barenboim de criminel : son orchestre, parfaitement au point, techniquement impeccable, est une arme de destruction massive, qui à aucun moment ne semble en phase avec ce qui est chanté, avec ce qui se passe. Oui, c’est une direction désastreuse, où rien n’est senti, où tout est asséné presque assommé. Pour moi c’est là un contresens total. je suis peut-être excessif (parce qu’il a eu un beau succès au contraire de la Première), mais j’estime qu’il est l’artisan d’un demi-succès musical, qui fera de ce Simon Boccanegra un moment certes fort à cause de Domingo, mais qui ne peut en aucun cas rentrer dans la légende scaligère.

240420101963.1272159211.jpgSaluts

On discutera à l’infini de la pertinence pour Placido Domingo de chanter ce rôle de baryton. Certes, les graves ne sont pas toujours au rendez-vous, non plus que le souffle (la scène du conseil est à ce titre la moins favorable au grand chanteur). Il reste qu’en termes de phrasé, d’intensité de l’interprétation, de jeu, de couleur, d’engagement, de technique, c’est exceptionnel. Le duo du premier acte avec Amelia est bouleversant (même si le « figlia » final n’est pas tenu). Placido Domingo peut se permettre cela en immense artiste qu’il est, nous sommes tous émerveillés de l’entendre à 70 ans chanter encore Verdi de cette manière, mais le Simon de référence reste Piero Cappuccilli ! Domingo n’efface rien, ne fait rien oublier ; il est à part, pour notre joie, pour l’affection que nous avons pour lui, et parce qu’encore aujourd’hui il n’a pas de rival.
Anja Harteros confirme et l’impression de Berlin, et tout le bien que nous pensons d’elle. Elle avait fait annoncer qu’elle était indisposée, et de fait certains graves sont éteints, mais quels aigus, quelle technique, quelle sûreté sur toute la tessiture. C’est vraiment elle aussi une artiste exceptionnelle, qui enchante aussi bien dans Wagner que dans Verdi, et qui de plus, sur scène, est une vraie figure tragique, engagée, aux gestes forts. Cette Amelia est une référence d’aujourd’hui, et sans doute, après Mirella Freni, la plus intense qu’on ait entendu (ni Kiri Te Kanawa, ni Katia Ricciarelli , ni Margaret Price ne rivalisaient avec Freni en intensité, seule Karita Mattila a pu soutenir quelque peu la comparaison quand elle a chanté avec Abbado).
Fabio Sartori est un vrai ténor à l’ancienne, de la voix, une technique, du style, un son intense, mais une attitude un peu passive. La prestation est excellente, comme à Berlin, souvent vocalement engagée (plus qu’à Berlin). Le contraste entre l’engagement vocal et l’engagement scénique est hélas, trop criant. Mais dans l’ensemble, cet artiste mériterait grandement d’être entendu plus souvent sur les scènes internationales.
Jolie surprise avec le Paolo Albiani de Massimo Cavaletti. Voix chaude à la présence certaine, presque trop belle pour le rôle, personnage jeune et séduisant, à l’image de certains séides des puissants d’aujourd’hui à l’opposé de Felice Schiavi chez Strehler qui composait à merveille les traitres de grand guignol en roulant des yeux inquiétants et en rendant son corps difforme.
Reste le Fiesco décevant de Ferruccio Furlanetto, la voix est fatiguée (ou bien est-ce sa nature ?), un peu rustre, sans vrai raffinement. On aimerait entendre dans ce rôle un Giacomo Prestia. J’ai plusieurs fois entendu ces dernières années Furlanetto dans ce rôle, et ce soir fut décidément le pire de tous.
Au total, malgré tout et surtout malgré Barenboim, ce soir fut quand même un grand soir. Parce que on a entendu chanter très bien Verdi, ce qui laisse espérer une année Verdi 2013 moins catastrophique qu’attendue, on aimerait bien sûr plutôt entendre dans ce répertoire un Riccardo Chailly, un Antonio Pappano, ou même réentendre, se bercer encore du rythme, de la légèreté, de la fluidité, du génie d’Abbado.
240420101965.1272158846.jpgPlacido Domingo (24 avril 2010)

Ce fut un grand soir parce que Placido Domingo est unique, qu’il peut désormais tout se permettre, et que le public ne peut que suivre, parce que Madame Harteros est aujourd’hui sans doute ce qui se fait de mieux et surtout parce que la Scala était nerveuse comme aux grands moments, que le public du Loggione (le poulailler) agité discutait fiévreusement, que tous étaient revenus pour l’occasion, « même ceux du sud de l’Italie ». Un grand soir à la Scala, c’est quand même toujours et toujours quelque chose de fort. C’est cela, les lieux où souffle l’Esprit.

TEATRO ALLA SCALA 2009-2010: LULU d’Alban Berg, (Peter STEIN, Daniele GATTI, Laura AIKIN) le 23 Avril 2010

Voici la troisième production de Lulu présentée à
la Scala. La première, en 1963, en deux actes et pour quatre représentations, direction Nino Sanzogno, avec  Helga Pilarczyk (Lulu), Tony Blankenheim (Schön) et Gisela Litz (Geschwitz) dans une production de Günther Rennert venue de Hambourg. La seconde, est la fameuse création de la version en trois actes révisée par Friedrich Cerha, venue de l’Opéra de Paris dans le cadre du Festival Berg organisé par Claudio Abbado en 1979 pour deux représentations , mise en scène Patrice Chéreau, direction Pierre Boulez, avec Slavka Taskova Paoletti (Lulu), Franz Mazura (Schön) et Yvonne Minton (Geschwitz) ; inexplicablement, Teresa Stratas (l’inoubliable Lulu de Paris)ne participa pas à ces représentations. En réalité, la production d’aujourd’hui, de Peter Stein, coproduite avec l’Opéra National de Lyon (qui l’a présentée l’an dernier avec grand succès) est la première production « maison » du chef d’œuvre de Berg proposée pour 6 représentations.
On connaît la réticence du public milanais pour ce type de répertoire, et on se souvient de l’accueil très violent ménagé à Wozzeck dans les années 50 et on a vu souvent des spectateurs (du parterre) s’en aller dès le premier acte (pour Debussy, Britten, Janacek). Cette fois-ci, pas de départs anticipés, mais un public qui semble pris par l’œuvre et reste jusqu’au bout des 3h55 annoncés.
La production de Peter Stein, créée à Lyon en 2009, a été conçue pour ce théâtre (1300 places), notablement plus petit que
la Scala (2000 places), et cela se ressent. On avait à Lyon un extraordinaire sentiment de proximité du drame, ici, au contraire, on a dû construire un second cadre de scène de type « théâtre dans le théâtre », et cela éloigne le spectateur et change le rapport. De même les voix portent différemment à
la Scala qu’à Lyon et cela dessert Laura Aikin, qui plus est affligée d’une bronchite (une annonce été faite) et Franz Mazura, dont la voix fatiguée (il a 86 ans) ne passe pas toujours bien la rampe, en dépit de l’extraordinaire présence scénique. Il reste que l’on peut une fois de plus apprécier la travail de Peter Stein, qui propose une mise en scène assez classique, très simple et rigoureuse, très didactique pour un public qui a priori n’a pas de connaissance de l’œuvre. C’est très bien fait, et tout le travail porte sur les relations des personnages entre eux, sur l’art de l’acteur, sur tout l’aspect théâtral. En ce sens, le parti pris est opposé à celui d’Olivier Py à Genève, qui avait fortement contextualisé toute l’intrigue, dans un décor monumental et onirique qui suivait l’intrigue par ses mouvements. Ici le décor est assez réaliste, rappelle quelquefois Chéreau (2ème acte), et Stein travaille sur l’idée de boite, qui enferme les personnages (l’ouverture du 3ème acte, avec son salon parisien rouge-sang est forte ). Le travail est précis (en fait la reprise a été laissée à ses assistants), et  lisible. Certes, Peter Stein n’a plus l’inventivité qu’on lui connaissait (voir l’Or du Rhin à Paris, ou Mazeppa à Lyon), mais l’ensemble est très solide.
La distribution est très homogène, avec de très bons ténors (notamment Robert Wörle dans les rôles du Medizinalrat, du Prince, du Professeur, du Majordome, et du Marquis), le peintre de Roman Sadnik et l’Alwa très honorable de Thomas Piffka.
La Geschwitz de Natascha Petrinsky est vraiment magnifiquement chantée et interprétée : le troisième acte et les dernières mesures touchent au sublime. L’athlète de Rudolf Rosen (qui  chante aussi le dompteur) est une composition scéniquement très engagée et vocalement satisfaisante, quant au Schigolch de Franz Mazura, il est évidemment magnifiquement interprété, Mazura s’empare de ce rôle de personnage clochardisé avec une gourmandise extrême, si la voix accuse de la fatigue dans la grand vaisseau de
la Scala, la diction reste exemplaire : c’est pour moi le seul (avec Wörle) qui ait le style exact voulu par Berg. Quand on pense à la composition de Mazura pour Schön, avec Chéreau( il y a 31 ans !)toujours trouble et ambigu, toujours distancié, même dans les scènes où il est vaincu par Lulu, on ne peut qu’être déçu par le Schön assez plat et vocalement sans grand intérêt de Stephen West. Reste Laura Aikin : on la sent à la peine, on entend ses efforts pour dominer la bronchite, mais la voix porte mal, et la prestation musicale est à la limite au troisième acte. C’est dommage car l’engagement de l’actrice est total et la prestation théâtrale magnifiquement dominée. Le rôle, écrasant, demande vraiment une forme vocale sans failles : son « O Freiheit ! Herr Gott im Himmel » reste très en deçà de ce qu’on doit attendre et même si on remarque la technique et les efforts, ce n’était vraiment pas sa soirée. Dommage.
Et l’orchestre ? C’est incontestablement la très agréable surprise de la soirée. L’orchestre de
la Scala reste le meilleur orchestre italien, et depuis l’arrivée de Lissner, il a su affronter des répertoires variés. Il est dans Lulu vraiment excellent, emmené par la baguette experte de Daniele Gatti. Décidément, le chef italien est toujours plus à l’aise dans ce type de répertoire que dans le répertoire traditionnel italien (on se souvient de son Don Carlo très contesté l’an dernier). J’avais eu une conversation avec lui il y a bien longtemps.  lorsqu’il était directeur musical à Bologne, où il venait de (très bien) diriger le Moïse de Rossini . Il m’avait alors confié sa passion pour Berg, et son désir ardent de le diriger. Son Wozzeck l’an dernier et sa Lulu cette année sont exemplaires, il fait entendre l’œuvre avec une clarté cristalline, notamment tous les « arrière plans » musicaux, là où Berg joue avec la modernité et avec des musiques non « classiques ». Tous les niveaux de cette musique sont clairement affirmés, et l’orchestre répond avec une grande précision et un grand engagement. Un travail magnifique de « concertazione » notamment dans les intermèdes prend un relief tout à fait inattendu, d’une profondeur et d’une intelligence qui emportent la conviction et l’enthousiasme.
Au total, même avec les faiblesses signalées çà et là, ce fut une soirée très forte, passionnante, qui montre que
la Scala réussit mieux en ce moment avec Berg ou Janacek, ou même Wagner, qu’avec son répertoire traditionnel. C’est bien pour son côté « international » et son ouverture, c’est moins bien pour son identité, mais on a signalé par ailleurs la crise du répertoire italien traditionnel.

DE NEDERLANDSE OPERA 2009-2010: LES TROYENS d’Hector BERLIOZ avec Eva-Maria WESTBROEK et Yvonne NAEF, direction John NELSON (16 avril 2010)

A quelque chose malheur est bon. Bloqué depuis maintenant deux jours à Amsterdam en transit, en attendant le passage du nuage volcanique fatal et la réouverture hypothétique de l’aéroport de Schiphol et de celui où je devais me rendre en Scandinavie, j’ai repéré bien vite  que ce 16 avril au DNO (De Nederlandse Opera), Les Troyens étaient à l’affiche avec une distribution féminine alléchante et John Nelson au pupitre, garantie de qualité pour ce spécialiste reconnu de Berlioz. Aussitôt vu, aussitôt fait. De retour de l’aéroport fantômatique où chaque passager se fait plaindre par le personnel très sympathique, où errent des touristes asiatiques, des passagers solitaires, des hôtesses sans avion, et après avoir persuadé mon chauffeur de taxi que non décidément, je ne voulais pas qu’il me conduise en Scandinavie, mais simplement à l’Hôtel, je me suis ensuite précipité dans le tram pour arriver à l’Opéra à l’heure (le spectacle commençant à 17h30 pour se terminer à 23h).
L’Opéra d’Amsterdam est l’un des plus sympathiques que je connaisse. J’aime beaucoup y aller: le quartier est très vivant (Quais de l’Amstel, Waterlooplein, Rembrandtplein) le public est très détendu, habillé de manière très diversifiée (du costume sombre au short, du tee shirt au noeud papillon), le personnel toujours affable et souriant, et last but not least les spectacles sont toujours de qualité. Ce soir encore, Les Troyens n’ont pas fait faillir l’excellente réputation du lieu. La mise en scène remonte à 2003, c’est Pierre Audi, le directeur artistique qui l’a signée, décors de George Tsypin, costumes de Andrea Schmidt-Futterer. Comme souvent avec Pierre Audi, c’est une belle mise en image, très propre, très “professionnelle” au sens où les choeurs savent se mouvoir, où les éclairages sont soignés, où l’ensemble se laisse voir de manière très fluide et souvent agréable, sans être exceptionnel et sans idées extraordinaires. Un spectacle solide, fondé sur des oppositions de couleurs (le noir pour les Troyens, le blanc pour les Carthaginois), sur des lumières vives, et souvent chaudes (jaune, rouge sang,  bleu profond), et sur des oppositions de style de décor, horizontal pour Troie, vertical en contruction pour Carthage ( Berlioz et Audi connaissent leur Virgile) et à la fin, le décor tombe en ruines, non terminé, l’amour de Didon pour Enée provoquant l’arrêt de toute la construction de la ville, Didon passant son temps à s’occuper de son hôte plutôt que de gérer.
L’amour c’est comme la guerre, là ou il passe, le reste trépasse.
En fait, à la fin de l’Opéra, on en revient presque à l’image du début, le blanc de Carthage ayant viré au noir, et Didon s’immolant comme Cassandre au premier acte. Autre point un peu décevant la direction d’acteurs n’est pas vraiment précise: quand c’est Westbroek qui chante, pas de problème, elle vit son rôle avec une intensité rare, quand c’est Naef, c’est moins “vécu” de l’intérieur, et cette passion ravageuse pour Enée est quand même un peu “plan plan”. Il reste que cela reste très acceptable globalement. La chorégraphie de Amir Hosseinpour et Jonathan Lunn m’a laissé un peu plus dubitatif: un parti pris ironique, qui ne va pas forcément avec l’ensemble et qui finit par gêner, notamment pendant les musiques de ballet du magnifique quatrième acte, l’île heureuse de l’opéra.

Il en va tout autrement au niveau musical, où l’on atteint très souvent l’excellence. D’abord, la direction de John Nelson est très précise, très attentive, toute en subtilité. L’orchestre n’est jamais fort, ne couvre jamais les voix, les équilibres sont très soignés et la poésie est souvent au rendez-vous. Sa direction me semble encore plus convaincante qu’à Genève il y a quelques années: le quatrième acte, qui commence par la chasse royale et orage et qui se clôt par le sublime duo “Nuit d’ivresse et d’extase infinie” est un moment de grâce, enthousiasmant, émouvant, bouleversant. L’orchestre (le Nederlands Philharmonisch Orkest) est vraiment de très bon niveau. A part le Concertgebouw, les Pays-Bas ont une réserve très respectable d’orchestres , et de grande qualité, même s’ils sont moins connus. Puisque l’Opéra n’a pas d’orchestre fixe mais des orchestres différents attachés à une ou deux productions, quand on vient souvent à Amsterdam, on a l’occasion de les entendre tous, avec beaucoup de plaisir. C’est qu’il y a aux Pays Bas une grande tradition musicale, comme souvent en pays protestant, et que la tradition lyrique en revanche est très jeune (20 ans): il n’y a pas de tradition d’opéra aux Pays-Bas, et le public est très ouvert et très disponible. Le chœur (qui lui est attaché à l’Opéra) est remarquable, je l’ai découvert à l’occasion du Moïse et Aaron de Schönberg (dirigé par Boulez, mise en scène de Peter Stein) et non seulement c’est un chœur qui chante bien , mais aussi très ductile, qui joue et demeure toujours très engagé.
Comme encore souvent à Amsterdam, les voix ne sont pas forcément des stars, mais l’ensemble est toujours très homogène: je n’y ai jamais pour l’instant entendu de distribution bancale. Ce soir bien sûr, il y a une vedette c’est l’enfant du pays Eva-Maria Westbroek, très engagée, à la voix puissante, mais pas forcément à l’aise dans le registre plus grave que réclame notamment le deuxième acte de “La prise de Troie”. Il reste que la chanteuse est impressionnante.
Je savais Yvonne Naef une excellente mezzo (je me souviens de sa Brangäne remarquable à Paris), mais là, il y a le soin extrême accordé à la prononciation, une voix homogène sur tout le registre (même si au début, les aigus étaient très légèrement tirés avec de légers problèmes de justesse): la fin est magnifiquement chantée: si Westbroek a reçu des fleurs, Naef a eu droit à la standing ovation. Avec un peu plus d’engagement scénique, elle pourrait sans doute prétendre être la Didon du moment, la voix est saine, volumineuse, techniquement impeccable. Une grande prestation.
Enée est un jeune ténor américain, Bryan Hymel “qui a tout d’un grand”: il a la puissance, la résistance, le velouté et la prononciation. Lui aussi pourrait s’engager un peu plus, mais c’est vraiment un Enée de haute volée, qui vaut Jon Villars, largement. Son air final “Inutiles regrets, je dois quitter Carthage” avec ses notes très hautes et sa vaillance, est vraiment remarquable.
On voit les théâtres de qualité non aux grands rôles, mais à l’excellence de l’ensemble de la distribution: pas un des chanteurs n’est pris en défaut, ils servent tous la partition de manière exemplaire. Il faut au moins trois ténors de qualité dans les Troyens, pour Enée, pour Iopas, et pour Hylas: ils sont tous excellents. Certes, le Iopas de Greg Warren n’a pas forcément encore le style de chant “français” qu’exige le rôle, mais il se tire fort bien de son air élégiaque, Hylas quant à lui ouvre le cinquième acte et la chanson d’Hylas interprétée par Sébastien Droy est très remarquée par le public, et de fait remarquable.

Anna devait être chantée par Charlotte Hellekant, bloquée à Helsinki par le fameux nuage. Elle est remplacée au pied levée par Ceri Williams, qui chante sur le côté, le rôle étant tenu par une assistante, et même si le dispositif gêne un peu, la prestation est tellement bonne (magnifique duo avec Didon “vous aimerez ma soeur”) qu’on l’oublie très vite. Les barytons et les basses sont tout aussi impeccables, le Chorèbe magnifique de Jean-François Lapointe (il promène son Chorèbe, modèle du genre, dans le monde entier), le Narbal d’Alistair Miles, le Panthée de Nicolas Testé, le Priam émouvant – une sorte de Roi Lear- de Christian Tréguier, et le spectre d’Hector, sonore et impressionnant, de Philippe Fourcade. Une distribution soignée, sans failles, avec du style et une prononciation française  excellente pour tous sans exception.

Au total, une soirée de référence, une interprétation de haut niveau, un spectacle encore réussi de l’Opéra d’Amsterdam, une des rares salles d’Europe qui vaille toujours le voyage.
L’an prochain, Vêpres Siciliennes de Verdi en français, Rosenkavalier dirigé par Sir Simon Rattle et surtout, surtout, Eugène Onéguine dirigé par Mariss Jansons avec le Concertgebouw, vous n’allez pas manquer ça, le Thalys vous attend!

L’impossible BALLO IN MASCHERA, ou de la difficulté de chanter VERDI aujourd’hui.

Ce matin, en écoutant “Un ballo in maschera” dans un enregistrement pirate du MET de 1962 (Nello Santi dirigeait rien moins que Carlo Bergonzi, Leonie Rysanek, Robert Merrill) où Leonie Rysanek, la grande, l’immense Rysanek qui enchanta mes jeunes années dans Chrysothemis à l’Opéra de Paris (avec Nilsson et Varnay et Böhm…heureux temps), est totalement naufragée, la justesse chavirant avec le reste dans un intenable roulis dans “Ecco l’orrido campo”. On sait que sa voix bougeait et n’était pas toujours juste (Bayreuth 1982 dans Kundry!!), mais là c’est carrément une caricature, tout bouge, tout se noie, les ensembles sont à la limite du supportable tant elle est fausse. Pour compenser, j’ai écouté un autre “live”, Abbado, Pavarotti, Verrett, Obratsova, Cappuccilli en décembre 1977 à la Scala et là tout autre paysage, la lumière, la perfection, un Pavarotti à son sommet, une Verrett totalement engagée, une Obratsova qui poitrine à plaisir, mais quelle personnalité, et un Cappuccilli somptueux, “énaurme” tel qu’en lui même enfin l’éternité le change; sans parler d’Abbado vif, attentif, nerveux, théâtral: une pure merveille (répétée un mois plus tard avec un seul changement, Mara Zampieri, que j’aime moins à cause de son émission tubée), suivie par un public passionné qui écoute avec une attention et une participation exemplaires le déroulement de l’opéra, on entend ses réactions, ses soupirs, sa satisfaction. Un vrai public participatif,qui respire à l’unisson avec la scène, quel moment!!

J’ai alors essayé de rassembler mes souvenirs, et penser aux rares “Ballo in maschera” vus sur une scène dans ma vie de mélomane. A la Scala (Gavazzeni, Pavarotti, Parazzini, Nucci), ce fut en 1986 un total naufrage et se termina dans les hurlements douloureux du public. Pavarotti, oui, bien sûr, mais comment pouvait-il être impeccable avec un soprano impossible, hurlant ou huhulant au choix, et un 2ème acte où Nucci et Parazzini semblaient un duo de chèvres bêlantes dans le trio (difficile à chanter il est vrai) “Odi tu come fremono cupi/Fuggi fuggi..”.

Plus récemment à Paris, dans la production inexistante de Deflo, sous la baguette d’un Semyon Bychkov satisfaisant, Angela Brown en Amelia suivait les traces de Rysanek dans la perdition. A dire vrai, je n’ai jamais vu de Ballo in maschera satisfaisant, tout juste acceptable ou moyen, jamais exceptionnel: je n’ai pu voir Abbado à l’oeuvre, ni même Muti (dans ses bonnes années).
C’est un opéra très difficile à réussir, sans doute l’un des plus difficiles de Verdi, à cause de la diversité des voix qu’il exige (un contralto, un soprano coloratura, un baryton, un ténor, un soprano lirico spinto) à cause des multiples difficultés techniques et notamment du rôle d’Amelia, à cause de la difficulté des ensembles du 3ème acte (des sauts brutaux à l’aigu, proches du cri). Et c’est dommage, car c’est une des plus belles partitions de  Verdi (Deuxième acte et  final sont sublimes).

De cette attente vaine d’un “Ballo” de grand lignage, je me suis mis à réfléchir à la difficulté aujourd’hui de trouver des distributions impeccables de grands Verdi. On peut peut-être trouver de bonnes distributions de Traviata, de Rigoletto, même Macbeth mais Nabucco, Ballo in maschera, Trovatore, Ernani, Forza del Destino, Aida, Otello (depuis que Domingo ne le chante plus) sont aujourd’hui difficiles à distribuer ou bien n’attirent plus les grands théâtres. On a vu récemment des Don Carlo (et Don Carlos) assez satisfaisants, mais pas un Trovatore qui tienne la route. Il y a 20 ans ou 30 ans, on distribuait relativement facilement Verdi, mais il était presque impossible de trouver une distribution wagnérienne digne de ce nom: c’est l’inverse aujourd’hui.

Il y a évidemment des modes et l’opéra n’y échappe pas . On ne chante plus aujourd’hui comme il y a vingt ans, les voix ne sont pas les mêmes, on préfère de beaucoup les voix très dominées aux voix échevelées (Giovanna Casolla, avec son énorme volume a fait une carrière internationale digne, mais pas exceptionnelle) sans doute aussi à cause de l’écroulement du chant italien: on trouve sur le marché plus de chanteurs français de niveau international que de chanteurs italiens: l’Italie ne produit plus de grandes voix et l’école de chant se meurt, conséquence d’une politique imbécile de l’Etat, de la déreglementation du métier de professeur de chant, de la jungle des agents. Les écoles qui marchent sont l’école américaine/anglo saxonne: bonne préparation technique, chanteurs prêts à affronter le répertoire dès la sortie des écoles, et l’école slave, à la formation traditionnelle solide et aux voix volumineuses, tous ces chanteurs ont fondu vers l’Europe, qui a le plus grand nombre de théâtres (l’Allemagne notamment). mais tous vivent Verdi non dans leur chair, mais dans leur tête. Une Nina Stemme (suédoise) chante Aida et Leonora de Forza del Destino: elle en a le volume, mais pas l’âme. Karita Mattila (finlandaise) fut une Amelia Grimaldi appréciable avec Abbado (Simon Boccanegra 2000 à Salzbourg), et Anja Harteros (allemande d’origine grecque) en est une exceptionnelle aujourd’hui: les grands sopranos pour Verdi se nomment Sondra Radvanovsky (américaine) et Anja Harteros ( allemande), cette dernière avec un engagement vocal qu’on croyait disparu.
Du côté des ténors, on croyait être sorti du tunnel avec Rolando Villazon, on sait ce qu’il en est. Il y a Alagna, irrégulier, et Vittorio Grigolo, aussi irrégulier mais quelle voix!! Stefano Secco est un très bon artiste mais dans Carlo il atteint sa limite. Reste enfin Jonas Kaufmann, dont le répertoire italien n’est pas celui où il brille le plus (ses Alfredo et Rodolfo sont bons, mais n’ont rien à voir avec d’autres rôles germaniques de son répertoire), sans doute dans Don Carlo et dans Otello sera-t-il intéressant à écouter, sûrement dans la tradition d’un Vickers. Il y a quelques basses de très bon niveau (Prestia par exemple) et une série de très grands barytons (en grand nombre, à commencer par notre Ludovic Tézier). Mais aucun mezzo soprano de grand caractère pour Verdi. Luciana d’Intino ou Sonia Ganassi font très bien leur métier, mais ne sont tout de même pas les Eboli du siècle. On attend la Cossotto ou l’Obratsova du moment. Violeta Urmana quand elle était mezzo eût pu peut-être briller, elle est soprano aujourd’hui et soprano assez discutée.

On aime aujourd’hui des répertoires (baroque, Rossini, bel canto) où la technique, le contrôle sur la voix sont déterminants, des amis italiens appellent cela des voix sous verre, où la chair est moins importante que l’exposition technique: il faut pour Verdi une technique de fer, une voix large et puissante, et aussi travailler l’expression, l’explosion de l’expression: Mirella Freni, Julia Varady, Leontyne Price, Martina Arroyo, Renata Scotto et bien sûr Callas connaissaient ce secret. Tebaldi moins, mais la voix était tellement sublime. Aujourd’hui la voix la plus large et la plus contrôlée que je connaisse est celle de Sondra Radvanovski, sous employée dans les grands théâtres. Le monde découvre Anja Harteros mais elle ne peut pas chanter tous les répertoires. Néanmoins je ne suis pas sûr que même avec toutes les voix adéquates Verdi soit vraiment à la mode: on parle beaucoup du bicentenaire Wagner en 2013, mais on entend moins parler du bicentenaire Verdi, toujours en 2013, et c’est pour moi un signe, un mauvais signe. Signe peut-être que notre époque est moins en phase avec cette générosité innée, celle du coeur à fleur de peau et de l’émotion immédiate, palpable, de la chair de poule qui  vous prend quand on assiste à un beau Trovatore haletant, violent, bouleversant. On aime moins le théâtre de la chair que celui de la forme.

Enfin, Verdi ne pardonne pas: rappelons ce que disait Martha Mödl vieillissante encore distribuée à Munich: elle disait que chanter Wagner pour une voix vieillie n’était pas (trop) difficile, la voix était protégée par l’orchestre, par la science du “dire” qui savait masquer les failles (dans un répertoire voisin, Franz Mazura, 89 ans est une merveille dans Schigolch de Lulu). Chez Verdi , la voix est découverte et exposée, et toutes les failles sont audibles, on n’entend même plus que cela. J’écrivais il y a quelques jours que Wagner survivait à une interprétation médiocre, pas Verdi.
Verdi ne pardonne pas la médiocrité, c’est pourquoi notre époque l’aime sans doute moins.

OSTERFESTSPIELE SALZBURG 2010: GÖTTERDÄMMERUNG de Richard WAGNER au Festival de Pâques de Salzbourg, dirigé par Sir Simon RATTLE, mise en scène de Stéphane BRAUNSCHWEIG (Le 5 avril 2010)

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Le cycle est clos. Une aventure de quatre ans, partagée avec Aix-en-Provence, dont on espère voir un jour la présentation en cycle complet, car on se sent un peu orphelin de ne l’avoir vu que par épisodes. Bernard Foccroule à Aix ne semble pas avoir été séduit par l’aventure du Ring en Provence, initiée par Stéphane Lissner, même s’il confesse que le succès des Berlinois a été le plus gros succès jamais obtenu par des concerts à Aix. Ce qui est exceptionnel à Aix est “ordinaire” si on ose dire à Salzbourg puisque les berlinois y sont (presque) chez eux. Il reste que monter un Ring est un défi peu commun, et c’est pourquoi on aimerait que l’aventure ne reste pas sans lendemain et ne se range pas dans le tiroir aux souvenirs. Même si la mise en scène de Braunschweig ne m’a pas vraiment convaincu, on ne peut vraiment apprécier un travail scénique sur le Ring que si on le voit d’affilée. J’ai aimé ces deux moments, découvrir à Aix et entendre à Salzbourg: on n’a jamais la même impression. Acoustiquement, je trouve que la fosse d’Aix est sonore, trop sonore, et couvre souvent les voix. Ici rien de semblable et les équilibres reprennent leurs droits. L’impression a donc été sensiblement différente entre les deux lieux. Et le même spectacle se regarde dans un autre contexte.
On sait que Sir Simon Rattle est un wagnérien apprécié, ses Tristan, ses Parsifal ont laissé à Vienne ou à Amsterdam des traces durables et positives. Dans l’ensemble, son Ring a été salué par la critique, focalisée en France sur la qualité de l’orchestre, plus peut-être que par l’approche du chef. Il reste que l’entreprise est un succès. Une fois de plus à Salzbourg, Ben Heppner a déclaré forfait: l’enregistrement à peine sorti de Siegfried, distribué ici aux membres bienfaiteurs, reprend les représentations de Salzbourg, avec Lance Ryan, sans doute le meilleur Siegfried d’aujourd’hui. C’est Stefan Vinke qui  remplace en ce printemps Heppner pour Götterdämmerung. Puisque Heppner a toujours chanté à Aix et jamais à Salzbourg (la Provence en été lui va sans doute mieux que le Salzburger Land au Printemps), on aura ainsi eu l’occasion de comparer trois Siegfried, ce qui renforce encore l’intérêt.

Las! Alors que le Götterdämmerung vu à Aix ne m’avait pas déplu- je l’avais même mis aux côtés de Rheingold pour l’approche scénique ( Walküre et Siegfried m’avaient plutôt déçu) la représentation du 5 avril a apporté bien des déceptions et des doutes. D’abord, au contraire des autres jours, j’ai trouvé que certains pupitres de l’orchestre manquaient de concentration, notamment dans les cuivres (à l’exception des cors). On a entendu beaucoup d’approximations, des problèmes de justesse et d’attaques. Certes, la prestation d’ensemble reste de très grand niveau, mais par rapport aux autres soirs on était incontestablement un ton en dessous.
J’ai des doutes ensuite sur l’interprétation de Sir Simon Rattle: un de mes interlocuteurs germaniques m’a dit – et je ne suis pas loin de le suivre: “L’oeuvre resiste à tout, même à une interprétation médiocre”. Il ne se dégage aucune émotion, et le premier acte (notamment) était – un comble- ennuyeux. On n’arrivait pas entrer dans l’oeuvre. la direction à elle seule ne peut être responsable de ce sentiment très mitigé, mais je ne pense pas que le chef ait su entraîner dans une vision marquante l’ensemble des forces artistiques. c’est toujours très construit, très spectaculaire mais souvent aussi trop fort, sans vraie motivation, et sans aucune mais aucune poésie.
Il est vrai aussi que Rattle n’est pas aidé par une distribution inégale, dont il est responsable: je trouve scandaleux que ce Festival, qui vend les billets parmi  les plus chers du monde, ose afficher une Gutrune (Emma Vetter) criarde, à la voix courte, sans aucun intérêt, et s’adresse pour Brünnhilde à une chanteuse certes affichée dans de nombreux théâtres, mais qui n’est pas c’est le moins qu’on puisse dire une Brünnhilde habitée. Katharina Dalayman n’a pas une voix homogène, rien dans le grave, complètement opaque, et toute la voix  se concentre sur l’aigu, avec une impression pénible de cri et non de chant. Dans ces conditions, aucune interprétation, aucune émotion, aucune poésie. Un seul exemple: toutes les grandes Brünnhilde soignent la fin de la première partie du récit finaldu troisième acte, où Brunnhilde prononce “Ruhe, Ruhe, du Gott” en s’appuyant sur l’orchestre en une longue note tenue. Behrens avec Solti en avait presque fait un climax. Ici, rien, aucun écho aucune correspondance avec l’orchestre. Des notes, mais pas de musique.
La seule a s’en sortir au niveau du chant est Anne Sofie von Otter en Waltraute: je ne suis pas sûr que ce soit vraiment un rôle pour elle, le volume n’est pas toujours au rendez-vous, mais dans la manière de dire le texte, de le moduler, on entend la chanteuse de Lied et cela reste avec ses limites une prestation de très haut niveau.

Le Siegfried de Stefan Vinke est sonore, très sonore, mais là aussi, un legato absent, des difficultés à maîtriser le suraigu, notamment au deuxième acte, une voix un peu nasale qui semble plus une voix de tête, que d’appui sur le coffre et le diaphragme. Ce n’est pas une prestation scandaleuse, mais ce n’est pas un Siegfried pour Salzbourg. Le forfait de Ben Heppner y est pour quelque chose sans doute, mais avec Lance Ryan l’an dernier, on avait gagné au change. Ce n’est pas le cas cette année.
Mikhail Petrenko en Hagen pose un autre problème, qui d’ailleurs était le même à Aix: voilà un chanteur intelligent, doué d’une excellente diction, un grand interprète, mais le rôle de Hagen réclame une puissance qu’il n’a pas, notamment dans les ensembles et avec le choeur au deuxième acte. Il est remarquable dans les parties moins épiques, mais le volume reste notoirement insuffisant, mais c’est l’un des seuls personnages “habités”.

Malgré une annonce de rhume, Gerd Grochowski est vraiment un Gunther excellent: lui aussi sait prononcer le texte avec attention et subtilité, la voix a du volume et de la présence dans un rôle ingrat. Quant à Dale Duesing en Alberich, même si la voix est désormais un peu fatiguée, c’est lui qui fait preuve de la plus grande intelligence interprétative, et son intervention est saisissante en début de deuxième acte face à son fils Hagen “Schläfst du Hagen mein Sohn”. D’ailleurs c’est la scène musicalement la plus réussie car sans doute la mieux chantée. Les Nornes sont honnêtes, et les filles du Rhin bonnes: la scène avec Siegfried du début du troisième acte est avec la scène Hagen/Alberich la plus musicale, celle aussi où Rattle conduit l’orchestre, le fait chanter, et où l’on entend un son plein et charnu, et une vraie poésie. Très beau moment.

Comme on le voit, beaucoup de problèmes musicaux et une distribution à tout le moins inégale,  en aucun cas du niveau requis pour Salzbourg.
Quant à la mise en scène, s’il y a çà et là des moments intéressants des images fortes et de belles lumières, monologue final de Hagen au premier acte, scène Hagen/Alberich, scène du palais des Gibichungen avec une bonne utilisation de l’espace, et projections video impressionnantes dans la scène finale et notamment le Rhin, le reste n’a pas beaucoup d’idées ni d’intérêt. Les bonnes idées, on les a déjà vues ailleurs (Wotan réapparaissant à la fin, c’était déjà dans Kupfer à Bayreuth, le “peuple” autour du Rhin, puis tourné vers le public, c’était dans Chéreau). S’il n’y a pas vraiment de mauvaises idées (bon, le choeur des vassaux de Hagen en joueurs de golf et de chasseurs, cela fait sourire), il n’y a rien de notable, rien d’original,et surtout pas de vraie direction d’acteurs, pas de travail sur les relations entre les personnages, pas de  poésie, comme si Braunschweig n’y croyait pas.En fait, des quatre opéras, le plus séduisant reste l’Or du Rhin. Ce Götterdämmerung ne marquera ni les annales du Festival, ni celles du théâtre en général, même si l’entreprise aura marqué Aix en Provence, par son côté exceptionnel. Ici où l’exceptionnel devrait être l’ordinaire,cela aura été une production ni aboutie, ni vraiment inspirée, sans voix exceptionnelles et avec une mise en scène indifférente et plate.
050420101950.1270680627.jpgL’orchestre au complet est venu saluer le public à la fin du spectacle.

L’an prochain (voir le lien), Salomé, avec Emilie Magee (bof) et Stefan Herheim dans comme metteur en scène (mieux) dirigé par Rattle et Gustavo Dudamel comme chef invité dans un des concerts! On reviendra donc!

IN MEMORIAM WOLFGANG WAGNER

Incontestablement c’est l’une des figures historiques de la musique et de la culture européennes qui nous a laissés le 21 mars dernier. Petit fils de Richard Wagner, à la tête du Festival de Bayreuth depuis 57 ans, il en avait abandonné la direction en septembre 2008. A la faveur de la réouverture du Festival en 1951, et de la mise à l’écart de Winifred Wagner, sa mère, suite à ses relations très étroites avec le régime nazi, il prit la direction à 32 ans avec son frère Wieland du “Neues Bayreuth”, le Festival de Bayreuth “nouveau” d’après guerre. Moins créatif que son frère qui pendant les années 50 et 60 fut incontestablement la référence du Festival, il en prend définitivement la tête, seul, à la mort de Wieland en 1966. Sans rentrer dans les polémiques qui ont ravagé la famille Wagner jusqu’à une période récente, qu’on pourra évoquer en d’autres lieux, il faut lui reconnaître un sens peu commun des opportunités et du rôle moteur du Festival de Bayreuth. Il fut incontestablement l’un des plus grands directeurs de Festival, maintenant contre vents et marées la même ligne artistique, celle de faire de Bayreuth un atelier musical et scénique. D’où l’appel à des chefs et chanteurs plutôt jeunes, d’où l’appel à des metteurs en scène souvent contestés, souvent expérimentaux, sentant souvent le soufre. Il a su alterner des mises en scènes assez traditionnelles et d’autres très décoiffantes ; l’une des dernières en date, celle du Parsifal de Christoph Schlingensief, a considérablement troublé le public. Le symbole de cette politique est évidemment l’appel à Patrice Chéreau et Pierre Boulez pour réaliser le Ring du centenaire en 1976, mais n’oublions pas qu’il avait déjà défrayé la chronique en appelant Götz Friedrich pour Tannhäuser en 1972, dont la mise en scène assise sur la lutte des classes avait déjà profondément choqué à l’époque. Il avait compris que la survie de l’identité du Festival, qui avait construit sa réputation de “nouveau” à partir des mises en scène de Wieland, ne pouvait être un conservatoire “théâtral” ce qu’il avait été avant guerre et qu’il risquait de redevenir si l’on revenait sans cesse à Wieland, même disparu. Mais il avait senti que c’est bien la mise en scène qui marquerait de pierres miliaires l’histoire du Festival. Il se réservait donc les mises en scènes traditionnelles, et choisissait par un savant dosage les artistes qu’il voulait voir travailler sur le Festival. D’un point de vue musical, il a su créer d’incontestables fidélités: Birgit Nillson, Theo Adam, Gwyneth Jones, Deborah Polaski, et bien sûr sa grande découverte des années 1980, Waltraud Meier, qui a représenté le Festival pendant près de vingt ans, et Nina Stemme, ultime révélation qui commença à faire des petits rôles dans les années 90 à Bayreuth. Au niveau des chefs, il était très lié à Pierre Boulez, mais il invita aussi Solti (un échec relatif), Colin Davis, Barenboim qui resta lui aussi vingt ans la référence de Bayreuth, James Levine, Giuseppe Sinopoli et maintenant Christian Thielemann. Fidélités diverses, qui montrent l’ouverture du personnage. Il essaya plusieurs fois d’inviter Abbado, mais celui-ci refusa toujours car c’était sa traditionnelle période de vacances. Beaucoup de chefs hésitèrent à venir à cause du temps de répétition réduit avec l’orchestre. Ce fut l’une des raisons de l’abandon par Carlos Kleiber du Tristan und Isolde légendaire qu’il dirigea en 1975 et 1976. Avec des fortunes diverses, il invita aussi des jeunes, Dennis Russell Davies, Woldemar Nelsson, Marc Albrecht, avec lesquels il n’eut pas toujours la main heureuse (Mark Elder, Eiji Oue), il entretint aussi des fidélités avec de grands “Kapellmeister”, Horst Stein ou plus récemment Peter Schneider. Au total, un personnage ouvert au monde, qui refusa toujours de transiger sur l’essentiel, à savoir que se produire à Bayreuth, c’est adhérer à un projet et obéir à des obligations (cachets ou salaires réduits, refus du star system, obligation de résidence pendant de longues périodes de répétitions). D’où de douloureux changements à prévoir  dans les prochaines années, à charge pour ses filles Eva et Katharina de les mener et de conduire le modèle de Bayreuth au XXIème siècle, en rénovant sans renoncer à l’essentiel.

Wolfgang Wagner est sans doute un des derniers grands princes de l’opéra, contestable et absolu comme tous les princes, de la stature des Liebermann, des Bing, des Toscanini, un de ces modèles de référence, porteurs d’une tradition véhicule d’avenir.

TEATRO ALLA SCALA 2009-2010: TANNHÄUSER, de Richard WAGNER, dirigé par Zubin MEHTA avec Anja HARTEROS (27 mars 2010)

270320101925.1269776924.jpgTannhäuser n’est pas le moins bien servi des opéras de Wagner à la Scala. La dernière production remonte à février 2005, au Teatro degli Arcimboldi et fut l’un des ultimes spectacles de l’ère Fontana/Muti. A part la direction de Jeffrey Tate, elle n’appelait pas de commentaires: on se souvient seulement de la très belle interprétation de Wolfram par Peter Mattei. Cette année, en demandant à Zubin Mehta de diriger et à Carlus Pedrissa (La Fura dels Baus) de mettre en scène, Stéphane Lissner a voulu donner à cette production un lustre que l’on n’avait pas vu depuis 1967 (direction Wolfgang Sawallisch). L’opération est réussie.
La direction de Zubin Mehta, bien qu’un peu lente pour mon goût, est précise, somptueuse, ample et très attentive et concentrée. Zubin Mehta  est beaucoup moins routinier dans Wagner que dans Verdi (à Vienne dans Forza del destino!), à part quelques menues scories dans les cuivres (et notamment les cors), l’orchestre délivre une prestation de grande qualité, sonne bien et la lenteur laissant certaines phrases et certains pupitres très découverts, on entend avec bonheur certains moments musicaux habituellement masqués, très bien interprétés par les “professori” de l’Orchestre de la Scala. Il est vrai aussi que depuis l’arrivée de Lissner, la variété des titres et des chefs, la bonne proportion d’oeuvres non italiennes a redonné à cette excellente phalange une qualité qu’elle avait perdue à la fin de l’ère Muti. Le crescendo final est un moment d’exception.
270320101916.1269776876.jpgLa distribution est aussi de bonne qualité globale, à l’exception de la Venus de Julia Gertseva, jolie femme, mais voix sans éclat, sans projection, sans puissance ni volume notables. Une prestation totalement inintéressante au niveau vocal, qui pâtit du voisinage de l’extraordinaire Elisabeth de Anja Harteros, triomphatrice de la soirée. Si elle n’a pas tout à fait le format ( à un poil près) pour le “Dich teure Halle” d’ouverture du deuxième acte, tout le reste est extraordinaire d’engagement, d’intensité, mais aussi de technique vocale, notamment toute la seconde partie du deuxième acte, absolument saisissante, surprenante, bouleversante, qui fait sursauter dans son fauteuil; Anja Harteros est à l’aise aussi bien dans l’héroïsme que dans le lyrisme, elle est exceptionnelle dans les grands rôles lyriques italiens (Amelia Grimaldi, Traviata!), dans certains rôles baroques (Armida, à la Scala), et dans les rôles wagnériens (Magnifique Eva, magnifique Elsa, et magnifique Elisabeth).

270320101922.1269776899.jpgVoilà une artiste complète qu’il ne faut pas manquer, sous aucun, mais aucun prétexte!
Les voix masculines sont d’une bonne qualité d’ensemble: Georg Zeppenfeld est prète sa voix de basse au Landgrave de Thuringe, et la prestation est vraiment de très haut niveau (on l’avait déjà remarqué dans Sarastro de La Flûte enchantée avec Abbado), c’est une des jeunes basses allemandes du moment. Le Wolfram de Roman Trekel a peut-être une voix un peu opaque qui dans les ensembles, qui ne surnage pas. En revanche son troisième acte est d’une poésie exceptionnelle et dégage une grande émotion dans “Oh du, mein holder Abendstern”, la voix est très contrôlée, la technique impeccable,  l’attention aux paroles permanente, on sent le chanteur habitué à Mozart et au Lied.
Robert Dean Smith m’est apparu un peu en deçà de ses prestations habituelles. Il m’a plus convaincu en Tristan où sa voix vaillante et claire faisait merveille (à Bayreuth) que dans ce Tannhäuser où la voix paraît plus tendue, le volume quelquefois insuffisant, notamment dans la scène du Venusberg. Son troisième acte est bien plus convaincant en revanche. C’est un bon Tannhäuser mais je lui préfère un Stephen Gould (à Bayreuth, mémorable). Les autres chanteurs sont à la hauteur et l’ensemble est musicalement très dense. Quant au choeur, il était très bien préparé, et le texte très clairement prononcé, très compréhensible;e, ce qui est rare dans Wagner à la Scala.
La mise en scène de Carlus Pedrissa et des compères de la Fura dels Baus (désormais complices de Zubin Mehta avec lequel ils ont fait le Ring à Florence et Valence) est complexe, et se lit à plusieurs niveaux. L’utilisation de la vidéo et des images de synthèse est impressionnante, d’autant qu’elle suit “en direct” les mouvements des foules et des danseurs: cela donne un spectacle aux images souvent fortes et esthétiquement très belles. Les ressources techniques sont multiples,

main_guido1a.1269776051.gifla main articulée gigantesque, souvenir de Guido d’Arezzo (présent sur scène sous la forme d’un personnage, sorte de scribe informatique, dans un coin de la scène)  et symbole du spectacle (Guido d’Arezzo est à l’origine du système de notation musicale sur lequel nous vivons), symbole de l’art, de la technique, bref de tout ce qui fait la singularité du personnage de Tannhäuser, l’aquarium du Venusberg, rappelant l’origine marine de Venus,

da-vinci.1269775903.jpgle cercle inscrit dans un carré, renvoyant au dessin de l’homme de Leonard de Vinci, où s’inscrivent Tannhäuser, Elisabeth et Venus lorsqu’ils sont crucifiés par la souffrance, ou bien divinisés est aussi une idée qui mêle l’invention de la renaissance, la technique et l’architecture (ce dessin illustre un passage de Vitruve),enfin la tête de mort composée de corps entremêlés, dernier avatar du Venusberg à la fin de l’œuvre. Mais au-delà des performances techniques, la mise en scène est aussi distanciée par rapport à l’histoire, une distance qui relativise les personnages: partant de l’idée que le Venusberg renvoie à des scènes érotiques sculptées sur des temples indiens, et à un univers oriental presque baudelairien, mais aussi à la fascination que Wagner éprouvait pour la culture indienne, Carlus Pedrissa a fait de cette histoire une sorte de légende indienne (hommage à Mehta?), où Hermann est un Maharadjah et Elisabeth une princesse orientale. Cette ironie se voit à plusieurs moments: l’entrée de la cour au deuxième acte traitée comme une grande scène Bollywodienne, aux couleurs criardes et aux ballets désopilants,  les flots de larmes versés par Elisabeth au troisième acte avec un dispositif étrange et fascinant. Mais cette surcharge volontaire est pondérée par des scènes d’une simplicité étonnante (au troisième acte) et d’une poésie à couper le souffle (la romance de Wolfram sur fond de danseuses qui marchent dans les airs!). On peut être surpris, voire réservé, mais c’est un spectacle de grande ampleur, qui exerce une fascination énorme, et qui transforme cet opéra au livret tellement germanique en une œuvre symbolique de la rencontre des cultures, un spectacle syncrétique et profondément moderne qui marque le spectateur. Une vrai, belle, grande soirée d’opéra, grâce à Mehta, Harteros, la Fura dels Baus.

OPÉRA NATIONAL DE PARIS 2009-2010: DAS RHEINGOLD (L’Or du Rhin) de Richard Wagner, mise en scène Günter KRÄMER à l’Opéra Bastille (16 mars 2010)

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L’entreprise était une nécessité. L’Opéra de Paris, la plus grande maison d’opéra du monde avec ses deux énormes salles,  n’avait plus à son répertoire depuis des lustres une production de l’Anneau du Nibelung (le “Ring”). C’est au Châtelet (Bob Wilson) et au Théâtre des Champs Elysées (Mesguich) qu’on doit les dernières productions présentées, et mieux encore, à l’Opéra de Paris, la dernière tentative, qui remonte à 1976,- une production hardie de Peter Stein et Klaus Michael Grüber- avait avorté après “La Walkyrie”, pour cause économique (Problème des coûts de production soulevé par un audit-vengeance de Giscard suite à une grève survenue lors d’une soirée dédiée “aux français méritants”  ). Hugues Gall avait d’autres priorités, Gérard Mortier n’avait pas osé, ou pas envie.(1)
Nicolas Joel l’a enfin programmé, et c’est donc un projet qui se justifie, d’autant que tous les théâtres se mettent en ordre de marche pour 2013, année du bicentenaire de Richard Wagner. La Scala commence aussi cette année, le MET l’an prochain. Vienne, Londres, Florence et Valence ont déjà leur production en boite.
Quels sont les enjeux d’un “Ring”? Paradoxalement, pour une grande maison, ils sont évidemment musicaux, mais peut-être pas  prioritairement . En effet, la plupart des maisons d’opéra cherchent naturellement à proposer une interprétation de grande tenue avec des chanteurs de qualité et un chef de prestige (Pappano, Levine, Welser-Möst, Barenboim). La rareté des représentations, des reprises, font qu’un “Ring” est toujours un événement, c’est bien le cas cette année qui voit la ruée des spectateurs sur les représentations de l’Opéra Bastille. Pour une maison d’Opéra, l’enjeu du Ring, et notamment depuis celui de Chéreau à Bayreuth, réside sans doute plus dans la mise en scène, qui devient un emblème des choix artistiques, et qui va marquer les esprits, notamment par l’intérêt des médias. Le MET par exemple investit beaucoup dans le choix de Robert Lepage, La Scala aussi en misant sur Guy Cassiers, choix très novateur. En confiant la réalisation à Günter Krämer, Nicolas Joel fait le choix d’un grand professionnel pas vraiment inventif ni original, et celui d’une lecture conforme à la tradition allemande , suffisamment moderne pour être dans l’air du temps et suffisamment sage pour pouvoir durer sans trop choquer, le choix du répertoire plutôt que du coup médiatique, c’est le choix de la sécurité. En faisant de cet Or du Rhin, la première production dirigée ès qualités par le nouveau directeur musical Philippe Jordan, il en fait aussi un moment très symbolique de la vie de l’orchestre.

Malheureusement c’est raté. Le résultat tape en dessous de tout ce qu’on pouvait souhaiter. Si les trois autres journées valent le prologue, cela nous promet de longs moments d’ennui. Le spectacle ne tient que par la direction musicale, précise, fouillée, très analytique, trop même car elle manque quelquefois de tension. Peut-on en tenir rigueur au chef quand on voit ce qui se passe sur scène ?…Philippe Jordan a fait preuve de sa rigueur habituelle dans la lecture de la partition, et l’orchestre le suit, avec une concentration qu’on ne lui connaît pas toujours. Il lui manque un soupçon de fantaisie, un soupçon de dramatisme, mais l’ensemble est vraiment appréciable, sinon remarquable.

La distribution réunie par Nicolas Joel est globalement décevante. Certes, Falk Struckmann est un Wotan de haut niveau, doué d’une diction parfaite, d’une voix encore sonore, d’un timbre de qualité. Mais il ne campe pas un personnage intéressant, dominant comme il doit l’être dans le prologue. Sophie Koch est une Fricka de très grande qualité, sans être aussi intense que dans Brangäne par exemple, Kim Begley s’en tire avec tous les honneurs dans Loge, c’est sans doute le meilleur de la compagnie, avec Iain Paterson dans Fasolt et la Erda de Qiu Lin Zhang  dont l’intervention cependant est bien mal réglée par le metteur en scène. Mais aucun n’est vraiment exceptionnel.
En revanche Peter Sidhom est un Alberich  bien pâle (comme le Mime de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke), au moins dans la première partie, quasiment inexistant dans la première scène avec les filles du Rhin (un comble!), cela s’améliore cependant dans la scène de Nibelheim. Froh (Marcel Reijans) et Donner (Samuel Youn) sont traités par la mise en scène comme des comparses, et vocalement cela ne vaut guère beaucoup mieux. Freia est notoirement insuffisante (Ann Petersen), pas de volume, voix stridente et courte. Et les filles du Rhin restent assez moyennes, voire insuffisantes (Daniela Sindham en Wellgunde).
Quand on pense à la distribution rassemblée par Liebermann en 1976 (Sir Georg Solti, Adam, Ludwig, Dernesch, Mazura, tear, Finnilä), on reste sur sa faim.
Quand on pense aussi à la mise en scène de Peter Stein, qui avait si intelligemment utilisé l’espace de la scène de Garnier pour en faire un Univers, on se dit que le travail de Günter Krämer est un vrai recul, même par rapport à cette production de 34 ans plus ancienne. D’ailleurs, on aurait pu voir son spectacle il y a dix ans, vingt ans, trente ans tant il est déjà vieux, après quatre représentations. Tous les poncifs des 30 dernières années y sont servis, y compris les géants en ouvriers avec drapeaux rouges qui hurlent de la salle. Aucune direction d’acteurs (ils n’ont rien à faire pendant de longs moments sinon être là), des incohérences (entrée de Freia),  les scènes centrales (Les dieux, Nibelheim)  d’un ennui mortel: il ne s’y passe rien, les chanteurs sont livrés à eux mêmes ou platrés dans l’immobilité. Aucun travail sur les rapports des personnages entre eux, qui vivent une sorte d’existence cloisonnée, aucune lecture vraiment claire: l’allusion à Germania, le rêve architectural des nazis, est comme plaquée, et son absence n’enlèverait rien de fondamental à l’ensemble. Nibelheim est marquée au centre par une sorte de pendule (coupe-pizza géant a dit fort justement Renaud Machart dans “Le Monde”) qui taille l’or et les solutions des scènes de transformation (Dragon, Grenouille) a priori intéressantes, tournent court. Le Walhalla est une sorte l’Echelle de Jacob immense gravie comme les gradins de l’Olympia Stadion de Berlin par des athlètes en blanc “Riefenstahl”. Esthétiquement, cela ne vaut pas non plus tripette. Globe terrestre qui rappelle de très loin  la coupole actuelle du Reichstag pour le séjour des dieux, des solutions scéniques lourdes, qui nécessitent des machinistes a vue: on sait – c’est suffisamment souligné- que nous sommes au théâtre. Les mouvements des figurants, des machinistes, le miroir qui renvoie la salle ou les cintres, tout cela est archi déjà vu et ne donne pas grand sens à l’ensemble. Seuls le lever de rideau et la scène des filles du Rhin sont assez frappants et procèdent d’une bonne idée (des mains rouges qui remuent comme des animaux au fond des flots). . Ne parlons pas des costumes de Falk Bauer, hideux; quant aux décors de Jürgen Bachmann, ils sont sans intérêt. Bref, tout cela est une proposition faible qui ne fait qu’ accompagner ou illustrer (mal) l’histoire dont au fond, rien ne nous est dit. Il résulte qu’il est impossible d’y voir une ligne claire, un propos. Je préfère de loin Otto Schenk au MET, au moins, le parti pris “traditionnel” est assumé. On a ici une fausse modernité, qui n’apporte rien à la compréhension ni du texte ni de l’œuvre.

Allez, chers amis, replongez- vous dans vos DVD et revoyez Chéreau, ou même Schenk, cela vous évitera de perdre du temps en baillant à ces représentations qui laissent mal augurer de la suite. Dommage, vraiment dommage, quand on pense à l’investissement que représente un Ring: c’est une occasion ratée, et c’est vraiment regrettable pour Philippe Jordan qui défend vaillamment la musique de Wagner.

(1) Pendant l’interrègne de Bernard Lefort en 1971-1972, avant l’arrivée de Liebermann, avait été présentée une production de “Die Walküre”.

OPÉRA NATIONAL DE PARIS 2009-2010: DON CARLO de Giuseppe Verdi, à l’Opéra Bastille (14 mars 2010)

140320101635.1268605989.jpgDon Carlo, 14 mars 2010, saluts

Don Carlo est un opéra emblématique, lié à l’histoire de l’Opéra de Paris. A ce titre, à Paris, on devrait systématiquement le représenter dans sa version en cinq actes (au moins celle de Modène) et presque systématiquement en français, ou au moins proposer les deux versions en alternance. Je trouve regrettable que l’identité de cette maison ne soit pas tant soit peu soulignée alors que Vienne, Barcelone, et même Bâle ont récemment proposé la version française. Même remarque d’ailleurs pour les Vêpres Siciliennes, qu’on verra l’an prochain…mais à Amsterdam…dans leur version française. Il y a des chanteurs aujourd’hui (Giacomo Prestia qui chantait ce jour, en est un) qui connaissent la version française, à mon avis supérieure à la version italienne, notamment celle de la Scala de 1884 .
De plus, le livret en français de Don Carlo est un texte de qualité (à la différence de celui des Vêpres siciliennes) qui mérite d’être écouté.

Depuis Bogianckino et sa double production en français/en italien mise en scène (mal) par Marco Arturo Marelli (en 1986) et (bien) dirigée par Georges Prêtre, on n’a pas vu de Don Carlo(s) marquant à l’Opéra. C’est le Châtelet de Lissner qui proposa une production restée fameuse de la version française, de Luc Bondy, avec José Van Dam, Roberto Alagna, Thomas Hampson, Waltraud Meier, Karita Mattila, dirigée par l’alors jeune Antonio Pappano. Qu’attend donc Nicolas Joel?

Deuxième remarque, cette production remonte à 1998:  le choix de Nicolas Joel a été de proposer une reprise d’une ancienne production avec une bonne distribution, c’est à dire un choix de répertoire: il est clair qu’il faut puiser dans le répertoire, auquel Hugues Gall avait beaucoup travaillé dans les années 90. D’où cette production assez passe partout, qui est faite pour durer (on en est à la 44ème représentation!), et donc qui ne choque personne. Gérard Mortier avait lui aussi proposé à Paris la reprise d’une production, celle de Salzbourg ( de Herbert Wernicke) qui n’était pas une des plus grandes réussites du metteur en scène aujourd’hui disparu. Il eût d’ailleurs été élégant de le signaler dans le programme de salle, puisqu’en sa page 14 “l’oeuvre à l’opéra de Paris”, cette reprise a été oubliée…
La mise en scène de Graham Vick est traditionnelle pour un Don Carlo, on y voit du gris, du noir, des croix (motif récurrent..qui s’en étonne) dans un vaste espace écrasant et dénudé, géométrique, avec quelques projections et des éclairages qui découpent l’espace. Les personnages paraissent écrasés, minuscules, devant une transcendance qui leur échappe. Rien que de très ordinaire. Mais pourquoi diable faire chanter le “frate” en fond de scène: on n’entend rien de son intervention du début du premier acte.

Les scènes de foule sont assez mal réglées, aussi bien l’autodafé que la scène consécutive à la mort de Posa, elles sont peu claires, quelquefois un peu ridicules: le travail de reprise est là un peu léger, ou bien l’original n’était déjà sans doute pas bien en place.

Musicalement on regrette d’abord l’absence du fameux “lacrimosa” consécutif à la mort de Posa (ainsi appelé parce que Verdi le reprendra dans le “Lacrimosa” de son Requiem) “qui me rendra ce mort?”,l’une des musiques les plus sublimes de la partition abandonnée par Verdi après la générale de 1867 et mise au jour par Abbado en 1977 à la Scala à l’ouverture de la saison 1977-78, dite saison du “bicentenaire”.
Abbado avait alors fait le choix de proposer la version originale de l’opéra avec des musiques jamais jouées jusqu’alors, mais en langue italienne. Sans jouer la version originale, Gatti à la Scala, Maazel à Salzbourg, avaient inséré ce “lacrimosa”, arguant de l’importance et de la beauté du morceau et aussi d’une plus grande clarté du propos . Revoir la version traditionnelle sans lacrimosa révèle une réelle faiblesse de la structure théâtrale à ce moment-là et une singulière confusion pour le public qui se rajoute à la mauvaise mise en place scénique.

Musicalement aussi,on regrette la direction sans imagination de Carlo Rizzi, chef pourtant assez réputé. Aucune sensibilité ni aucun raffinement. Les moments les plus émouvants restent plats, des moments clefs comme le trio du deuxième acte dans les jardins de la Reine, ou le duo du cinquième acte ne sont pas vraiment mis en valeur par la direction musicale, qui accompagne les chanteurs sans vraiment donner une couleur singulière à l’oeuvre. C’est très en place, mais cela reste plat.

La réussite, c’est une distribution de haut, voire très haut niveau. On salue le Don Carlo de Stefano Secco, ténor dont nous avons déjà dit du bien, et qui confirme ses qualités techniques, même si la voix n’a pas tout à fait le format du rôle: c’est souvent tendu, mais ce n’est jamais faux, c’est surtout toujours propre. Il reste que ce n’est pas tout à fait le Don Carlo dont on rêve. Ludovic Tézier en revanche, malgré une annonce de fatigue passagère, offre de Posa une interprétation remarquable. On peut lui préférer (c’est mon cas) Simon Keenlyside, plus habité, plus bouleversant, plus impliqué. Mais il reste que vocalement, stylistiquement et techniquement, ce Posa là est irréprochable. Une très grande prestation. Giacomo Prestia dans Philippe II se montre lui aussi excellent. Le timbre n’a pas la séduction d’un Ghiaurov sans doute, mais la voix a une grande étendue, la technique est sans reproche, le volume remplit la salle de Bastille: sans doute le meilleur Philippe II d’aujourd’hui. L’autre basse en en revanche, le vétéran Victor von Halem, déçoit dans le Grand Inquisiteur: voix chuintante et fatiguée, émission ouatée, manque d’homogénéité, fortissimi proches du cri.
Les dames sont aussi de très haut niveau: on connaît la Eboli  désormais “classique” de Luciana d’Intino, même si quelques sons sont ratés (trio du deuxième acte), la prestation vocale est celle d’une très grande Dame du chant, technique, volume, intensité aussi bien dans la chanson du voile que dans le “Don fatale” . Et enfin, Sondra Radvanovski, soprano américain que l’on voit beaucoup distribuée ces derniers temps, campe une Elisabeth à mon avis exceptionnelle. Un volume qui remplit la salle immense avec une facilité déconcertante, une technique à toute épreuve, qui sait jouer des difficultés du rôle, avec pianissimi, notes filées, modulations, une homogénéité et une rondeur vocale qui impressionnent: enfin, devant nous un vrai lirico spinto pour Verdi,  ce qu’on n’avait pas vu dans ce rôle depuis Mattila avec Pappano au Châtelet dans les années 90. Jolie prestation pour la “voce del cielo” confiée à Olivia Doray.
Avec Anja Harteros et Sondra Radvanovski  peut-être nos soirées verdiennes vont-elles gagner en intérêt. En tous cas ne les manquez pas si vous les voyez dans une distribution.

Ainsi, cette reprise alimentaire a a-t-elle au moins tenu ses promesses vocales, à défaut d’avoir pleinement séduit musicalement à cause d’un chef un peu routinier, et d’une production vieillie et sans intérêt (Graham Vick est pour moi une de ces fausses valeurs modernes qui ne dérangent pas grand monde: son Macbeth à la Scala, géométrique -un cube- et coloré -jaune- est à oublier!). Mais un Don Carlo n’est jamais à négliger, et celui-ci était globalement meilleur que celui de Braunschweig à la Scala, à la distribution terne avec un chef -Daniele Gatti- à mon avis injustement discuté  .

Opéra plein à craquer, énorme succès: voilà pour Nicolas Joel une opération réussie.

METROPOLITAN OPERA (MET) 2009-2010: Il BARBIERE DI SIVIGLIA avec Diana Damrau (26 février 2010)

Une soirée ordinaire de répertoire, mais d’un niveau relevé, puisque l’on trouve dans la distribution Madame Diana Damrau, Samuel Ramey, Lawrence Brownlee, le tout dirigé par le très professionnel Maurizio Benini, dans une mise en scène de la coqueluche des scènes américaines d’opéra et de musical, Barlett Sher. Le MET affiche quand même en cette fin d’hiver trois représentantes du Panthéon des sopranos en même temps: Netrebko, Urmana (encore que sa présence au Panthéon me paraisse un peu usurpée…), Damrau.
La mise en scène de Barlett Sher est assez économe de moyens: un plateau composé d’éléments mobiles: des portes fermées, un balcon, le tout se déplaçant pour aménager des espaces. Figaro arrive dans une roulotte tirée par des dames, à l’arrière un âne. Le travail de Barlett Sher renvoie à la culture de tréteaux, avec des gags, des personnages de composition très marqués, comme le concierge (Rob Besserer), qui remporte dans ce rôle un éclatant succès.En bref, un travail professionnel, qui plaît au public, mais qui ne fait pas avancer le regard sur l’oeuvre. Une fois de plus Ponnelle (il y a 40 ans!) n’a pas été dépassé, ni détrôné.

Musicalement, Maurizio Benini est un chef de qualité, un de ces très bons chefs de répertoire qui garantissent une soirée musicalement sans reproches mais sans saillies non plus. Les chanteurs sont bien suivis,  la direction ne manque pas de rythme, même si on aimerait çà et là un peu plus de légèreté, et de dynamisme. Bon c’est vrai, n’est pas Abbado, irremplacé dans ce répertoire, qui veut.

Du point de vue du chant, la distribution réunie est l’une des meilleures possibles aujourd’hui. Franco Vassallo est le Figaro du moment, voix très sonore, bonne technique, mais un certain manque d’élégance, je n’ai pas retrouvé le style rossinien qu’on pouvait trouver chez un Prey bien sûr, mais aussi plus récemment chez des chanteurs comme Alessandro Corbelli, ou même Alberto Rinaldi. Il reste que c’est un Figaro solide qui connaît son métier et qu’on retrouvera à la Scala cet été. Le Bartolo de Maurizio Muraro est tout à fait excellent, personnalité scénique très présente, un vrai rossinien quant à lui. On retrouve avec plaisir Samuel Ramey dans Basilio, la voix a encore une étonnante présence, et le personnage est très bien dessiné. L’Almaviva de Laurence Brownlee est excellent, c’est un ténor fait pour Rossini, il en a la couleur, le style, et aussi la technique, acrobatique: certes nous ne sommes pas aux sommets dessiné pas Juan Diego Florez, mais Brownlee est vraiment un excellent ténor: tous les ténors rossiniens ne peuvent chanter ” Cessa di più resistere”, le redoutable air final (repris pour partie dans  Cenerentola, pour Angelina…). A revoir lui aussi à la Scala cet été.
Et Diana Damrau? Je ne suis pas un fan de la version pour soprano, que je trouve acrobatique, et qui donne à Rosine une légèreté coquine, presque enfantine. Je préfère la version pour mezzo où les Rosine paraissent aussi mutines, mais plus mûres. Rosine à mon avis n’est pas une Agnès (de l’Ecole des femmes). Pourtant force est de constater que la soprano allemande domine complètement le rôle, technique de bronze, présence scénique remarquable, style impeccable (encore qu’on aimerait plus de variations, mais ce soir là, une annonce avait averti que Diana Damrau avait un gros rhume).

Au total, une bonne soirée, un Barbier très honorable, et réussi. Une vraie soirée de répertoire de qualité. Que demande le peuple? Exactement ce que nous eûmes ce soir là.